Version rue CB
Séminaire du 15 novembre 1977 note
(p1->) (J’avais là un bon prétexte
de ne pas faire mon séminaire que je n’ai pas la moindre envie de faire… Bien
entendu, malgré tout, ça ne serait qu’un prétexte.)
C’est une pratique,
une pratique qui durera ce qu’elle durera, c’est une pratique de bavardage.
Aucun bavardage n’est
sans risque. Déjà, le mot « bavardage » implique, implique quelque
chose, ce que ça implique est suffisamment dit par le mot « bavardage »,
ce qui veut dire que il n’y a pas que les, les phrases, c’est-à-dire ce
qu’on appelle les propositions qui impliquent des conséquences, les mots
aussi. « Bavardage » met la parole au rang de baver ou de
postillonner, elle la réduit à la sorte d’éclaboussement qui en résulte.
Voilà. Ca n’empêche
pas que l’analyse a des
conséquences, elle dit quelque chose. Qu’est-ce que ça veut « dire » ?
(p2->)
Dire a quelque chose à faire avec le temps. L’absence de temps c’est une
chose qu’on rêve, c’est ce qu’on appelle l’éternité ; et ce qu’on
rêve
consiste à imaginer qu’on se réveille. On passe son temps à rêver, on ne rêve
pas seulement quand on dort. L’inconscient, c’est très exactement
l’hypothèse qu’on ne rêve pas seulement quand
on dort.
Un fantasme n’est pas
un rêve, c’est une aspiration. L’idée de la ligne, de la ligne droite par
exemple, c’est manifestement un fantasme.
Par bonheur, on en est sorti, je veux dire, que la
topologie a restitué ce qu’on, ce qu’on doit appeler le tissage. L’idée
de voisinage, c’est simplement l’idée de consistance, si tant est qu’on
se permette de donner corps au mot idée. C’est pas facile, il y
a quand même des philosophes grecs qui, à l’idée, ont essayé de
donner corps. Une idée, ça a un corps, c’est le mot qui la représente ;
et le mot a une propriété tout à
fait curieuse, c’est qu’il fait la chose. J’aimerais équivoquer :
« fêle achose »
et écrire ça, n’est pas une mauvaise façon
d’équivoquer.
Le sexe,
je vous l’ai dit, c’est un dire, ça vaut ce que ça vaut, le sexe ne définit
pas un rapport, c’est ce que j’ai énoncé (p3->)
en formulant qu’il n’y a pas de rapport sexuel. Ca veut seulement dire que
chez l’homme, et sans doute à cause de l’existence du signifiant,
l’ensemble, l’ensemble de ce qui pourrait être un rapport sexuel est un
ensemble, on est arrivé à, à cogiter ça, on ne sait d’ailleurs pas très
bien comment ça c’est produit, est un ensemble vide ( Ø ). Alors, c’est ce qui permet, c’est ce qui
permet bien des choses. Cette notion d’ensemble vide est ce qui convient au
rapport sexuel.
Le psychanalyste est un rhéteur. Pour continuer d’équivoquer je dirai
que « il rhétifie », ce qui implique qu’ « il rectifie ».
L’analyste est un rhéteur, c’est-à-dire que « rectus », mot
latin, équivoque avec rhétification. On essaie de dire la vérité. On essaie
de dire la vérité, mais ça n’est pas facile, parce qu’il y a de grands
obstacles à ce qu’on dise la vérité, ne serait-ce que on se trompe dans le
choix des mots. La vérité a à faire avec le réel, et le réel est doublé,
si on peut dire par le symbolique.
Il m’est arrivé de recevoir d’un nommé Michel COO(R)NAERT, je l’ai reçu
par l’intermédiaire de quelqu’un qui, qui me veut du bien, et à qui le
COO(R)NAERT en question l’avait envoyé, j’ai reçu de ce COO(R)NAERT un machin
qui s’appelle « Knots » (Knots, c’est anglais) :
« Knots and links »
ce qui veut dire, parce que
ce n’est pas tout simple, il faut métalanguer, c’est-à-dire
traduire- on ne parle jamais d’une langue
que dans une autre langue.- Si j’ai dit qu’il n’y a pas de métalangage,
c’est pour dire que le langage, ça n’existe pas. Il n’y a que des support
multiples du langage qui s’appellent la langue, et, ce qu’il faudrait bien,
c’est que, c’est que l’analyse arrive par une supposition, arrive à défaire
par la parole ce qui c’est fait par la parole.
(p4->)
Dans l’ordre du rêve qui se donne le champ d’user du langage, il y a
une bavure qui est que Freud appelle ce qui est en jeu le « Wunsch »
(souhait, vœux -ajout du présent scribe-), c’est un mot, comme
on le sait, allemand, et le « Wunsch » dont il s’agit a propriété
qu’on ne sait pas si c’est un souhait, qui de toute façon est en l’air,
un souhait adressé à qui ?
Dés
qu’on veut le dire, on est forcé de , de supposer qu’il y a un
interlocuteur, et à partir de ce moment-là, on est dans la magie. On est forcé
de savoir ce qu’on demande, mais justement ce qui définit la demande, c’est
qu’on ne demande jamais que parce qu’on désire, on ne le sait pas, c’est
bien pour ça que j’ai mis l’accent sur le désir de l’analyste. Le sujet
supposé savoir d’où j’ai supporté, défini le transfert, supposé savoir
quoi ? Comment opérer mais ça serait tout à fait excessif de dire que,
que l’analyste sait comment opérer ; ce qu’il faudrait, c’est
qu’il sache opérer convenablement, c’est-à-dire, que il se rende compte de
la portée des mots pour son analysant, ce qu’incontestablement, il ignore. De
sorte que il faut que je vous trace (Fig.1) ce qu’il en est de ce que j’ai
appelé, j’ai avancé sous la forme du nœud
borroméen.
Quelqu’un qui n’est autre – faut bien que je le nomme- que J-B.,
Jean-Baptiste LEFEVRE-PONTALIS a accordé une interview au Monde, il aurait
mieux fait de s’abstenir, il aurait mieux fait de s’abstenir parce que ce
qu’il a dit ne vaut pas cher, parce qu’il paraît que mon nœud borroméen
serait une façon de, d’étrangler le monde, de faire suffoquer le (.?.)
Voilà quand même ce que je peux verser au dossier de ce nœud borroméen.
Il est bien évident que c’est comme ça que ça se dessine, je veux dire
qu’on interrompt parce que on projette les choses, on interrompt ce dont il
s’agit, c’est-à-dire une corde, (p5->)
une corde, ça fait un nœud, et je me souviens qu’il y eut un temps où le
nommé SOURY
C’est bien en cela que l’histoire
de l’écriture vient suggérer, suggérer qu’il n’y a pas de
rapport sexuel. L’analyse, dans l’occasion, se consume elle-même. Je veux
dire que, si nous faisons une abstraction sur l’analyse, nous l’annulons. Si
nous nous apercevons que nous ne parlons que d’apparentement ou de parenté,
il nous vient à l’idée de parler d’autre chose, et c’est bien en quoi
l’analyse, à l’occasion, échouerait, mais c’est un fait que chacun ne
parle que de ça.
La névrose est-elle naturelle ? Elle n’est naturelle que pour
autant que chez un homme, il y a le symbolique ; et le fait qu’il y ait
un symbolique implique qu’un signifiant nouveau émerge, un signifiant
nouveau à quoi le moi, c’est-à-dire la conscience s’identifierait,
mais ce qu’il y a de propre au signifiant que j’ai appelé du nom de S1,
c’est qu’il n’y a qu’un rapport qui le définisse, le rapport qu’il a
avec S2 :
S1--->S2
(lire: S indice 1, S indice 2, note du scribe)
C’est en tant que le sujet est divisé entre cet
S1 et cet S2, qu’il se supporte, de sorte qu’on ne peut pas dire que ce soit
un seul des deux signifiants qui le représente. La névrose est-elle naturelle ?
Il s’agirait de définir la nature de la nature ? Rien que ceci que il y
a quelque chose dont nous avons l’imagination qu’on puisse en rendre compte
par l’organique, je veux dire par le fait qu’il y ait des êtres vivants,
mais qu’il y ait des êtres vivants, non seulement ça ne va pas de soi, mais
il a fallu élucubrer toute une genèse, je veux dire que ce qu’on a (p7->)
appelé les gènes, assurément, veut dire quelque chose, mais ce n’est que,
qu’un vouloir dire. Nous n’avons nulle part présent ce jaillissement de la
lignée soit évolution ou création (.1.). L’élucubration créationniste ne
vaut pas mieux que l’élucubration évolutionniste, puisque, de toute façon,
ce n’est qu’une hypothèse.
La logique ne se supporte que de peu de chose. Si nous ne croyons pas,
d’une façon, en somme, gratuite, que les mots font les choses, la logique
n’a pas de raison d’être. Ce
que j’ai appelé le rhéteur qu’il y a dans l’analyse, c’est
l’analyste dont il s’agit, le rhéteur n’opère que par suggestion. Il
suggère, c’est le propre du rhéteur, il n’impose pas d’aucune façon
quelque chose qui aurait consistance, et c’est même pour cela que j’ai désigné
de l’Ex-, ce qui se supporte, ce qui ne se supporte que d’ex-siste(r).
Comment faut-il que l’analyste opère pour être convenable rhéteur ?
C’est bien là que nous arrivons à une ambiguïté. L’inconscient
dit-on, ne connaît pas la contradiction, c’est bien en quoi il faut que
l’analyste opère par quelque chose qui ne fasse pas fondement sur la
contradiction. Il n’est pas dit que ce dont il s’agisse soit vrai ou faux,
ce qui fait le vrai et ce qui fait le faux, c’est ce qu’on appelle le poids
de l’analyste, et c’est en cela que je dis qu’il est rhéteur. L’hypothèse
que l’inconscient soit une extrapolation n’est pas absurde, et c’est bien
pourquoi Freud a eu recours à ce qu’on appel la pulsion. La pulsion est
quelque chose qui ne se supporte que d’être nommée, et d’être nommée
d’une façon qui la tire, si je puis dire par les cheveux, c’est-à-dire qui
présuppose que toute pulsion, au nom de quelque chose qui se trouve exister
chez l’enfant, que toute pulsion est sexuelle, mais rien ne dit que quelque
chose mérite d’être appelée pulsion avec cette inflexion qui la réduit à
être sexuelle. Ce qui, (p8->) dans le
sexuel importe, c’est le comique, c’est que quand un homme est femme,
c’est à ce moment là qu’il aime, c’est-à-dire qu’il aspire au quelque
chose qui est son objet ; par contre c’est au titre, au titre d’homme
qu’il désire, c’est-à-dire qu’il se supporte de quelque chose qui
s’appelle proprement bander. La vie n’est pas tragique. Elle est comique, et
c’est pourtant assez curieux que Freud n’ait rien trouvé de mieux que de désigner
du complexe d’Œdipe, c’est-à-dire d’une tragédie, ce dont il
s’agissait dans l’affaire. On ne voit pas pourquoi Freud a désigné alors
qu’il pouvait prendre un chemin plus court, a désigné d’autre chose que
d’une comédie ce à quoi il avait à faire, ce à quoi il avait à faire dans
ce rapport qui lie le symbolique, l’imaginaire et le réel. Pour que
l’imaginaire s’exfolie, il n’y a qu’à le réduire au fantasme.
L’important est que la science elle-même n’est qu’un fantasme et que
l’idée d’un réveil soit à proprement parler impensable. Voilà ce que
j’avais à vous dire aujourd’hui.
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