XVIII- d'un discours qui ne serait pas
du semblant
version rue CB en
cours note
20 janvier 1971
Si je cherchais ces feuilles, ce n’est pas pour
m’assurer, mais me rassurer, de ce que j’ai énoncé
la dernière fois, dont je n’ai pas le texte à cette heure-ci,
je viens de m’en plaindre. Il me revient des propos, je n’ai aucune
peine à me donner pour ça, du type de celui-ci, il se trouve que
certains se sont demandé en quelques points de mon discours de la dernière
fois comme ils s’expriment, où je veux en venir. D’autres
propos me sont revenus d’ailleurs qu’on entend mal au fond de la
salle. Je vais m’efforcer — je ne le savais absolument pas la dernière
fois, je croyais qu’on avait une aussi bonne acoustique que dans l’amphithéâtre
précédent — si on veut bien me faire signe au moment où
malgré moi ma voix baissera, j’essaierai de faire de mon mieux.
Donc, on a pu en certains tournants, se demander la dernière fois où
je veux en venir. A la vérité, cette sorte de question me paraît
assez prématurée pour être significative, c’est-à-dire
que ce sont loin d’être des personnes négligeables, ce sont
des personnes fort averties dont ce propos m’a été rapporté,
quelquefois tranquillement par eux-mêmes. Il serait peut-être, étant
donné justement ce que j’ai avancé la dernière fois,
plus impliqué de se demander d’où je pars, ou même,
d’où je veux vous faire partir. Déjà ça, ça
a deux sens, ça veut peut-être dire: aller quelque part, puis ça
peut aussi vouloir dire:
décaniller, d’où vous êtes. Ce d’où je
veux en venir est en tout cas fort exemplaire de ce que j’avance concernant
le désir de l’autre: che vuoi? Qu’est-ce qu’y veut?
Evidemment quand on peut le dire tout de suite, on est beaucoup plus dans son
assiette. C’est une occasion de remarquer le facteur d’inertie que
constitue ce che vuoi au moins quand on peut y répondre. C’est
bien
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pour ça que, dans l’analyse, on s’efforce de laisser cette
question en suspens.
Néanmoins j’ai bien précisé la dernière fois
que je ne suis pas ici dans la position de l’analyste. De sorte qu’en
somme, à cette question je me crois obligé de répondre,
je dois dire ce disant, ce pourquoi j’ai parlé. J’ai parlé
du semblant et j’ai dit quelque chose qui ne court pas les rues; tout
d’abord, j’ai insisté, j’ai appuyé sur ceci
que le semblant qui se donne pour ce qu’il est, est la fonction primaire
de la vérité. Il y a un certain Je parle qui fait ça, et
le rappeler n’est pas superflu pour, à cette vérité,
qui fait tellement de difficultés logiques, donner sa juste situation.
C’est d’autant plus important à rappeler que, s’il
y a dans Freud, pour désigner comme ça un certain ton, s’il
y a dans Freud quelque chose qui soit révolutionnaire, j’ai déjà
mis en garde contre l’usage abusif de ce mot, mais il est certain que,
s’il y a eu un moment où Freud était révolutionnaire,
c’est dans la mesure où il mettait au premier plan une fonction
qui est aussi celle, c’est le seul élément qu’il ait
de commun d’ailleurs, qui est aussi cet élément qu’a
apporté Marx, c’est à savoir de considérer un certain
nombre de faits comme des symptômes. La dimension du symptôme, c’est
que ça parle, ça parle même à ceux qui ne savent
pas entendre; ça ne dit pas tout, même à ceux qui le savent.
Cette promotion du symptôme, c’est là le tournant que nous
vivons dans un certain registre qui, disons, s’est poursuivi, ronronnant
pendant des siècles, autour du thème de la connaissance. Faut
tout de même pas dire que, du point de vue de la connaissance, nous soyons
complètement dépourvus, et on sent bien ce qu’il y a de
désuet dans la théorie de la connaissance quand il s’agit
d’expliquer l’ordre de procès que constituent les formulations
de la science. La science physique donne des modèles, actuellement. Que
nous soyons, parallèlement à cette évolution de la science,
dans une position qu’on peut qualifier d’être sur la voie
de quelque vérité, voilà ce qui montre une certaine hétérogénéité
de statut entre deux. registres, à ceci près que, dans mon enseignement
et seulement là, on s’efforce d’en montrer la cohérence,
qui ne va pas de soi, ou qui ne va de soi que pour ceux qui, dans cette pratique
de l’analyse, en rajoutent quant au semblant. C’est ce que j’essaierai
d’articuler aujourd’hui.
J’ai dit une deuxième chose, le semblant n’est pas seulement
repérable, essentiel, pour désigner la fonction primaire de la
vérité, il est impossible sans cette référence de
qualifier ce qu’il en est du discours. Ce qui définit le discours,
ce tout au moins par quoi l’année dernière j’ai essayé
de donner un poids à ce terme, en en définissant quatre que je
n’ai pu la dernière fois que rappeler, en rappeler je crois, mais
hâtivement, les titres, à quoi certains bien sûr ont trouvé
que là on
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perdait pied. Que faire? je ne vais pas refaire, même à titre rapide,
l’énoncé de ce dont il s’agit, quoique bien sûr
j’aurai à y revenir et à montrer ce qui y est, j’ai
indiqué qu’on s’y reporte dans les réponses dites
Radiophonie du dernier Scilicet, ce qu’il en est, en quoi consiste cette
fonction du discours telle que je l’ai énoncée l’année
dernière. Il se supporte de quatre places privilégiées
parmi lesquelles une d’entre elles précisément restait innommée,
et justement celle qui, de chacun de ces discours donne le titre, par la fonction
de son occupant. C’est quand le signifiant maître est à une
certaine place que je parle du discours du maître; quand un certain savoir
l’occupe aussi, je parle de l’université; quand le sujet
dans sa division, fondatrice de l’inconscient, y est en place, que je
parle du discours de l’hystérique, et enfin quand le plus-de-jouir
l’occupe, que je parle du discours de l’analyste. Cette place, en
quelque sorte sensible, celle d’en haut et à gauche, pour ceux
qui ont été là et qui s’en souviennent encore, cette
place qui .est ici occupée dans le discours du maître parie Signifiant
en tant que maître, S1, cette place non désignée encore,
je la désigne de son nom, du nom qu’elle mérite, c’est
très précisément la place du semblant. C’est dire,
après ce que j’ai énoncé la dernière fois,
à quel point le signifiant, si je puis dire, y est à sa place.
D’où le succès du discours du maître, ce succès
tout de même, qui mérite bien qu’on y fasse attention un
instant, car enfin, qui peut croire qu’aucun maître ait jamais régné
par la force? Surtout au départ, parce qu’enfin, comme nous le
rappelle Hegel dans cet admirable escamotage, un homme en vaut un autre., Et
si le discours du maître fait [le lit], la structure, le point fort autour
de quoi s’ordonnent plusieurs civilisations, c’est que le ressort
est tout de même bien d’un autre ordre que la violence.
Ce n’est pas dire que nous soyons sûrs d’aucune façon
que, dans ces faits dont il faut dire que nous ne pouvons les articuler qu’avec
la plus extrême précaution, que dès que nous les épinglons
d’un terme quelconque, primitif, prélogique, archaïque, et
quoi que ce soit de quelque ordre que ce soit, archaïque, archè,
ça serait le commencement, pourquoi? Et pourquoi ça serait pas
aussi un déchet, ces sociétés primitives ? Mais rien ne
le tranche. Ce qui est certain, c’est qu’elles nous montrent qu‘il
n’est pas obligé que les choses s’établissent en fonction
du discours du maître; premièrement, la configuration mytho-rituelle,
qui est la meilleure façon de les épingler, n’implique pas
forcément l’articulation du discours du maître. Néanmoins,
il faut le dire, c’est une certaine forme d’alibi que de nous intéresser
tellement à ce qui n’est pas le discours du maître, dans
la plupart des cas une façon de noyer le poisson; pendant qu’on
s’occupe de ça, on ne s’occupe pas d’autre chose. Et
pourtant, le discours du maître est d’une
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articulation essentielle, et la façon dont je l’ai dite devrait
être quelque chose à quoi certains, je ne dis pas vous tous, certains
devraient s’employer à rompre leur esprit. Parce que ce dont il
s’agit, et cela aussi je l’ai bien accentué la dernière
fois, ce dont il s’agit, tout ce qui peut arriver de nouveau et qu’on
appelle, je le dis depuis toujours, en insistant sur le tempérament qu’il
convient d’y mettre, de ce qu’on appelle révolutionnaire,
ne peut consister qu’en un changement, qu’en un déplacement
du discours, à savoir sur chacune de ces places, je voudrais en quelque
sorte, pour faire image, – mais à quelle sorte de crétinisation
l’image peut-elle conduire! –, représenter par si on peut
dire quatre godets, qui auraient chacun leur nom, la façon dont dans
ces godets glissent un certain nombre de termes, nommément ce que j’ai
distingué de S1, S2, en tant .qu’au point où nous en sommes
S2 constitue un certain corps de savoir, le petit a, en tant qu’il est
directement conséquence du discours du maître, le $ qui dans le
discours du maître, occupe cette place qui est une place dont nous allons
parler aujourd’hui, que j’ai déjà nommée, elle,
qui est la place de la vérité.
La vérité n’est pas le contraire du semblant, la vérité
si je puis dire est cette dimension, ou cette demansion, d.e.m.a.n.s.i.o.n,
si vous me permettez de faire un nouveau mot, pour désigner ces godets,
cette demansion qui est strictement corrélative de celle du semblant.
Cette demansion, je vous l’ai dit qui, cette dernière, celle du
semblant, la supporte. Alors, quelque chose s’indique tout de même
d’où veut en venir ce semblant. Il est clair que la question est
peut-être un peu à côté, qui est celle, alors là,
qui m’est revenue par des voies tout à fait indirectes, deux jeunes
têtes que je salue si elles sont encore là aujourd’hui, qu’elles
soient pas offensées qu’on les ait entendues au passage, qui se
demandaient, en hochant gravement de leur bonnet, paraît-il: « Est-ce
que c’est un idéaliste pernicieux ? » Est-ce que je suis
un idéaliste pernicieux ? Ça me paraît être tout à
fait à côté de la question! Parce que j’ai commencé
— et avec quel accent, je dirai que, je disais le contraire de ce que
j’avais à dire exactement — par mettre l’accent sur
ceci que le discours, c’est l’artefact. Ce que j’amorce avec
ça, c’est exactement le contraire, parce que le semblant, c’est,
c’est le contraire de l’artefact. Comme je l’ai fait remarquer,
dans la nature le semblant, ça foisonne. La question, dès qu’il
ne s’agit plus de la connaissance, dès qu’on ne croit pas
que c’est par la voie de la perception, dont nous extrairions je ne sais
quelle quintessence, que nous connaissons quelque chose, mais au moyen d’un
appareil qui est le discours, il n’est plus question de l’idée.
La première fois d’ailleurs que l’idée a fait son
apparition, elle était un peu mieux située qu’après
les exploits de l’évêque Berkeley. C’est de Platon
qu’il
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s’agissait, et qui se demandait où était le réel
de ce qui était nommé un cheval. Son idée de l’idée,
c’était l’importance de cette dénomination. Dans cette
chose multiple et transitoire, d’ailleurs parfaitement obscure à
son époque plus qu’à la nôtre, est-ce que toute la
réalité d’un cheval n’est pas dans cette idée
en tant que ça veut dire le signifiant, un cheval. Faut pas croire que,
parce qu’Aristote met l’accent de la réalité sur l’individu,
il est beaucoup plus avancé. L’individu, ça veut exactement
dire ce qu’on ne peut pas dire. Et jusqu’à un certain point,
si Aristote n’était pas le merveilleux logicien qu’il est,
qui a fait là le pas unique, le pas décisif, grâce à
quoi nous avons un repère concernant ce que c’est qu’une
suite articulée de signifiants, on pourrait dire que, dans sa façon
de pointer ce qu’est l’ousia, autrement dit le réel, il se
comporte comme un mystique, le propre de l’ousia, c’est lui-même
qui le dit, c’est qu’elle ne peut d’aucune façon être
attribuée, elle n’est pas dicible. Ce qui n’est pas dicible,
c’est précisément ce qui est mystique. Seulement il semble,
il n’abonde pas de ce côté-là, mais il laisse la place
au mystique. C’est évident que la solution de la question de l’idée
ne pouvait pas venir à Platon. C’est du côté de la
fonction et de la variable que tout ça trouve sa solution.
S’il est clair que, s’il y a quelque chose que je suis, c’est
que je ne suis pas nominaliste, je veux dire que je ne pars pas de ceci que
le nom, c’est quelque chose qui se plaque comme ça, sur du réel.
Et il faut choisir; si on est nominaliste, il faut complètement renoncer
au matérialisme dialectique, de sorte qu’en somme la tradition
nominaliste, qui est à proprement parler le seul danger d’idéalisme
qui peut se produire ici dans un discours tel que le mien, est très évidemment
écartée. Il ne s’agit pas d’être réaliste
au sens où on l’était au Moyen-âge, le réalisme
des universaux, mais il s’agit de désigner, de pointer ceci que
notre discours, notre discours scientifique, ne trouve le réel qu’à
ce qu’il dépend de la fonction du semblant.
Les effets de l’articulation, j’entends algébrique, du semblant
et comme tel il ne s’agit que de lettres, voilà le seul appareil
au moyen de quoi nous désignons ce qui est réel; ce qui est réel,
c’est ce qui fait trou dans ce semblant. Dans ce semblant articulé
qu’est le discours scientifique, le discours scientifique progresse sans
plus même se préoccuper s’il est ou non semblant. Il s’agit
seulement que son réseau, que son filet, que son lattice, comme on dit,
fasse apparaître les bons trous à la bonne place. Il n’a
de référence que l’impossible auquel aboutissent ses déductions;
cet impossible, c’est le réel. L’appareil du discours en
tant que c’est lui, dans sa rigueur, qui rencontre les limites de sa consistance,
voilà avec quoi nous visons, dans la physique, quelque chose qui est
le réel.
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Ce qui nous importe dans ce qui nous concerne, à savoir le champ de la
vérité – et pourquoi est-ce le champ de la vérité,
seulement ainsi qualifiable, qui nous concerne, je vais essayer de l’articuler
aujourd’hui — pour ce qui nous concerne, nous avons affaire à
quelque chose qui se rend compte qu’il diffère de cette position
dans la physique, du réel, ce quelque chose qui résiste, qui n’est
pas perméable à tout sens, qui est conséquence de notre
discours, cela s’appelle le fantasme. Et ce qui est à éprouver,
ce sont ses limites, c’est sa structure, la fonction, le rapport dans
un discours d’un des termes, du petit a, le plus-de-jouir, à l’s
du sujet, soit précisément le point qui, dans le discours du maître,
est rompu. Voilà ce que nous avons à éprouver dans sa fonction,
quand dans la position tout opposée, celle où le petit a occupe
cette place c’est le sujet qui est en face, cette place où il est
interrogé, c’est là que le fantasme doit prendre son statut,
son statut qui est défini par la part même d’impossibilité
qu’il y a dans l’interrogation analytique.
Pour éclairer ce qu’il en est d’où je veux en venir,
j’irai à ce que je veux aujourd’hui marquer, de ce qu’il
en est de la théorie analytique. A ce titre, je ne reviens pas, je saute
par-dessus une fonction qui s’exprime d’une certaine façon
de parler que j’ai ici m’adressant à vous. Je ne puis faire
néanmoins que d’attirer votre attention sur ceci que, si la dernière
fois, je vous ai interpellés du terme qui a pu paraître impertinent,
à combien juste titre, à beaucoup, de plus de jouir pressé,
devrais-je parler alors de quelque espèce de [...], de [...] pressé?
Ça a pourtant un sens, un sens qui est celui de ce que préserve
mon discours, qui en aucun cas n’a le caractère de ‘ce que
Freud a désigné comme le discours du leader. C’est bien
au niveau du’~discours, dans les débuts des années 20, que
Freud a articulé dans Maßenpsychologie und Ichanalyse quelque chose
qui singulièrement s’est trouvé être au principe du
phénomène nazi. Reportez-vous au schéma qu’il donne
dans cet article, à la fin du chapitre Identification; vous y verrez
presque là en clair indiquées les relations du grand I et du petit
a. Vraiment, le schéma semble fait pour qu’y soient portés
les signes lacaniens.
Ce qui, dans un discours, s’adresse à l’Autre comme un Tu,
fait surgir l’identification à quelque chose qu’on peut appeler
l’idole humaine. Si j’ai parlé la dernière fois du
sang rouge comme étant le sang le plus vain à propulser contre
le semblant, c’est bien parce que vous l’avez vu, on ne saurait
s’avancer pour renverser l’idole, sans tout aussitôt après,
prendre sa place, comme on sait que c’est ce qui s’est passé
pour un certain type de martyrs! C’est bien dans la mesure où quelque
chose dans tout discours qui fait appel au Tu provoque à une identification
camouflée, secrète, qui n’est que celle à cet objet
énigmatique qui peut
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être rien du tout, le tout petit plus de jouir d’Hitler, qui n’allait
peut-être pas plus loin que sa moustache, voilà ce qui a suffi
à cristalliser des gens qui... qui n’avaient rien de mystique!
qui étaient tout ce qu’il y a de plus engagés dans le procès
du discours du capitaliste, avec ce que ça comporte de mise en question
du plus de jouir sous sa forme de plus-value. Il s’agissait de savoir
si, à un certain niveau, on en aurait encore son petit bout, et c’est
bien ça qui a suffi à provoquer cet effet d’identification.
Il est amusant simplement que ça ait pris la forme d’une idéalisation
de la race, à savoir de la chose qui, dans l’occasion, était
la moins intéressée. Mais on peut trouver d’où procède
ce caractère de fiction, on peut le trouver. Ce qu’il faut dire
simplement, c’est qu’il n’y a aucun besoin de cette idéologie
pour qu’un racisme se constitue, qu’il y suffit d’un plus
de jouir qui se reconnaisse comme tel et que quiconque s’intéresse
un peu à ce qui peut advenir fera bien de se dire que toutes les formes
de racisme, en tant qu’un plus de jouir suffit très bien à
le supporter, voilà ce qui maintenant est à l’ordre du jour,
voilà ce qui pour les années à venir nous pend au nez.
Vous allez mieux saisir pourquoi, quand je vous dirai ce que la théorie,
l’exercice authentique de la théorie analytique, nous permet de
formuler quant à ce qu’il en est du plus de jouir. On s’imagine,
on s’imagine qu’on dit quelque chose quand on dit que ce que Freud
a apporté, c’est la sous-jacence de la sexualité dans tout
ce qu’il en est du discours. On dit ça quand on a été
un tout petit peu touché par ce que j’énonce de l’importance
du discours pour définir l’inconscient, et puis qu’on ne
prend pas garde que je n’ai pas encore, moi, abordé ce qu’il
en es~ de ce terme sexualité, rapport sexuel. Il est étrange certes
– il n’est pas étrange que d’un seul point de vue,
le point de vue de la charlatanerie qui préside à toute action
thérapeutique dans notre société — il est étrange
qu’on ne se soit pas aperçu du monde qu’il y a entre ce terme,
sexualité, partout où il commence, où il commence seulement,
à prendre une substance biologique, et je vous ferai remarquer que, s’il
y a quelque part qu’on peut commencer de s’apercevoir du sens que
ça a, c’est plutôt du côté des bactéries,
du monde qu’il y a entre cela et ce dont il s’agit concernant ce
que Freud énonce des relations que l’inconscient révèle.
Quels que soient les trébuchements auxquels lui-même a pu succomber
dans cet ordre, ce que Freud révèle du fonctionnement de l’inconscient
n’a rien de biologique. Ça n’a le droit de s’appeler
sexualité que par ce qu’on appelle rapport sexuel; c’est
complètement légitime, d’ailleurs, jusqu’au moment
où on se sert de sexualité pour désigner autre chose, à
savoir ce qu’on étudie en biologie, à savoir le chromosome
et sa combinaison XY ou XX, où XX, XY, ça n’a absolument
rien à faire avec ce dont il s’agit qui a un nom
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parfaitement énonçable, et qui s’appelle les rapports de
l’homme et de la femme. Il convient de partir de ces deux termes avec
leur sens plein, avec ce que ça comporte de relation. Parce qu’il
est très étrange quand on voit les petits essais timides que les
gens font pour penser à l’intérieur des cadres d’un
certain appareil qui est celui de l’institution psychanalytique, ils s’aperçoivent
que tout n’est pas réglé par les ébats qu’on
nous donne comme conflictuels, et ils voudraient bien autre chose, du non-conflictuel,
ça repose. Et alors là, ils s’aperçoivent par exemple
de ceci, c’est que, on n’attend pas du tout la phase phallique pour
distinguer une petite fille d’un petit garçon, ils sont pas du
tout pareils. Ils s’émerveillent! Et alors — je vous le signale
parce que d’ici que je vous retrouve, ça sera seulement au mois
de février le deuxième mercredi de février vous aurez peut-être
le temps de lire quelque chose, pour une fois que je conseille un livre, ça
fera monter le tirage, qui s’appelle Sex und Gender, and Gender, c’est
en anglais, pardon! C’est d’un nommé Stoller, c’est
très intéressant à lire, d’abord parce que ça
donne sur un sujet important, celui des transsexualistes, un certain nombre
de cas très bien observés avec leurs corrélats familiaux.
Vous savez peut-être que le transsexualisme, ça consiste très
précisément en un désir très énergique de
passer par tous les moyens à l’autre sexe, fût-ce à
se faire opérer, quand on est du côté mâle. Voilà!
ce transsexualisme, avec les coordonnées, les observations qui sont là,
vous y apprendrez certainement beaucoup de choses, car ce sont des observations
tout à fait utilisables. Vous y apprendrez également ceci, le
complet... le caractère complètement inopérant de l’appareil
dialectique avec lequel l’auteur de ce livre traite ces questions, et
qui fait que surgissent tout à fait directement les plus grandes difficultés
qu’il rencontre pour expliquer ses cas. Une des choses les plus surprenantes,
c’est que la face psychotique de ces cas est complètement éludée
par lui, faute bien entendu de tout repère, la forclusion lacanienne
ne lui étant jamais parvenue aux oreilles, ce qui explique tout de suite
et très aisément la forme de ces cas. Mais qu’importe! L’important
est ceci, c’est que pour parler d’identité de genre, ce qui
n’est rien d’autre que ce que je viens d’exprimer comme ce
terme, l’homme et la femme, il est clair que la question n’est posée
de ce qui en surgit précocement qu’à partir de ceci qu’à
l’âge adulte, il est du destin des êtres parlants de se répartir
entre hommes et femmes et que pour comprendre l’accent qui est mis sur
ces choses, sur cette instance, il faut se rendre compte que ce qui définit
l’homme, c’est son rapport à la femme, et inversement. Que
rien ne nous permet dans ces définitions de l’homme et de la femme,
de les abstraire de l’expérience parlante complète, jusques
et y compris dans les institutions où elles s’expriment, à
savoir le mariage.
— 29 —
Si on ne comprend pas qu’il s’agit, à l’âge adulte,
de faire-homme, que c’est cela qui constitue la relation à l’autre
partie, que c’est à la lumière, au départ, en partant
de ceci qui constitue une relation fondamentale, qu’est interrogé
tout ce qui dans le comportement de l’enfant peut être interprété
comme s’orientant vers ce faire-homme par exemple, et que de ce faire-homme,
l’un des corrélats essentiels, c’est de faire signe à
la fille qu’on l’est, que nous nous trouvons pour tout dire placés
d’emblée dans la dimension du semblant, mais aussi bien, tout en
témoigne, y compris les références qui sont communes, qui
traînent partout, à la parade sexuelle chez les mammifères
supérieurs principalement, mais aussi bien chez les... dans un très
très grand nombre de vues que nous pouvons avoir très très
loin dans le phylum animal, qui montre le caractère essentiel, dans le
rapport sexuel, de quelque chose qu’il convient parfaitement de limiter
au niveau où nous le touchons, qui n’a rien à faire ni avec
un niveau cellulaire, qu’il soit chromosomique ou pas, ni avec un niveau
organique, qu’il s’agisse ou non de l’ambiguïté
de tel ou tel tractus concernant la gonade, c’est à savoir un niveau
éthologique qui est celui-ci, celui proprement d’un semblant. C’est
en tant que le mâle, le mâle le plus souvent, la femelle n’en
est pas absente puisqu’elle est précisément le sujet qui
est atteint par cette parade, c’est en tant qu’il y a parade que
quelque chose qui s’appelle copulation sexuelle, sans doute, dans sa fonction,
mais qui trouve son statut d’éléments d’identité
particuliers, il est certain que le comportement sexuel humain trouve référence
aisément dans cette parade telle qu’elle est définie au
niveau animal. Il est certain que le comportement sexuel humain consiste dans
un certain maintien de ce semblant animal, la seule chose qui l’en différencie,
c’est que ce semblant soit véhiculé dans un discours, et
que c’est à ce niveau de discours, à ce niveau de discours
seulement, qu’il est porté vers, permettez-moi, quelque effet qui
ne serait pas du semblant. Ça veut dire que, au lieu d’avoir l’exquise
courtoisie animale, il arrive, il arrive aux hommes de violer une femme, ou
inversement. Aux limites du discours, en tant qu’il s’efforce de
faire tenir le même semblant, il y a de temps en temps du réel
– c’est ce qu’on appelle le passage à l’acte,
je ne vois pas de meilleur endroit pour désigner ce que ça veut
dire. Observez que dans la plupart des cas, le passage à l’acte
est soigneusement évité. Ça n’arrive que par accident;
et c’est bien là aussi une occasion d’éclairer ce
qu’il en est de ce que je différencie depuis longtemps du passage
à l’acte, à savoir l’acting out, faire passer le semblant
sur la scène, le monter à la hauteur de la scène, en faire
exemple, voilà ce qui dans cet ordre s’appelle l’acting out.
On appelle ça encore la passion. Mais, je suis forcé d’aller
vite, vous remarquerez que c’est à ce propos, et là tel
que je viens d’éclairer les
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choses, qu’on peut bien pointer, bien désigner ceci, c’est
ce que j’ai dit tout le temps, c’est que si le discours est là
en tant qu’il permet l’enjeu de ce qu’il en est du plus de
jouir, à savoir, j’y mets tout le paquet, c’est très
précisément ce qui est interdit au discours sexuel.
Il n’y a pas d’acte [? ou: rapport?] sexuel, je l’ai déjà
exprimé plusieurs fois, je l’aborde ici sous un autre angle. Et
ceci est rendu tout à fait sensible par l’économie, mais
massive, de la théorie analytique, à savoir de ce que Freud a
rencontré et lui d’abord si innocemment, si je puis dire, que c’est
en cela qu’il est symptôme, c’est-à-dire qu’il
fait avancer les choses au point où elles nous concernent, sur le plan
de la vérité. Le mythe de l’Œdipe, qui ne voit qu’il
est nécessaire à désigner le réel, car c’est
bien ce qu’il a la prétention de faire, ou plus exactement ce à
quoi le théoricien est réduit, quand il formule cet hypermythe,
c’est que le réel à proprement parler s’incarne..,
de quoi? de la jouissance sexuelle, comme quoi? comme impossible, puisque ce
que l’Œdipe désigne, c’est l’être mythique
dont la jouissance — sa jouissance — serait celle — de quoi?
de toutes les femmes. Qu’une... qu’un appareil semblable soit ici
en quelque sorte imposé par le discours même, est-ce que ce n’est
pas là le recoupement le plus sûr de ce que j’énonce
de théorie, concernant la prévalence du discours, concernant tout
ce qu’il en est précisément de la jouissance? Ce que la
théorie analytique articule est quelque chose dont le caractère
saisissable comme objet est ce que je désigne de l’objet petit
a, en tant que par un certain nombre de contingences organiques favorables,
il vient remplir sein, excrément, regard ou voix, la place définie
comme celle du plus de jouir.
Qu’est-ce que la théorie énonce sinon ceci: quelque chose
qui tend, ce rapport du plus de jouir, rapport au nom de quoi la fonction de
la mère vient à un point tellement prévalent dans toute
notre observation analytique, le plus de jouir ne se normalise que d’un
rapport qu’on établit à la jouissance sexuelle, à
ceci près que cette jouissance, cette jouissance sexuelle ne se formule,
ne s’articule du phallus en tant qu’il est son signifiant, le phallus;
quelqu’un a écrit un jour ceci, que ce serait le signifiant qui
désignerait le manque de signifiant, c’est absurde, je n’ai
jamais articulé une chose pareille. Le phallus est très proprement
la jouissance sexuelle en tant qu’elle est coordonnée, qu’elle
est solidaire d’un semblant.
C’est bien ce qui se passe et c’est là ce dont-il est assez
étrange de voir tous les analystes s’efforcer de détourner
leur regard; loin d’avoir toujours plus insisté sur ce tournant,
cette crise de la phase phallique, tout leur est bon pour l’éluder,
la crise, la vérité à laquelle il n’est pas un de
ces jeunes êtres parlants qui n’ait à
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faire face, c’est qu’il y en a qui n’en ont pas de phallus.
Double intrusion au manque, parce que, il y en a qui n’en ont pas et puis,
cette vérité manquait jusqu’à présent. L’identification
sexuelle ne consiste pas à se croire homme ou femme, mais à tenir
compte de ce qu’il y ait des femmes, pour le garçon, de ce qu’il
y ait des hommes, pour la fille. Et ce qui est important, ça n’est
même pas tellement ce qu’ils éprouvent, c’est une situation
réelle, permettez-moi, c’est que pour les hommes, la fille, c’est
le phallus. Et que c’est ce qui les châtre. Que pour les femmes,
le garçon, c’est la même chose, le phallus et c’est
ça qui les châtre aussi, parce qu’elles n’acquièrent
qu’un pénis et que c’est raté. Le garçon ni
la fille d’abord ne courent de risques que par les drames qu’ils
déclenchent, ils sont le phallus pendant un moment. Voilà le réel,
le réel de la jouissance sexuelle en tant qu’elle est détachée
comme telle, c’est le phallus, autrement dit le Nom du Père, l’identification
de ces deux termes ayant en son temps scandalisé quelques [ou: de pieuses]
personnes.
Mais il y a quelque chose qui vaut la peine qu’on y insiste un peu plus.
Quelle est la part, au fond, fondatrice dans cette opération de semblant,
telle que celle que nous venons de définir au niveau du rapport homme
et femme, quelle est la place du semblant, du semblant archaïque? C’est
assurément ce pour quoi il vaut la peine de retenir un peu plus le moment
de ce que représente la femme. La femme, c’est précisément
dans cette relation, ce rapport, pour l’homme, l’heure de la vérité.
La femme est en position, au regard de la jouissance sexuelle, de ponctuer l’équivalence
de la jouissance et du semblant. C’est bien en cela que gît la distance
où se trouve d’elle, l’homme. Si j’ai parlé
d’heure de la vérité, c’est parce que c’est
celle à quoi toute la formation de l’homme est faite pour répondre,
en maintenant envers et contre tout le statut de son semblant. Il est certainement
plus facile à l’homme d’affronter aucun ennemi sur le plan
de la rivalité que d’affronter la femme en tant qu’elle est
le support de cette vérité, de ce q~u’il y a de semblant
dans le rapport de l’homme à la femme.
A la vérité, que le semblant soit ici la jouissance, pour l’homme,
est suffisamment indiquer que la jouissance est semblant. C’est parce
qu’il est à l’intersection de ces deux jouissances que l’homme
subit au maximum le malaise de ce rapport qu’on désigne comme sexuel.
Comme disait l’autre, ces plaisirs qu’on appelle physiques.
Par contre, nulle autre que la femme, car c’est en cela qu’elle
est l’Autre, nulle autre que la femme ne sait mieux ce qui, de la jouissance
et du semblant, est disjonctif parce qu’elle est la présence de
ce quelque chose qu’elle sait, à savoir que jouissance et semblant,
s’ils s’équivalent, dans une dimension du discours, n’en
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sont pas moins distincts dans l’épreuve, que la femme représente
pour l’homme la vérité, tout simplement, à savoir
celle-là seule qui peut donner sa place en tant que telle au semblant.
Il faut le dire, tout ce qu’on nous a énoncé comme étant
le ressort de l’inconscient ne représente rien que l’horreur
de cette vérité. C’est ça bien sûr qu’aujourd’hui,
j’essaie, je tente de vous développer comme on fait des fleurs
japonaises. Ce n’est pas particulièrement agréable à
entendre, c’est ce qu’on empaquette d’habitude sous le registre
du complexe de castration. Moyennant quoi, là, avec cette petite étiquette,
on est calme, on peut le laisser de côté, on n’a plus jamais
rien à en dire, sinon que c’est là et qu’on lui fait
une petite révérence de temps en temps.
Mais que la femme soit la vérité de l’homme, que cette vieille
histoire proverbiale, quand il s’agit de comprendre quelque chose, le
« cherchez la femme », à quoi on donne naturellement une
interprétation policière, soit quelque chose de tout autre, à
savoir que pour avoir la vérité d’un homme, on ferait bien
de savoir quelle est sa femme. J’entends, son épouse, à
l’occasion, et pourquoi pas? C’est le seul endroit où ça
ait un sens, ce que quelqu’un un jour dans mon entourage a appelé
le pèse-personne. Pour peser une personne, rien de tel que de peser sa
femme. Quand il s’agit d’une femme, c’est pas la même
chose! Parce que la femme a une très grande liberté...
—Plus fort!
— Qu’est-ce qu’il y a?
— On n’entend pas!
— Vous n’entendez pas?
— Non!
— J’ai dit: la femme a une très grande liberté à
l’endroit du semblant! Elle arrivera à donner du poids même
à un homme qui n’en a aucun. C’est des... c’est des
vérités, bien sûr, qui, au cours des siècles, étaient
déjà parfaitement repérées depuis longtemps, mais
qui ne sont jamais dites que de bouche à bouche, si je puis dire. Et
toute une littérature est faite, existe, il s’agirait de connaître
son ampleur, naturellement ça n’a d’intérêt
que si on prend la meilleure.
Quelqu’un dont, par exemple, il faudrait un jour que quelqu’un se
charge, c’est Baltazar Gracián, qui était un jésuite
éminent, et qui a écrit de ces choses parmi les plus intelligentes
qu’on puisse écrire. Leur intelligence est absolument prodigieuse
en ceci que tout ce dont il s’agit, à savoir établir ce
qu’on peut appeler la sainteté de l’homme, en un mot résume-t-il,
résume-t-il quoi? son livre sur L’Homme de cour, en un mot, deux
points: être un saint. C’est le seul point de la civilisation occidentale
où le mot saint ait le même sens qu’en
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chinois, Tchen-Tchen. Notez ce point parce que, cette référence,
parce que tout de même il est tard, aujourd’hui, et ce n’est
pas aujourd’hui que je l’introduirai, je vous ferai cette année
quelques petites références aux origines de la pensée chinoise.
Quoi qu’il en soit, oui! je me suis aperçu d’une chose, c’est
que peut-être je ne suis lacanien que parce que j’ai fait du chinois
autrefois. Je veux dire par là que je m’aperçois à
relire des trucs comme ça, que j’avais parcouru, mais ânonné,
enfin! comme un nigaud, avec des oreilles d’âne, je me suis aperçu
à les relire maintenant que, enfin! c’est de plain-pied avec ce
que je raconte.
Je ne sais pas, je donne un exemple; dans Mencius, qui est un des livres fondamentaux,
canoniques, de la pensée chinoise, il y a un type, qui est son disciple
d’ailleurs, ce n’est pas lui, mais qui commence d’énoncer
des choses comme ceci:
« Ce que vous ne trouvez pas du côté yen, c’est le
discours, ne le cherchez pas du côté de votre esprit. » Enfin
je vous traduis esprit, c’est hsin, mais ça veut dire que, par
hsin qui veut dire le cœur, ce qu’il désignait, c’était
bel et bien l’esprit, le Geist de Hegel. Mais enfin ça demanderait
un tout petit peu plus de développements. « Et si vous ne trouvez
pas du côté de votre esprit, ne le cherchez pas du côté
de votre tchi», c’est-à-dire de, de ce que les jésuites
traduisent comme ça, comme ils peuvent, en perdant un peu le souffle,
de votre sensibilité. Je ne vous indique cet étagement que pour
vous dire la distinction qu’il y a très stricte entre ce qui s’articule,
ce qui est du discours, et ce qui est de l’esprit, à savoir l’essentiel,
si vous n’avez pas déjà trouvé au niveau de la parole,
c’est désespéré, n’essayez pas d’aller
chercher ailleurs au niveau des sentiments. Meng-tseu, Mencius, se contredit,
c’est un fait, mais il s’agit de savoir par quelle voie et pourquoi.
Ceci pour vous dire que, une certaine façon de mettre au premier plan,
tout à fait, le discours, c’est pas du tout quelque chose qui nous
fasse remonter à des archaïsmes. Parce que le discours à
cette époque, à l’époque de Mencius, était
déjà parfaitement articulé et constitué. Ça
n’est pas au moyen des références à une pensée
primitive qu’on peut le comprendre. A la vérité, je ne sais
pas ce que c’est qu’une pensée primitive. Une chose beaucoup
plus concrète que nous avons à notre portée, c’est
ce qu’on appelle le sous-développement. Mais ça, le sous-développement,
ça n’est pas archaïque, chacun sait que c’est produit
par l’extension du règne capitaliste. Je dirai même plus,
ce dont on s’aperçoit, et dont on s’apercevra de plus en
plus, c’est que le sous-développement, c’est très
précisément la condition du progrès capitaliste. Sous un
certain angle, la révolution d’Octobre elle-même en est une
preuve.
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Mais ce qu’il faut voir, c’est que ce à quoi nous avons à
faire face c’est à un sous-développement qui va être
de plus en plus patent, de plus en plus étendu. Seulement, ce qu’il
s’agit en somme, c’est que nous mettions à l’épreuve
ceci: si la clef des divers problèmes qui vont se proposer à nous
n’est pas de nous mettre au niveau de cet effet de l’articulation
capitaliste que j’ai laissée dans l’ombre l’année
dernière à ne vous donner que sa racine dans le discours du maître,
je pourrai peut-être en donner un peu plus cette année. Il conviendrait..,
il faut voir ce que nous pouvons tirer de ce que j’appellerai une logique
sous-développée. C’est cela que j’essaie d’articuler
devant vous, comme disent les textes chinois, « pour votre meilleur usage
».
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note
:
bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire, ou
si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par avance
de m'adresser un
émail.
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