XVIII- d'un discours qui ne serait pas 
  du semblant
          
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17 mars 1971
De ce séminaire sur la Lettre volée, donc... je ne sais pas encore ce que ça peut donner. Est-ce qu’on m’entend, là, au quatrième rang? Formidable!... Au moins on respire. Ça peut permettre des rapports plus efficaces. Par exemple, dans un cas, je pourrai demander à quelqu’un de sortir. À la limite je pourrai faire une crise de nerfs, m’en aller moi-même. Enfin, dans l’autre, dans l’autre amphi, ça ressemblait un peu trop au plus grand nombre de cas où on croit qu’il existe un rapport sexuel. Parce qu’on est coincé dans une boi-boîte. Ça va me permettre de vous demander de lever le doigt! Quels sont ceux qui, sur ma suggestion expresse, ont fait l’effort de relire les pages 31 à 40 de ce qu’on appelle mes Ecrits? Enfin, levez le doigt quand même! Ici, on peut lever le doigt. Il n’y en a pas tellement que ça. Je ne sais pas si je ne vais pas faire la crise de nerfs. M’en aller tout simplement, puisque en somme il faut avoir des ressources minimes pour demander à quelqu’un quel rapport il a pu éventuellement sentir de ces pages, de ces pages, à ce dont j’ai dit que j’y parlais, à savoir du phallus. Qui est-ce qui se sent d’humeur — voyez je suis gentil, je n’interpelle personne — qui est-ce qui se sent d’humeur à en dire quelque chose, voire ceci, pourquoi pas, qu’il y a guère moyen de s’en apercevoir. Est-ce que quelqu’un aurait la gentillesse de me communiquer un petit bout de réflexion qu’a pu lui inspirer je ne dis pas: ces pages, mais ce que la dernière fois j’ai dit de ce en quoi elles consistaient à mon gré. X, écoutez, vous, est-ce que vous les avez relues ces pages?
— Vous les avez pas relues ? Foutez le camp! Bon 
  enfin, c’est bien ennuyeux. C’est tout de même pas moi qui 
  vais vous en faire la lecture. Ça c’est vraiment
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  trop me demander. Mais enfin, je prends ça au hasard. Je suis un tout 
  petit peu étonné quand même, je suis un tout petit peu étonné, 
  de ne pas pouvoir, sauf à entrer dans l’ordre de la taquinerie, 
  obtenir une réponse. Oui! c’est tout de même très 
  ennuyeux. Je ne parle très précisément dans ces pages, 
  que de la fonction du phallus en tant qu’elle s’articule, qu’elle 
  s’articule dans un certain discours, et ce n’était pourtant 
  pas le temps où j’avais encore même ébauché 
  de construire toute cette variété, cette combinaison tétraédrique, 
  à quatre sommets, que je vous ai présentée l’année 
  dernière, et je constate pourtant que, dès ce niveau on ne peut 
  pas dire, dès ce niveau, dis-je, de ma construction, dès ce temps 
  si vous voulez aussi, j’ai dirigé mon coup, si je puis dire, j’ai 
  dirigé mon coup —c’est beaucoup dire, pouvoir tirer, c’est 
  déjà ça, de façon telle qu’il ne me paraisse 
  pas maintenant porter à faux. Je veux dire dans un stade plus avancé 
  de cette construction. Bien sûr, quand j’ai dit la dernière 
  fois, je me laisse aller comme ça, surtout quand il faut un peu faire 
  semblant de respirer, j’ai dit la dernière fois que je m’admirai, 
  j’espère que vous n’avez pas pris ça au pied de la 
  lettre. Ce que j’admirais, c’était en effet plutôt 
  le tracé que j’avais fait dans le temps où je commençais 
  seulement à faire un certain sillon en fonction de repère, qui 
  ne soit pas maintenant nettement à rejeter, qui ne me fasse pas honte. 
  C’est là-dessus que j’ai terminé l’année 
  dernière, et c’est assez remarquable. Voire même on peut 
  peut-être y prendre un petit quelque chose, une ébauche, comme 
  ça, un encouragement à continuer. Qu’il soit tout à 
  fait frappant que tout ce qui y est péchable si je puis dire, de signifiant, 
  et là, c’est bien de ça qu’il s’agit, je suis 
  venu à la pêche de ce séminaire sur la Lettre volée, 
  dont je pense qu’après tout depuis un temps, le fait que je l’aie 
  mis en tête n’est-ce pas, en dépit de toute chronologie, 
  montrait peut-être qu’il fallait, 9ue j’avais l’idée, 
  que c’était en somme la meilleure façon d’introduire 
  à mes Ecrits. Alors la remarque que je fais sur ce fameux homme who dares 
  all things, those unbecoming as well as those becoming a man, il est bien certain 
  que si j’insiste à ce moment-là pour dire que de ne pas 
  le traduire littéralement « ce qui est indigne aussi bien que ce 
  qui est digne d’un homme », montre que c’est dans son bloc 
  que le côté indicible, honteux, qui ne se dit pas, quant à 
  ce qui concerne un homme, est bien là pour tout dire le phallus, et que 
  il est clair que le traduire n’est-ce pas, en le fragmentant en deux: 
  « ce qui est digne d’un homme aussi bien que ce qui est indigne 
  de lui», que ce que sur quoi j’insiste ici, que ce n’est pas 
  la même chose de dire « the robber’s knowledge of the loser’s 
  knowledge of the robber», la connaissance qu’a le voleur de la connaissance 
  qu’a le volé de son voleur, que cet élément de savoir 
  qui sait, à savoir d’avoir imposé un certain fantasme de 
  soi, justement l’homme
  
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  qui ose tout, est là comme tout de suite le dit Dupin, la clé 
  de la situation. Je dis ça, je dis ça et je vais pas y revenir, 
  car à vrai dire, ce que je vous indiquais aurait pu pour quelqu’un 
  qui s’en serait donné la peine, permettre directement, sur un texte 
  comme ça, d’avancer la plupart des articulations que j’aurais 
  peut-être à développer, à dérouler, à 
  construire aujourd’hui comme vous allez le voir, si vous voulez bien dans 
  un second temps, après avoir entendu ce que j’aurais plus ou moins 
  réussi à dire, se trouvait en somme déjà bel et 
  bien écrit là, et non seulement écrit là, avec toutes 
  et les mêmes articulations nécessaires, celles par lesquelles je 
  crois devoir vous promener. Donc tout ce qui est là est non seulement 
  tamisé et lié, est bien fait de ces signifiants disponibles pour 
  une signification plus élaborée. Celle en somme d’un enseignement 
  — le mien — que je peux dire sans précédent, autre 
  que Freud lui-même. Et justement en tant qu’il définit la 
  précédente de façon telle qu’il faut en lire la structure 
  dans ses impossibilités.
  Peut-on dire qu’à proprement parler, par exemple, Freud formule 
  cette impossibilité du rapport sexuel, non pas comme telle, je le fais 
  simplement parce que, et puis c’est tout simple à dire, c’est 
  écrit, en long et en large. C’est écrit dans ce que Freud 
  écrit. Il n’y a qu’à le lire. Seulement vous allez 
  voir tout à l’heure pourquoi vous ne le lisez pas. J’essaie 
  de le dire. De dire pourquoi moi je le lis. La lettre donc, purloined, non pas 
  volée mais comme je l’explique, je commence par là, qui 
  va faire un détour, ou comme je le traduis moi, la lettre en souffrance, 
  ça commence comme ça et ça se termine, ce petit écrit, 
  par ceci qu’elle arrive pourtant à destination. Et, si vous le 
  lisez, j’espère qu’il y en aura un petit peu plus qui le 
  liront d’ici que je vous revoie, ce qui ne sera pas avant une paye, parce 
  que tout ça c’est très bien calculé, deuxième 
  et troisième mercredi; je les ai choisis parce que pendant le mois d’avril, 
  ça tombe pendant les vacances de Pâques, alors, vous ne me reverrez 
  qu’en mai. On aura le temps de lire les quarante pages de la Lettre volée. 
  À la fin je tiens à souligner ce qui en est l’essentiel, 
  et pourquoi la traduction « la lettre volée » n’est 
  pas la bonne, « The purloined letter », ça veut quand même 
  dire, ça veut dire que quand même, elle arrive à destination. 
  Et la destination, je la donne. Je la donne comme la destination fondamentale 
  de toute lettre, je veux dire épistole, elle arrive, disons, même 
  pas à celui, ni à celle, à ceux qui ne peuvent rien y comprendre, 
  dont la police, dans l’occasion. Bien entendu elle est tout à fait 
  incapable d’y comprendre quoi que ce soit comme je le souligne et je l’explique 
  en de nombreuses pages — justement c’est même pour ça 
  qu’elle était même pas capable de la trouver — à 
  ce substrat, ce matériel de la lettre. Tout ça est dit très 
  joliment, cette invention, cette forgerie de Poe, magnifique, la lettre est 
  bien entendu hors de la portée de l’explication de l’espace,
  
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  puisque c’est de ça qu’il s’agit. C’est ça 
  que le préfet vient dire, enfin ce que la police vient dire d’abord, 
  c’est que tout ce qui est chez le ministre, étant donné 
  qu’on est sûr que la lettre y est, qu’elle est là pour 
  qu’il l’ait toujours à portée de la main, on dit pourquoi, 
  que l’espace a été littéralement quadrillé.
  C’est amusant, hein? de me livrer là, comme ça, je ne sais 
  pas, à chaque fois que je me laisse un peu, de temps en temps, un peu 
  aller dans les pentes, pourquoi pas, à quelques considérations, 
  comme ça, sur l’espace. Ce fameux espace qui est bien pour notre 
  logique depuis un bon moment, depuis Descartes, la chose la plus encombrante 
  du monde. C’est bien tout de même une occasion d’en parler, 
  si tant est qu’il faille l’ajouter comme une sorte de note en marge, 
  comme de ce que j’isole, que comme de ce que je distingue comme la dimension 
  de l’Imaginaire. Il y a quand même des gens qui se tracassent, pas 
  forcément sur cet écrit-là, sur d’autres, ou même 
  aussi quelquefois qui ont gardé des notes de ce que j’ai pu dire 
  dans un temps, par exemple sur l’identification; c’était 
  une année, 61-62, je dois dire que tous mes auditeurs pensaient à 
  autre chose sauf, je sais pas, un ou deux qui venaient tout à fait du 
  dehors, qui ne savaient pas ce qui se passait exactement. J’y ai parlé 
  du trait unaire alors on se tracasse maintenant, il semble que ce soit légitime, 
  à savoir, ce trait unaire, où est-ce qu’il faut le mettre. 
  Du côté du Symbolique, ou de l’Imaginaire? Et pourquoi pas 
  du Réel? Quoiqu’il en soit tel que, puisque c’est comme ça 
  que ça se passe, un bâton, ein einziger Zug, car c’est bien 
  sûr dans Freud que j’ai été le pécher, qui 
  pose quelques questions, comme je vous l’ai déjà un peu 
  introduit la dernière fois, par cette remarque qu’il était 
  tout à fait impossible de penser quoi que ce soit qui tienne debout sur 
  cette bipartition si difficile, si problématique, pour les mathématiciens, 
  qui est à savoir, est-ce que tout peut être réductible à 
  la logique pure, c’est-à-dire à un discours qui se soutient 
  d’une structure bien déterminée. Est-ce qu’il n’y 
  a pas un élément absolument essentiel qui reste, quoi que nous 
  fassions pour l’enserrer de cette structure, le réduire, qui tout 
  de même reste un dernier noyau et qu’on appelle intuition. Assurément, 
  c’est la question dont Descartes est parti, je veux dire, je vous ferai 
  remarquer, c’est que le raisonnement mathématique, à son 
  gré, ne tirait rien d’efficace, de créateur, de quoi que 
  ce fût qui fut de l’ordre du raisonnement, mais seulement son départ, 
  à savoir une intuition originale et qui est celle qu’il pose, institue 
  de sa distinction originelle de l’étendue et de la pensée. 
  Bien sûr, cette opposition cartésienne, d’être faite 
  plus par un penseur que par un mathématicien — non pas certes incapable 
  de produire en mathématiques, comme les effets s’en sont prouvés 
  — a été bien sûr bien plus enrichie par les mathématiciens 
  eux-mêmes, c’est bien la première
  
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  fois que quelque chose venait aux mathématiques par la voie de la philosophie. 
  Car je vous prierais de remarquer cette chose qui me semble à moi très 
  certaine
  — qu’on me contredise si on le peut, il serait facile de trouver 
  là-dessus plus compétent que moi — il est tout de même 
  très frappant que les mathématiciens de l’Antiquité 
  aient, eux, poursuivis leur marche sans avoir le moindre égard à 
  tout ce qui pouvait se passer dans les écoles de sagesse, dans les écoles 
  quelles qu’elles fussent de philosophie. Il n’en est pas de même 
  de nos jours, ou assurément l’impulsion cartésienne concernant 
  la distinction de l’intuitionner du raisonner est une chose qui a fortement 
  travaillé la mathématique elle-même. C’est bien en 
  cela que je ne peux pas ne pas y trouver une veine, un effet de quelque chose 
  qui a un certain rapport avec ce qu’ici, sur le champ dont il s’agit 
  et que je tente, et qu’il me semble que la remarque que je peux faire, 
  du point où je suis, sur les rapports entre la parole et l’écrit, 
  de ce qu’il y a, au moins dans cette première arête, sur 
  ce qu’il y a de spécial dans la fonction de l’écrit 
  au regard de tout discours, est de nature peut-être à faire que 
  les mathématiciens s’aperçoivent de ce que j’ai indiqué 
  la dernière fois, que l’intuition même de l’espace 
  euclidien doit quelque chose à l’écrit. D’autre part, 
  si comme je vais essayer de vous le pousser un peu plus loin, ce qu’on 
  appelle en mathématique « recherche logique », réduction 
  logique, l’opération mathématicienne, c’est quelque 
  chose qui en tout cas ne va pas, ne saurait avoir d’autre support — 
  il suffit pour le constater de suivre l’histoire — que la manipulation 
  de petites ou de grandes lettres, de lots alphabétiques divers, je veux 
  dire lettres grecques ou lettres germaniques, plusieurs lots alphabétiques, 
  toute manipulation dont avance la réduction logistique dans le raisonnement 
  mathématique nécessite ce support. Comme je vous le répète, 
  je ne vois pas la différence essentielle avec ce qui était, longtemps, 
  pendant toute une époque, XVIIe, XVIIIe siècles, la difficulté 
  de la pensée mathématicienne, à savoir, la nécessité 
  du tracé, pour la démonstration euclidienne, qu’au moins 
  un de ces triangles soit là tracé. À partir de quoi chacun 
  s’affole, ce triangle qui aura été tracé, est-ce 
  le triangle général, ou un triangle particulier? Car il est bien 
  clair qu’il est toujours particulier, et que ce que vous démontrez 
  pour le triangle en général, à savoir, toujours la même 
  histoire, à savoir que les trois angles qui font deux droits, ben il 
  est clair qu’il faut pas que vous disiez que ce triangle n’a pas 
  le droit d’être aussi bien rectangle isocèle à la 
  fois ou équilatéral. Donc il est toujours particulier. Ça 
  a énormément tracassé les mathématiciens. Je passe 
  bien sûr, ce n’est pas l’endroit de le rappeler ici, on est 
  pas là pour faire de l’érudition, à travers quel 
  et quel ça coule depuis Descartes, Leibnitz ou d’autres, ça 
  va jusqu’à Husserl, ils me semblent n’avoir
  
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  jamais vu cet os tout de même, que l’écriture est là 
  des deux côtés, elle est bien homogénéisant l’intuitionner 
  et le raisonner, que l’écriture en d’autres termes des petites 
  lettres, n’a pas de fonction moins intuitive que ce que traçait 
  le bon Euclide. Il s’agirait quand même de savoir pourquoi on pense 
  que ça fait une différence. Je ne sais pas si je dois vous faire 
  remarquer que la consistance de l’espace, de l’espace euclidien, 
  de l’espace qui se ferme sur ses trois dimensions, me semble devoir être 
  définie d’une bien autre façon. Si vous prenez deux points, 
  ils sont à égale distance l’un de l’autre si je puis 
  dire, la distance est la même du premier au second que du second au premier. 
  Vous pouvez en prendre trois et faire que ce soit encore vrai, à savoir 
  que chacun est à égale distance de chacun des deux autres. Vous 
  pouvez en prendre quatre et faire que ce soit encore vrai. Je ne sais pas, je 
  n’ai jamais entendu pointer ça expressément. Vous pouvez 
  en prendre cinq, ne vous précipitez pas pour dire que là aussi 
  vous pouvez les mettre à égale distance de chacun des quatre autres 
  parce que, tout au moins dans notre espace euclidien, vous n’y arriverez 
  pas. Il faut pour que vous ayez ces cinq points à égale distance, 
  vous m’entendez bien, de chacun de tous les autres, que vous fabriquiez 
  une quatrième dimension. Voilà! Bien sûr, c’est très 
  aisé, à la lettre, et puis ça tient très bien, on 
  peut démontrer qu’un espace à quatre dimensions est parfaitement 
  cohérent dans toute la mesure où on peut montrer le lien de sa 
  cohérence à la cohérence des nombres réels. C’est 
  dans cette mesure même qu’il se soutient. Mais enfin, c’est 
  un fait que, au-delà du tétraèdre, déjà, 
  l’intuition a à se supporter de la lettre. Je me suis lancé 
  là-dedans pour vous dire, parce que j’ai dit que la lettre qui 
  arrive à destination c’est la lettre qui arrive à la police, 
  qui n’y comprend rien, et que la police comme vous le savez, elle n’est 
  pas née d’hier, trois piques comme ça sur le sol, trois 
  piques sur le campus, pour peu que vous connaissiez un petit peu ce qu’a 
  écrit Hegel, vous saurez que c’est l’Etat. L’Etat et 
  la police, pour quelqu’un qui a un tout petit peu réfléchi, 
  on peut pas dire que Hegel là-dessus soit si mal placé, c’est 
  exactement la même chose. Ça repose sur une structure tétraédrique, 
  en d’autres termes, dès que nous mettons en question quelque chose 
  comme la lettre, il faut que nous sortions de mes petits schémas de l’année 
  dernière, qui étaient faits comme vous vous en souvenez comme 
  ça:
S1 S2
  $ @
  
93
  Voilà, le discours du maître, comme vous vous en souvenez peut-être, 
  caractérisé par ceci que des six arêtes du tétraèdre, 
  une est rompue. C’est dans la mesure où on fait tourner ces structures 
  sur les quatre arêtes du circuit qui dans le tétraèdre se 
  suivent, c’est une condition, s’emmanchent dans le même sens, 
  dans ce sens que tourne en rond une, n’importe laquelle des deux autres, 
  des trois autres, que la variation s’établit de ce qu’il 
  en est de la structure du discours, très précisément en 
  tant qu’elle reste à un certain niveau de construction qui est 
  celui, tétraédrique, celui tétraédrique, dont on 
  ne saurait se contenter dès lors qu’on fait surgir l’instance 
  de la lettre. C’est même parce qu’on ne saurait s’en 
  contenter, qu’à rester à son niveau, il y a toujours un 
  de ces côtés de ce qui fait cercle qui se rompt. Alors, c’est 
  de là qu’il résulte que dans un monde tel qu’il est 
  structuré par un certain tétraèdre, la lettre n’arrive 
  à destination qu’à trouver celui que dans mon discours sur 
  la Lettre volée, je désigne du terme du Sujet qui n’est 
  pas du tout à éliminer d’aucune façon ni à 
  retirer, sous prétexte que nous faisons quelques pas dans la structure, 
  et dont il faut tout de même bien partir de ceci, c’est que si ce 
  que nous avons découvert sous le terme d’inconscient a un sens, 
  le Sujet, je vous le répète, irréductible, nous ne pouvons 
  pas, même à ce niveau, ne pas en tenir compte, mais le Sujet se 
  distingue de sa toute spéciale imbécillité. C’est 
  ce qui compte dans le texte de Poe, du fait que celui sur lequel il badine à 
  cette occasion, ce n’est pas pour rien que c’est le roi, qui ici 
  se manifeste en fonction de Sujet. Il comprend absolument rien et toute sa structure 
  policière ne fera pas néanmoins que la lettre n’arrive même 
  pas à sa portée, étant donné que c’est la 
  police qui la garde et qu’elle ne peut rien en faire. Je souligne même 
  que, dût-on la retrouver dans ses dossiers, ça ne peut pas servir 
  à l’historien. Dans telle et telle page de ce que j’écris 
  à propos de cette lettre, on peut dire qu’il n’y a très 
  probablement que la Reine qui sait ce qu’elle veut dire, et que tout ce 
  qui fait son poids, c’est que, si la seule personne que ça intéresse, 
  à savoir le Sujet, le Roi, l’avait en main, il n’y comprendrait 
  que ceci: c’est que, elle a sûrement un sens et que c’est 
  en ça qu’est le scandale, que c’est un sens qui à 
  lui, le Sujet, lui échappe. Le terme de scandale, ou encore de contradiction, 
  est à la bonne place dans ces quatre petites dernières pages que 
  je vous avais donné à lire, je souligne.
  Il est clair que c’est uniquement en fonction de cette circulation de 
  la lettre que le ministre — puisque ici il y en a eu quand même 
  quelques-uns qui ont autrefois lu Poe, vous devez savoir qu’il y a un 
  ministre dans le coup, celui qui a barboté la lettre — que le ministre 
  nous montre au cours du déplacement de ladite lettre, des variations, 
  tel le poisson courant ses variations de couleur et à
  
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  la vérité que sa fonction essentielle, que tout mon texte joue 
  un petit trop abondamment — mais on ne saurait trop insister pour se faire 
  entendre — joue sur le fait que la lettre a un effet féminisant. 
  Mais dès qu’il l’a plus la lettre, parce qu’il n’en 
  sait rien lui-même, dès qu’il ne l’a plus, le voici, 
  en quelque sorte, restitué à la dimension, justement, que tout 
  son dessein était fait pour se donner à lui-même, celle 
  de l’homme qui ose n’importe quoi. Et j’insiste sur ce virage 
  de ce qui se passe, c’est ce sur quoi se termine cet énoncé 
  poesque, c’est que c’est à ce moment-là que la chose 
  apparaît, monstrum horrendum, comme on dit dans le texte, ce qu’il 
  avait voulu être pour la Reine, qui bien sûr en a tenu compte, puisqu’elle 
  a essayé de la ravoir, cette lettre, mais enfin avec lui le jeu se tenait. 
  C’est pour notre Dupin, à savoir le malin des malins, celui auquel 
  Poë donne le rôle, le rôle de nous jeter quelque chose que 
  j’appellerai assez volontiers, je le souligne dans ce texte, quelque poudre 
  aux yeux. A savoir que nous croyons que le malin des malins ça existe, 
  à savoir que lui, vraiment, comprend, sait tout, qu’en étant 
  dans le tétraèdre, il peut comprendre comment il est fait.
  J’ai assez ironisé sur ces choses certainement très habiles, 
  qui sont le jeu de mots autour d’ambitus, de religio ou d’honesti 
  hommes, pour montrer et dire simplement, quant à moi, que je cherchais 
  un peu plus loin la petite bête, n’est-ce pas, et que à la 
  vérité elle est quelque part; elle est quelque part à suivre 
  Poe, on peut se poser la question de savoir si Poe s’en est bien aperçu. 
  À savoir que le seul fait d’être passée entre les 
  mains de Dupin, la lettre l’a féminisé à son tour, 
  assez pour que, à l’endroit du ministre, tel qu’il sait pourtant 
  l’avoir privé de ce qui pourrait lui permettre de continuer à 
  jouer son rôle si jamais il faut en abattre les cartes - c’est précisément 
  à ce moment-là que ce Dupin ne peut pas se contenir et manifeste 
  à l’endroit de celui qui se croit déjà suffisamment 
  avoir mis à sa merci quiconque, pour ne pas laisser plus de trace, qu’il 
  lui envoie ce message dans le billet qu’il a substitué à 
  la lettre dérobée, « un destin si funeste... », enfin, 
  vous savez le texte, « s’il n’est digne d’Atrée, 
  est digne de Thyeste ».
  La question, si je puis dire, est de s’apercevoir si je puis dire, si 
  Poe dans l’occasion s’aperçoit bien de la portée de 
  ceci, de ce que Dupin, dans cette sorte de message au-delà de toutes 
  les possibilités, car Dieu sait si jamais ça arrivera que le ministre 
  la sorte, sa lettre, et se trouve du même coup dégonflé, 
  pour vous dire que la castration soit là, comme elle, suspendue, parfaitement 
  réalisée.
  J’indique aussi cette perspective qui ne me paraît, enfin ! pas 
  écrite d’avance. Ç a donne que plus de prix à ce 
  que Dupin écrit comme message à celui qu’il vient de priver 
  de ce qu’il croit être son pouvoir. Ce petit poulet, qu’il 
  jubile à la pensée de ce qui se passera quand l’intéressé 
  devant qui, à quelle fin, aura à en
  
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  faire usage, ce qu’on peut dire, c’est que Dupin jouit. Alors, c’est 
  là la question, la question que j’amorçai la dernière 
  fois en vous disant, est-ce que c’est la même chose le narrateur 
  et celui qui écrit? Ce qui est incontestable, c’est que le narrateur, 
  le sujet de l~énoncé, celui qui parle, c’est Poe. Est-ce 
  que Poe jouit de la jouissance de Dupin, ou d’ailleurs ? C’est là 
  ce qu’aujourd’hui je vais m’efforcer de vous montrer.
  Je vous parle de la Lettre volée telle que je l’ai articulée 
  moi-même, c’est là une illustration que je peux donner à 
  la question que j’ai posée la dernière fois. Est-ce que 
  ce n’est pas radicalement différent celui qui écrit, et 
  celui qui parle en son nom au titre du narrateur dans un écrit? À 
  ce niveau, c’est sensible. Car ce qui se passe au niveau du narrateur, 
  c’est en fin de compte ce que je pourrais appeler, je m’excuse d’insister 
  sur le caractère démonstratif de ce petit essai, c’est qu’à 
  la fin du compte, c’est la plus parfaite castration qui est démontrée. 
  Tout le monde est également cocu, et personne n’en sait rien. C’est 
  certain, le Roi bien sûr dort depuis le début et dormira jusqu’à 
  la fin de ses jours sur ses deux oreilles; la Reine ne se rend pas compte qu’il 
  est à peu près fatal qu’elle devienne folle de ce ministre, 
  maintenant qu’elle le tient! Qu’elle l’a châtré, 
  hein ? c’est un amour! Le ministre pour être fait, il est fait, 
  mais en fin de compte ça ne lui fait ni chaud ni froid, parce que comme 
  je l’ai très bien expliqué quelque part, de deux choses 
  l’une: ou il lui plaît de devenir l’amant de la Reine et ça 
  devrait être agréable, en principe, on dit ça, ça 
  plaît pas à tout le monde, ou si vraiment il a pour elle un de 
  ces sentiments qui sont de l’ordre de ce que j’appelle moi le seul 
  sentiment lucide, à savoir la haine, comme je vous l’ai très 
  bien expliqué, s’il la hait, elle l’en aimera d’autant 
  plus, et ça lui permettra d’aller si loin, qu’il finira quand 
  même par se douter que la lettre, elle n’est plus là depuis 
  longtemps. Parce qu’il se trompera naturellement. Il se dira que si on 
  va si loin avec lui, c’est qu’on est sûr des choses, alors, 
  il ouvrira son petit papelard à temps, mais en aucun cas il ne reviendra 
  à ce qui est la chose souhaitée, c’est que le ministre, 
  il finisse par se ridiculiser; il ne le sera pas! Bon! Eh bien voilà! 
  voilà ce que j’ai réussi à dire à propos de 
  ce que j’ai écrit, et ce que je voudrais vous dire, c’est 
  que ça prend sa portée de ce que c’est illisible.
  C’est là le point, si vous voulez bien encore m’entendre, 
  que je vais essayer de développer. Comme beaucoup de gens, je vous le 
  dis tout de suite parce que ce sont des gens du monde, les seuls qui soient 
  capables de me dire ce qu’ils pensent à propos de ce que je leur 
  refile; c’était le moment où mes Ecrits n’étaient 
  pas encore parus, ils m’ont donné leur point de vue de techniciens, 
  « on n’y comprend rien » qu’ils m’ont dit. Remarquez 
  que c’est beaucoup. Quelque chose
  
—96—
  auquel on ne comprend rien, c’est tout l’espoir, c’est le 
  signe qu’on en est affecté. Heureusement qu’on a rien compris! 
  Parce que on ne peut jamais comprendre que ce que bien sûr on a déjà 
  dans la tête. Mais enfin, je voudrais essayer d’articuler ça 
  un peu mieux. Il suffit pas d’écrire quelque chose qui soit exprès 
  incompréhensible, mais de voir pourquoi l’illisible a un sens. 
  Je vous ferai remarquer d’abord que... toute notre affaire qui est l’histoire 
  du rapport sexuel, n’est-ce pas, tourne autour de ceci que vous pourriez 
  croire que c’est écrit puisqu’en somme, c’est ce qu’on 
  a trouvé dans la psychanalyse, on est tout de même bien référé 
  à un écrit. L’Œdipe, c’est un mythe écrit 
  et je dirai même plus, c’est très exactement la seule chose 
  qui le spécifie. On aurait pu prendre exactement n’importe lequel, 
  pourvu qu’il soit écrit. Le propre d’un mythe qui est écrit, 
  comme l’a fait remarquer déjà Claude Lévi-Strauss, 
  c’est que de l’écrire, il n’a qu’une seule forme, 
  alors que le propre du mythe, comme toute l’œuvre de Lévi-strauss 
  [essaie] de le démontrer, c’est d’en avoir une très 
  très grande quantité, c’est ça qui le constitue comme 
  mythe, un mythe écrit.
  Alors ce mythe écrit pourrait très bien passer pour l’inscription 
  de ce qu’il en est du rapport sexuel. Je voudrais tout de même vous 
  faire remarquer certaines choses. Voilà! c’est que, c’est 
  pour ça qu’il n’est pas indifférent que je sois parti 
  de ce texte, c’est que si cette lettre, cette lettre en l’occasion 
  peut avoir cette fonction, cette fonction féminisante, n’est-ce 
  pas, c’est que par rapport à ce que je vous ai dit de ceci, que 
  le mythe écrit, l’Œdipe est fait très exactement pour 
  nous pointer, c’est que c’est impensable de dire: la femme. C’est 
  impensable, pourquoi ? parce que on ne peut pas dire: toutes les femmes. On 
  peut pas dire toutes les femmes parce que ce n’est introduit dans ce mythe 
  qu’au nom de ceci que le Père possède toutes les femmes, 
  ce qui est manifestement le signe d’une impossibilité. D’autre 
  part, ce que je souligne à propos de cette Lettre volée, c’est 
  que s’il n’y a qu’une femme, qu’en d’autres termes 
  la fonction de la femme ne se déploie que de ce que le grand mathématicien 
  Brouwer dans le contexte de ce que je vous ai énoncé, avancé 
  tout à l’heure sur la discussion mathématique appelle la 
  « multiunité », à savoir ceci, qu’il y a une 
  fonction qui est à très proprement parler celle que le Père 
  est là, le Père est là pour s’y faire reconnaître, 
  dans sa fonction radicale, dans celle qu’il a toujours manifestée, 
  et chaque fois qu’il s’est agi du monothéisme par exemple, 
  ce n’est pas pour rien que Freud vient échouer là, c’est 
  qu’il y a une fonction tout à fait essentielle qu’il convient 
  de réserver comme étant à l’origine à très 
  proprement parler de l’écrit. C’est ce que j’appellerai 
  le pas plus d’un. Aristote bien sûr, fait des efforts tout à 
  fait ravissants, considérables, comme il en fait d’habitude, pour 
  nous rendre ça accessible
  
— 97 —
  par échelon, au nom de son principe qu’on peut qualifier comme 
  ça, de principe de la remontée de l’échelle de cause 
  en cause et d’être en être, etc., il faudra bien que vous 
  vous arrêtiez quelque part, enfin c’est ce qu’il y a de très 
  gentil, (...) c’est qu’il parlait vraiment pour des imbéciles. 
  D’où le développement de la fonction du sujet. C’est 
  d’une façon tout à fait originelle que le pas plus d’un 
  se pose. Sans pas plus d’un, vous ne pouvez même pas commencer à 
  écrire la série des nombres entiers. Je vous montrerai ça 
  au tableau la prochaine fois. Faut qu’il y ait un un, et puis que vous 
  n’ayez plus ensuite qu’à la crever la bouche en rond chaque 
  fois que vous voulez recommencer, pour qu’à chaque fois ça 
  fasse un de plus, mais pas le même.. Par contre, tout ceux qui se répètent 
  ainsi sont les mêmes, ils peuvent s’additionner. On appelle ça 
  la série arithmétique. Mais revenons à ce qui nous paraît 
  essentiel à ce sujet, concernant la jouissance sexuelle. C’est 
  qu’il n’y a, expérience faite, une structure, quels qu’en 
  doivent être les conditionnements particuliers, c’est que la jouissance 
  sexuelle se trouve ne pas pouvoir être écrite, et c’est de 
  cela que résulte la multiplicité structurale, et d’abord 
  la tétrade dans laquelle quelque chose se dessine qui la situe, mais 
  inséparable d’un certain nombre de fonctions qui n’ont en 
  somme rien à faire avec ce qui peut spécifier dans ~e général 
  le partenaire sexuel. La structure est telle que l’homme comme tel en 
  tant qu’il fonctionne est châtré, et d’autre part, 
  quelque chose existe qui est au niveau du partenaire féminin, et qu’on 
  pourrait simplement tracer de ce trait, sur lequel je pointe la portée, 
  toute la fonction de cette lettre en l’occasion, que la femme n’a 
  rien à en faire, si elle existe — maintenant, c’est pour 
  ça qu’elle n’existe pas, c’est qu’en tant que 
  la femme, elle n’a rien à faire avec la loi.
  Alors, comment concevoir ce qui s’est passé? On fait quand même 
  l’amour, hein? on fait quand même l’amour et on s’aperçoit 
  à partir du moment où on s’y intéresse, depuis longtemps, 
  et on s’y est peut-être toujours intéressé, seulement 
  nous avons perdu la clé de la façon dont on s’y est intéressé 
  précédemment, mais pour nous, au cœur, dans l’efflorescence 
  de l’ère scientifique, nous apercevons ce qu’il en est par 
  Freud. C’est quoi? quand il s’agit de structurer, de faire fonctionner 
  au moyen de symboles, le rapport sexuel, qu’est-ce qui y fait obstacle? 
  C’est que la jouissance s’en mêle. La jouissance sexuelle 
  est-elle traitable directement ? Elle ne l’est pas, et c’est en 
  cela, disons, ne disons rien de plus, qu’il y a la parole. Le discours 
  commence de ce qu’il y ait, là, béance. On ne peut pas en 
  rester là, je veux dire que je me refuse à toute position d’origine, 
  et qu’après tout, rien ne nous empêche de dire que c’est 
  parce que le discours commence que la béance se produit. C’est 
  tout à fait indifférent pour le résultat. Ce qu’il 
  y
  
—98—
  a de certain, c’est que le discours est impliqué dans la béance 
  et comme il n’y a pas de métalangage, il ne saurait en sortir. 
  La symbolisation de la jouissance sexuelle, ce qui rend évident ce que 
  je suis en train d’en articuler, c’est qu’elle emprunte tout 
  son symbolisme à quoi? à ce qui ne la concerne pas, à savoir 
  à la jouissance en tant qu’elle est interdite par certaines choses 
  confuses, confuses mais pas tellement que ça, car nous sommes arrivés 
  à l’articuler parfaitement, sous le nom du principe du plaisir. 
  Ce qui ne peut avoir qu’un sens, pas trop de jouissance. Parce que l’étoffe 
  de toutes les jouissances confinent à la souffrance, c’est même 
  à ça que nous reconnaissons l’habit. Si la plante ne souffrait 
  pas manifestement, nous ne saurions pas qu’elle est vivante. Il est donc 
  clair que le fait que la jouissance sexuelle n’ait trouvé pour 
  se structurer que la référence à l’interdit, en tant 
  que nommé, de la jouissance, mais d’une jouissance qui n’est 
  pas celle, qui est cette dimension de la jouissance, qui est à proprement 
  parler la jouissance mortelle, en d’autres termes, que sa structure, la 
  jouissance sexuelle, la prenne de l’interdit porté sur la jouissance 
  dirigée sur le corps propre, c’est-à-dire très précisément 
  en ce point d’arête et de frontière où elle confine 
  à la jouissance mortelle. Et elle ne rejoint la dimension du sexuel qu’à 
  porter l’interdit sur le corps, dont le corps propre sort, à savoir 
  sur le corps de la mère. Ce n’est que par là que se structure, 
  qu’est rejoint dans le discours, ce qui seul peut y apporter la loi, ce 
  qu’il en est de la jouissance sexuelle. Le partenaire en l’occasion 
  est bien en effet réduit à une, mais pas n’importe laquelle, 
  celle qui t’a pondu. Et c’est autour de ça que se construit 
  tout ce qui peut s’articuler dès que nous rentrons dans ce champ 
  d’une façon qui soit verbalisable. Quand nous nous avancerons plus 
  loin, je reviendrai sur la façon dont le savoir vient à fonctionner 
  comme un jouir. Nous pouvons ici passer. La femme comme telle se trouve dans 
  cette position uniquement rassemblée de ceci qu’elle est, je dirai, 
  sujette à la parole. Bien sûr, je vous épargne les détours. 
  Que la parole soit ce qui instaure une dimension de vérité, l’impossibilité 
  de ce rapport sexuel, c’est bien aussi ce qui fait la portée de 
  la parole en ceci bien sûr qu’elle peut tout, sauf servir au point 
  où elle est occasionnée. La parole s’efforce de réduire 
  la femme à la sujétion [suggestion], c’est-à-dire 
  d’en faire quelque chose dont on attend des signes d’intelligence, 
  si je puis m’exprimer ainsi. Mais bien sûr, ce n’est là 
  d’aucun être réel qu’il s’agit ici, pour dire 
  le mot, la femme en l’occasion, comme ce texte est fait pour le démontrer, 
  la femme, je veux dire l’en-soi de la femme, la femme — comme si 
  on pouvait dire toutes les femmes — la femme — j’insiste, 
  qui n’existe pas — c’est justement la lettre. La lettre, en 
  tant qu’elle est le signifiant qu’il n’y a pas d’Autre: 
  S (A).
  
— 99 —
  Et c’est là-dessus que je voudrai, avant de vous quitter, quand 
  même vous énoncer une remarque qui dessine la configuration logique 
  de ce que je suis en train d’avancer. Dans la logique aristotélicienne, 
  vous avez les affirmatives, je ne les mets pas avec les lettres qui sont d’usage 
  habituel dans la logique formelle, je ne mets pas A, j’écris universelle 
  affirmative, et j’écris ça universelle négative, 
  c’est ce que ça veut dire. J’écris ici particulière 
  affirmative et particulière négative. Je fais remarquer qu’au 
  niveau de l’articulation aristotélicienne, c’est entre ces 
  deux pôles — puisque c’est à Aristote que ces catégories 
  propositionnelles sont empruntées — c’est entre ces deux 
  pôles que se fait la discrimination logique. L’universelle affirmative 
  énonce une essence. J’ai assez souvent insisté dans le passé 
  sur ce qu’il en est de l’énoncé tout trait est vertical 
  et qu’il est parfaitement compatible avec ceci qu’il n’existe 
  aucun trait, l’essence se situe essentiellement dans la logique. Elle 
  est pur énoncé de discours. La discrimination logique, son axe 
  essentiel dans cette articulation, est très exactement cet axe oblique 
  que je viens ici de noter. Rien ne va contre
  un énoncé logique quelconque identifiable, rien, si ce n’est 
  la remarque que: « Il y en a qui... pas», particulière négative, 
  il y en a des traits qui ne sont pas verticaux. C’est la seule contradiction 
  qui puisse se faire contre l’affirmation que c’est un fait d’essence. 
  Et les deux autres termes sont, dans le fonctionnement de la logique aristotélicienne, 
  tout à fait secondaires. À savoir, il y en a qui, affirmative 
  particulière, et après, comment savoir si c’est nécessaire 
  ou pas, ça ne prouve rien, et de dire « Il y en a pas qui», 
  ce qui n’est pas la même chose que de dire: « Il y en a qui 
  pas », c’est-à-dire l’universelle négative. 
  Il n’y en a pas qui, ben ça prouve rien non plus. C’est un 
  fait. Ce que je peux vous faire remarquer, c’est ce qui se passe quand, 
  de cette logique aristotélicienne, nous passons à leur transposition 
  dans la logique mathématique, celle qui s’est faite par la voie 
  de ce qu’on appelle les quantificateurs. Ne m’engueulez pas parce 
  que vous n’allez plus m’entendre, je vais d’abord écrire 
  et justement c’est de ça qu’il s’agit. L’universelle, 
  je disais, l’universelle affirmative va maintenant s’écrire 
  de cette notation inverbalisable: c’est un A renversé; je dis « 
  A renversé », enfin, c’est pas du discours, c’est de 
  l’écrit. Mais c’est un signal, comme vous allez le voir, 
  pour jaspiner. ?x F (x), universelle affirmative, ?x. F (x), ici, particulière 
  affirmative. ?x. F(x), ça, je veux exprimer que c’est une négative. 
  Comment le puis-je? Je suis frappé de ceci que ça n’a jamais 
  été vraiment articulé comme je vais le faire. C’est 
  qu’il faut que vous mettiez la barre de la négation au-dessus de 
  F (x) et non pas du tout au-dessus, comme il se fait
  
—100—
  habituellement, des deux. Vous allez voir pourquoi. Et ici, c’est sur 
  E x que vous devez mettre la barre. Je mets ici maintenant moi-même une 
  barre équivalente à celle qui était ici, et comme celle 
  qui était ici séparait en deux zones le groupe des quatre, ici, 
  c’est d’une façon différente qu’elle répartit 
  par deux.
  Ce que j’avance, c’est que dans cette façon d’écrire, 
  justement, tout tient à ce qu’on peut dire à propos de l’écrit, 
  et que la distinction en deux termes unis par un point de ce qui est ainsi écrit 
  a cette valeur de dire qu’on peut dire de tout
  c’est le signal de l’A renversé — qu’il satisfait 
  à ce qui est écrit, F (x), qu’il n’y est pas déplacé. 
  De même, mais avec un accent différent, c’est qu’il 
  y ait de l’inscriptible, à savoir que c’est ici que porte 
  l’accent de l’écrit, il existe des x que vous pouvez faire 
  fonctionner dans l’F (x), dont alors vous parlez, qu’il s’agit, 
  dans ce qu’on appelle ici la transposition quantificatrice, au moyen des 
  quantificateurs de la particulière. Par contre, il est si vrai que c’est 
  autour de l’écrit que pivote le déplacement de la répartition, 
  c’est à savoir que pour ce qui est mis au premier plan, recevable, 
  rien n’a changé pour l’universelle, elle est toujours de 
  prix, encore que ce ne soit pas le même prix. Par contre ce dont il s’agit 
  ici, le clivage consiste à s’apercevoir de la non valeur de l’universelle 
  négative, puisque là, c’est que de quelque x que vous parliez, 
  il ne faut pas écrire F (x). Et que de même pour la particulière 
  négative, il y a ceci, que de même qu’ici le x pouvait s’écrire, 
  était recevable, inscriptible dans cette formule, ici simplement, ce 
  qui est dit, c’est qu’il n’est pas inscriptible. Qu’est-ce 
  à dire? C’est que, ce qui de ces deux structurations est resté 
  en quelque sorte négligé, sans valeur, à savoir l’universelle 
  négative, l’universelle négative en tant qu’elle est 
  celle qui permet de dire qu’il ne faut pas écrire ceci si vous 
  parlez d’un x quelconque, en d’autres termes que c’est ici 
  que fonctionne une coupure essentielle, eh bien! c’est cela même 
  autour de quoi s’articule ce qu’il en est du rapport sexuel. La 
  question est de ce qui ne peut pas s’écrire dans la fonction F 
  (x), à partir du moment où ceci, la fonction F (x), est elle-même 
  à ne pas écrire, c’est-à-dire qu’elle est ce 
  que j’ai dit tout à l’heure énoncé, ce qui 
  est le point autour duquel va tourner ce que nous reprendrons quand je vous 
  reverrai dans deux mois, à savoir qu’elle est à proprement 
  parler ce qui s’appelle illisible.
 ?x Fx ?x -Fx
  ?x. Fx -?x. Fx
note 
  : 
  bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire, ou 
  si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par avance 
  de m'adresser un 
  émail.
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