XXI-Les non-dupes errent 1973-1974
15 janvier 1974
http://perso.wanadoo.fr/espace.freud/topos/psycha/psysem/nondup/nondup6.htm version Espace Freud, .pdf,
transcription de la version sonore originale
Voilà vous m'avez vu la dernière fois un petit peu dépassé par votre nombre, comme il est... ça me laisse l'espoir qu'il se réduise, alors je continue.
L'inconvénient de ce nombre, c'est que, j'y pensais tout à l'heure, je suis... je suis amené, enfin, à chaque fois, à… à pencher, enfin, vers ceci que si je vous parle, ça ne peut être que pour la première fois. C'est-à-dire que c'est une notion d'ordre. Cette notion d'ordre évidemment me gêne et c'est d'où j'essaie de sortir en vous montrant autre chose, c'est à savoir qu'il y a la nodalité.
    Pour le dire, n'est-ce pas, la question
     est de savoir ce que le savoir inconscient, là, forcément,
     je vois bien que... je vois bien que j'enchaîne, à savoir que,
     le savoir inconscient, je le pose. Je le pose comme ce qui travaille. Et
     ce qui travaille peut travailler, il n'y a de prise quelconque du travail,
     il n'y a de prise quelconque du travail que dans un discours. Il s'agit
     de fonder ce qui travaille dans le discours analytique. 
      S'il n'y avait pas de lien social, et de lien social
  en tant qu'il est fondé par un discours, le travail serait insaisissable.
  Disons, avec I'ironie que ça comporte, que dans la nature, ça
  ne travaille pas. Alors, il semble bien, enfin, que, c'est d'ailleurs ce qui
  la fonde, la nature, l'idée que nous en avons, c'est le lieu, c'est
  le lieu où ça ne travaille pas. 
      Le savoir, le savoir en tant qu'inconscient,
  en tant qu'en nous "ça travaille", semble donc impliquer une supposition.
  C'est une supposition, me direz-vous, pour laquelle nous n'avons pas besoin
  de nous forcer, puisqu'en somme, c'est nous-même le sujet, I'upokeimenon, tout ça, ça veut dire exactement
  la même chose, à savoir qu'on "suppose" que quelque chose existe,
  qui s'appelle, que j'ai désigné comme l'être parlant, ce
  qui est un pléonasme, parce qu'il n'y a d'être que de parler,
  s'il n'y avait pas le verbe être, il n'y aurait pas d'être du tout. 
      Néanmoins, néanmoins, nous...
  nous savons bien que le mot d'exister a pris un certain poids. Un poids
  en particulier par le quanteur, le quanteur de l'existence. Le quanteur de
  l'existence, en réalité, a tout à fait déplacé le
  sens de ce mot ex-sister, et si même je peux l'écrire comme je
  l'ai écrit ex, tiret, sister, ex-sister c'est justement
  là en quoi... en quoi se... en quoi se marque l'originalité de
  ce quanteur. 
      Seulement, voilà. L'originalité ne
  fait que déplacer l'ordre, à savoir que ce qui ex-siste, c'est
  cela qui serait originaire. C'est à partir de l'ex-sistence que nous
  nous trouvons ré-interroger ce qu'il en est, ce qu'il en est de la supposition. 
      Simple déplacement, en somme. Et ce
  que j'essaie, ce que j'essaie de, ce que j'essaie de faire cette année,
  hein, avec mes non-dupes, c'est de voir de quoi en somme il faut être
  dupe pour que tout ça tienne, que ça tienne dans une consistance. 
      Et c'est en quoi j'introduis ce ternaire ou
  plus exactement je m'aperçois qu'à partir, à être
  parti de ce ternaire, du Symbolique, de l'Imaginaire et du Réel, je
  pose une question, ou plus exactement, comme pour toute question, pour toute
  question c'est de la réponse qu'elle est partie... de la réponse
  qui, à maintenir, à maintenir comme distinct, le Réel,
  nous fait nous poser la question : où se situe ce savoir, ce savoir
  inconscient que... dont nous sommes travaillés dans le discours analytique.
  Il est bien certain que c'est le discours qui nous fait coller, le discours
  analytique qui nous fait coller à ce savoir d'une façon qui n'a
  pas de précédent, n'a pas de précédent dans l'Histoire.
 
Pourquoi après tout ne pourrions-nous pas considérer ce discours lui-même comme contingent puisqu'il part d'un dire, d'un dire qui fait événement, celui que j'essaie de... que j'essaie de prolonger devant vous, et la question de la contingence de ce dire, c'est bien autour de celle-là que nous tournons. Si ce dire n'est que contingent, et aussi bien c'est de cela qu'il faut rendre compte, où se situe le Réel ? Est-ce que le Réel n'est jamais que supposé ?
    Dans ce noeud, ce noeud que je profère,
     dans ce noeud, ce noeud fait du Symbolique et de l'Imaginaire en tant que
     c'est seulement quelque chose qui avec, avec… fait trois, qui les
     noue, c'est du Réel qu'il s'agit. 
      Qu'ils soient trois, c'est à cela que
  tient le Réel. 
      Pourquoi le Réel est-il trois ? C'est
  une question que je fonde, que je justifie de ceci : qu'il n'y a pas de rapport
  sexuel. En d'autres termes, que je le précise, que je le précise
  de ceci, qui puisse s'écrire, moyennant quoi, moyennant quoi ce qui
  s'écrit, c'est que, par exemple, il n'existe pas de "f", de "f" tel
  qu'entre x et y qui, ici, signifient le fondement de tels des êtres parlants, à se
  choisir comme de la partie mâle ou femelle, ceci, cette fonction qui
  ferait le rapport, cette fonction de l'homme par rapport à la femme,
  cette fonction de la femme par rapport à l'homme, il n'en existe pas
  qui puisse s'écrire.
  
    C'est ça la chose, la chose que je
     produis devant vous, c'est ce que, quelque part, car je me répète,
     comme tout le monde, il n'y a que vous pour ne pas vous en apercevoir, c'est ça
     que j'ai déjà énoncé sous le nom de Chose
     freudienne, ça y est en long et en large, et bien sûr,
     c'est tout à fait passé inaperçu, pour une simple raison,
     c'est que nous en restons dans cet Imaginaire. 
      Dans cet Imaginaire qui est justement ce que
  met en question la moindre expérience du discours analytique, c'est
  qu'il n'y a rien de plus flou que l'appartenance, que l'appartenance à un
  de ces deux côtés : celui que je désigne de x et l'autre
  de y, justement en ceci que du même coup il faut que je marque qu'il
  n'y a nulle fonction qui les relie.
 
Alors, il s'agit de savoir comment, tout de même, ça fonctionne, à savoir que, tout de même, ça baise là-dedans.
    En énonçant cela, ceci, il
     faut quand même que je décolle de quelque chose qui est une...
     une supposition, une supposition que, il y ait un sujet, mâle ou femelle. 
      C'est une supposition que l'expérience
  rend très évidemment intenable, et qui implique que ce que j'avance,
  que ce que j'avance en énoncé par mon énonciation, par
  l'énonciation dont je ne suis le sujet que pour autant que dans le discours
  analytique je travaille moi-même, qu'il faut que je ne mette pas de sujet
  sous cet x et sous cet y. Il faut donc que l'énoncé, et rien
  que déjà écrire ceci au tableau, il faut donc que mon énoncé n'implique
  pas de sujet. 
      S'il y a quelque chose, s'il y a quelque chose
  qui se trouve là écrit, c'est que de sujet, il n'est question
  que dans la fonction, et justement que ce que j'écris, c'est que sous
  cette fonction, justement de ce qu'elle soit niée, il n'y a nulle existence. 
      Le "il n'existe pas" veut dire ça,
  il n'y a pas de fonction. 
      Ce dont il s'agit, ce dont il s'agit, c'est
  de démontrer, c'est de démontrer que cette fonction, si elle
  n'a pas d'existence, ce n'est pas seulement affaire contingente, c'est affaire
  d'impossible. 
      C'est affaire d'impossible et pour le démontrer,
  ce n'est pas une petite affaire. 
      Ce n'est pas une petite affaire simplement
  pour ceci : c'est que à simplement l'écrire, à simplement
  l'énoncer, même seulement dans l'écriture, la chose ne
  tient que jusqu'à preuve du contraire, à savoir jusqu'au moment,
  jusqu'au moment où quelque chose de contingent s'inscrive en faux contre
  ce dire, et par bonheur, si je puis dire, bon heur, les deux mots séparés,
  s'écrive f, x, virgule y... il y a une fonction qui noue le x et le
  y, et que ça a cessé de ne pas s'écrire.
  
    Pour que ça ait cessé de ne
     pas s'écrire, il faudrait que ça soit possible, et jusqu'à un
     certain point ça le reste, puisque ce que j'avance, c'est que ça
     a cessé de s'écrire. Pourquoi ça ne recommencerait-il
     pas ? 
      Non seulement il est possible, il est possible
  qu'on écrive F... F, x et y, mais il est clair qu'on ne s'en est pas
  privés.
  
    Pour démontrer donc l'impossible,
     il faut prendre fondement ailleurs. 
      Ailleurs que dans ces écritures précaires
  puisqu'après tout, elles ont cessé, et qu'à partir du
  moment où elles ont cessé, on pourrait croire que ça peut
  reprendre. C'est bien le rapport du possible et du contingent.
 
    A prendre appui sur le noeud pour que quelque
     chose de l'impossible se démontre, qu'est-ce que je fais ? 
      Je prends appui peut-être, la question
  mérite qu'on la soulève, sur une topologie. 
      Puisque pour ce qui est de l'ordre, eh bien,
  on peut dire que c'est bien ce qui, jusqu'à présent, n'a pas
  manqué, à savoir que c'est à mettre de l'ordre qu'on supporte
  tout ce qui a pu s'avancer du rapport dit sexuel. Il est vrai que cet ordre,
  on s'y embrouillait un tant soit peu les pattes, et qu'il est certain que ce
  n'est pas le même, ce n'est pas le même ordre, en tout cas, qu'instaure,
  qu'instaure ce que le discours analytique avance, ou paraît avancer de
  ce qui concerne le rapport sexuel. 
      L'ordre 1,2,3, ben, il y en a un qui vient
  le premier, et ce n'est pas par hasard, on ne sait d'ailleurs pas lequel vient
  le premier, ce n'est pas par hasard que ce soit le 1, puisque le second le
  seconde, comme on dit, et que le troisième résulte de leur addition,
  simplement. 
      Ça fait une suite qu'on a pu qualifier
  de naturelle. 
      Ce qui laisse à rêver. Ce qui
  laisse à rêver d'autant plus que la dernière fois je vous
  ai fait la remarque qu'à les écrire à la suite, le privilège
  de ces trois premiers, c'est qu'il suffit de les prendre à revers pour
  que tous les ordres soient possibles. 
      Il suffit en effet qu'il y ait 1,2,3, ou 1,3,2, c'est ça
  que j'appelle le... les prendre à revers, pour que les six autres façons
  d'arranger le 1,2,3, soient possibles. 
      L'idée de successeur, n'est-ce pas,
  et que, de successeur, il n'y en ait qu'un, qu'un dans la suite naturelle des
  nombres, c'est une idée qui ne s'est dégagée que tard,
  ce qui est assez curieux, parce qu'il semblait bien que c'était là la
  chose la plus tangible, la plus réelle qui soit, concernant la suite
  naturelle. 
      Pourquoi n'y aurait-il pas, de successeurs,
  une multitude ? 
      Ca ne va pas de soi. Nous avons une foule
  d'exemples, celle de l'arbre notamment, de l'arbre que nous rencontrons partout,
  vers notre descendance comme vers notre ascendance, pourquoi l'idée
  de successeur serait-elle inhérente à une suite privilégiée
  de successeurs se fondant sur ceci : qu'il n'y en a qu'un ? 
       Qu'il y en ait trois dans tel cas, tel
  cas privilégié, a certainement rapport à ce qu'il y ait
  de l'Un. 
      "Yad'lun", c'est comme ça que je me
  suis exprimé. Mais il est tout à fait imaginable que le trois
  ne soit pas pris dans l'ordre. 
      Ça, c'est pas nouveau, hein le fameux
  triangle dont les Grecs ont tiré parti, le parti que vous savez, repose
  là-dessus, et avec, et avec lui, toute la géométrie qu'ils
  en ont extraite, et par quoi longtemps l'idée claire a été première
  au regard du distinct. L'idée claire et distincte, qu'on dit ! 
      Moyennant quoi c'est more geometrico,
  qu'on a démontré pendant des siècles et que ça
  a été un idéal et que ça le reste encore. Le lien
  de la mesure avec le phénomène de l'ombre, je souligne phénomène,
  c'est-à-dire avec l'Imaginaire, en tant qu'il suppose la lumière,
  a instauré cet ordre, qu'on appelle "harmonique", a instauré,
  fondé, tout ce qu'il en est de la proportion, d'une proportion qui était
  le seul fondement de la mesure, et instauré un ordre, un ordre qui a
  servi à construire une Physique. 
      C'est de là qu'est partie cette idée
  de la supposition. 
      Parce que, à fonder les choses sur
  cet Imaginaire, il fallait qu'il y ait derrière autre chose : une substance,
  c'est la même chose, c'est le même mot que supposition, sujet et
  tout ce qui s'ensuit. 
      Toute cette affaire était par trop,
  si je puis dire, par trop phénoménale. 
      Quand je témoigne, quand je dis que le noeud,
  c'est ça qui me cogite, et que mon discours, pour autant qu'il est le
  discours analytique, que mon discours en témoigne, il se trouve que,
  parce que j'ai fait quelques pas de plus que vous, il est borroméen,
  en l'occasion, ce noeud, mais il pourrait être autre. Même s'il était
  autre, ma question, ma question de savoir, savoir en quoi ça a rapport
  avec ce qui distingue la topologie, avec ce qui distingue la topologie de l'espace
  fondé par les Grecs, l'espace en tant qu'il a donné une première
  matière à décoller de la supposition, qu'est-ce que suppose
  la topologie ?
 
    La topologie ne suppose, ne suppose, dans
     ce qu'il en est de l'espace, qu'une consistance, vous le savez ou vous ne
     le savez pas, en tous les cas, je n'peux pas vous faire un cours de topologie,
     mais rien n'exclut que vous vous reportiez au texte mathématique
     où s'est élaborée cette notion, à partir de
     l'abandon de la mesure comme telle, à savoir quelle qu'en soit, de
     cette mesure la relativité, puisqu'aussi bien elle ne se produit
     que d'homothétie, pour savoir l'heure et la hauteur du soleil, nous
     n'avons rien que le rapport de l'ombre avec le piquet qui la projette, que
     c'est sur un triangle que tout repose concernant la mesure, la topologie,
     elle, élabore un espace qui ne part que de ceci : de la définition
     du voisinage, de la proximité, ça a le même sens, c'est
     une définition du proche, qui part de... d'un axiome, c'est à savoir
     que tout ce qui fait partie d'un espace topologique, s'il est à mettre
     dans un voisinage, implique qu'il y a quelque chose d'autre qui soit dans
     le même voisinage. 
      La notion pure de voisinage implique donc,
  déjà, triplicité, et ne se fonde, ne se fonde sur rien
  qui unisse chacun des éléments triples, si ce n'est d'appartenir
  au même voisinage. C'est un espace qui ne se supporte que de la continuité qui
  s'en déduit, car il n'y a pas, dans le topologique, d'autres rapports
  dits continus que fondés sur le voisinage et qui du même coup
  impliquent ce que j'appellerai la malléabilité. C'est ce qu'ils
  appellent, eux, les mathématiciens, la déformation continue.
 
    Vous voyez que la référence
     au continu est dans le mot, et joint, accolé, au mot déformation,
     lequel pour être plus correct s'énonce : transformation continue. 
      Ce sont des images aussi. Mais il faut le
  dire, elles se saisissent moins bien. Le fait que je parle de saisir, Beqriff, begrifflich,
  implique une référence à ce qui se saisit bien, c'est-à-dire
  le solide. Le souple se saisit moins bien, à prendre dans la main. L'idée,
  l'idée qui fonde la topologie mathématiquement définie,
  est d'aborder ce qu'il en est de ce qu'elle supporte, c'est la topologie qui,
  là, supporte, ce n'est pas un sujet qui lui est supposé, hein. 
      Ce que la topologie supporte, l'idée, c'est
  de l'aborder sans image, de ne leur supposer, de ne leur supposer, à ces
  lettres, telles qu'elles fondent la topologie, [... petite coupure son : de
  ne leur supposer que le Réel.] 
      Le Réel en tant qu'il n'ajoute...  est-ce
  que vous vous apercevez que ce terme est encore de trop, puisqu'il évoque
  l'addition ? qu'il n'ajoute, à ce que nous savons distinguer comme l'Imaginaire,
  cette souplesse liée au corps, ou comme Symbolique le fait de dénommer
  le voisinage, la continuité, qu'il n'ajoute que quelque chose, le Réel,
  et non pas de ce qu'il soit troisième, mais de ça, qu'à eux
  tous, ils fassent trois. Et que c'est tout ce qu'ils ont de RéeI, rien
  de plus. Je veux dire : tout un chacun. C'est tout ce qu'ils ont de Réel. Ça
  a l'air peu, mais ce n'est pas rien.
 
    Ce n'est pas rien puisque, on l'a si bien
     senti de toujours, que c'est justement là-dessus que, que le Réel était
     supposé. Il s'agit de le débusquer de cette position de supposition
     qui en fin de compte le subordonne, le subordonne à ce qu'on imagine
     ou à ce qu'on symbolise. 
      Tout ce qu'ils ont de Réel, c'est que ça
  fasse trois. Là, trois n'est pas une supposition grâce au fait
  que nous avons, grâce à la théorie des ensembles, élaboré le
  nombre cardinal comme tel. 
      Ce qu'il faut voir, ce qu'il faut que vous supportiez,
  c'est ceci : c'est de mettre en question, de mettre en question que ce n'est
  pas un modèle, ce qui serait de l'ordre de l'Imaginaire. Ce n'est pas
  un modèle parce que, parce que par rapport à ce trois, vous êtes
  non pas son sujet, l'imaginant ou le symbolisant, vous êtes, vous êtes
  coincés : vous n'êtes que... en tant que sujets, vous n'êtes
  que les patients de cette triplicité. 
      Vous êtes les patients, d'abord, parce que,
  parce que c'est déjà dans la langue. Or il n'y a pas de langue
  où le trois ne s'énonce. C'est dans la langue et c'est aussi
  dans le fonctionnement qui s'appelle le langage. 
      C'est-à-dire la structure logique telle
  que, tout naïvement, enfin, le premier qui ait commencé là-dedans,
  par exemple le premier à notre connaissance, bien sûr, le premier à notre
  connaissance, à savoir Aristote, enfin, celui dont on a justement des écrits,
  il a bien fallu qu'il manipule la chose avec des petites lettres, et ça
  ne peut pas se manipuler sans qu'il y en ait trois. A part ceci, bien sûr, à part
  ceci bien sûr qu'il y restait quelque chose de la supposition du Réel,
  et que ce Réel, il n'a pas cru pouvoir le supporter d'autre chose que
  le particulier, le particulier dont il s'imagine que c'est l'individu, aIors
  que justement, en le situant dans la logique comme particulier, il montre bien
  que de l'individu, il ne se faisait que... une notion tout imaginaire, le particulier
  est une fonction logique, et que... il lui ait donné pour support le
  corps individuel est très précisément, enfin, le signe
  qu'il lui fallait une supposition. 
      Un dire qui ne suppose rien, sinon que triple
  est le Réel, j'ai dit triple, c'est-à-dire trois, non pas troisième,
  c'est en quoi consiste le dire que je me trouve contraint d'avancer par la
  question du non-rapport, du non-rapport en tant qu'il touche spécifiquement à ce
  qu'il en est de la subjectivation du sexuel. Mon dire consiste en ce Réel,
  en ce Réel qui est ce dont le trois insiste, insiste au point de s'être
  marqué dans la langue. 
      Il ne s'agit pas là d'une pensée, puisqu'en
  tant que pensée, elle est, si je puis dire, encore 
  
      L'événement, lui ? l'événement
  ne se produit que dans l'ordre du Symbolique. Il n'y a d'événement
  que de dire. 
      Je pense que, au siècle où vous
  vivez, vous devez vous apercevoir, quand même, de ça tous les
  jours. Cette pluie d'informations, si je puis dire, au milieu de... desquelles
  on a pu s'étonner que vous subsistiez encore, que vous gardiez votre
  jugeote, à savoir que vous ne vous en fassiez, finalement, pas trop,
  hein, de ce que le journal vous annonce tous les matins, ben, Dieu merci, ça
  vous passe, comme on dit, comme de l'eau sur les plumes d'un canard... Sans ça,
  où iriez-vous ? 
      Il faut tout de même bien qu'il y ait
  quelque chose de fallacieux qui... dans lequel, hélas, le malentendu
  de mon dire, je veux dire celui-même que je vous tiens ici, pour autant
  que j'en suis moi-même la victime, auquel il faut donc qu'un certain
  dire, le dire sur le dit, ait contribué, pour que vous puissiez croire
  que dans ce qui fait tenir votre corps, c'est une circulation d'informations
  parties de je ne sais quels endroits, de prime abord de l'ADN, qu'on nous dit,
  ou du DN je ne sais pas quoi, que c'est de ça que vous vous supportiez,
  que tout ne soit, en somme, que... une information dont heureusement on nous
  avertit enfin, que cette information ne tient qu'à violer un des fondements
  mêmes de ce qui par ailleurs s'édifie comme énergétique,
  est-ce que tout cela n'est pas aussi de l'ordre de la cogitation ? Est-ce que,
  dans d'autres termes, nous sommes obligés d'en tenir compte quand ce à quoi,
  dans le politique, ce à quoi nous avons affaire, c'est à un type
  d'informations dont le sens n'a d'autre portée que l'impératif, à savoir
  le signifiant Un. C'est pour nous commander, autrement dit, pour que le bout
  du nez suive, que toute information, à notre époque, est déversée
  comme telle.
 
    Dans donc ce que je vous énonce d'un
     certain dire, l'important n'est rien que les conséquences qu'il peut
     avoir. Encore faut-il pour qu'il ait ces conséquences, que je m'en
     donne la peine. 
      Ce dire n'est véritable, ici, je le profère
  pour le cas plus que probable où vous ne vous en seriez pas aperçus
  - il n'est véritable qu'en tant qu'il fait limite à la portée, à la
  portée de ce qui nous intéresse au premier chef, nous autres,
  dans le discours analytique de ce qu'il fait limite à la portée
  de la vérité. 
      Il y avait, autrefois comme ça un...
  un garçon de bureau qui poussait des cris après chacun de mes
  séminaires, cris qui se résumaient dans  "Pourquoi est-ce
  qu'il ne dit pas le vrai sur le vrai ?" 
      Ce personnage est bien connu, on lui a même
  confié le soin d'un Vocabulaire... Je n'ai pas à dire le vrai
  sur le vrai, pour la raison que je ne peux en dire que ceci : c'est que le
  vrai c'est ce qui contredit le faux. Mais par contre je peux dire, je peux
  dire, mais encore fallait-il que j'y mette le temps, car il y a un temps pour
  tout, je peux dire la vérité sur la vérité.
 
    La vérité, c'est qu'on ne
     peut la dire, puisqu'elle ne peut que se mi-dire. 
      La vérité ne se fonde, je viens
  de le dire que sur la supposition du faux : elle est contradiction. 
      Elle ne se fonde que sur le non. Son énoncé n'est
  que la dénonciation de la non-vérité. 
      Elle se dit rien que par le mi-. Disons le
  mot, elle est mi-métique : elle est de l'imaginaire. Et c'est bien pour ça
  que nous sommes forcés d'en passer par là à mon avis.
  Elle est de l'Imaginaire en tant que l'Imaginaire, c'est le faux deuxième,
  par rapport au Réel, en tant que le mâle, chez l'être parlant,
  n'est pas la femelle ; et qu'il n'a pas d'autre biais par où se poser.
  Seulement, ce ne sont pas là des... des biais dont nous puissions nous
  satisfaire. C'en est au point qu'on peut dire que l'inconscient se définit
  de ceci et rien que de ceci : qu'il en sait plus que cette vérité,
  et que l'homme n'est pas la femme.
 
    Même Aristote n'a pas osé mouffeter ça
     ! Comment est-ce qu'il aurait fait, d'abord hein ? 
      Dire "aucun homme n'est femme", ça, ça
  aurait été vachement culotté, alors, surtout à son époque
  ! Alors il ne l'a pas fait… S'il avait dit "tout homme n'est pas femme"...
  Hein ? Eh bien, vous voyez, hein, voyez le sens que ça prend : celui
  d'une exception ; il y en a quelques-uns qui ne le sont pas. C'est en tant
  que tout, qu'il n'est pas femme. A, là, le "A" du quanteur, hein, "A" de
  x, x un point, et y, barré :
  
    Seulement, l'ennuyeux, c'est que c'est pas
     vrai du tout et que ça saute aux yeux que ce ne soit pas vrai, hein
     ! 
      La seule chose... La seule chose qu'on pourrait écrire,
  c'est que... il n'existe pas de x dont on puisse dire... 
  qu'il ne soit pas vrai qu'être homme, ce n'est pas être
  femme :
  
    Tout ceci, bien sûr, il faut le noter
     au passage, suppose que le Un est triple. 
      A savoir que, il y a le Un dont on fait le
  tout, à savoir ce qui s'unifie comme tel, il y a le Un qui veut dire
  l'un quelconque, à savoir ce que je vous dirai tout à l'heure,
  et puis il y a le Un, mais unique, qui seul fonde le tout.1. 
      Nier l'Un unique, c'est là le sens
  de la barre sur le quanteur de l'existence. 
      Pour ce qui est de l'un quelconque, il nous faut bien
  le considérer comme un vide pur. 
      Que le savoir inconscient soit topologique,
  c'est-à-dire qu'il ne tienne que de la proximité, du voisinage,
  non de l'ordre, c'est en quoi j'essaie de dire, de fonder là-dessus
  qu'il est nodal. Ce qui est à traduire de ceci, qu'il s'écrit
  ou ne s'écrit pas. Il s'écrit quand je l'écris, que je
  fais le nœud borroméen, et... quand vous essayez à cet
  instant de voir comment ça tient, c'est-à-dire que vous en faites...
  que vous en cassez un, les deux autres se baladent. Il ne s'écrit plus.
  Et c'est là que se voit, que s'amorce la convergence du nodal et
  du modal.
 
    Donc ce savoir inconscient ne se supporte
     pas de ce qu'il insiste, mais des traces que cette insistance laisse. 
      Non pas de la vérité, mais de sa répétition
  en tant que c'est en tant que vérité qu'elle se module. 
      Ici, il faut que j'introduise ce dont se fonde
  le voisinage comme tel. Le voisinage comme tel se fonde de la notion d'ouvert. 
      Ceci, la topologie en abat tout de suite la
  carte. C'est d'ensembles en tant qu'ouverts, qu'elle se fonde. Et c'est bien
  en quoi elle aborde, elle aborde par le bon biais ceci : que la classe ne se
  ferme pas. C'est-à-dire qu'elle accepte le paradoxe, le paradoxe qui
  n'est paradoxe que d'une logique prédicative, à savoir que si
  la logique renonçait simplement à l'être, c'est-à-dire
  que soit rayée purement et simplement la logique propositionnelle, il
  n'y aurait pas de problème, le problème, s'il y en a un, problème
  désigné de paradoxe, étant seulement celui-ci que la classe
  Homme n'est pas un homme. 
      Tous les paradoxes se ramènent à ça. 
      Qu'est-ce que ça veut dire ? 
      Sinon qu'à la rigueur ce que nous pouvons
  désigner d'Homme est un ensemble ouvert, ce qui saute aux yeux. 
      Alors voyons bien ceci : la vérité a
  une limite d'un côté, et c'est pour ça qu'elle est mi-dire. 
      Mais de l'autre elle est sans limite, elle
  est ouverte. Et c'est bien en quoi peut l'habiter le savoir inconscient, parce
  que le savoir inconscient, c'est un ensemble ouvert. 
      Vous voyez, vous voyez, je l'étale,
  hein, que l'amour ça me tracasse. 
      Vous aussi, bien sûr. Mais pas comme
  moi ! Hum... 
      C'est même pour ça que, une parenthèse,
  votre nombre me gêne : depuis quelques temps, je ne peux plus vous identifier à une
  femme. Ça m'emmerde.
 
    Bon l'amour, dirai-je donc, puisque, vous
     me pardonnerez que ça me tracasse, l'amour, c'est la vérité,
     mais seulement en tant que c'est à partir d'elle, à partir
     d'une coupure que commence un autre savoir que le savoir propositionnel, à savoir
     le savoir inconscient. 
      C'est la vérité en tant qu'elle
  ne peut être dite du sujet, en tant que ce qui est supposé, que
  ce qui est supposé pouvoir être connu du partenaire sexuel. L'amour,
  c'est deux mi-dire qui ne se recouvrent pas. Et c'est ce qui en fait le caractère
  fatal. C'est la division irrémédiable. Je veux dire à quoi
  on ne peut pas remédier, ce qui implique, ce qui implique que le "médier" serait
  déjà possible. Et justement, c'est non seulement irrémédiable,
  mais sans aucune médiation. 
      C'est la connexité entre deux savoirs
  en tant qu'ils sont irrémédiablement distincts. Quant ça
  se produit, ça fait quelque chose de... de tout à fait privilégié.
  Quand ça se recouvre, les deux savoirs inconscients, ça fait
  un sale méli-mélo. 
      Et là, je vais avancer, en fin de ce
  laïus, c'est bien le nom qui convient, je vais avancer quelque chose qui...
  est comme ça, enfin, qui tranche : le savoir masculin, chez l'être
  parlant, est irrémédiablement une erre/unaire ? 
  il est coupure, amorçant une fermeture, justement, celle
  du départ, c'est pas son privilège mais il part pour se fermer,
  et c'est de ne pas y arriver qu'il finit par se clore sans s'en apercevoir. 
      Ce savoir masculin, chez l'être parlant, c'est
  le rond de ficelle. Il tourne en rond. En lui il y a de l'Un au départ,
  comme trait qui se répète d'ailleurs sans se compter, et de tourner
  en rond il se clôt, sans même savoir que de ces ronds, il y en
  a trois. 
      Comment peut-il, comment pouvons-nous supposer
  qu'il y arrive, à en connaître un bout, de cette distinction élémentaire
  ? 
      Ben, heureusement, pour ça il y a une
  femme. Je vous ai déjà dit que la femme, naturellement c'est
  ce qui résulte de ce que j'ai déjà écrit au tableau,
  que la femme ça n'existe pas... Mais une femme, ça... ça
  peut se produire, quand il y a nœud, ou plutôt tresse. 
      Chose curieuse, la tresse, elle ne se produit
  que de ce qu'elle imite l'être parlant mâle, parce que... elle
  peut l'imaginer, elle le voit strangulé par ces trois catégories
  qui l'étouffent. Il n'y a que lui à ne pas le savoir, jusque-là.
  Elle le voit imaginairement, mais c'est une imagination de son unité, à savoir
  de ce à quoi l'homme lui-même s'identifie. 
      Non pas de son unité comme savoir inconscient,
  parce que le savoir inconscient, il reste plutôt ouvert. Alors, avec
  cette unité, elle boucle une tresse. Pour faire un nœud borroméen,
  je vous l'ai dit que, il faut faire six gestes et six gestes grâce à quoi,
  grâce à quoi ils sont dans le même ordre, à ceci
  près que justement, rien ne permet de les reconnaître. C'est bien
  pour ça qu'il faut en faire six, à savoir épuiser l'ordre
  des permutations deux à deux, et savoir d'avance qu'il ne faut pas en
  faire plus, sans quoi on se trompe. C'est bien en quoi, enfin, une femme n'est
  pas du tout forcément tressée, de sorte que c'est pas du tout
  forcément avec le même élément qu'elle fait le rond
  au bout du compte.
 
    C'est même pourquoi elle reste une
     femme, entre autres, puisqu'elle est définie par la tresse dont elle
     est capable, eh bien, cette tresse, il n'est pas du tout forcé qu'elle
     sache que ça soit qu'au bout de six que ça tienne le coup
     pour faire un nœud borroméen. C'est pas du tout sûr que...
     elle sache non plus que le trois ça a rapport au Réel, il
     peut lui en manquer la distinction, de sorte que ça fait un nœud,
     si je puis dire, encore plus noué, d'une unité encore plus
     une. 
      Dans le meilleur cas, hein, dans le meilleur
  cas, il se peut que ça... ça n'en fasse qu'une, de corde, de
  rond de ficelle, au bout du compte, il suffit que vous imaginiez, n'est-ce
  pas, que le 1,2,3, se raboute au 2,3,1. Ça fera un nœud, encore
  bien plus beau, si je puis m'exprimer ainsi, n'est-ce pas... 
      Je veux dire que tout se continue dans tout,
  et après tout, ça n'en reste pas moins un nœud, parce que
  si vous avez fait une tresse, ça donne forcément quelque chose,
  quelque chose qui en noue forcément au moins deux, et si deux des brins
  se rejoignent, eh bien, ça fera quelque chose qui se nouera ou ne se
  nouera pas au troisième, mais la question n'est pas là.
 
    Le ratage, si je puis dire, dans cette affaire,
     c'est-à-dire ce par quoi la femme n'existe pas, c'est bien
     en quoi, cela même, elle arrive à réussir l'union sexuelle.
     Seulement c'te union, c'est l'union de un avec deux ou de chacun avec chacun
     de chacun de ces trois brins. L'union sexuelle, si je puis dire, est interne à son
     filage. 
      Et c'est là qu'elle joue son rôle, à bien
  montrer ce que c'est qu'un nœud, c'est ce par quoi l'homme, lui, réussit à être
  trois. C'est-à-dire à ce que l'Imaginaire, le Symbolique et le
  Réel ne se distinguent que d'être trois, tout brut. 
      C'est-à-dire que... sans que son sujet
  s'y retrouve, c'est à partir de cette triplicité, dont une femme
  parfois fait sa réussite en la ratant, c'est-à-dire dont elle
  se satisfait comme réalisant en elle-même l'union sexuelle, c'est à partir
  de là que l'homme commence à prendre d'une petite jugeote l'idée
  qu'un nœud ça sert à quelque chose.
 
    Je vous avais dit que l'hystérique
     fait l'homme. Mais c'est formé par l'hystérique que l'homme
     part de l'idée, l'idée première, la bonne, celle qui
     lui laisse une petite chance, part de l'idée qu'il ne sait rien. 
      Ce qui est son cas, à elle, d'ailleurs,
  puisqu'elle fait l'homme. Elle ne sait pas que l'union sexuelle n'existe qu'en
  elle et par hasard. Elle ne sait rien, mais il se trouve en contrecoup apercevoir
  ce nœud. 
      Et ça donne chez lui un résultat
  second qui est tout différent en somme : c'est qu'à refuser son
  savoir ouvert, du même coup, il le ferme. Il constitue le correct nœud
  borroméen. Que le seul Réel qu'est le 3, il y accède,
  il sait, il sait que... il sait qu'il parle pour ne rien dire, mais pour obtenir
  des effets, qu'il imagine à tour de bras que ces effets sont effectifs,
  encore qu'ils tournent en rond, et que le Réel il le suppose, comme
  il convient, puisque le supposer n'engage à rien, à rien qu'à conserver
  sa santé mentale. 
      C'est-à-dire être conforme à la
  norme de l'homme, à la norme de l'homme qui consiste en ceci qu'il sait
  qu'il y a de l'impossible et comme disait cette charmante femme enfin, que
  je vous ai déjà citée : "Rien pour l'homme n'est impossible,
  ce qu'il ne peut pas faire, il le laisse". C'est ce qu'on appelle la santé mentale. 
      Notamment que de n'écrire jamais le
  rapport sexuel en lui-même, sinon dans le manque de son désir,
  lequel n'est rien que son serrage dans le nœud borroméen. C'est
  pourquoi je l'ai exprimé pour la première fois, il y a un temps
  ; mais il y a des gens qui ne s'en sont avertis que maintenant, j'ai pu le
  constater - il est vrai que c'est quelqu'un qui, qui n'avait que des notes,
  enfin pour s'informer "Je te demande de refuser ce que je t'offre, parce que ça
  n'est pas ça". Pas ça que je désire que tu acceptes, ni
  d'arriver à quoi que ce soit de cette espèce, car je n'ai affaire
  qu'à ce nœud-même.
 
1. Il s'agit de l'Einheit et de l'Einzigkeit 
  Cf. un extrait de L'identification, 21 février 1962