à Fernando COLLAO
Bonjour,
L’indiscret
Ce texte a été écrit (en avril 200) en réaction à la lecture du texte de Fernando COLLAO (http://jurarevolution.homestead.com/) , avec la conscience qu’une opportunité novatrice était offerte par le lieu qu’il créait sur Internet hors circuit universitaire où savant. Un lieu où des échanges et des interconnexions d’idées pourraient s’affronter, et peut être essaimer. Vu le caractère vaste des propos avancés, j’ai cru intéressant de mentionner les auteurs fréquentés ces dernières années et auxquels le lecteur pourra se référer utilement pour trouver une matière plus étoffée et des propos plus cohérents..
Voici quelques réflexions suite à ton texte critique de l’humanisme. Tout d’abord ce n’est pas une réponse mais plutôt une réaction, vu la dimension de ton texte, j’admire qu’on puisse rassembler autant d’éléments et les articuler.
Donc ce à quoi je peux contribuer c’est de discuter tel où tel point, d’autant que la rhétorique que tu déploies procède de thèses et donc que certaines de ces thèses me sembles soit réfutables soit pas exactement « modernes ».Je ne discuterai donc que des points sur lesquels j’ai un modeste avis.
Tout d’abord je me démarque d’un certain type de langage très codé, celui de la philosophie, je ne suis pas, mais pas du tout « philosophe » et je trouve que le discours philosophique participe soit de la langue de bois, soit du langage d’initié (même si j’en emploi vaguement la terminologie). Non pas qu’il ne s’y dise rien d’intéressant mais c’est un langage je dirai de classe qu’il ne m’est pas facile d’utiliser.
Aussi d’entrée se pose la question de savoir de quoi tu parles, et à quel modernisme tu te réfères, est-ce la modernité ?, où à la confrontation entre moderne et ancien dans les lettres, dans l’art, dans l’esprit du temps.. ?.
Parler de la technologie, c’est parler de l’outil (et des machines) empirique ; fait à partir et dans la relation à l’ouvrage . Soit parler de l’invention du génie créateur, l’ingénieur, dans une culture donnée, qui à une vision de l’objet ; soit parler des retombées, de l’application d’une connaissance à caractère scientifique dans ses méthodes, ses protocoles, son savoir construit, vérifié (comment et à quel prix). Alors la science est référée à de nombreux domaines : science dans l’alchimie, dans la théologie, dans la médecine.. et dans notre temps sciences liées à l’hégémonie de la pensée occidentale s’exposant dans la technologie particulièrement. Cette pensée veut aussi s’imposer dans la politique (notion de démocratie, de droit de l’homme, d’humanitaire..) et dans de nombreux domaine où s’exerce une forme de rationalité (économie, défense, santé…).
Jusqu’à peu il me semble, et ce n’est pas étranger à des esprits dit modernes, la théorie globale était assurée par Dieu (x). Et la science quand elle dit s’en éloigner, aspire à produire une théorie générale des champs, une théorie contre une théologie ! Mais à ma connaissance elle ne la produit pas, même si ces dernières années ont accouché d’une formule de l’évolution que j’aimerai bien me voir commentée. Nous avons aussi sur nos rayons une théorie quantique, une théorie du bing bang et je dois être très sous informé.
Ceci pour dire que cette pensée de la théorie globale me semble avoir à faire avec la pensée religieuse, eschatologique, donc une question sur les fins dernières, bien sur l’axe de la pensée orthonormée, de la création première et de la fin des temps.
Je crois discerner en toi l’intention de prêter une finalité, bonne de surcroît, au cumul technologique. Ne s’agit-il pas plutôt d’un effet de décharge, de poubelle, de déchets dont il faut bien faire avec, depuis le temps que ça dure, et ça deviendra de plus en plus encombrant. Les logiques de la technologie ne visent qu’une chose : l’accumulation d’objets et l’éradication de l’homme. Et ça touche un certain rapport de l’être à l’objet (dois-je dire du sujet à l’objet !) en tant que ce dernier l’encombre et qu’il s’y perd, du fait de cette position dans l’espace. Et que cet objet s’il n’apporte pas quelque satisfaction devient objet à éradiquer (où à posséder), si difficile à éradiquer comme on le voit dans les massacres où dans la maladie. Ca milite pour et contre l’argument de l’inscription ( ref : en attente d’une inscription !) . Je suis plutôt opposant à l’inscription !
Beaucoup plus loin dans ton texte tu parles de progrès technique, mais est-ce progrès où confort ! Car que dit la victime bombardée du fameux progrès technique, je pense que son progrès à elle était de vivre, mieux sûrement ! Et puis ont le voit bien, ce fameux progrès génère autant de maux qu’avant son adoption.
Je pense que nous somme devant un effet de Réel, que nous ne pouvons pas choisir, que quelque chose s’impose, inéluctable. Nul catastrophisme en cela, seulement nous avons dans cela à nous situer, à composer, à traiter du déchet pour n’être pas prématurément déchettisé, ce que nous seront fatalement, car même les religions cultivent les restes de leurs ouailles(voir les reliques).
Tu cadres ta vision d’un méta point de vue, opposant le global au local, l’individuel au collectif pour mesurer la notion de progrès, tu parles au nom de… ?
Mais chaque ‘époque’ a eu son horizon sombre. Les invasions, les croisades, la peste, les persécutions, le colonialisme, les massacres, l’extermination, le sida. Chaque époque renouvelle cet effet de mort. Il y a une notion quasi structurale en cela. Et ce n’est pas je me répète à mettre sur un compte historique, mais sur un fait de structure, qui lui, subvertit les explications causales. C’est un fait de production ! Le jeu de l’histoire n’est-il pas d’enchaîner les causes et les effets dans la méprise, en y croyant ! On dit que l’histoire se répète ! Cela est certain, et l’erreur est sûrement dans la fureur des hommes, dans leur acharnement ne pas sortir de cette chaîne, à reproduire, avec les meilleurs alibis possibles, l’état de ce monde en croyant, en célébrant l’histoire dans leurs actes quotidiens. Le culte quotidien n’est il pas de : transmettre, comme tu en viens à le mentionner plus loin, objectif implicite d’une société, donc explicitement et principalement dans une orientation de la sexualité empruntée faussement au modèle animale, modèle éthologique, de références naturalistes, dont nous sommes tous les intoxiqués par le message filtrés du documentaire animalier dominical.
Dans ce monde l’ordre sexuel est enchaîné à l’ordre économique. L’ordre économique et sexuel produisent une aliénation, une difficulté pour le sujet, qui en souffre dans son comportement, dans ses actes, dans ses symptômes. Le nœud, le trou toujours masqué gît dans le fait que la sexualité fait trou dans la vérité et n’est pas la vérité des sujets comme la coercition sociale l’impose dans sa quotidienneté (la normalisation psychanalytique use pour cela de l’imagerie trompeuse du mythe d’œdipe -qui n’est qu’un fait de structure-, quand aux autres religions de vérités, les tables de la loi parlent) . Si c’est indéniable, ce qui est encore caché, c’est que sur les tables de la loi, il n’y a rien d’écrit. Et ce malaise, ce problème ne peut que ressurgir à tous les niveaux par l’effort infini et sans cesses renouvelé d’en masquer la vérité et la portée (dans l’identité a produire, dans la place à tenir, dans le rôle à jouer.., dans la participation à un rituel d’institution ). La vérité ne peut apparaître car elle trouve de la jouissance à résister au savoir. Et cette jouissance est symptôme individuel où collectif. Symptômes avec lequel chaque être a à faire.
chaîne fikéenne 2 triples tores enlacés
En ce sens les intellectuels ont une grande responsabilité par la crédibilité que l’on prête plus où moins à leurs idées, par l’effet de leur dire et de ce qu’une société leur laisse dire. Car s’il n’est rien inscrit sur les tables de la loi, il n’est pas dit qu’on laissera s’y écrire n’importe quoi, les gardiens du temple sont là.
Et une de ces vérité que les occidentés que nous sommes, avons perdue de vue est que la vérité n’est pas seulement cartésienne, ni déposée dans la logique classique qui rend d’indéniables services, mais qui exclut d’autres approches nécessaires.. Cette logique classique est miroir des croyances d’une société et source d’un malencontreux enchaînement à ce qui dans l’instant fait loi commune, vérité commune, lien, et détourne de fait d’un essentiel plus difficile à tenir.
Les sociétés traditionnelles où anciennes ont pour traiter cet aspect difficile défini des mythologies, des religions, des cultes où des lieux « sombres » qui étaient le lieu d’évacuation d’un irrationnel. Et cet irrationnel (l’irrationnel n’est pas illogique) n’est pas non sens, ni sans logique, il s’apparente à la logique moebienne qui subvertit la logique classique tout en répondant à son exigence de rigueur.
bande de Moebius
La pratique de cette logique modifiée, supplémentaire à la logique classique, permet de rendre compte des impasses de la pensée, des impasses et méprises des discours, de la tenue des paradoxes, articule la position du sujet moderne face à l’impensable et face à sa responsabilité dans le monde. Ceci dans une rigueur certaine, dans une stylisation du discours et de l’écriture.
Cette approche ne produit pas de l’utopie, ne propose pas de vision du monde, de nouvelle croyance, elle rase au plus prés dans l’aridité de l’écriture, du dire, du faire, de l’acte, sans duper soi ni autrui. Ce n’est pas un pansement contre la mélancolie, ni l’utopie où l’uchronie d’un monde heureux, mais l’exercice d’une exigence de vérité.
Est-il nécessaire de revisiter les discours périmés, fossilisés et stériles qui n’ont comme perspectives que l’écho de leurs tristes reflets ? Encore faut-il s’orienter pour un « Retour à » à une discursivité ouverte, vers des discours fondateurs de discursivité. Mais lesquels ?
‘Marx, Freud, Foucault’… ?
Aborder
la question de Dieu est fondamentale en regard de la place centrale qu’elle
occupe dans les sociétés humaines. Question difficile à
évacuer dans une prise de position statutaire (l’athée,
l’incroyant, l’agnostique, l’ignorant). Je crois préférable
d’user d’un biais dans un sujet intraitable en participant d’un
athéisme théiste. C’est à dire traiter sérieusement
de la question de Dieu dans la diversité de ses manifestations et de
ses fonctions. La prise de position à ce sujet est –elle utile
? Un point d’incertitude ne peut-il être assumé? Il est
tout autant impossible de démontrer que Dieu existe où qu’il
n’existe pas.
Approfondir ce domaine est si nécessaire, qu’à ne pas le faire il devient le point de cristallisation de l’irrationnel. C’est un lieu considérablement chargé.
Se débarrasser de l’existence de Dieu pour passer à l’essence c’est me semble t-il faire le chemin inverse de justement ce qui à constitué la société occidentale. Quand Dieu a été relégué dans un coin de l’univers, le monde a pu être le lieu de recherche du savoir, ce qu’interdisait la pratique sacré d’une essence divine répartie dans chaque atome (alors nulle autre explication nécessaire que celle donnée par Dieu(x) ). Ceci supporte l’évolution scientifique et technologique de notre société. Ce qu’aucune autre société n’a développé tant les conceptions religieuses ( et la force des traditions) entravaient une telle audace. C’est donc bien dans le religieux que gisent les clefs des orientations d’une société donnée, d’une conception du monde,
Ce passage de l’essence à l’existence de Dieu (St Thomas) à eu un second effet dans le déclin du discours du maître, sa parole qui jusqu’alors était référée à la voix divine a perdu de son efficace (Cervantès), et cette dégradation culmine dans la société française dans le temps de la Révolution, où le symbole central du pouvoir est décapité. Cet effet suit son chemin dans nos quotidiens où la parole est souvent disqualifiée sauf à trouver son empesage et son carcan dans les champ de la Loi où à naviguer de concert avec la multitude des discours que véhicule notre société d’in communication sous la protection armée de cette même Loi (quand ce n’est pas le corset rigide du discours religieux qui étouffe toute velléité de la pensée, voire les Académies).
Et chacun nous avons maintenant à faire avec cette question de la tenue des discours, de la tenue de la parole, de ses lois. De son efficace, de son sens, de sa portée, en nous et au delà de nous ; d’autant que nous sommes confronté plus que jamais au discours capitaliste, à son économie de profits, à son intrusion agressive. Il est certain qu’en matière de discours nous sommes devant un problème relativement nouveau face à la pléthore (des voix) des textes qui nous sont proposés. Un problème de discernement, de tri, de choix, parfois d’accessibilité, sûrement moins aigu qu’autrefois, nous est soumis. Mais là encore tout dépend du lieu et du temps où nous sommes dans le monde.
Ce qui au delà du sens demeure oublié sont les lois de la paroles.
Sans pour cela appeler au retour de la voix du Maître. Nous devons faire autrement. Inventer !
Aussi placer la vérité dans une nécessité vitale de perpétuation de l’espèce, de sa conservation, me semble être un aveuglement, voir une tromperie, je dirai que cela est contingent, en tout cas insuffisant. La conduite des hommes contredit souvent de façon flagrante un tel objectif. Quand à la préservation de l’environnement c’est il me semble le sanctuaire des utopistes, et encore le jardin où ils peuvent jouer. Seule une logique économique préservera l’environnement par la valorisation des valeurs liées à cet espace.
Ce qui n’implique aucun rejet de la vie, ni aucun goût pour son éradication.
La perpétuation peut certes être une raison de vivre, mais nullement la seule.
Je ne peux pas commenter la notion de méthode que tu développes car je ne l’ai pas bien saisie. Ce avec quoi je suis d’accord c’est en la circulation des idées, en leurs accessibilités qui parfois, souvent, est vitale. Vitale, car monnaies d’échanges plus véridiques quand leurs buts ne sont pas démagogiques , manipulateurs, partisans, dogmatiques. En ce sens il peut y avoir développement d’un fraternité respectueuse. Cela va sûrement dans le sens de la vie ! (mais pas nécessairement dans le sens de la reproduction !).
Voici, je pense avoir fait le tour de ce qui était nécessaire de répliquer à ton texte. Il y faudrait sûrement plus de précisions, celles ci seront peut être à venir.
nœud boroméen
Paris Avril 2000
Pascal
Références de lectures : chaque auteur renvoyant à une multitude d’autres auteurs.
LACAN. J : les Séminaires, les Scriptats (les écrits)
VAPPEREAU .J.M : Nœud, Etoffe ,Essaim , Lu, son enseignement, Topologie En Extension mailto:TEEJMV@aol.com
FOUCAULT. M : son œuvre, et les études foucaldiennes, Tel dont le texte : Qu’est-ce qu’un auteur ? édité dans Littoral n° 9
SOURY .P : Chaînes et Nœuds édité par M. Thomé et C.Léger
ALLOUCH .J : voir le travail de l’ELP sur l’érotologie EPEL
CANGILHEIM . G : La connaissance de la vie, Vrin
Pour s’orienter dans LACAN
DOR Joël : Nouvelle bibliographie des travaux de J Lacan, EPEL
EPEL, Index des nom propres et titres d’ouvrage des séminaires de
J Lacan
SIBONI Jacques, les mathèmes de Lacan, Lysimaque
Documents d’orientations disponibles bientôt sur le site gaogoa
mailto:gaogoa@free.fr
Pour approcher Michel FOUCAULT
ERIBON Didier : Michel Foucault Flammarion Champ
Illustrations :
J-M. VAPPEREAU, SOURY, le livre de Kell,
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