Le Capital Livre I section III K.Mars
Le produit - propriété du capitaliste - est une valeur d'usage, 
      telle que des filés, de la toile, des bottes, etc.
      Mais bien que des bottes, par exemple, fassent en quelque sorte marcher 
      le monde, et que notre capitaliste soit assurément homme de progrès, 
      s'il fait des bottes, ce n'est pas par amour des bottes. En général, 
      dans la production marchande, la valeur d'usage n'est pas chose qu'on aime 
      pour elle-même. Elle n'y sert que de porte-valeur. Or, pour
      notre capitaliste, il s'agit d'abord de produire un objet utile qui ait 
      une valeur échangeable, un article destiné à la vente, 
      une marchandise. Et, de plus, il veut que la valeur de cette marchandise 
      surpasse celle des marchandises nécessaires pour la produire, c'est-à-dire 
      la somme de valeurs des moyens de production et de la force de travail, 
      pour lesquels il a dépensé son cher argent. Il veut produire 
      non seulement une chose utile, mais une valeur, et non seulement une valeur, 
      mais encore une plus-value.
      En fait, jusqu'ici nous n'avons considéré la production marchande 
      qu'à un seul point de vue, celui de la valeur d'usage. Mais de même 
      que la marchandise est à la fois valeur d'usage et valeur d'échange, 
      de même sa production doit être à la fois formation de 
      valeurs d'usage et formation de valeur.
      Examinons donc maintenant la production au point de vue de la valeur.
      On sait que la valeur d'une marchandise est déterminée par 
      le quantum de travail matérialisé en elle, par le temps socialement 
      nécessaire à sa production. Il nous faut donc calculer le 
      travail contenu dans le produit que notrecapitaliste a fait fabriquer, soit 
      dix livres de filés.
.......
Les vingt livres de filés contiennent cinq journées de travail 
      dont quatre étaient réalisées dans le coton et les 
      broches consommés, une absorbée par le coton pendant l'opération 
      du filage. Or l'expression monétaire de cinq journées de travail 
      est trente shillings. Tel est donc le prix des vingt livres de filés. 
      La livre de filés coûte après comme avant un shilling 
      six pence. Mais la somme de valeur des marchandises employées dans 
      l'opération ne dépassait pas vingt-sept shillings et la valeur 
      des filés atteint trente shillings. La valeur du produit s'est accrue 
      de un neuvième sur la valeur avancée pour sa production. Les 
      vingt-sept shillings avancés se sont donc transformés en trente 
      shillings. Ils ont enfanté une plus-value de trois shillings. Le 
      tour est fait. L'argent s'est métamorphosé en capital.
      Le problème est résolu dans tous ses termes. La loi des échanges 
      a été rigoureusement observée, équivalent contre 
      équivalent. Sur le marché, le capitaliste achète à 
      sa juste valeur chaque marchandise - coton, broches, force de travail. Puis 
      il fait ce que fait tout autre acheteur, il consomme leur valeur d'usage. 
      La consommation de la force de
      travail, étant en même temps production de marchandises rend 
      un produit de vingt livres de filés, valant trente shillings. Alors 
      le capitaliste qui avait quitté le marché comme acheteur y 
      revient comme vendeur. Il vend les filés à un shilling six 
      pence la livre, pas un liard au-dessus ou au-dessous de leur valeur et cependant 
      il retire de la circulation trois shillings de plus qu'il n'y avait mis. 
      Cette transformation de son argent en capital se passe dans la sphère 
      de la
      circulation, et ne s'y passe pas. La circulation sert d'intermédiaire. 
      C'est là sur le marché, que se vend la force de travail, pour 
      être exploitée dans la sphère de la production, où 
      elle devient source de plus-value, et tout est ainsi pour
      le mieux dans le meilleur des mondes possibles.
      Le capitaliste, en transformant l'argent en marchandises qui servent d'éléments 
      matériels d'un nouveau produit, en leur incorporant ensuite la force 
      de travail vivant, transforme la valeur - du travail passé, mort, 
      devenuchose - en capital, en valeur grosse de valeur, monstre animé 
      qui se met à travailler comme s'il avait le diable au
      corps.
      La production de plus-value n'est donc autre chose que la production de 
      valeur, prolongée au-delà d'un certain point. Si le procès 
      de travail ne dure que jusqu'au point où la valeur de la force de 
      travail payée par le capital est
      remplacée par un équivalent nouveau, il y a simple production 
      de valeur; quand il dépasse cette limite, il y a production de plus-value.
Machine et organisme Canguilhem 1946
p120
      L'antériorité logique de la connaissance de la physique sur 
      la construction des machines, à un moment donné, ne peut et 
      ne doit pas nous faire oublier l'antériorité chronologique 
      et biologique absolue de la construction des machines sur la connaissance 
      de la physique.
p122
      ...toute technique comporte essentiellement et positiviement une originalité 
      vitale irréductible à la rationnalisation
p125.....
      C'est la rationalisation des techniques qui fait oublier l'origine irrationnelle 
      des machines et il semble qu'en ce domaine, comme en tout autre, il faille 
      savoir faire place à l'irrationnel, même et surtout quand on 
      veut défendre le rationalisme.
(note 58 : ..C'est que Bergson est un des rares philosophes français, 
      sinon le seul, qui ait considéré l'invention mécanique 
      comme une fonction biologique,
      un aspect de l'organisation de la matière par la vie." L'évolution 
      créatrice" est, en quelque sorte un traité d'organologie 
      générale.)
p126
      Avec Taylor et les premières techniciens de la rationalisation des 
      mouvements des travailleurs nous voyons l'organisme humain aligné, 
      pour ainsi dire, sur le fonctionnement de la machine.
p127
      En résumé, en considérant la technique comme un phénomène 
      biologique universel et non seulement comme une opération intellectuelle 
      de l'homme, on est amené d'une part à affirmer l'autonomie 
      créatrice des arts et des métiers par rapport à toute 
      connaissance capable de se les annexer pour s'y appliquer ou de les informer 
      pour en multiplier les effets, et par conséquent, d'autre part, à 
      inscrire la mécanique dans l'organique.
........
      p101
      On a presque toujours cherché , à partir de la structure et 
      du fonctionnement de la machine déjà construite à expliquer 
      la structure et le fonctionnement de l'organisme; mais on a très 
      rarement cherché à comprendre la construction même de 
      la machine à partir de la structure et du fonctionnement de l'organisme.
      ..
      On peut définir la machine comme une construction artificielle, oeuvre 
      de l'homme, dont une fonction essentielle dépend de mécanismes...Le 
      mécanisme est donc un assemblage de parties déformables avec 
      restauration périodique des mêmes rapports entre les parties.
      ...
      Les plus anciens outils connus sont d'une pièce. Déjà, 
      la construction de haches ou de flèches par assemblage d'un silex 
      et d'un manche , la construction de filets ou de tissus ne sont pas des 
      faits primitifs ..
Une machine, au sens déjà défini, ne se suffit pas 
      à elle-même, puisqu'elle doit recevoir d'ailleurs un mouvement 
      qu'elle transforme. On ne se la représente, par conséquent, 
      que dans son association avec une source d'énergie. (muscle humain 
      ou animal, eau, vent, soleil)
      ...
      ..à côté des machines au sens de dispositifs cinématiques, 
      existent des machines au sens moteurs (le ressort est un moteur), tirant 
      leur énergie, au moment ou elle est utilisée, d'une source 
      autre que le muscle animal.
      ...
      Aristote assimile effectivement les organes du mouvement animal à 
      des "organa", 
      c'est-à-dire à des parties de machine de guerre...et le déroulement 
      de ce mouvement, à celui des machines capables de restituer, après 
      libération par déclenchement, une énergie emmagasinée 
      ..
      ..Selon Aristote, le principe de tout mouvement, c'est l'âme.
...
      C'est ce décalage entre le moment de la restitution et celui de l'emmagasinement 
      de l'énergie restituée par le mécanisme qui permet 
      l'oubli du rapport de dépendance entre les effets du mécanisme 
      et l'action d'un vivant.
...On peut donc dire que, tant que que le vivant humain ou animal "colle" 
      à la machine, l'explication de l'organisme par la machine ne peut 
      naître. Cette explication ne peut se concevoir que le jour ou l'ingéniosité 
      humaine à construit des appareils imitant des mouvement organiques,... 
      dont l'action, mis à part la construction et le déclenchement, 
      se passe de l'homme.
      ....
    
Anti Oedipe Deleuze p 28-30
Derrida a très bien vu dans quel sens la psychanalyse, au moins 
      dans
      une de ses intentions premières, elle s'oppose au code; c'est un
      système de décodage et c'est pour ça que ça 
      ne pouvait que mal
      tourner cette histoire là. Parce que décodage, ça veut 
      dire, ou bien
      lire un code, pénétrer le secret d'un code, ou bien ça 
      veut dire
      décoder en un sens absolu, i.e. détruire les codes pour faire 
      passer
      les flux à l'état brut; toute une partie de la psychanalyse 
      se proposait
      d'être un décodage absolu des flux de désir et pas un 
      décodage
      relatif, le faire passer aux flux le mur des codes, et faire culer des
      flux de désir à l'état brut. C'est par là que 
      la psychanalyse était toute
      proche de l'économie désirante et, à proprement parler, 
      des
      machines désirantes, productrice de flux de désir; et ça, 
      on le voit
      très bien dans des textes de Freud, tels que : "L'Interprétation 
      des
      rêves", où il dit : qu'est- ce qui distingue ma méthode 
      de la clé des
      songes ? La grande différence c'est que la clé des songes 
      propose un
      code du désir; Freud dit qu'ils ont tout vu, mais qu'ils proposent 
      un
      codage systématique : ceci veut dire cela, c'est ça la clé 
      des songes;
      et dans la perspective d'une clé des songes, si on décode 
      le rêve, on
      le décode au sens relatif, i.e. on découvre le chiffre de 
      son code. Or,
      Freud dit que la psychanalyse n'a rien à voir avec ça, elle 
      ne traduit
      pas. Et Derrida, dans son article sur Freud, dans "L'écriture 
      de la
      différence", le montre très bien. Elle opère un 
      décodage absolu, elle
      traduit les codes en flux à l'état brut, et par là, 
      la psychanalyse s'oppose aux codes. Il va de soi que, en même temps, 
      et dès le début,
      ils inventent un nouveau code, à savoir le code oedipien qui est 
      un
      code encore plus code que tous les codes; et voilà que les flux de
      désir passent dans le codage d'oedipe, ou quel que soit le flux de
      désir, on le fout dans la grille oedipienne. A ce moment la
      psychanalyse se révèle de moins en moins capable de comprendre 
      la
      folie, car le fou c'est vraiment l'homme des flux décodés.
      Et l'homme qui a montré ça d'une façon vivante et convaincante, 
      c'est
      Beckett, les étranges créatures de Beckett passent leur temps 
      à
      décoder des trucs, elles font passer des flux non codables.
      L'opération sociale ne peut saisir des flux par rapport à 
      des codes qui
      opèrent sur eux, dans la simultanéité, détachement 
      de flux
      prélèvement de chaînes ou de codes, et le fou, là- 
      dessus, fait passer
      des flux sur lesquels on ne peut plus rien prélever; il n'y a plus 
      de
      codes, il y a une chaîne des flux décodés, mais on ne 
      peut pas
      couper. Il y a une espèce de déluge ou de faillite du corps, 
      c'est peut-être
      ça, après tout, le corps sans organes, lorsque sur le corps, 
      ou du
      corps, s'écoulent, par des pôles d'entrée et de sortie, 
      des flux sur
      lesquels on ne peut plus opérer de prélèvement parce 
      qu'il n'y a plus
      de codes sur lesquels on puisse opérer des détachements.
      L'état du corps de quelqu'un qui sort d'une opération relativement
      grave, les yeux d'un opéré ce sont les yeux de quelqu'un qui 
      a été pas
      très loin de la mort, ou pas très loin de la folie, ils sont 
      ailleurs, d'une
      certaine façon , il a passé le mur. Il est intéressant 
      que ce qu'on
      appelle convalescence, c'est une espèce de retour. Il a frôlé 
      la mort,
      c'est une expérience du corps - très bizarre la psychanalyse 
      :
      pourquoi Freud tient- il tellement à ce qu'il y ait un instinct de 
      mort, il
      dit son secret dans "Inhibition, symptôme et angoisse" : 
      vous
      comprenez, si il y a un instinct de mort, c'est parce que il n'y a ni
      modèle ni expérience de la mort, à la rigueur, il admet 
      qu'il y ait un
      modèle de la naissance, pas de modèle de la mort, donc raison 
      de
      plus pour en faire un instinct transcendant. Curieux. Peut- être que 
      le
      modèle de la mort, ce serait quelque chose comme le corps sans
      organes.
Anti-Oedipe G.DELEUZE 1972-1973
      p4
      Il y a un paradoxe fondamental du capitalisme comme formation
      sociale : s'il est vrai que la terreur de toutes les autres formations sociales, 
      ca a ete les flux decodes (dans les sociétés traditionnelles 
      ce qui n'est pas codé est dangereux-note du scribe), le capitalisme, 
      lui, s'est constitue
      historiquement sur une chose incroyable, a savoir : ce qui faisait toute 
      la terreur des autres societes : l'existence et la realite de flux decodes 
      et qu'il en a fait son affaire a lui.
      Si c'etait vrai, cela expliquerait que le capitalisme est l'universel de 
      toute societe en un sens tres precis : en un sens negatif, il serait ce 
      que toutes les societes ont redoute par dessus tout, et on a bien l'impression 
      que, historiquement, le capitalisme ... d'une certaine maniere est ce que 
      toute formation sociale n'a cesse d'essayer de conjurer, n'a cesse d'essayer 
      d'eviter, pourquoi ? Parce que c'etait la ruine de toutes les autres formations 
      sociales. Et le paradoxe du
      capitalisme, c'est qu'une formation sociale s'est constituee sur la base 
      de ce qui etait le negatif de toutes les autres. Ca veut dire que le capitalisme 
      n'a pu se constituer que par une conjonction, une rencontre entre flux decodes 
      de toutes natures. Ce qui etait la chose la plus redoutee de toutes formations 
      sociales, etait la base d'une formation sociale qui devait engloutir toutes 
      les autres : ce qui etait le negatif de toutes formations soit devenu la 
      positivite meme denotre formation, ca fait fremir ca.
p 12
L'originalite du capitalisme, c'est que lui ne compte plus sur aucun
      code, il y a les residus de code, mais plus personne n'y croit : nous ne
      croyons plus a rien : le dernier code que le capitalisme a su produire
      a ete le fascisme : un effort pour recoder et reterritorialiser meme au
      niveau economique, au niveau du fonctionnement du marche dans
      l'economie fasciste, la on voit bien un extreme effort de ressusciter
      une espece de code qui aurait fonctionne comme code du
      capitalisme, a la lettre, ca pouvait durer sous la forme que ca a dure,
      quant au capitalisme, il est incapable de fournir un code qui quadrille
      l'ensemble du champ social, parce que ses problemes ne se posent
      plus en termes de code, ses problemes c'est de faire une mecanique
      des flux decodes comme tels, alors c'est uniquement en ce sens, que
      j'oppose le capitalisme comme formation sociale a toutes les autres
      formations sociales connues.
Radiophonie Lacan p434
.....
 Car Marx , la plue-value que son ciseau, à le détacher, 
      restitue au discours du capital, c'est le prix qu'il faut mettre à 
      nier comme moi qu'aucun discours puisse s'apaiser d'un métalangage 
      (du formalisme hégélien en l'occasion), mais ce prix, il l'a 
      payé de s'astreindre à suivre le discours naïf du capitalisme 
      à son ascendant, et de la vie d'enfer qu'il s'en est faite.
      C'est bien le cas de vérifier ce que je dis du plus-de-jouir. La 
      Mehrwert, c'est la Marxlust, le plus-de-jouir de Marx.
La coquille à entendre à jamais l'écoute de Marx, voilà le cauri dont commercent les Argonautes d'un océan peu pacifique, celui de la production capitaliste.
Car le cauri, la plus-value, c'est la cause du désir dont une économie fait son principe : celui de la production extensive, donc insatiable, du manque-à-jouir. Il s'accumule d'une part pour accroître les moyens de cette production au titre du capital. Il étend la consommation d'autre part sans quoi cette production serait vaine, justement de son ineptie à procurer une jouissance dont elle puisse se ralentir.
Quelqu'un nommé Karl Marx, voilà calculé le lieu du foyer noir, mais aussi capital (c'est le cas de la dire) que le capitaliste (que celui -ci occupe l'autre foyer d'un corps à jouir d'un Plus ou d'un plus-de-jouir à faire corps), pour que la production capitaliste soit assurée de la révolution propice à faire durer son dur désir, pour citer là le poète qu'elle méritait.
La monnaie vivante de Klossowski
(p 33) La façon dont l'industrie se conçoit elle-même avec ses innombrables techniques porterait à croire qu'elle neutraliserait les forces pulsionnelles par la fabrication d'objets instrumentaux, usiniers, ustensilaires. Or, par ses propres normes, elle provoque au contraire la repésentation phantasmatique de ces forces, et ceci à un double point de vue.
La fabrication d'objet ustensilaires, de plus en plus complexe, réunit deux où trois facultés, déterminées par une opération quelqconque, et sépare le sensible de son agent corporel ; non seulement des "yeux pour ne pas voir", des "oreilles pour ne point entendre" surpassent l'exercice manuel limité dans son contact, mais encore l'instrument qu'ils composent se projette lui-même dans les objets à produire comme autant de fonctions physiques et mentales différenciées, auquelles répondent les objets concernés.
L'opération instrumentale semblerait d'abord signifier l'abandon d'une région où l'agir manuel, orienté encore plus où moins selon des puissances oniriques , les captait et les exorcisait, en quelque sorte dans ses produits. Désormais si l'instrument libère la main, l'oeil, l'oreille, il libère du même coup ces mêmes puissances, lesquelles, cessant de paraître ce qu'elles étaient pour l'agent corporel, deviennent d'autant plus surement celles de la perversion ustensilaire comme de la perversion pure et simple que c'est à leur service qu'opère maintenant un agent extra-corporel : l'instrument, révélateur de l'objet fixé et désarticulé au préalable dans la représentation, en vue de sa réarticulation instrumentale. De ce fait, en tant qu'abstraction matérialisée de l'appréhension même, mais en tant que "mentalisation" du contact corporel, l'instrument est l'agent immédiat du phantasme. Premier aspect, mais aussi première conséquence de l'étroit rapport entre le comportement industriel et celui phantasmatique de la perversion : l'objet s'explicite uniquement selon le contact instrumental. Tout de même que le phantasme pervers se forme en tant qu'objet d'usage de l'émotion voluptueuse par la disjonction des fonctions organiques et, par la redistribution incongrue, procure une jouissance opiniâtre, mieux que ne le saurait jamais une sensibilité "saine", ainsi l'instrument connait autrement et mieux son objet et son effet que ne le saurait jamais la main, puisqu'il a été conçu en fonction de l'objet explorable ou fabricable, et que celui-ci - inanimé ou vivant - n'est jamais défini autrement qu'en fonction même de ce qu'il a d'explorable ou de fabricable.
L'instrument est aussi indissociable de l'objet qu'il présuppose, fabrique, explore, que la perversion l'est du phantasme qu'elle engendre. Tout deux contraignent à l'usage de leur produit. Qui veut l'objet veut l'instrument. C'est pourquoi - second aspect de l'étroit rapport entre le comportement instrumental et celui pervers - la répétition opératoire leur est commune. Le ressort de la répétition est la contrainte. La répétition perverse s'effectue par le phantasme d'une fonction vitale contraignate en tant qu'initelligible, parce que isolée de son ensemble organiquement intelligible. Si l'opération, limitée parce que fonctionnelle, effectuée par un instrument, paraît immédiatement absurde dès qu'on en use contrairement à son effet, tout instrument en soi extériorise par lui-même un phantasme. Seul empêchera qu'il le paraisse un degré d'utilité ou d'inutilité toujours variable, d'autant plus qu'il réalise indéfiniment le même objet ou le même effet - quand bien même l'objet serait sans lui irréalisable ou de son effet ignoré. Il lui faut donc imposer l'usage de l'objet ou de l'effet qu'il procure pour justifier son couteux entretien. Ce qui nous amène au second point de vue de l'intervention industrielle dans le domaine de la représentation phantasmatique, à savoir celui de la qualité et de la quantité, tant de l'acte producteur que du produit.
La monnaie vivante de Pierre Klossowski -Rivages poche n° 230 -extraits
(p15) Si les dieux furent les premiers promoteurs de la fabrication d'objets pour que le fabricant justifiât devant eux sa subsistance propre, dès le moment où la fabrication des idoles fut jugée inutile commença la longue ignorance du caractère proprement mercantile de la vie pulsionnelle au sein des individus, soit la méconnaissance des travestissements de l'utilité pathologique. D'où ma notion toute moderne de la "gratuité" de l'art -de l'"art pur" notamment-, laquelle revient à dénier toute capacité comptable au pathos pour autant que le pathos pulsionnel serait source de création "gratuite". Or, c'est dans les domaines censés les mieux affranchis à son égard, telles les applications économiques de la science, que cette force a développé sa plus astucieuse invention, parce que la dernière qu'on songerait à lui imputer : le régime industriel.
(p53) Rien dans la vie impulsionnelle ne semble proprement gratuit. Dès qu'une interprétation y dirige le processus même (le combat de l'émotion pour se maintenir contre l'instinct de propagation), l'évaluation, donc le prix intervient ; mais celui qui en supporte finalement les frais, celui qui paiera d'une manière ou d'un autre, c'est le suppôt constitué par le lieu où se déroule le combat, où se trafique et se négocie un compromis possible ou introuvable, le corps propre.