J.LACAN                      gaogoa

< >

XIV- La logique du fantasme. 1966-1967

                        version rue CB

19 Avril 1967                        note  

 

 

 

    (p217->) Je vous ai apporté un certain nombre d'énoncés la dernière fois. J'en ai formulé de tels que, par exemple : il n'y a pas d'acte sexuel. Je pense que la nouvelle en court à travers la ville, enfin, je ne l'ai pas donné comme une vérité absolue.

    J'ai dit que ceci était à proprement parlé, articulé dans le discours de l'inconscient. Ceci dit j'ai encadré cette formule et quelques autres dans une sorte de rappel, je dois dire assez dense, de ce qui en donne le sens et les prémisses, aussi bien ce cours était une sorte d'étape marquée de points de rassemblement qui pourra peut-être servir au titre d'introduction écrite à quelque chose donc que je poursuis.

    Ce que je veux poursuivre aujourd'hui sous une forme peut-être plus accessible en tous cas conçue comme une marche facile, une première façon de débrouiller les articulations dans lesquelles je vais m'avancer qui sont toujours celles que j'ai présentifiées depuis 2 - 3 de mes cours, à savoir cette articulation tierce entre

Je pourrais les réarticuler d'une façon qui pourrait être apodictique, en montrer la nécessité. Je procéderai autrement, pensant plutôt exemplifier l'usage que je vais en faire, quitte à reprendre les choses par la suite de la façon nécessitée dont je vais m'écarter.

    Je vais le faire sous le mode qu'on peut appeler éristique. Ceci en pensant à ceux qui ne savent de quoi il s'agit. Il s'agit de psychanalyse. Il n'est pas nécessaire de savoir de ce dont il s'agit dans la psychanalyse pour tirer profit de mon discours encore faut-il, ce discours, l'avoir un certain temps pratiqué. Je dois supposer que ce n'est pas le cas pour tout le monde spécialement parmi ceux quine sont pas psychanalystes.

    Si j'ai ce souci de ce qu'il convient d'introduire à ce que j'ai appelé mon discours ce n'est bien entendu, pas sans penser aux psychanalystes, mais c'est (p218->) aussi que jusqu'à un certain point il m'est nécessaire de m'adresser à ceux que je viens d'abord de définir et que je me suis trouvé un jour épingler comme étant le nombre, il m'est nécessaire de m'adresser à eux pour que mon discours revienne en quelque sorte d'un point de réflexion aux oreilles des psychanalystes. I1 est en effet frappant et interne à ce dont il s'agit, que le psychanalyste n'entre pas de plein vol dans ce discours, précisément dans la mesure où ce discours intéresse sa pratique et qu'il est démontrable, la suite même de mon discours d'aujourd'hui mettra le point sur ce pourquoi il est concevable que le psychanalyste trouve dans son statut même, j'entends dans ce qui l'institue comme psychanalyste, ce quelque chose qui fasse résistance spécialement au point que j'ai introduit inauguré dans mon dernier discours. Pour dire le mot, l'introduction de la valeur de jouissance fait question à la racine même d'un discours, de tout discours, qui puisse s'intituler discours de la vérité. Au moins pour autant, comprenez-moi que ce discours entrerait en compétition avec le discours de l'inconscient si ce discours de l'inconscient est bien, comme je l'ai dit la dernière fois, articulé par cette valeur de jouissance. Il est singulier de voir comme le psychanalyste a toujours une petite retouche à faire à ce discours compétitif, c'est juste là où son énoncé éventuel est bien dans le vrai, qu'il trouve toujours à reprendre, et il suffit d'avoir un peu d'expérience pour savoir que cette contestation est toujours strictement corrélative quand on peut la mesurer à cette sorte de gloutonnerie qui est liée en quelque sorte à l'institution psychanalytique et qui est celle constituée par l'idée de se faire reconnaître sur le plan du savoir.

    La valeur de jouissance ai-je dit, est au principe de l'économie de l'inconscient. L'inconscient a-je dit encore, en soulignant l'article du, parle du sexe, non pas : par le sexe, mais : parle du sexe.

    Ce que l'inconscient nous désigne sont les voies d'un savoir, il ne faut pas pour les suivre, vouloir savoir avant d'avoir cheminé. L'inconscient parle du sexe, peut-on dire qu'il dit le sexe, autrement dit, dit-il la vérité ? Dire qu'il parle est quelque chose qui laisse en suspens ce qu'il dit. On peut parler pour ne rien dire, c'est même courant, ce n'est pas le cas de l'inconscient. On peut dire des choses sans parler, ce n'est pas le cas de l'inconscient non plus, c'est même le relief bien entendu inaperçu, comme beaucoup d'autres traits qui dépendent de ce que j'ai articulé en ce point de départ de l'inconscient : ça parle. Si on avait un petit peu d'oreilles on en déduirait que c'est obligé de parler pour dire quelque chose. Je n'ai encore jamais vu que personne ne l'ai dégagé, quoique dans mon discours de Rome c'est dit au moins sous une dizaine de formes, dont une m'a été récemment représentée au cours d'entretiens avec des jeunes, fort sympathiques, très accrochés par une partie au moins de, mon discours à propos de ma fameuse formule qui a eu fortune d'autant plus bien sûr que c'est une formule. Méfiance toujours. Vouloir ramasser tout dans une formule. Quand je dis que l'analysé vous parle à vous, analyste, de lui et quand il parlera de lui à vous, tout ira bien. Des formules qui ont, comme celle-là, le bonheur d'être recueillie, doivent être replacées dans leur contexte faute d'engendrer des confusions.

    (p219-> Est-ce que l'inconscient dit la vérité sur le sexe, je n'ai pas dit ceci, dont Freud, souvenez-vous, a déjà soulevé la question. Ceci bien sûr convient-il d'être précisé, c'était à propos du rêve d'une de ses patientes qui manifestement fait ce rêve, pour le mener en bateau, lui, Freud, lui faire prendre des vessies pour des lanternes. La génération des disciples d'alors était assez fraîche pour qu'il fallut lui expliquer cela comme un scandale. A la vérité on s'en tire aisément. Le rêve est la voie royale de l'inconscient, mais il n'est pas en lui-même l'inconscient. Poser la question au niveau de l'inconscient est une autre paire de manches, que j'ai déjà retournée (je veux dire les dites manches) comme je le fais toujours très vite et ne laissant pas place à l'ambiguïté quand, dans mon texte, qui s'appelle la « Chose Freudienne » écrit en 1956 pour le centenaire de Freud, je fais surgir cette entité qui dit : moi, la vérité je parle. La vérité parle. Puisqu'elle est la vérité elle n'a pas besoin de dire la vérité. Nous entendons la vérité et ce qu'elle dit ne s'entend que pour qui sait l'articuler, ce qu'elle dit dans le symptôme, c'est-à-dire dans quelque chose qui cloche. Tel est le rapport de l'inconscient en tant qu'il parle avec la vérité. Il n'en reste pas moins qu'il y a une question que j'ai ouverte l'année dernière à mon premier cours paru, quand je dis l'année dernière, je dis le novembre d'avant, celui qui a été publié dans les cahiers de l'analyse, sous le titre : "la vérité et la science".

    La question reste ouverte de savoir pourquoi l'énoncé de Lénine qui introduit ce cahier, pourquoi la théorie vaincra parce qu'elle est vraie. Ce que j'ai dit tout à l'heure des psychanalystes, ne donne pas tout de suite à cet énoncé une sanction qui convaint. Marx lui-même là-dessus comme tant d'autres, laisse passer quelque chose qui ne manque pas de faire énigme, comme bien d'autres avant lui en effet, à commencer par Descartes, il procédait quant à la vérité selon une singulière stratégie qu'il énonce quelque part en ces mots piquants : "l'avantage de ma dialectique est que je dis les choses peu à peu et comme ils croient que je suis au bout se hâtant de me réfuter, ils ne font qu'étaler leur ânerie ." Il peut paraître singulier que quelqu'un dont procède cette idée que la théorie vaincra parce qu'elle est vraie, s'exprime ainsi. Politique de la vérité et pour tout dire son complément, dans l'idée qu'en somme seul ce que j'ai appelé tout à l'heure le nombre, à savoir ce qui réduit à n'être que le nombre, à savoir ce qu'on appelle dans le contexte marxiste, la conscience de classe en tant qu'elle est la classe du nombre, ne saurait se tromper. Singulier principe pourtant sur lequel tous ceux qui méritent d'avoir poursuivi dans sa voie la vérité marxiste n'ont jamais varié. Pourquoi la conscience de classe serait-elle aussi sûre dans son orientation. j'entends, alors même qu'elle ne sait rien, ou sait fort peu de la théorie, quand la conscience de classe fonctionne à entendre les théoriciens même au niveau non éduqué si proprement elle est réduite à ceux qui appartiennent au niveau défini en l'occasion sous le terme de la classe exclue des profits capitalistes.

    Peut-être la question concernant la force de la vérité est-elle à chercher dans ce champ où nous sommes introduits, qui est celui métaphorique, que nous pouvons je le répète, par métaphore, appeler le marché de la vérité. Si comme de la dernière fois vous pouvez l'entrevoir, le ressort de ce marché est la valeur de (p220->) jouissance, quelque chose s'échange en effet qui n'est pas la vérité en elle-même, autrement dit, le lien de qui parle à la vérité, n'est pas le même selon le point où il soutient sa jouissance, c'est bien toute la difficulté de la position du psychanalyste, qu'est-ce qu'il fait ? de quoi jouit-il à la place qu'il occupe.

    C'est l'horizon de la question que je n'ai fait qu'introduire, la marquant dans son point de fêlure sous le terme du désir du psychanalyste. A la vérité donc, dans cet échange qui se transmet par une parole dont l'horizon nous est donné par l'expérience analytique, n'est pas en elle-même l'objet d'échange comme il se voit dans la pratique, ceux des psychanalystes qui sont là en témoignent par leur pratique bien sûr, ils ne sont pas là pour rien, ils sont là pour ce qui de la vérité peut tomber de cette table, voire ce qu'ils pourront en faire en truquant un petit peu. Telle est la nécessité où les oblige le fait d'un statut entravé concernant la valeur de jouissance attachée à leur position de psychanalyste. J'en ai eu, je peux dire, confirmation et je l'aurai renouvelée. Je vais prendre un exemple : quelqu'un qui n'est pas psychanalyste : M. Deleuze, présente un livre de Sacher Masoch, " présentation de Sacher Masoch " il écrit sur le masochisme, incontestablement, le meilleur texte qui ait jamais été écrit. J'entends, le meilleur texte comparé à tout ce qui a " tété " écrit sur ce thème dans la Psychanalyse. Bien sûr, a-t-il lu ces textes. Il n'invente pas son sujet, il part d'abord de Sacher Masoch, qui a tout de même son petit mot à dire quand il s'agit du masochisme. On a un petit peu tranché sur son nom puisque maintenant on dit Maso. Marquer la différence qu'il y a entre maso et masochisme, masochien ou masos. Quoiqu'il en soit, ce texte sur lequel nous reviendrons sûrement car littéralement je peux dire sur un sujet sur lequel je ne suis pas resté muet puisque j'ai écrit Kant avec Sade. Il n'y a qu'un aperçu, nommément sur ceci :

    Que le sadisme et le masochisme sont deux voies strictement distinctes, même si bien sûr on doit tous les deux les repérer dans la structure. Tout sadiste n'est pas automatiquement maso, ni tout maso un sadiste qui s'ignore. Il ne s'agit pas d'un gant qu'on retourne. I1 se peut que M. Deleuze, j'en jurerai d'autant plus qu'il me cite abondamment, ait fait profit de ces textes, mais n'est-il pas frappant que ce texte vraiment anticipe sur tout ce que je vais avoir effectivement maintenant à en dire dans la voie que nous avons ouverte cette année, alors qu'il n'est pas un seul des textes analytiques qui ne soit entièrement à reprendre, à refaire dans cette nouvelle perspective. J'ai pris soin de me faire confirmer par l'auteur que je cite lui-même qu'il n'a aucune expérience de la psychanalyse. Tels sont les points que je désire marquer ici à leur date, après tout avec le temps ils peuvent changer, les points qui prennent valeur exemplaire et mérite d'être retenus ne serait-ce que pour exiger de moi que j'en rende pleinement compte. Je veux dire dans le détail.

    Là-dessus il me reste à entrer dans l'articulation de cette structure dont le trait simple qui est au tableau donne la base et le fondement et dont vous n'êtes pas sans avoir de ma bouche quelques éclaircissements sur la façon dont ça va servir.  

    (p221->)  Néanmoins, je répète, le " a "  ici, c'est que déjà à propos de l'objet   ainsi désigné, ce que j'ai pu vous faire sentir comme étant en quelque sorte ce qu'on pourrait appeler, la monture du sujet. Métaphore qui implique que le sujet est le bijou et la monture ce qui le supporte, ce qui le soutient, l'encadre. Déjà, je le rappelle pourtant, l'objet « a » nous l'avons défini et imagé comme ce qui fait chute dans la structure au niveau de l'acte le plus fondamental de l'existence du sujet, puisque c'est l'acte d'où le sujet comme tel s'engendre, à savoir : la répétition. Le fait signifiant , signifiant ce qu'il répète, voilà  ce qui engendre le sujet et quelque chose en tombe. Rappelez-vous comment la coupure de la double boucle dans ce menu objet mental qui s'appelle le plan projectif découpe les deux éléments qui sont respectivement : la bande de Moebius qui pour nous fait figure de support du sujet et la rondelle qui obligatoirement en reste qui est inéliminable de la topologie du plan projectif.

    Ici cet objet « a » est supporté d'une référence numérique pour figurer ce qu'il a d'incommensurable, d'incommensurable à ce dont il s'agit dans son fonctionnement de sujet, quand ce fonctionnement s'opère au niveau de l'inconscient et qui n'est rien d'autre que le sexe tout simplement.

    Bien sûr ce nombre d'or n'est-il là que comme un support choisi d'avoir ceci de privilégié qui nous le fait retenir, mais simplement comme fonction symbolique qu'à voir ceci de privilégié que je vous ai déjà indiqué comme j'ai pu faute de pouvoir vous en donner la théorie mathématique la plus moderne et la plus stricte, d'être si je puis dire, l'incommensurable qui ressert le moins vite les intervalles dans lequel il peut se localiser. Autrement dit, celui qui pour parvenir à une certaine limite d'approximation demande de toutes les formes ; elles sont multiples et presque infinies de l'incommensurable d'être celui qui demande le plus d'opérations, je vous rappelle en ce point ce dont il s'agit, c'est à savoir que si ce « a » est ici reporté sur le 1, permettant de marquer de 2 a2 sa différence -   1 - a d'avec le 1 , ceci venant à sa propriété de « a » qui soit telle que 1 + a soit égal à 1/a -1 -a = a2 , le a2 sera ensuite reporté sur le a qui est dans (-1 ) et engendrera a3 lequel sera reporté sur le a2 - -- sur a4 - lequel sera reporté pour qu'il apparaisse un a5.

    Les choses étant telles qu'à les continuer à l'infini, car il n'y aura jamais d'arrêt ni de terme à ces opérations, leur limite n'en sera pas moins « a » pour la somme des puissances paires, a2 , à savoir la première différence pour la somme des puissances impaires.

    C'est ici que viendra s'inscrire à la fin de l'opération ce qui, dans la première opération était marqué comme la différence, ici pour a , le a2 viendra à la fin s'ajouter, réalisant dans sa somme le 1 constitué par la complémentation du a par ce a2, ici s'est constitué par l'addition de tous les restes une somme égale au a premier d'où nous sommes partis.

    (p222->) Je pense que le caractère subjectif de cette opération ne vous échappe pas d'autant plus qu'il y a beau temps, il y a un mois, un mois et demi que je vous ai fait remarquer comment ceci pouvait supporter, faire image pour l'opération de ce qui se réalise dans la voie de la pulsion sexuelle sous le nom de sublimation.

    Simplement à l'indiquer vous donnai-je la visée de ce que nous allons avoir à faire en donnant ce support, comme vous pouvez le pressentir, il ne saurait nous suffire. Tout nous indique à la réussite même, si sublime de ce qu'il nous présente pour pressentir que si les choses en étaient ainsi, que la sublimation nous fasse atteindre à cet Un parfait lui-même placé à l'horizon du sexe, il me semble que depuis le temps qu'on en parle de cet Un ça devrait se savoir. Il doit rester entre les deux séries celle des puissances paires et impaires du magique « a », quelque chose comme une béance un intervalle tout en tous cas dans l'expérience l'indique, néanmoins il n'est pas mauvais de voir qu'avec le support le plus favorable à telle articulation traditionnelle nous voyons déjà pourtant la nécessité d'une complexité qui est celle dont en tous cas nous devons  partir. N'oublions pas que si le premier Un , celui sur lequel je viens de projeter la succession des opérations, est là, il n'est là que pour figurer le problème à quoi précisément en tant que tel le sujet a à être confronté si ce sujet est le sujet qui s'articule dans l'inconscient, c'est à savoir : le sexe. Ce Un du milieu, c'est le lieu de la sexualité, restons-en là, nous sommes à la porte.

    La sexualité. C'est un genre, un moire, une flaque, une marée noire comme on dit depuis quelque temps, mettez le doigt dedans portez-le au bout du nez, vous sentez de quoi il s'agit. Ça tient du sexe.

    Pour que ce soit du sexe, il faudrait pouvoir articuler quelque chose d'un petit peu plus ferme, je ne sais à quel point de bifurcation m'engager parce que c'est un point d'extrême litige, est-ce qu'il faut qu'ici je vous donne tout de suite l'idée de ce que ça pourrait être si ça marchait la subjectivation du sexe. Évidemment vous pouvez y rêver, vous ne faites même que ça, puisque c'est ce qui fait le texte de vos rêves. Ce n'est pas de ça qu'il s'agit. Qu'est-ce que ça pourrait être si ça était. Si ça était et si on donne un sens à ce que je suis en train de développer devant vous, un signifiant, dans l'occasion, ce qu'on appelle vous allez voir tout de suite comme on va être embarrassés, parce que si je dis mâle ou femelle, c'est bien animal ça. Je veux bien : masculin ou féminin. Là s'avère tout de suite que Freud le premier qui s'est avancé dans cette voie de l'inconscient, là-dessus est absolument sans ambages. Pas le moindre moyen, je dis pas de dire à quelle dose êtes vous masculin ou féminin, il ne s'agit pas non plus de la biologie, de l'organe de Wolff et Muller, il est impossible de donner un sens, j'entends un sens analytique au terme : masculin et féminin.

    Si un signifiant est ce qui représente un sujet pour un autre signifiant ce devrait être là le terrain élu. Car voyez comme les choses seraient bien, seraient (p223->) pures, si nous pouvions mettre quelques subjectivation j'entends pures et valables, sous le terme mâle, nous saurions ce qui convient de savoir qu'un sujet se manifestant comme mâle serait représenté comme tel, j'entends comme sujet auprès  auprès de quoi, d'un signifiant désignant le terme femelle, et dont il n'y aurait aucun besoin qu'il détermine le moindre sujet. La réciproque étant vraie, je souligne que si nous interrogeons le sexe quant à sa subjectivation possible, nous ne faisons pas là preuve d'aucune exigence manifestement exorbitante d'inter subjectivité, il se pourrait que ça tienne comme ça, ça serait même  non seulement ce qui serait souhaitable, mais ce qui tout à fait clairement si vous interrogez ce que j'ai appelé tout à l'heure la conscience de classe, la classe de tous ceux qui croient que l'homme et la femme ça existe, ça ne pourrait pas être autre chose que ça, et ce serait très bien si c'était, je veux dire que le principe de ce qu'on appelle comiquement, je dois dire que là, le comique est irrésistible, la relation sexuelle, si je pouvais faire dans une assemblée qui me devient familière, une assemblée où je peux faire entendre comme il convient, qu'il n'y a pas d'acte sexuel, ce qui veut dire qu'il n'y a pas d'acte à un certain niveau, c'est bien pour ça que nous avons à chercher comment il se constitue, si je pouvais faire que le tour de relation sexuelle prenne dans chacune de vos têtes la connotation bouffonne qu'elle mérite, cette locution, j'aurais gagné quelque chose.

    Si la relation sexuelle existait, c'est cela qu'elle voudrait dire : ce que le sujet de chaque sexe peut toucher quelque chose dans l'autre au niveau du signifiant, j'entends que ceci ne comporterait chez l'autre ni conscience, ni même inconscient, simplement l'accord. Ce rapport du signifiant au signifiant, quand il se trouve, assurément ce qui nous émerveille dans un certain nombre de petits points saisissants des tropismes chez l'animal, nous en sommes loin quant à ce qu'il s'agit de l'homme et peut-être aussi bien d'ailleurs chez l'animal où les choses ne se passent que par l'intermédiaire de certains repères de phanères qui, certainement, doivent prêter à quelques ratées. Quoiqu'il en soit, la vertu de ce que j'ai articulé ainsi, n'est pas toute décevante, je veux dire que ces signifiants faits pour que l'un présente représente à l'autre, à l'état pur, le sexe opposé, mais ils existent au niveau cellulaire. On appelle ça : le chromosome sexuel. Il serait surprenant que nous puissions un jour avec quelque chance de certitude, établir que l'origine du langage, à savoir ce qui se passe avant qu'il engendre le sujet, ait quelque rapport avec ces jeux de la matière, et nous livre les aspects que nous trouvons dans la conjonction des cellules sexuelles.

    Nous n'en sommes pas là. Mais nous avons autre chose à faire, simplement, ne nous étonnons pas qu'à la distance où nous sommes de ce niveau où se manifesterait quelque chose qui n'est pas fait pour ne pas nous séduire, à ce niveau où se pourrait désigner quelque chose que j'appellerai transcendance de la matière.

    Si je le désigne ce point d'extrême, expressément souligné, qu'il est irrésolu, que le pont n'est pas fait, c'est simplement pour vous marquer que dans l'ordre de ce qu'on appelle plus ou moins proprement la pensée, on a pendant (p224->) le cours des siècles au moins de ceux qui nous sont connus, jamais rien fait d'autre que de parler comme si ce point était résolu pendant des siècles la connaissance sous une forme plus ou moins masquée, plus ou moins figurée, plus ou moins en contrebande, n'a jamais fait que parodier ce qu'il en serait si l'acte sexuel existait au point qui nous permit de définir ce qu'il en est nous disent les hindous de purusha et pakriti, d'animus et d'animae et de toute la lyre, ce qui est exigé de nous, c'est de faire un travail plus sérieux, travail nécessité simplement par ceci : c'est qu'entre ce jeu des significations primordiales telles qu'elles seraient imprescriptibles en termes, je le souligne, impliquant quelques sujets, nous en sommes séparés par toute l'épaisseur de quelque chose que vous appellerez comme vous voudrez : la chair ou le corps, à condition d'y inclure ce qu'il apporte de spécifique de notre condition de mammifère, à savoir : condition spécifiée et nullement nécessaire comme l'abondance de tout un règne nous le prouve, je parle du règne animal. Rien n'implique la forme que prend pour nous la subjectivation de la fonction sexuelle, rien n'implique que ce qui vient y jouer à titre symbolique y soit nécessairement lié. Il suffit de réfléchir à ce que ça peut être chez un insecte et aussi bien d'ailleurs, les images qui peuvent en dépendre, ne nous privons-nous pas d'en user pour faire apparaître dans le fantasme tel ou tel trait singulier de nos rapports au sexe.

    J'ai pris une des deux voies qui s'offraient à moi tout à l'heure, je ne suis pas sûr que j'ai eu raison. Il faut que je reprenne l'autre.

    L'autre est pour vous désigner pourquoi le Un vient à droite du a en ce point que j'ai désigné comme représentant globalement par un signifiant, le fait du sexe. Il y a une surprenante convergence entre ce dont il s'agit vraiment, c'est-à-dire ce que je suis en train de vous dire et ce que j'appellerai d'autre part le point majeur de l'abjection psychanalytique. Je dois dire que vous devez uniquement à J. A. MILLER qui a fait de mes Écrits un index raisonné, de n'avoir pas vu l'index alphabétique, dont je m'étais, je dois dire un  tant soi peu mis à jubiler en l'imaginant commencer par le mot abjection. Il n'en a rien été, ce n'est pas une raison pour que ce mot ne prenne pas sa place. L'Un que je mets là, par pure référence mathématique, je veux dire qu'il figure simplement ceci : que pour parler d'incommensurable, il faut que j'aie une unité de mesure, il n'y a pas d'unité de mesure qui soit mieux symbolisée par le Un.

    Le sujet sous la forme de son support le « a » se mesure au sexe, entendez-ça comme on dirait il se mesure au boisseau ou à la pinte. C'est ça le Un. L'unité, sexe, rien de plus. Ce n'est pas rien que ce Un. Il s'agit de savoir jusqu'à quel point converge comme je l'ai dit tout à l'heure avec ce Un qui règne au fondement mental jusqu'à ce jour des psychanalystes sous la forme de la vertu unitive, qui serait au principe de tout ce qu'il déroule de discours sur la sexualité. Il ne suffit pas de la vanité de la formule que le sexe unisse, il faut encore que l'image primordiale leur en soit donnée par la fusion dont bénéficierait le jouisseur de la jouissade, le petit baby dans le sein de sa mère où nul, jusqu'à ce jour, n'a pu nous témoigner (p225->) qu'il soit dans une position plus commode que la mère à la porter ou s'exemplifiant  ce que vous avez entendu dans le discours de M. Conrad l'année dernière, nous ne l'avons plus revu depuis d'ailleurs, je le regrette, comme nécessaire à la pensée du psychanalyste comme représentant ce paradis perdu de la fusion du moi ou du non moi, qui je le répète, à les entendre, les psychanalystes, serait le corn-stone la pierre angulaire sur laquelle rien ne saurait être pensé de l'économie de la libido car c'est de cela qu'il s'agit.

    Je pense qu'il y a là une véritable pierre de touche que je me permets de signaler à qui que ce soit qui entende me suivre, c'est que toute personne qui reste de quelque façon attache à ce schéma du narcissisme primaire peut bien se mettre à la boutonnière tous les oeillets lacaniens qu'elle voudra, la petite personne n'a rien absolument rien à faire, ni de près ni de loin, avec ce que j'enseigne. Je ne dis pas que cette question du narcissisme primaire dans la théorie ne soit pas quelque chose qui pose question et mérite un jour d'être accentué.

    Je commence aujourd'hui, précisément, à faire remarquer que si la valeur de jouissance prend origine dans le manque marqué par le complexe de castration, autrement dit l'interdit de l'auto-érotisme portant sur un organe précis qui ne joue là rôle et fonction que d'introduire cet élément d'unité à l'inauguration d'un statut d'échange, tout dépend de ce qui va être ensuite économie chez l'être parlé dans ce qu'il s'agit dans le sexe, il est clair que l'important est de voir la réversion qui en résulte, à savoir que c'est pour autant que le phallus désigne de quelque chose de porté à la valeur par ce que constitue le complexe de castration, ce quelque chose qui fait précisément la distance du " a " à l'unité du sexe.

    C'est à partir de là, comme toute l'expérience nous l'enseigne, que l'être qui va venir être porté à la fonction de partenaire dans cette épreuve où le sujet est mis de l'acte sexuel.

    La femme, pour imager mon discours, va prendre elle, sa valeur d'objet de jouissance, mais en même temps et du même coup, regardez ce qui s'est passé : il ne s'agit plus de : il jouit, il jouit de. La jouissance s'est passée du subjectif à l'objectif, au point de glisser au sens de possession dans la fonction typique telle que nous avons à la considérer comme déductible de l'incidence du complexe de castration et ceci je l'ai déjà amené la dernière fois, elle est constituée par ce miracle qui fait du partenaire sexuel un objet phallique, point que je ne mets ici en relief dans le sens de " l'homme " à la " femme " que pour autant que c'est là que l'opération est, si je puis dire, la plus scandaleuse, car elle est articulable bien sûr, tout autant dans l'autre sens, à ceci près qua la femme n'a pas à faire le même sacrifice puisqu'il est déjà porté à son compte au départ.

    Dans d'autres termes, je souligne l'opposition de ce que j'appellerai la fiction mâle, qui pourrait à peu près s'exprimer ainsi : on est ce qui a. Il n'y a rien de plus content qu'un type qui n'a jamais vu plus loin que le bout de son nez (p226->) et qui vous exprime la formule provocante : en avoir ou pas. On est ce qui a. Ce que vous savez et puis on a ce qui est. Les deux choses tiennent, ce qui est, c'est l'objet de désir, c'est la femme. Cette fiction simplette est sérieusement en voie de révision, depuis quelques temps on s'est aperçu que c'était un petit peu plus compliqué. Mais encore dans un rapport nommé " direction de la cure et principes de son pouvoir ", j'ai cru devoir le réarticuler avec soin. On ne semble pas encore avoir très bien vu ce que comporte ce que j'opposerai à cette fiction mâle comme étant, pour reprendre un de mes mots de la dernière fois, la valeur homme - elle. On n'est pas ce qu'on a. C'est pas la même phrase. On est ce qui a, mais on n'est pas ce qu'on a, en d'autres termes c'est pour autant que l'homme a l'organe phallique qu'il ne l'est pas , et qui implique que de l'autre côté on peut et même on est ce qu'on a, ce qu'on a pas, c'est-à-dire que c'est précisément en tant qu'elle n'a pas le phallus que la femme peut en prendre la valeur.

    Tels sont les points qu'il est nécessaire d'articuler au départ de toute induction de ce que dit l'inconscient sur le sexe parce que ceci est proprement ce que nous avons appris à lire dans son discours, mais là où je parle de complexe de castration, avec bien sûr tout ce qu'il comporte de litigieux, car le moins qu'on puisse dire c'est qu'il peut porter erreur sur la personne, et spécialement du côté mâle concernant ce que nous décrit si bien la genèse, à savoir : la femme conçue comme ce quelque chose dont le corps de l'homme a été privé, on appelle ça dans ce chapitre que vous connaissez bien, c'est une côte, c'est par pudeur. Ce qu'il convient de voir c'est que là où je parle de complexe de castration comme original dans la fonction économique de la jouissance, les psychanalystes se gargarisent du terme de libido objectale, l'important est de voir que s'il y a quelque chose qui mérite ce nom, c'est le report de cette fonction négative qui est fondée dans le complexe de castration.

    La valeur de jouissance interdite au point précis, au point d'organe constitué par le phallus, c'est elle qui est reportée comme libido objectale. Contrairement à ce qu'on dit, à savoir que la libido dite narcissique serait le réservoir où a à s'extraire ce qui sera libido objectale. Ça peut vous paraître une subtilité parce que, après tout, me direz-vous, quant au narcissisme s'il y a là la libido qui se porte sur le corps propre et bien encore que vous précisiez les choses, c'est d'une partie de cette libido qu'il s'agit, me direz-vous dans ce que j'énonce présentement. I1 n'en est rien. Très précisément en ceci : c'est que pour dire qu'une chose est extraite de l'autre il faudrait supposer qu'elle en est purement et simplement séparée par la voie de ce qu'on appelle une coupure, mais pas seulement par une coupure, par quelque chose qui joue ensuite la fonction d'un bord.

    Or c'est précisément ce qui est discutable, non seulement ce qui est discutable mais ce qui est d'ores et déjà tranchable, c'est qu'il n'y a pas homomorphisme, il n'y a pas structure telle que le lambeau phallique si l'on peut dire soit saisissable à la façon d'une partie de l'investissement narcissique, ce qui ne constitue pas ce bord, ce qu'il faut que nous maintenions entre ce qui permet au narcissisme (p227->) de construire cette fausse assimilation de l'un à l'autre qui est doctriné dans les théories traditionnelles de l'amour, les théories traditionnelles de l'amour laissent en effet l'objet dans les limites du narcissisme, mais le rapport dont il s'agit vraiment, l'économie de la jouissance est distincte de la libido objectale en tant qu'elle introduit quelque chose, qui, si je puis dire, nous laisse à désirer la note exacte de l'acte qui se prétend sexuel et d'une nature, c'est le cas de le dire, à proprement parler tranchée, distincte, c'est ici que gît le point vif autour duquel il est essentiel de ne pas fléchir, car comme vous le verrez dans la suite, c'est seulement autour de ce point que peuvent prendre leur place, justement spécialement ce qui se passe dans le champ analytique qu'il s'agisse du rapport analysé-analyste.

    Je m'excuse de laisser en suspens, la loi de mon discours ne me permet pas de le trancher au point de chute qui toujours me conviendrait , l'heure nous interrompt ici aujourd'hui, je poursuivrai la prochaine fois.

note : bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire, ou si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par avance de m'adresser un émail.
Haut de Page
  relu ce 14-11-2004
commentaire