XVIII- d'un discours qui ne serait pas 
  du semblant
          
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13 janvier 1971
Lacan écrit au tableau : D’un discours qui ne serait pas du semblant.
D’un discours, ce n’est pas du mien qu’il 
  s’agit. Je pense l’année dernière vous avoir assez 
  fait sentir ce qu’il faut entendre par ce terme discours. Je rappelle 
  le discours du Maître et ses quatre, disons, positions, les déplacements 
  de ces termes au regard d’une structure, réduite à être 
  tétraédrique. J’ai laissé, à qui voulait s’y 
  employer, de préciser ce qui justifie... ces... ces glissements qui auraient 
  pu être plus diversifiés, je les ai réduits à quatre. 
  Le privilège de ces quatre, si personne ne s’y emploie, peut-être 
  cette année vous en donnerai-je en passant l’indication.
  Je ne prenais ces références qu’au regard de ce qui était 
  ma fin, énoncée dans le titre l’Envers de la psychanalyse. 
  Le discours du Maître n’est pas l’envers de la psychanalyse, 
  il est où se démontre la torsion propre, dirais-je, du discours 
  de la psychanalyse, ce qui fait que ce discours [fait] poser la question d’un 
  endroit et d’un envers puisque vous savez l’importance, l’accent, 
  qui est mis dans la théorie, dès son émission par Freud, 
  l’importance et l’accent, qui est mis sur la double inscription. 
  Or, ce qu’il s’agissait de vous faire toucher du doigt, c’est 
  la possibilité d’une inscription double, à l’endroit, 
  à l’envers, sans qu’ait à être franchi un bord. 
  C’est la structure dès longtemps.., bien connue, dont je n’ai 
  eu qu’à faire usage, dite de la bande de Moebius.
  
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  Ces places et ces éléments, c’est d’où se désigne 
  que, de ce qui [est] à proprement parler discours, ne saurait d’aucune 
  façon se référer d’un sujet, bien qu’il le 
  détermine. C’est là sans doute, l’ambiguïté 
  de ce par quoi j’ai introduit ce que je pensais devoir faire entendre 
  à l’intérieur du discours psychanalytique. Rappelez-vous 
  mes termes, au temps où j’intitulai un certain rapport de la fonction 
  et du champ de la parole et du langage dans la psychanalyse. Intersubjectivité, 
  écrivis-je alors, et Dieu sait à quelle fausse trace l’énoncé 
  de termes tels que celui-là peut donner occasion. Qu’on m’excuse 
  d’avoir eu, ces traces, à les faire premières. Je ne pouvais 
  aller au-devant que du malentendu. Inter, certes, en effet, c’est ce que 
  seule la suite m’a permis d’énoncer d’une intersignifiance, 
  subjectivité de sa conséquence, le signifiant étant ce 
  qui représente un sujet pour un autre signifiant où le sujet n’est 
  pas. C’est bien en cela que, pour ce que, là où il est représenté, 
  il est absent, que représenté tout de même, il se trouve 
  ainsi divisé. Le discours, ce n’est pas seulement qu’il ne 
  peut plus dès lors être jugé qu’à la lumière 
  de son ressort inconscient, c’est qu’il ne peut plus être 
  énoncé comme quelque chose d’autre que ce qui s’articule 
  d’une structure où quelque part il se trouve aliéné 
  d’une façon irréductible. D’où mon énoncé 
  introductif: D’un discours — je m’arrête — ce 
  n’est pas le mien. C’est de cet énoncé, discours comme 
  ne pouvant être comme tel discours d’aucun — particulier — 
  mais se fondant d’une structure et de l’accent que lui donne la 
  répartition, le glissement de certains de ses termes, c’est de 
  là que je pars cette année pour ce qui s’intitule D’un 
  discours qui ne serait pas du semblant.
  A ceux qui n’ont pu l’année dernière suivre ces énoncés 
  qui sont donc préalables, j’indique que la parution, qui date déjà 
  de plus d’un mois, de Scilicet 2/3 leur en donnera les références 
  inscrites. Scilicet 2/3, parce que c’est un écrit, c’est 
  un événement, sinon un avènement de discours. D’abord 
  en ceci, c’est que celui dont je me trouve l’instrument, sans qu’on 
  puisse éluder qu’il nécessite votre presse, autrement dit 
  que vous soyez là et très précisément sous cet aspect 
  dont quelque chose de singulier fait la presse, assurément avec, disons, 
  les incidences de notre histoire qu’il est quelque chose qui se touche 
  qui renouvelle la question de ce qui peut en être du discours en tant 
  qu’il est le discours du maître, ce quelque chose qui ne peut faire 
  que de quelque chose dont on s’interroge à le dénommer. 
  N’allez pas trop vite à vous servir du mot révolution. Mais 
  il est clair qu’il faut discerner ce qu’il en est de ce qui, en 
  somme, me permet de poursuivre mes énoncés, de cette formule D’un 
  discours qui ne serait pas du semblant. Deux traits sont ici à retenir 
  dans ce numéro de Scilicet, c’est que je mets à l’épreuve, 
  somme toute à peu près, à quelque chose près qui 
  est en plus mon discours de
  
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  l’année dernière, dans une configuration qui justement se 
  caractérise par l’absence de ce que j’ai appelé cette 
  presse de votre présence, et pour y mettre son plein accent, je le dirai 
  de ces termes, ce que cette présence signifie, je l’épinglerai 
  du plus-de-jouir pressé. Car c’est très précisément 
  de cette figure que peut être estimé, si elle va au-delà 
  d’une gêne comme on dit, concernant trop de semblance dans le discours 
  où vous êtes inscrits, le discours universitaire, celle qu’il 
  est facile de dénoncer d’une neutralité, par exemple, que 
  ce discours ne peut prétendre soutenir [d’] une sélection 
  compétitive quand il ne s’agit que des signes qui s’adressent 
  aux avertis, [d’] une formation du sujet quand il s’agit de bien 
  autre chose. Pour aller au-delà de cette gêne des semblances, pour 
  que quelque chose s’espère qui permette d’en sortir, rien 
  ne le permet que de poser qu’un certain mode, un certain mode de rigueur 
  dans l’avancement d’un discours, ne clive, en position dominante 
  dans ce discours, ce qu’il en est de ce triage, de ces globules de plus-de-jouir 
  au titre de quoi vous vous trouvez, dans le discours universitaire, pris., C’est 
  précisément que quelqu’un, à partir du discours analytique, 
  se mette à votre regard dans la position de l’analysant, ce n’est 
  pas nouveau, je l’ai déjà dit mais personne n’y a 
  fait attention, c’est cela qui constitue l’originalité de 
  cet enseignement, c’est ce qui motive ce que vous lui apportez de votre 
  presse et c’est ce qu’à parler à la radio, j’ai 
  mis à l’épreuve de cette soustraction précisément 
  de cette présence, de cet espace où vous vous pressez, annulé 
  et remplacé par l’Il existe pur de cette intersignifiance dont 
  je parlais tout à l’heure pour qu’y vacille le sujet. C’est 
  simplement un aiguillage vers quelque chose dont l’avenir dira la portée 
  possible.
  Il est un autre trait de ce que j’ai appelé cet événement, 
  cet avènement de discours, c’est cette chose imprimée qui 
  s’appelle Scilicet, c’est, comme un certain nombre déjà 
  le savent, qu’on y écrit sans signer. Qu’est-ce que ça 
  veut dire ? Que chacun de ces noms qui se trouvent mis en colonne à la 
  dernière page de ces trois numéros qui constituent une année, 
  peut être permuté avec chacun des autres, affirmant de là 
  qu’aucun discours ne saurait être d’auteur. Ça c’est 
  un pari. Là, ça parle, dans l’autre cas, c’est... 
  negieren [?], là l’avenir dira si c’est la formule que, disons 
  dans cinq, six ans adopteront toutes les revues, les revues bien, s’entend, 
  c’est un pari, on verra!
  Je n’essaie pas dans ce que je dis de sortir de ce qui est ressenti, éprouvé 
  dans mes énoncés, comme accentuant, comme tenant à l’artefact 
  du discours. C’est dire bien sûr, c’est la moindre des choses, 
  que ce faisant, ça exclut que je prétende tout en couvrir, ça 
  ne peut être un système, ça n’est, à ce titre, 
  pas une philosophie. Il est clair qu’à quiconque prend sous le 
  biais où l’analyse nous permet de
  
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  renouveler ce qu’il en est du discours, ceci implique qu’on se déplace, 
  je dirai dans un désunivers, ce n’est pas la même chose que 
  divers. Mais même à ce divers je ne répugnerai pas et pas 
  seulement pour ce qu’il implique de diversité mais jusqu’à 
  ce qu’il implique de diversion. Il est très clair aussi que je 
  ne parle pas de tout. C’est même dans ce que j’énonce, 
  ça résiste à ce qu’on parle de tout à son 
  propos. Ça se touche du doigt tous les jours. Même sur ce que j’énonce 
  que je ne dise pas tout, cela est autre chose, je l’ai déjà 
  dit, ça tient à ceci que la vérité n’est qu’à 
  mi-dire.
  Ce discours donc, [qui] se confine à n’agir que dans l’artefact, 
  n’est en somme que le prolongement de la position de l’analyste, 
  en tant qu’elle se définit de mettre le poids de son plus-de-jouir 
  à une certaine place. C’est néanmoins la position qu’ici 
  je ne saurais soutenir, très précisément de n’être 
  pas dans cette position de l’analyste. Comme je l’ai dit tout à 
  l’heure, à ceci près qu’il vous y manque le savoir, 
  c’est plutôt vous qui y seriez, dans votre presse. Ceci dit, quelle 
  peut être la portée de ce que, dans cette référence, 
  j’énonce?
  D’un discours qui ne serait pas du semblant, ça peut s’énoncer 
  de ma place et en fonction de ce que j’ai énoncé précédemment, 
  c’est un fait en tout cas que je l’énonce. Remarquez que 
  c’est un fait aussi puisque je l’énonce. Vous pouvez n’y 
  voir que du feu, c’est-à-dire penser qu’il n’y a rien 
  de plus que le fait que je l’énonce. Seulement, si j’ai parlé 
  à propos du discours, d’artefact, c’est que pour le discours, 
  il n’y a rien de fait, si je puis dire, déjà, il n’y 
  a de fait que du fait de le dire, le fait énoncé est tout ensemble 
  le fait de discours. C’est ça que je désigne par le terme 
  d’artefact, et bien entendu, c’est ce qu’il s’agit de 
  réduire. Parce que, si je parle d’artefact, c’est pas pour 
  en faire surgir l’idée de quelque chose qui serait autre, une nature, 
  dont vous auriez tort de vous y engager pour en affronter les embarras, parce 
  que vous n’en sortiriez pas. La question ne s’instaure pas dans 
  les termes: est-ce ou n’est-ce pas du discours? mais dans ceci : c’est 
  dit ou ce n’est pas dit. Je pars de ce qui est dit, dans un discours dont 
  l’artefact est supposé suffire à ce que vous soyez là; 
  ici, coupure, car je n’ajoute pas, à ce que vous soyez là 
  à l’état de plus-de-jouir pressé. J’ai dit 
  coupure parce qu’il est questionnable de savoir si c’est en tant 
  que plus-de-jouir pressé déjà que mon discours vous rassemble. 
  Il n’est pas tranché, quoi qu’en pensent tels ou tels, que 
  ce soit ce discours, celui de la suite des énoncés que je vous 
  présente, qui vous mette où? [vous] dans cette position d’où 
  il est questionnable par le « parle pas » [...je ne parle pas] d’un 
  discours qui ne serait pas du semblant.
  Du semblant, qu’est-ce que ça veut dire dans cet énoncé 
  ? Du semblant de discours par exemple. Vous le savez, c’est la position 
  dite du logico-positivisme.
  
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C’est que, si à partir d’un signifié, 
  à mettre à l’épreuve de quelque chose qui tranche 
  par oui ou par non, ce qui ne permet pas de s’offrir à cette épreuve, 
  voilà ce qui est défini de ne vouloir rien dire. Et avec ça, 
  on se croit quitte d’un certain nombre de questions qualifiées 
  de métaphysiques, ce n’est pas certes que j’y tienne. Je 
  tiens à faire remarquer que la position du logico-positivisme est intenable, 
  en tout cas à partir de l’expérience analytique notamment.
  Si l’expérience analytique se trouve impliquée de prendre 
  ses titres de noblesse du mythe oedipien, c’est bien qu’elle préserve 
  le tranchant de l’énonciation de l’oracle, et je dirai plus, 
  que l’interprétation y reste toujours du même niveau. Elle 
  n’est vraie que par ses suites, tout comme l’oracle. L’interprétation 
  n’est pas mise à l’épreuve d’une vérité 
  qui se trancherait par oui ou par non, elle déchaîne la vérité 
  comme telle. Elle n’est vraie qu’en tant que vraiment suivie. Nous 
  verrons tout à l’heure que les schémas de l’implication, 
  j’entends de l’implication logique, dans la forme la plus classique, 
  ces schémas eux-mêmes nécessitent le fond de ce véridique 
  en tant qu’il appartient à la parole, fût-elle à proprement 
  parler insensée. Le passage du moment où la vérité 
  se tranche de son seul déchaînement à celui d’une 
  logique qui va tenter de donner corps à cette vérité, c’est 
  très précisément le moment où le discours, en tant 
  que représentant de la représentation, est renvoyé, disqualifié, 
  mais s’il peut l’être, c’est parce qu’en quelque 
  partie, il l’est toujours déjà, que c’est ça 
  qu’on appelle le refoulement. Ce n’est plus une représentation 
  qu’il représente, c’est cette suite de discours qui se caractérise 
  comme effet de vérité.
  L’effet de vérité n’est pas du semblant. L’Œdipe 
  est là pour nous apprendre, si vous me permettez, pour nous apprendre 
  que c’est du sang rouge. Seulement voilà, le sang rouge ne réfute 
  pas le semblant, il le colore, il le rend re-semblant, il le propage. Un peu 
  de sciure et le cirque recommence. C’est bien pour cela que c’est 
  au niveau de l’artefact de la structure du discours, que peut s’élever 
  la question d’un discours qui ne serait pas du semblant. En attendant, 
  il n’y a pas de semblant de discours, il n’y a pas de métalangage 
  pour en juger, il n’y a pas d’Autre de l’Autre, il n’y 
  a pas de vrai sur le vrai.
  Je me suis amusé un jour à faire parler la vérité. 
  Je demande où il y a un paradoxe, qu’est-ce qu’il peut y 
  avoir de plus vrai que l’énonciation « je mens » ? 
  Le chipotage classique qui s’énonce du terme de paradoxe ne prend 
  corps que si, ce Je mens, vous le mettez sur un papier, à titre d’écrit. 
  Tout le monde sent qu’il n’y a rien de plus vrai qu’on puisse 
  dire à l’occasion que de dire: Je mens. C’est même 
  très certainement la seule vérité qui à l’occasion 
  ne soit pas brisée. Qui ne sait qu’à dire: Je ne mens pas, 
  on n’est absolument pas à l’abri de dire quelque
  
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  chose de faux. Qu’est-ce à dire? La vérité dont il 
  s’agit, quand elle parle, celle dont j’ai dit qu’elle parle 
  Je, qui s’énonce comme oracle, qui parle?
  Ce semblant, c’est le signifiant en lui-même. Qui ne voit que ce 
  qui le caractérise, ce signifiant dont, au regard des linguistes, je 
  fais cet usage qui les gêne, il s’en est trouvé pour écrire 
  de ces lignes destinées à bien avertir que sans doute, Ferdinand 
  de Saussure n’en avait pas la moindre idée. Qu’est-ce qu’on 
  en sait? Ferdinand de Saussure faisait comme moi, il ne disait pas tout ; la 
  preuve, on a trouvé dans ses papiers des choses jamais dites dans son 
  cours. Le signifiant, on croit que c’est cette bonne petite chose qui 
  est apprivoisée par le structuralisme, on croit que c’est l’Autre, 
  en tant qu’Autre, et la batterie du signifiant, et tout ce que j’explique, 
  bien sûr. Bien entendu ça vient du ciel, parce que je suis un idéaliste 
  à l’occasion!
  Artefact, ai-je dit d’abord ; bien sûr, l’artefact, c’est 
  absolument certain que ce soit notre sort de tous les jours, que nous le trouvons 
  à tous les coins de rue, à la portée des moindres gestes 
  de nos mains. S’il y a quelque chose qui soit un discours soutenable, 
  en tous cas soutenu, celui de la science nommément, ce n’est peut-être 
  pas vain de se souvenir qu’il est parti très spécialement 
  de la considération de semblants. Le départ de la pensée 
  scientifique, je parle de l’histoire, qu’est-ce que c’est? 
  L’observation des astres, qu’est-ce que c’est, si ce n’est 
  la constellation, c’est-à-dire le semblant typique. Les pas premiers 
  de la physique moderne, autour de quoi est-ce que ça tourne, au départ 
  ? Non pas comme on le croit, des éléments, car les éléments, 
  les quatre et même si vous y ajoutez la quinte essence, c’est déjà 
  du discours, du discours philosophique, et comment! C’est des météores. 
  Descartes fait un Traité des Météores. Le pas décisif, 
  un des pas décisifs tourne autour de la théorie de l’arc-en-ciel, 
  et quand je parle d’un météore, c’est quelque chose 
  qui se définit d’être qualifié comme tel d’un 
  semblant. Personne n’a jamais cru que l’arc-en-ciel, même 
  parmi les gens les plus primitifs, que l’arc-en-ciel, c’était 
  quelque chose qui était là recourbé, dressé. C’est 
  en tant que météore qu’il est interrogé. Le météore 
  le plus... le plus caractéristique, le plus originel, celui dont il est 
  hors de doute qu’il est lié à, à la structure même 
  de ce qui est discours, c’est le tonnerre. Si j’ai terminé 
  mon discours de Rome sur l’évocation du tonnerre, c’est pas 
  absolument comme ça, par fantaisie, il n’y a pas de Nom-du-Père 
  tenable sans le tonnerre dont tout le monde sait très bien que, on ne 
  sait même pas le signe de quoi c’est, le tonnerre. C’est la 
  figure même du semblant. C’est en cela qu’il n’y a pas 
  de semblant de discours, tout ce qui est discours ne peut que se donner pour 
  semblant, et rien ne s’y édifie qui ne soit à base de ce 
  quelque chose qui s’appelle signifiant, qui, dans la
  
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  lumière où je vous le produis aujourd’hui, est identique 
  à ce statut comme tel du semblant.
  D’un discours qui ne serait pas du semblant; pour que ce soit énoncé, 
  il faut donc que d’aucune façon ce du semblant ne soit complétable 
  de la référence de discours. C’est d’autre chose qu’il 
  s’agit, du référent sans doute! Contenez-vous un tout petit 
  peu. Ce référent n’est pas probablement tout de suite l’objet, 
  puisque justement ce que ça veut dire, c’est que ce référent, 
  c’est justement lui qui se promène. Le semblant dans lequel le 
  discours est identique à lui-même, c’est un niveau du terme 
  semblant, c’est le semblant dans la nature, ce n’est pas pour rien 
  que je vous ai rappelé qu’aucun discours qui évoque la nature 
  n’a jamais fait que de partir de ce qui, dans la nature, est semblant. 
  Car la nature en est pleine. Je ne parle pas de la nature animale, dont il est 
  bien évident que, qu’elle en surabonde. C’est même 
  ce qui fait qu’il y a de doux rêveurs qui pensent que toute entière 
  la nature animale, des poissons aux oiseaux, chante la louange divine, ça 
  va de soi. Chaque fois qu’ils ouvrent comme ça, quelque chose, 
  une bouche, un opercule, c’est un semblant manifeste, rien ne nécessite 
  ces béances. Quand nous entrons dans quelque chose dont l’efficace 
  n’est pas tranché, pour la simple raison que nous ne savons pas 
  comment ça s’est fait qu’il y ait eu, si je puis dire, accumulation 
  de signifiants, car les signifiants, hein? je vous le dis, sont répartis 
  dans le monde, dans la nature, ils sont là à la pelle. Pour que 
  naisse le langage, c’est déjà quelque chose d’amorcer 
  ça, pour que naisse le langage, il a fallu que quelque part s’établisse 
  ce quelque chose que je vous ai déjà indiqué à propos 
  du pari, c’était le pari de Pascal, nous ne nous en souvenons pas. 
  Supposer ceci, l’ennuyeux, c’est que ça suppose déjà 
  le fonctionnement du langage parce que il s’agit de l’inconscient. 
  L’inconscient et son jeu, ça veut dire que parmi les nombreux signifiants 
  qui courent le monde il va y avoir en plus le corps morcelé. Il y a quand 
  même des choses dont on peut partir en pensant qu’elles existent 
  déjà. Elles existent déjà dans un certain fonctionnement 
  où nous ne serions pas forcés de considérer l’accumulation 
  du signifiant, c’est les histoires de territoire. Si le signifiant « 
  votre bras droit » va dans le territoire du voisin faire une cueillette 
  — c’est des choses qui arrivent tout le temps —naturellement 
  votre voisin saisit votre signifiant « bras droit » et vous le rebalance 
  par-dessus la chose mitoyenne. C’est ce que vous appelez curieusement 
  projection, n’est-ce pas, c’est une manière de s’entendre! 
  C’est d’un phénomène comme ça qu’il faudrait 
  partir. Si votre bras droit, chez votre voisin, n’était pas entièrement 
  occupé à la cueillette des pommes, par exemple, s’il était 
  resté tranquille, il est assez probable que votre voisin l’aurait 
  adoré, c’est l’origine du
  
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  signifiant maître, un bras droit, le sceptre. Le signifiant maître, 
  ça ne demande qu’à commencer comme ça, tout au début.
  Il en faut malheureusement un peu plus, c’est un schéma [très 
  ? ou in, ou peu] satisfaisant. Un peu plus, ça vous donne le sceptre, 
  tout de suite vous voyez la chose se matérialiser comme signifiant. Le 
  procès de l’histoire se montre d’après tous les témoignages, 
  dans ce qu’on a, un tout petit peu plus compliqué. Il est certain 
  que la petite parabole, celle par laquelle j’avais commencé d’abord, 
  le bras qui est re-renvoyé d’un territoire à l’autre, 
  c’est pas forcé que ce soit votre bras qui vous revienne, parce 
  que les signifiants, c’est pas individuel, on ne sait pas lequel est à 
  qui. Alors voyez-vous, là nous entrons dans une espèce d’autre 
  jeu originel quant à la fonction du hasard et celui des [des mythes ou 
  d’Œdipe]. Vous faites un monde, pour l’occasion, disons un 
  schéma, un support divisé comme ça en un certain nombre 
  de cellules territoriales. Ça se passe à un certain niveau, celui 
  où il s’agit de produire, où il s’agit de comprendre 
  un peu ce qui s’est passé.
  Après tout, non seulement on peut recevoir un bras qui n’est pas 
  le sien, dans ce processus d’expulsion que vous avez appelé on 
  ne sait pourquoi projection, si ce n’est que ça, vous êtes 
  projeté, bien sûr, non seulement un bras qui n’est pas le 
  vôtre, mais plusieurs autres bras, alors à partir de ce moment-là, 
  ça n’a plus d’importance que ce soit le vôtre ou que 
  ce soit pas le vôtre. Mais enfin, comme après tout, de l’intérieur 
  d’un territoire, on ne connaît que ses propres frontières, 
  on n’est pas forcé de savoir que sur cette frontière il 
  y a six autres territoires, on balance ça un petit peu comme on veut, 
  alors il se peut que des territoires il y en ait une pluie. L’idée 
  du rapport qu’il peut y avoir entre le rejet de quelque chose et la naissance 
  de ce que j’appelai tout à l’heure le signifiant maître, 
  est certainement une idée à retenir. Mais pour qu’elle prenne 
  tout son prix, il faut certainement qu’il y ait eu, par un processus de 
  hasard, en certains points, accumulation de signifiants. À partir de 
  là peut se concevoir quelque chose qui soit la naissance d’un langage. 
  Ce que nous voyons à proprement parler s’édifier comme premier 
  mode de supporter dans l’écriture ce qui sert de langage, en donne 
  en tout cas une certaine idée. Chacun sait que la lettre A est une tête 
  de taureau renversée, et que, un certain nombre d’éléments 
  comme celui-là, mobiliers, laissent encore leurs traces. Ce qui est important, 
  c’est de ne pas aller trop vite et de voir où continuent de rester 
  les trous. Par exemple, il est bien évident que le départ de cette 
  esquisse était déjà lié à quelque chose de 
  marquant le corps d’une possibilité d’ectopie et de balade 
  qui, évidemment, reste problématique. Après tout là 
  encore, tout est toujours là. Nous avons enfin, c’est un point 
  très sensible, que
  
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  nous pouvons contrôler encore tous les jours, il y a pas très longtemps, 
  encore cette semaine, quelque chose, de très jolies photos, dans le journal, 
  dont tout le monde s’est délecté, les possibilités 
  d’exercice du découpage de l’être humain sur l’être 
  humain sont tout à fait impressionnantes. C’est de là que 
  tout est parti.
  Il reste un autre trou. Vous le savez, on s’est beaucoup cassé 
  la tête, on a bien fait la remarque que Hegel, c’est très 
  joli, mais qu’il y a quand même quelque chose qu’il n’explique 
  pas; il explique la dialectique du maître et de l’esclave, il n’explique 
  pas qu’il y ait une société de maîtres. Il est tout 
  à fait clair que ce que je viens de vous expliquer est certainement intéressant 
  en ceci, que par le seul jeu de la projection, de la rétorsion, il est 
  clair qu’au bout d’un certain nombre de coups, il y aura certainement, 
  je dirai, une moyenne de signifiants plus importante dans certains territoires 
  que dans d’autres. Enfin, il reste encore à voir comment le signifiant 
  va pouvoir dans ce territoire faire société de signifiants. Il 
  convient de ne jamais laisser dans l’ombre ce qu’on n’explique 
  pas, sous prétexte qu’on a réussi à donner un petit 
  commencement d’explication.
  - Quoi qu’il en soit, l’énoncé de notre titre de cette 
  année, D’un discours qui ne sera it pas du semblant, concerne quelque 
  chose qui a affaire avec une économie. Ici, le du semblant, nous tairons 
  à lui-même, il n’est pas semblant d’autre chose, il 
  est à prendre au sens du génitif objectif, il s’agit du 
  semblant comme objet propre dont se règle l’économie du 
  discours. Est-ce que nous allons dire que c’est aussi un génitif 
  subjectif? Est-ce que le du semblant concerne aussi ce qui tient le discours? 
  Seul le mot subjectif est ici à repousser pour la simple raison que le 
  sujet n’apparaît qu’une fois instaurée quelque part 
  cette liaison des signifiants. Un sujet ne saurait être que le produit 
  de l’articulation signifiante. Un sujet comme tel ne maîtrise jamais 
  en aucun cas cette articulation mais en est à proprement parler déterminé.
  Un discours, de sa nature, fait semblant comme on peut dire qu’il fait 
  florès ou qu’il fait léger, ou qu’il fait chic. Si 
  ce qui s’énonce de parole est justement vrai d’être 
  toujours très authentiquement ce qu’elle est, au niveau où 
  nous sommes, de l’objectif et de l’articulation, c’est donc 
  très précisément comme objet de ce qui ne se produit que 
  dans le dit discours que le semblant se pose. D’où le caractère 
  à proprement parler insensé de ce qui s’articule dont il 
  faut dire que c’est bien là que se révèle ce qu’il 
  en est de la richesse du langage, à savoir qu’il détient 
  une logique qui dépasse de beaucoup tout ce que nous arrivons à 
  en cristalliser, à en détacher.
  J’ai employé la forme hypothétique d’un discours qui 
  ne serait pas du semblant. Chacun sait les développements qu’a 
  pris après Aristote la logique, de
  
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mettre l’accent sur la fonction hypothétique. 
  Tout ce qui s’est articulé de donner la valeur Vrai ou Faux à 
  l’articulation de l’hypothèse, et à combiner ce qui 
  en résulte de l’implication d’un terme à l’intérieur 
  de cette hypothèse, comme étant signalé[e] comme vrai[e]. 
  C’est l’inauguration de ce qu’on appelle le modus ponens, 
  et de bien d’autres modes encore dont chacun sait ce qu’on en a 
  fait. Il est frappant qu’au moins à ma connaissance, jamais personne 
  nulle part n’ait individualisé la ressource que comporte l’usage 
  de cette hypothétique sous la forme négative.
  Chose frappante, si on se réfère par exemple à ce qui en 
  est recueilli dans mes Ecrits, quand quelqu’un à l’époque, 
  à l’époque héroïque où je commençai 
  de défricher le terrain de l’analyse, quand quelqu’un venait 
  contribuer au déchiffrage de la Verneinung, encore qu’à 
  commenter Freud lettre à lettre, il s’aperçut fort bien 
  — car Freud le dit en toute lettre — que la Bejahung ne comporte 
  qu’un jugement d’attribution, en quoi Freud (...) marque une finesse 
  et une compétence tout à fait exceptionnelle à l’époque 
  où il écrit ceci — car seul quelque logicien de diffusion 
  modeste pouvait à la même époque l’avoir souligné 
  — le jugement d’attribution, c’est ce qui ne préjuge 
  en rien de l’existence; la seule position d’une Verneinung implique 
  l’existence de quelque chose qui est très précisément 
  ce qui est nié. Un discours qui ne serait pas du semblant, pose que le 
  discours, comme je viens de l’énoncer, est du semblant.
  Ce qui a un grand avantage, de le poser ainsi, c’est qu’on ne dit 
  pas du semblant de quoi. Or, c’est là bien sûr, c’est 
  là ce autour de quoi je propose d’avancer nos énoncés, 
  c’est de savoir de quoi il s’agit là où ce ne serait 
  pas du semblant. Bien sûr, le terrain est préparé d’un 
  pas singulier quoique timide, qui est celui que Freud a fait dans l’Au-delà 
  du principe du plaisir.
  Je ne veux ici, parce que je ne peux pas en faire plus qu’indiquer le 
  nœud que forment, dans cet énoncé, la répétition 
  et la jouissance. C’est en fonction de ceci que la répétition 
  va contre le principe du plaisir qui, je dirai, ne s’en relève 
  pas. L’hédonisme ne peut, à la lumière de l’expérience 
  analytique, que rentrer dans ce qu’il est, à savoir un mythe philosophique. 
  J’entends, un mythe d’une classe parfaitement définie (et 
  claire) et je l’ai énoncé l’année dernière, 
  que l’aide qu’ils ont apportée à un certain procès 
  du maître, en permettant au discours du maître comme tel d’édifier 
  un savoir, ce savoir est savoir de maître, ce savoir a supposé, 
  puisque le discours philosophique en porte encore la trace, l’existence 
  en face du maître d’un autre savoir dont, Dieu merci! le discours 
  philosophique n’a pas disparu sans avoir épinglé avant qu’il 
  devait y avoir à l’origine un rapport entre ce savoir et la jouissance. 
  Celui qui a ainsi clos le discours philosophique, Hegel
  
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pour le nommer, bien sûr ne voit que la façon 
  dont, parle travail, l’esclavage arrivera à accomplir, quoi? rien 
  d’autre que le savoir du maître.
  Et qu’introduit, qu’introduit de nouveau ce que j’appellerai 
  l’hypothèse freudienne ? C’est, sous une forme extraordinairement 
  prudente, mais tout de même syllogistique, ceci: si nous appelons principe 
  du plaisir ceci que toujours, de par le comportement du vivant, il est revenu 
  à un niveau qui est celui de l’excitation minimale, et ceci règle 
  son économie; s’il s’avère que la répétition 
  s’exerce de façon telle qu’une jouissance dangereuse, une 
  jouissance qui outrepasse cette excitation minimale, soit ramenée — 
  est-il possible, c’est sous cette forme que Freud énonce la question 
  — qu’il soit pensé que la vie, prise elle-même dans 
  son cycle, — c’est une nouveauté au regard de ce monde qui 
  ne la comporte pas universellement — que la vie comporte cette possibilité 
  de répétition qui serait le retour à ce monde en tant qu’il 
  est semblant?
  Je peux vous faire remarquer par un graphique au tableau que ceci comporte, 
  au lieu d’une suite de courbes d’excitation ascendantes et descendantes, 
  toutes confinant à une limite, qui est une limite supérieure, 
  la possibilité d’une intensité d’excitation qui peut 
  aussi bien aller à l’infini, ce qui est conçu comme jouissance 
  ne comportant de soi, en principe, d’autre limite que ce point de tangence 
  inférieur, ce point que nous appellerons suprême, en donnant son 
  sens propre à ce mot qui veut dire le point le plus bas d’une limite 
  supérieure, de même qu’infime est le point le plus haut d’une 
  limite inférieure. La cohérence donnée du point mortel, 
  dès lors conçu sans que Freud le
  souligne, comme une caractéristique de la vie mais à la vérité, 
  ce à quoi on ne songe pas est en effet ceci, c’est qu’on 
  confond ce qui est de la non-vie, et qui est loin, fichtre! de ne pas remuer, 
  le silence éternel des espaces infinis qui sidérait Descartes, 
  ils parlent, ils chantent, ils se remuent de toutes les façons à 
  nos regards, maintenant. Le monde dit inanimé n’est pas la mort. 
  La mort est un
  
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point, est désignée comme un point terme, 
  comme un point terme de quoi? de la jouissance de la vie.
  C’est très précisément ce qui est introduit par l’énoncé 
  freudien, celui que nous qualifierons de l’hyperhédonisme, si je 
  puis m’exprimer de cette façon. Qui ne voit que l’économie, 
  même celle de la nature, est toujours un fait de discours, celui-là 
  ne peut saisir que ceci indique qu’il ne saurait s’agir ici que 
  de la jouissance qu’en tant qu’elle est elle-même non seulement 
  fait, mais effet de discours.
  Si quelque chose qui s’appelle l’inconscient peut être mi-dit 
  comme structure langagière, c’est pour qu’enfin nous apparaisse 
  le relief de cet effet de discours qui jusque-là nous paraissait comme 
  impossible, à savoir le plus-de-jouir. Est-ce à dire, pour suivre 
  une de mes formules, qu’en tant que c’était comme impossible, 
  il fonctionnait comme réel? J’ouvre la question, car à la 
  vérité, rien n’implique que l’irruption du discours 
  de l’inconscient, tout balbutiant qu’il reste, implique quoi que 
  ce soit, dans ce qui le précédait, qui fut soumis à sa 
  structure. Le discours de l’inconscient est une émergence, c’est 
  l’émergence d’une certaine fonction du signifiant. Qu’il 
  existât jusque-là comme enseigne, c’est bien en quoi je vous 
  l’ai mis au principe du semblant.
  Mais les conséquences de son émergence, c’est cela qui doit 
  être introduit pour que quelque chose change, qui ne peut pas changer, 
  car ce n’est pas possible, c’est au contraire de ce qu’un 
  discours se centre de son effet comme impossible qu’il aurait quelque 
  chance d’être un discours qui ne serait pas du semblant. 
note 
  : 
  bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire, ou 
  si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par avance 
  de m'adresser un 
  émail.
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