J.LACAN gaogoa
XXIII-le SINTHOME
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rue CB note
Séminaire du 16 MARS 1976
(p1->) Ça, c'est le dernier truc que m'ont donné Soury et Thomé, c'est un noeud borroméen de mon espèce, fait de deux droites infinies et de quelque chose de circulaire (Fig.I). Vous pouvez constater, avec un peu d'effort, sans doute, que c'est borroméen. Voilà.
Alors, la
seule excuse, parce qu'à la vérité j'ai besoin d'excuses, besoin d'excuses au
moins à mes yeux, la seule excuse que j'ai de vous dire quelque chose
aujourd'hui, c'est que ça va être sensé, moyennant quoi je ne réaliserai pas
ce que je voudrais - et vous allez voir que j'éclairerai ça, enfin - ce que je voudrais, c'est vous donner un
bout, ça peut pas s'appeler autrement, un bout de Réel.
J'en suis réduit
à me dire que il y a du sensé qui peut servir, provisoirement,
mais ce provisoire est fragile, je veux dire que je ne suis pas sûr de combien de
temps ça pourra servir.
Voilà,
j'ai, je me suis beaucoup préoccupé de Joyce tous ces temps-ci,
je vais vous dire ce que, en quoi Joyce, si on peut dire, est stimulant. C'est
qu'il suggère, il suggère, mais ce n'est qu'une suggestion, il suggère une façon
aisée de le présenter, moyennant quoi, et c'est bien là sa valeur, son poids,
moyennant quoi tout le monde s'y casse les dents, même mon ami, Jacques
Aubert,
qui est là au premier rang, et devant qui je me sens indigne. J'ai dit que il
s'y cassait les dents lui-même, parce que, parce que Jacques Aubert
n'arrive pas, pas plus que n'importe qui, d'ailleurs, pas plus qu'un nommé
Adams qui a fait des tours de force dans ce genre, n'arrive
pas à cette façon
aisée de le présenter, je vais peut-être, tout à 1'heure, vous, vous indiquer moi-même, non
pas vous suggérer, vous indiquer à quoi ça
tient.
Bien sûr,
moi aussi, j'ai, j'ai rêvé, et c'est à prendre au sens littéral, de cette façon
aisée de le présenter, j'en ai rêvé cette nuit. Vous, évidemment, évidement
comme on dit, vous évidemment étiez mon public, mais j'étais pas, j'étais pas
acteur.
(p2->) J'étais
même pas acteur du tout. Ce dont je vous faisais part était la façon dont je
- pas acteur du tout, scribouilleur, j'appellerais plutôt ça, - dont je
jugeais les personnages autres que le mien, en quoi, évidemment, je sortais du
mien, ou plutôt, je n'avais pas de rôle. C'était quelque chose dans le genre
d'un, d'un psychodrame, ce qui est une interprétation. Que Joyce m'ait fait rêver
de, de fonctionner comme ça doit avoir
La
métaphore
n'indique que ça : le rapport sexuel ; à ceci près qu' elle : prouve
de fait, du fait qu' elle ex-siste, que le rapport sexuel, c'est
prendre une vessie pour une lanterne, c'est-à-dire ce qu'on peut dire
de mieux pour exprimer une confusion : une vessie peut faire une lanterne, à condition
de mettre du feu
Je dis ça parce que on m'a posé la question hier soir de savoir s'il y avait
d'autres forclusions que celle qui résulte de la forclusion du nom du Père. I1
est bien certain que la forclusion, ça a quelque chose de plus radical,
puisque le nom du Père, c'est quelque chose, en fin de compte, de léger ; mais il est
certain que c'est là que ça peut servir, au lieu que la forclusion du sens par
l'orientation du Réel, ben nous n'en sommes pas encore là.
I1 faut se
briser, si je puis dire, à un nouvel Imaginaire concernant le sens. C'est ce
que j'essaie d'instaurer avec mon
langage. Ce langage a l'avantage de parier sur
la psychanalyse en tant que j'essaie de l'instituer comme discours,
c'est-à-dire comme le semblant le plus vraisemblable. C'est
un exemple, en somme, la psychanalyse, rien de plus, de
court-circuit passant par le sens, le sens comme tel que j'ai défini tout à l'heure de
la copulation, en somme, du langage, puisque c'est de ça que je supporte
l'Inconscient, de la copulation du langage avec notre propre
corps.
Faut vous
dire que, dans l'intervalle, enfin, j'ai été entendre Jacques Aubert quelque
part où vous n'étiez pas conviés, et que là, j'ai fait quelques réflexions
sur l'Ego, ce que les
Il faut que je dessine ça autrement parce que c'est de ça qu'il s'agit. Ça c'est un noeud. (Fig.IIb). Je le refais, parce que, bien entendu, comme chaque fois que je dessine un noeud, je cafouillais, c'est pas la première fois que ça m'arrive devant vous. Voilà correct dans le bas. Vous pouvez voir que ça, c'est noué. Mais, supposez, dit Milnor, que vous vous donniez cette permission que, que dans une chaîne quelconque, celle-là chaîne à deux éléments, que dans une chaîne quelconque un même élément puisse se traverses lui-même, alors (Fig.III), vous obtenez ceci dont, qui vous montre tout de suite que du fait qu'un élément puisse se traverses lui-même, il en résulte que ce qui était au-dessus ici, est là en-dessous, il n'y a plus de noeud ; il n'y en a bien sûr une quantité d'autres exemples. I1 n' y a plus de LINK.
Ce que je propose à votre astuce, c'est ceci de remarquer que si, dans le premier
noeud. (Fig.IIa), vous doublez chacun des éléments de ladite
chaîne,
c'est-à-dire qu'au lieu d'en avoir un ici, vous en ayez deux ayant
la même circulation, et que, de même, que vous en fassiez de même pour ici,
il ne sera plus vrai, aussi invraisemblable que cela puisse vous paraître, et
vous le contrôlerez, j'espère, je n'ai pas apporté mes dessins de sorte que,
comme d'autre part je n'ai fait mettre ici qu'un papier blanc, je ne me
risquerai pas à vous montrer comment ceci se tortille ; il suffit qu'il y en
ait deux, ce qui pourtant semble ne pas faire objection, puisque un, une boucle
en huit, si elle se traverse elle-même, se libère aisément du circulaire ou de
l'ovale, tel que je l'ai dessiné, se libère aisément,
quand ce huit en question se traverse lui-même ; pour quoi ça ne
serait-il pas aussi vrai quand il y en a deux, je dis deux huits, et deux
ovales. I1 n'en reste pas moins que, vous le contrôlerez, j'espère, j'y
reviendrai la prochaine fois non seulement il y a un obstacle, mais il est
radicalement im-(p5->)possible
de séparer les quatre éléments.
Là-dessus,
il faut que je dise que je ne peux pas tracer tous les algorithmes que j' ai énoncés
du type
S de A barré.
Que veut dire que je proteste dans mon séminaire
, mais
le
qu'il ex-siste
un x pour qui cette fonction est négative. Bien sûr, l'idéal du mathème est
que tout se corresponde. C'est bien en quoi le mathème au Réel en rajoute.
Car, contrairement à ce qu'on s'imagine, on ne sait, pourquoi, ce n'est pas la
fin du Réel. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous ne ; pouvons atteindre que
des bouts de Réel. Le Réel, celui dont il s'agit, dans ce qu'on appelle ma
pensée, le Réel est toujours un bout, un trognon, un trognon
certes autour duquel la pensée brode, mais son stigmate à ce Réel comme
tel, c'est de ne se relier à rien. C'est tout du moins comme ça que
je le conçois le Réel, et
ces petites émergences historiques. Il y a un jour,
un nommé Newton qui
a trouvé
un bout de Réel, ça a foutu salement les foies à tous ceux qui, à tous ceux
qui pensaient, nommément à un certain Kant, et dont on peut
dire que de Newton il a fait une maladie. Et d'ailleurs, tout le monde, tous
les êtres pensant de
l'époque en ont fait une, chacun à leur façon. Ça a plu,
non seulement sur les hommes, mais sur les femmes . Madame du
Châtelet a écrit tout un bouquin
sur le Newtonian System, où ça déconne à plain tuyau. C'est tout de même extraordinaire
que quand on atteint un bout de Réel, ça fasse cet effet. Mais c'est de là
qu'il faut partir, c'est le signe même de ce qu'on, de ce qu'on a atteint le
trognon.
J'essaie de vous donner un bout de Réel, à propos de, de ce dans quoi, dans la
peau de
quoi nous sommes, à savoir la
Là où on
se reconnaît, c'est seulement dans ce qu'on a. On ne se reconnaît jamais, c'est
impliqué par ce que j'avance, c'est impliqué par le fait reconnu par
Freud, qu'il y a de l'Inconscient, on ne se reconnaît jamais dans ce qu'on est.
C'est le premier pas de la psychanalyse, parce que ce qu'on est est de l'ordre,
quand on est homme, est de l'ordre de la copulation, c'est-à-dire
de ce qui détourne ladite copulation dans la non moins dite et,
significativement, dans la non moins dite copule constituée par le verbe être.
Le langage trouve dans son infléchissement, vers la copule, la preuve qu'il est
une voie de détour, tout à fait vessie, c'est-à-dire obscure, et
obscur n' est là que métaphore, parce que si nous avions
un bout de Réel,
nous saurions que la lumière n'est pas plus obscure que les ténèbres, et
inversement.
La métaphore copule n'est pas une preuve en soi. C'est la façon qu'a l'Inconscient
de procéder. I1 ne donna que des traces et des traces, non seulement qui
s'effacent toutes seules, mais que tout usage de discours tend à effacer, le
discours analytique comme les autres. Vous-mêmes ne songerez qu'à gommer
les traces du mien de discours, puisque c'est moi qui, ce discours, aie commencé par
lui donner son statut, son statut à partir du faire semblant de
l'objet petit a, soit en fin de compte de ce que, de ce que je nomme, de ce que
l'homme se mette en place de l'ordure qu'il est, du moins aux yeux d'un psychanalyste
qui a une bonne raison de le savoir, c'est que lui-même se met à cette
place. I1 faut en passer par cette ordure décidée pour, peut-être, retrouver
quelque chose qui soit de l'ordre du Réel. Mais, vous voyez, j'emploie le mot retrouver,
retrouver est un glissement, déjà, comme si tout
de cet ordre avait déjà été trouvé. C'est là le piège de l'Histoire. L'Histoire
est le plus grand des fantasmes, si on peut s' exprimer ainsi. Derrière
l'Histoire,
Ce que Freud
souligne de cette mort, si je puis m'exprimer ainsi, la Triebe, d'en faire un
Trieb ; ce qu'on a traduit en français par, je ne sais pas pourquoi, la pulsion,
la pulsion de mort, on n'a pas trouvé une meílleure traduction, alors qu'il y
avait le mot dérive, la pulsion de mort,
c'est le Réel en tant qu'il ne peut
être pensé que comme impossible, c'est-à-dire que chaque fois
qu'il montre le bout de son nez, il est impensable. Aborder à cet Impossible ne
saurait constituer un espoir, puisque cet impensable, c'est la mort, dont c'est
le fondement de Réel qu'elle ne puisse être pensée. L'incroyable, c'est que Joyce,
qui avait le plus grand mépris de l'Histoire, en effet futile,
qu'il qualifie de cauchemar, de cauchemar dont le caractère est de lâcher sur
nous les grands maux dont il souligne qu'ils nous font tant de mal, n'ait pu
trouver enfin que cette solution : écrire Finnegans Wake, soit un rêve qui
comme tout rêve est un cauchemar, même s'il est un cauchemar tempéré, à
ceci près, dit-il, et c'est comme ça qu'est fait ce Finnegans Wake,
c'est que le rêveur n'y est aucun personnage particulier, il est le rêve même.
C'est en ça, c'est en ça que Joyce glisse, plisse, glisse
au Jung, glisse à l'Inconscient collectif dont il n'y a pas meilleure
preuve, il n'y a pas de
meilleure preuve
Alors,
ce qui est le signe de mon empêtrement, c'est biens Joyce. C'est biens Joyce
justement en tant que ce qu'il avance, et nuance d'une façon tout à fait spécialement
artiste, il sait y faire, c'est le Sinthome, et Sínthome tel qu'il y aít ríen
à faire pour l'analyser. J'ai dit ça récemment. Un catholique, un catholique
de, de bonne roche, comme était, comme était Joyce qui n'a jamais pu faire
qu'il n'ait pas été sainement élevé par les Jésuites, un catholíque, un
vraí de vrai, maís biens sûr, il n'y en a pas un de vrai ici, biens sûr,
vous
avez pas été élevés chez les Jésuites, n'importe qui d'entre vous ! Ben, un
catholique est inanalysable. Là-dessus, il y a quelqu'un qui m'avait
fait remarquer que j'avais dit la même chose des Japonais. C'est
Jacques-Alain Miller, biens sûr, qui n'a pas perdu cette occasion, enfin, je
le maíntiens . Je le maintiens, c'est pas pour la même raison, mais depuis, depuis
cette soirée
de Jacques Aubert, à laquelle vous n'étiez pas conviés, depuis cette soirée
Jacques Au
J'ai
quand même extrait quelques personnes de mon École qui assistaient à ce film,
et qui en ont été, comme moi, je le suppose, enfin, c'est ce dont je me suis
servi comme terme pour dire l'effet que ça m'avait fait : j'ai été, à proprement
parler, soufflé. J'ai été soufflé parce que, parce que c'est, c'est de l'érotisme,
je ne m'attendais pas à ça en allant voir un film japonais, c'est de l'érotisme
féminin. Là, j'ai commencé à, à comprendre le pouvoir des japonaises. I1
semble, à voir ce film, un jour ou l'autre, vous allez le voir, c'était une
représentation privée, mais j'espère quand même qu'on va donner le permis.
Et, en faisant quelques mouvements de reptation, vous arriverez à le voir
dans les, dans des salles límitées enfín ; on vous demandera de montrer patte
blanche, mais vous direz que vous venez à mon Séminaire par exemple. Oui !
L'érotisme
féminin semble y être porté, je ne m'en vais pas
Je regrette
de ne l'avoir pas fait de la même façon, d'ailleurs, c'est comme ça que ça
aurait été le plus exemplaire. Elle dit que il n'y a pas d'Autre, d'Autre qui,
qui répondrait comme partenaire, la nécessité de l'espèce humaine étant
qu'il y ait un Autre de l'Autre. C'est celui-là qu'on appelle généralement
Dieu, mais dont l'analyse dévoile que c'est tout simplement
la femme. La seule
chose qui permette de la désigner comme la, puisque je vous ai dit que la femme
n'ex-sistait pas, et j'ai de plus en plus de raisons de le croire, surtout
après avoir vu ce film, et la seule chose qui permette de
supposer la femme, c'est que comme Dieu, elle soit pondeuse. Seulement,
c'est là le progrès que
l'analyse fait faire, c'est de nous apercevoir qu'encore
que le mythe la fasse toute sortir dune seule mère, à savoir d'Eve, ben il n'y
a que des pondeuses particulières ; et c'est en quoi j'ai rappelé dans
le séminaire Encore, paraît-il,
ce que voulait dire cette lettre compliquée, à savoir le
signifiant ( fiant ),
le signifiant de ceci qu'il n'y a pas d'Autre de l'Autre.
Voilà, tout
ce que je vous raconte là n'est que sensé, et à ce titre plein de risque de
se tromper, comme toute l'Histoire on n' a jamais fait que ça. Si je prends
les mêmes risques, c' est bien plutôt pour vous préparer à ce que je pourrais
vous dire d'autre, en essayant, en essayant de faire une foliesophie, si je puis
dire, moins sinistre, moins sinistre que ce qu'est le Livre, dit de la Sagesse,
dans la Bible, quoi qu'après tout, c'est ce qu'on peut faire de mieux, pour
fonder, je vous en reconseille la lecture, elle est sobre et du meilleur ton
- les catholiques la font pas souvent cette lecture, il faut dire - on peut même
dire que le catholicisme a consisté pendant des siècles à ce
que on empêche les tenants de lire la Bible, mais pour fonder la Sa
note: bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire,
ou si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par
avance de m'adresser un émail.
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commentaire revu
ce 27 août 2005