XXI-Les non-dupes errent 1973-1974
version rue CB
12 mars 1974 note
(p102->)
Le
docteur Lacan ordonne quatre croquis au tableau.

   
BON ALORS J'ENTRE dans le vif du sujet,
quoique j'aie bien sûr envie plutôt,
de parler d'autre chose. Dire par exemple que . . . que j'ai pas à me plaindre,
enfin que, que . . . que je donne, enfin, du même coup que je vous donne, je
m'en excuse, je vous donne à manger du foin, c'est du foin, tout ça. C'est des
trucs qui s'entrecroisent, et qui ne passent pas, enfin. De sorte que je n'ai
pas
à me plaindre en ce sens que, de deux choses l'une : ou on me rend mon foin
tout de suite, c'est ce qui arrive, comme ça, mon foin tel quel, enfin, c'est
pas du tout quelque chose qu'on ne supporte pas, on me le ressert tel que, tel
que je l'ai proposé - c'est ce qui arrive à certains - et alors il
y a des personnes , par exemple que ce foin chatouille tellement à l'entrée de
la gorge, qu'elles me vomissent du Claudel, par exemple. C'est parce qu'elles
l'avaient déjà là . . . Je suis embêté, je suis embêté parce que la personne
à qui j'ai fait vomir du Claudel a téléphoné - à Gloria naturellement - au moment
. . . pour lui demander où se tenait mon séminaire. Je suis
absolument désolé, enfin, j'espère qu'elle a fini par le savoir, elle est
peut-être là, en tout cas si elle n'est pas 1à, qu'on lui porte mes
excuses, parce que Gloria l'a envoyée aux pelotes, et c'est pas du tout ce que
. . . ce que j'aurais désiré : pourquoi est-ce qu'elle ne serait pas
venue manger du foin avec tout le monde . . . Bon. bon. eh bien mon foin en question,
en fin, c'est ce que vous savez qui est à l'ordre du jour, n 'est-ce pas, par
mon fait c'est le noeud borroméen.
(p103->)
    Je
      peux dire que je
suis gâté, parce que, on vient de m'en apporter  un , africain.  C'est
le noeud
borroméen en personne, n'est-ce pas. Il est . . . je vous en certifie
l'authenticité,
par
ce que depuis le temps que je le manie, je commence à en connaître un bout .
. . et
ça me plait beaucoup, parce que s'il y a une chose autour de quoi je me casse
la tête - j'ai même interrogé là-dessus, enfin, c'est . . . c'est de
savoir d'où ça vient. On l'appelle borroméen,
c'est pas du tout qu'il y a un type qui un jour l'ait découvert, c'est bien entendu
découvert depuis
longtemps, et ce qui m'étonne c'est que, c'est qu'on ne s'en soit pas plus
servi, enfin, parce que c'était vraiment, c'était vraiment une façon de
prendre ce que j'appelle les trois dimensions. On les a prises autrement, il
doit y avoir des raisons pour ça. Il doit y avoir des raisons pour ça, parce
qu'on ne voit pas du tout pourquoi - enfin, on ne voit pas au premier abord -
on ne voit pas pourquoi on n'aurait pas essayé de serrer le point, de
faire le point, si vous voulez, avec ça, plutôt qu'avec des choses qui se
coupent. C'est un fait que ça ne s'est pas passé comme ça. Quel sort ça
aurait eu si ça s'était passé comme ça, il est probable que ça nous aurait
dressés tout différemment.
    C'est
      pas du tout que ceux qu'on appelle les philosophes, c'est-à-dire, mon Dieu,
ceux, ceux qui essayent de dire quelque chose à notre . . . à nos états, enfin,
d'y répondre, c'est pas du tout qu'on n'ait pas trace que ces histoires de
noeuds, justement , ça ne les ait pas intéressés, parce que : il y a
vraiment, il y a vraiment très longtemps que des personnes qui se trouvent
curieusement avoir autant qu'on le sache - s'être classées depuis longtemps autant
qu'on le sache, parmi les femmes, enfin, ce que j'appelle " les
femmes " - et c'est au pluriel comme vous le savez, enfin, il y en a
quelques-uns qui sont là depuis longtemps - que les femmes,
elles s'y entendent, à ça, à faire des trames, des tissus. Et ça aurait
pu mettre sur la voie, c'est très curieux que, bien au contraire, ça ait inspiré plutôt
intimidation. Aristote, enfin, en parle, et c'est très curieux qu'il ne l'ait
pas pris pour objet. Parce que ça aurait été un départ qui n'aurait pas été
plus mauvais qu'un autre. Qu'est-ce qu'il y a , qu'est-ce qu'il y a qui fait
que, les noeuds, les noeuds, ça s'imagine mal ? Ça comme ça,
parce que c'est fait d'une certaine façon, ça se soutient ( le docteur Lacan
parle ici du noeud africain qu'il tient en main ) . . . Mais c'est  une
fois que c'est mis à
plat que c'est pas commode à manier, et c'est probablement pas pour rien,
enfin, que, avec ces noeuds c'est toujours des choses qui font tissu,
c'est-à-dire qui font surface, qu'on a essayé de fabriquer. C'est
probablement que la chose mise à plat, la surface, c'est très lié, enfin, à
toutes sortes d'utilisation. Oui.
   
Que les noeuds
s'imaginent mal - je vais tout de suite vous en donner une preuve. Bon.
    Vous
      faites une tresse. Une tresse à deux. Vous
 
|  Et c'est
  toujours un noeud dit borroméen, en ceci que quelque | 
    ![]()  | 
  
(p105->)
couple de deux.
Bon. Voilà deux façons de faire le noeud borroméen, mais qui ne sont en réalité
qu'une seule, c'est à savoir de les tresser un nombre indéfini de fois
multiple de six, ça sera toujours un aussi authentique noeud borroméen.
    Je m'excuse pour
ceux que ça peut fatiguer, ça a tout de même une fin, ce que je vous
raconte-là. Je voudrais seulement vous faire remarquer ceci : c'est que
le compte n'est pas fait pour autant. Vous pouvez tresser aussi longtemps que vous
voudrez, pourvu que vous vous en teniez à un multiple de six, aussi longtemps
que vous voudrez, la tresse en question ce sera toujours un noeud borroméen. Déjà
à soi tout seul, ça semble ouvrir la porte à une infinité de noeuds borroméens.
Eh bien, cette infinité déjà réalisée virtuellement puisque vous pouvez la concevoir, cette infinité, ne se limite pas là. Tel exemple que je vous en donne au tableau sous la forme de cette façon (on ne peut pas dire que les instruments soient commodes, bon . . .) sous 1a forme de cette façon de l'inscrire, c'est à savoir que vous voyez qu'ici ( croquis n° 2 ) , la boucle, si je puis dire, est double, et que le noeud borroméen, s'il se
![]()  | 
      | 
  
précisément (la symétrie , en deux mots, n'est-ce pas : la - symétrie d'un autre côté ) c'est-à-dire de nous montrer que il y a une façon de présenter le noeud borroméen qui, dans son tracé même, nous impose le surgissement de la symétrie, à savoir du deux.
   
(p106->) Il
n'y avait pas besoin d'aller si loin pour nous en apercevoir. C'est à savoir
que, à simplement , je dirai " tirer " sur cette partie du
rond de ficelle,
vous pouvez - ça facilement - vous imaginer le résultat que ça va
avoir, à savoir ce rond de droite ( croquis n° 1 ) de le plier en deux. A
savoir, d'obtenir ce résultat qui se présente comme tel
Moyennant quoi, vous voyez que ce qui en résulte est ceci : à savoir qu'un des ronds tire le noeud plié en deux, la boucle pliée en deux dans ce sens : ----->tandis que l'autre se pré-
![]()  | 
     sente
                ainsi , que vous avez là, manifeste, peut-être
d'ailleurs moins saillant à vos yeux, le quelque chose qui fait que, à trois,
ces noeuds, vous ne pouvez pas les dénouer, mais qu'il suffit qu'un, un | 
  
  Moyennant
      quoi, moyennant quoi, ce qui ne peut que vous venir à l'esprit, c'est que,
      puisque vous avez ajouté
un nombre indéfini de fois, ce sont des noeuds pliés pris les uns dans les
autres, vous n'êtes pas forcés de terminer par
ce que vous voyez ici fonctionner, à savoir un simple rond
Ce qu'il faut
souligner, avant de clore cette démonstration, disons " figurée ",
ce qu'il convient de souligner, c'est ceci. C'est  (p107->)
que à chacun de
ces trois ronds de ficelle - pour les appeler ainsi de la façon qui image
le mieux - à chacun de ces ronds de ficelle vous pouvez donner, par une
manipulation suffisamment régulière (vous ne pourrez pas vous étonner de la
patience qu'il vous faudra) à chacun des trois, à savoir aussi bien à ce rond
de ficelle là qu'à ce rond de ficelle-là aussi, vous pouvez donner
exactement la même place qui est celle que vous voyez ici figurée du troisième.

A
        quoi me sert ce noeud, ce noeud borroméen à trois ? Il me sert, si je
        puis dire à inventer la
règle d'un jeu, de façon telle que puisse s'en figurer le rapport du Réel très
proprement à ce qu'il en est de l'Imaginaire et du Symbolique. C'est à savoir
que le Réel, comme l'Imaginaire et le Symbolique, c'est ce qui en fait trois.
Ça en fait trois, et rien de plus.
    Il
      est frappant que jusqu'ici il n'y ait pas d'exemple qu'il y ait jamais
      eu un dire qui pose le Réel,
non pas comme ce qui est troisième, car ce serait trop dire, mais ce qui, avec
l'Imaginaire et le Symbolique, fait trois. Ce n'est pas tout . . . : " avec
l'Imaginaire et le Symbolique fait trois " . . . ce n'est pas tout ! Par
cette présentation, ce que j'essaie d'accrocher, c'est une
structure telle que le Réel, à se
définir ainsi, soit le Réel d' avant l'ordre, que la
nodalité
nous donne ce quelque chose qui, à le dire d'avant l'ordre ne suppose nullement
un premier, un deuxième, un troisième. Et comme je viens de vous le souligner,
même pas un moyen avec deux extrêmes. Car même dans la première forme du
noeud borroméen, celle que je vous ai . . . dont je vous ai montré qu'elle permet
de figurer comme terme moyen nouant deux extrêmes, ce cercle plié, que je vous
montre ici, même dans ce cas

n'importe lequel
des trois cercles peut jouer ce rôle. C'est-à-dire que ce n'est
nullement lié, si ce n'est pour vous le faire imaginer, la figure de gauche n'étant
là que pour vous rendre accessible ceci, n'est-ce pas qu'il y a moyen dans
le cercle plié ; mais n'impo-(p108->)te
lequel des deux autres peut remplir la même fonction , les autres prenant dès
lors la position d'extrêmes .
   
A quoi ceci nous mène-t-il ?
    C'est à remarquer
      que , si nous nous intéressons au " deux " - qui est
  bien le problème présentifié par quelque chose qui est vraiment , on peut le
  dire , " insistant " dans ce que nous livre l'expérience
  du discours analytique ; ce n'est pas pour rien qu'elle introduit
  ce deux par excellence qu'est l'amour de sa propre image , c'est
  bien l'essence de la symétrie elle-même  ; est-ce que ceci ne nous
  introduit pas, du fait de ceci, ce noeud, à cette
  considération que l'Imaginaire n'est pas ce qu'il y a
  de plus recommandé pour
  trouver la règle du jeu de l'amour. Ce qui s'en livre à l'expérience,
  si c'est marqué spécifiquement de la représentation imaginaire, comme nous
  sommes arrivés de l'expérience elle-même à nous le faire imposer , on
  s'imagine que l'amour c'est deux . Est-ce que c'est tellement prouvé, si ce
  n'est par l'expérience imaginaire ? Pourquoi est-ce que ça ne serait pas ce
  moyen - comme d'ailleurs l'indique que c'est au niveau de ce moyen que se produit
  , cette fois , deux fois deux , pourquoi est-ce que ce ne serait pas ce moyen
  - dont je viens de vous souligner qu'il est d'ailleurs gyrovague, c'est-à-dire
  vagabond, qu'il peut aussi bien être rempli par un quelconque des trois -
  pourquoi est-ce que ce ne serait pas ce moyen qui, à se pourvoir d'une suspecte
  façon de cette forme , de cette forme d'image de lui-même ce moyen qui
  livrerait correctement pensé, à savoir à travers le Réel de ces connections,
  le ressort de ces noeuds ? . . . 
    En
      d'autres termes, est-ce que le noeud borroméen n'est pas le mode sous lequel
  se livre à nous le un du rond de ficelle comme tel, le fait d'autre part qu'ils
  sont trois, ces Uns, et que c'est à être noués , seulement à être noués ,
  que nous est livré le deux . Il y a là beaucoup de considérations où je
  pourrais m'égarer, si je puis dire , parce qu'elles ne serreraient pas encore
  de plus près ce caractère , si je puis dire premier , du trois .
    II
      est premier, non pas au sens de ce qu'il serait le premier à être premier
  , puisque comme chacun le sait il y en a un autre qui est dit tel , mais s'il
  est dit tel , le deux , c'est d'une façon qui est bien singulière , puisqu'il
  n'est pas dit , d'aucune façon , qu'on puisse y accéder à partir du Un . Ne
  serait-ce que de ceci que - comme on l'a remarqué depuis longtemps - dire qu'un
  et un ça fait deux . . c'est du seul fait de la marque de l'addition , supposée
  réunion , c'est-à-dire déjà le deux .
    En
      ce sens , le deux est quelque chose d'un ordre , si
      l'on peut dire , vicieux  , puisqu'il ne repose
      que sur sa propre supposition . Joindre par un p1us deux un, c'est déjà installer
      le deux.
    Mais
        tenons-nous en simplement pour l'instant à ceci, c'est que ce que le noeud
  borroméen nous illustre, c'est que le deux ne se produit
  que de la jonction de l'un  au trois. Ou plus exacte-
    Vous devez tout
      de même bien sentir le rapport que cette élucubration a avec
  notre expérience analytique. Freud est assurément génial. Il est génial en
  ceci que ce que le discours analytique a fait saillir sous sa plume, c'est
  ce que j'appellerai des termes sauvages. Lisez Psychologie des masses et
  Analyse du Moi et très précisément le chapitre l' IDENTIFICATION, pour
  saisir ce qu'il peut y avoir de génial dans la distinction qu'il y formule
  de trois sortes d'identifications , c'est à savoir celles que j'ai dénotées
  , que j'ai mises en valeur du trait unaire, de l' Einziger Zug, et
  la façon dont il
  les distingue de l'amour en tant que porté à un terme qui, assurément, est
  bien celui qu'il s'agit pour nous d'atteindre, à savoir cette fonction de
  l'Autre en tant qu'elle est livrée par le père, et d'un autre côté, l'autre
  forme, celle de l'identification dite hystérique, à savoir du désir au désir
  , en tant que toutes les trois , ces formes d'identification, il les distingue.
    Qu'ainsi
      présenté , ça ne soit qu'un noeud d'énigmes , je dirai raison de
  plus pour travailler, c'est-à-dire essayer de donner à cela une forme qui
  comporte un algorithme plus rigoureux. Cet algorithme, c'est précisément celui
  que je tente de livrer dans le trois-même, en tant que ce trois, comme tel,
  fait noeud. C'est évidemment la raison, si je puis dire, raison pour
  travailler. Mais raison qui, si je puis dire, n'est pas sans nous porter tort
  , non pas parce que les ronds de ficelle, c'est déjà une figure torique, sinon
  tordue, c'est bien plus loin encore de ce fait très singulier que même la mathématique
  n'est pas arrivée à trouver encore l'algorithme, l'algorithme le plus simple,
à savoir celui qui nous permettrait , en présence , certes , d'autres formes
  de noeuds que celle du noeud borroméen, de trouver ce quelque chose qui nous
  livrerait pour les noeuds, en tant qu'ils intéressent p1us d'un rond de ficelle
  - car pour un seul rond de ficelle, se nouant à lui-même , elle l'a , cet
  algorithme , je pourrais facilement , je l'ai déjà fait , vous mettre au
  tableau la figure de quelque chose qui aurait à peu près le même aspect que
  la figure centrale, et qui ne serait néanmoins qu'un seul rond de ficelle -je
  dis " à peu près ", car évidemment elle ne serait pas pareille - à
  un seul rond de ficelle, elle peut savoir ce qui est homéomorphique : à
  plusieurs ronds de ficelle l'algorithme n'est pas trouvé. Ce n'est pas pourtant
  une raison pour abandonner une tâche qui n'engage rien d'autre que ce deux
  qui est ce qu'il y a de plus intéressé dans la figure de l'amour comme je viens
  de vous le rappeler .
    L'amour
      - j'espère
  que déjà vous vous sentez plus à l'aise - l'amour, c'est
  passionnant. Dire ça,
  c'est simplement dire une vérité d'expérien
I1 y a quand même quelques personnes qui se sont aperçues de ça depuis longtemps. A propos de tout ce qui se dit, il y a un nommé Wittgenstein, particulièrement, qui s'est distingué là-dedans.
    Donc,
    ce que j'avance, c'est que ma formule, là, " l'amour est passionnan ",
    si je
    l'avance, c'est comme strictement vrai. Oui. Strictement vrai : il y a tout
    de même longtemps que j'ai marqué là-dessus quelques réserves, c'est-à-dire
    que " strictement vrai "
  n'est jamais vrai qu'à moitié, qu'on ne peut, le vrai, jamais que le
    mi-dire.
    Il faudra quand même qu'on arrive,
    qu'on arrive avant la fin de l'année , à formuler ce que ça comporte, et
    que je vous expliquerai plus tard. C'est que tout mi-dire,
    mi-dire du vrai, a la mort pour principe. Car le vrai - c'est quand
    même là quelque
    chose dont l'expérience analytique peut nous donner le contact - ouais .
    . . le vrai
    Je
      dirai même
      plus, comme il s'agit de la mort - c'est même pour ça que nous n'avons
      jamais que la vraisemblance, parce que cette mort, principe du vrai, cette
      mort chez l'être
      parlant en tant qu'il parle, c'est jamais que du chiqué - la mort,
      vraiment, pour l'avoir devant soi, c'est pas à la portée du vrai. La mort
      le pousse.  Pour l'avoir devant soi, pour avoir affaire à la mort, ça
      ne se passe qu'avec le Beau où là ça fait touche.
   C'est
        déjà pas
        mal, mais ça ne fait que deux, ça ne fait pas du tout une trinité. Mais
        c'est bien amusant de lire dans un traité  De la Trinité d'un
        certain Richard de Saint Victor, la même irruption, incroyable, enfin,
        du retour de, du retour de l'amour, le Saint-Esprit considéré comme " petit
        ami ",
        c'est quelque chose que, que je vous prie d'aller voir dans le texte,
        enfin - je vous le sortirai un jour, je ne vous ai pas traînés là ce
        matin parce que, parce que j'ai assez à dire aujourd'hui, mais ça vaut
        le coup, ça
        vaut le coup de toucher ça. Comment est-ce que c'est par le beau, que
        quelque chose qui est la . . . la vérité même, et qui plus est ce qu'il
        y a de vrai dans le Réel,
à savoir ce que j'essaie de, d'articuler ce matin, comme ça, en boitant :
        c'est tout
        de même bien curieux. Oui.
    En
          quoi le Symbolique, l'Imaginaire et le Réel, est-ce quelque chose qui,
          au moins aurait la prétention, enfin d'aller un peu plus loin que .
          . . que ce tournage en rond de la jouissance, du corps et de la mort.
          Est-ce qu'il y a là quelque
          chose dont nous puissions atteindre atteindre mieux que ce qu'il ne
          . . . que ce qu'il nous apparaît comme signal, comme trace, je viens
          de parler du vrai, du beau, d'une façon qui pour tout dire nous les
          fait fonctionner comme moyens il faudra que je traite ce qu'il en est
          , ce qu'il en est du Bien.
    Est-ce
      que le Bien, dans cette histoire de noeud borroméen, ça peut se situer
            quelque part ? Je vous le dis tout de suite, il y a très
            peu de chances, hein : si le vrai et le beau n'ont pas te-(p112->)nu
            le coup, je ne vois pas pourquoi le Bien s'en tirerait mieux. La
            seule vertu que . . . que je vois sortir de cette interrogation -
            et je vous l'indique là pendant
    que, qu'il en est temps, parce qu'on ne la verra plus - la seule
    vertu,
    si . . . si il n'y a pas de rapport sexuel, comme je l'énonce,  c'est
    la p u d e u r
    Voilà,
      c'est bien en quoi je . . . je trouve du génie à la personne qui a fait
      sortir une certaine 
              atterita sur
              la couverture de ma Télévision , c'est un . .
              . ça
              fait partie d'une scène où le personnage central, celui qui donne
              son sens à tout le tableau,
              c'est, c'est un démon, enfin qui . . . était parfaitement reconnu
              par les Anciens pour être le démon de la pudeur. I1 n'est pas spécialement
              drôle, c'est même
              pour ça que la personne, l'  atterita , écarte les bras
              avec un peu d'affolement. Oui.
    Alors,
      les non-dupes errent, c'est peut-être les non-pudes errent . . . Moyennant
      quoi ça promet, hein. Ca promet parce que comme d'autre
              part je pense que, enfin,  nous ne devons attendre de rien,
              absolument de rien aucun progrès... J'ai dit ça comme ça, à une
              personne qui a recraché ce
              foin, très gentiment, parce que c'est une personne qui n'a recraché,
              vraiment, strictement que le foin que je lui ai mis dans la bouche.
              C'est pas plus mal qu'autre chose. C'est . . .
    Alors
      essayons de nous interroger sur ce qui pourrait arriver si on gagnait sérieusement
      de ce côté
  que . . . que l'amour c'est passionnant, mais que ça implique qu'on y suive
  la règle
                du jeu. Bien sûr, pour ça, il faut la savoir. C'est peut-être
                ce qui manque : c'est qu'on en a toujours été là dans une profonde
                ignorance, à
  savoir qu'on joue un jeu dont on ne connaît pas les règles. Alors si
  ce savoir, il faut l'inventer pour qu'il y ait savoir, c'est peut-être à ça
                que peut servir le discours psychanalytique.
    Seulement,
                  si c'est
                  vrai que ce qu'on gagne d'un côté on le perd de l'autre, il
                  y a sûrement un
                  truc qui va écoper. C'est pas difficile à trouver : ce qui
                  va écoper, c'est
                  la jouissance. Parce que, à ce machin à l'aveugle, enfin, n'est-ce
                  pas, qu'on poursuit sous le nom d'amour, la jouissance, ça,
                  on n'en manque pas '. On en a à la pelle ! Ce qu'il y a de
                  merveilleux, c'est qu'on n'en sait rien : mais c'est peut-être
                  le propre de la jouissance, justement. qu'on ne puisse jamais
                  rien en savoir . . . Ce qui est tout de
                  même surprenant. C'est ça, justement qu'il n'y ait pas
                  eu de discours sur la jouissance. On a parlé de
                  tout ce qu'on veut, de substance étendue, (p113->)
  de substance
                  pensante, mais la première idée qui pourrait venir, à savoir
                  que s'il y a quelque chose dont puisse se définir le corps,
                  c'est pas la vie, puisque la vie nous ne la voyons que dans
                  des corps qui sont, après tout, quoi ? des choses de
                  l'ordre des bactéries, des choses qui foisonnent comme ça,
                  enfin, on en a rapidement trois kilos quand on a eu un milligramme
                  . . . c'est . . . on ne voit pas bien quel rapport il y a entre ça
                  et notre corps . . . Mais que la définition même
                  d'un corps, c'est que ce soit une substance jouissante,
                  comment est-ce que
ça n'a été encore jamais énoncé par personne ? C'est la seule chose en dehors
                  d'un mythe qui soit vraiment accessible à l'expérience. Un
                  corps jouit de lui-même, il en jouit bien ou mal, mais il est
                  clair que cette jouissance l'introduit dans une dialectique
                  où il faut incontestablement d'autres
                  termes pour que ça tienne debout, à savoir rien de moins que
                  ce noeud dont je vous, que je vous sers en tartines . . . 
    Que
      la jouissance puisse écoper à partir du moment où l'amour sera quelque
      chose d'un peu civilisé,
                    c'est-à-dire où on saura que, que ça se joue comme un jeu,
                    enfin, c'est pas sûr que ça arrive . . . c'est pas sûr que ça
                    arrive, mais ça pourrait
                    quand même venir à l'idée, si je puis dire. Ça pourrait
                    d'autant plus venir
à l'idée qu'il y en a des petites traces, comme ça. Il y a quand même une remarque
                    que j'aimerais bien vous faire, concernant la pertinence
de ce noeud : c'est que dans 1'amour, ce à quoi les . . . les
corps tendent - et il y a quelque chose de piquant que je vais vous dire après
-.  ce à quoi
les corps tendent, c'est à se nouer. Ils n'y arrivent
                    pas, naturellement, parce que . . . vous voyez bien . . .
 ce qu'il y a d'inouïe c'est qu'à un corps, ça ne lui
                    arrive jamais, de se nouer.  I1 n'y a même pas trace
                    de noeud dans le corps !
                    S'il y a quelque chose qui m'a frappé au temps où je faisais
                    de l'anatomie, c'était
                    bien ça : je m'attendais toujours à voir au moins, comme ça,
                    dans un coin, une artère, ou un nerf, qui . . . qui huipp
                    ? , qui ferait ça . . . Rien ! Je n'ai
                    jamais
                    rien vu de pareil, et c'est même pour ça que l'anatomie,
                    je dois vous le dire, m'a pendant deux ans passionné. Ça
                    emmerde énormément les gens qui font leur médecine
                    comme une corvée, comme ça, moi pas. Naturellement, je ne
                    m'en suis pas aperçu
                    tout de suite, que c'était pour ça que ça me passionnait,
                    je m'en suis aperçu
                    après ; on ne sait jamais qu'après. Et c'est absolument certain
                    que ce que je cherchais dans la dissection,
                    c'était de trouver
                    un noeud. Ouais.
    En
                      quoi ce noeud
                      borroméen rejoint quand même le " pourquoi " du
                      fait que, que l'amour, enfin, c'est
                      . . . c'est pas fait pour être abordé par l'Imaginaire.
                      Parce que le seul fait que quand il bafouille, n'est-ce
                      pas, faute de connaître la règle du jeu, il articule les
                      noeuds de l'amour, hein . . . C'est quand même drôle que ça
                      en reste à la métaphore, que ça n'éclaire pas, que ça ne
                      donne pas l'idée que,
                      du côté de cette chose dont je vous ai j'espère, comme ça,
                      un petit peu fait sentir le côté de consistance étrange,
                      et le fait que . . . que ça se surprend,
                      enfin que que le Réel , en fin de compte, ce n'est que ça,
                      histoire de noeuds ;
                      tout le reste ça peut se rêver, enfin. Dieu sait si le
                      rêve, enfin a de la
                      place dans l'activité de l'être parlant.
    (p114->) Je
      me laisse comme ça, un tout petit peu aller, comme ça à faire des parenthèses
                        - vous me le pardonnerez, puisque vous me le pardonnez
      habituellement - mais c'est quand même, c'est quand
      même incroyable que
      la puissance du rêve
                          ait été jusqu'à faire d'une fonction corporelle, le
                          sommeil, un désir.
                          Personne ne s'est encore, n'a jamais mis en relief
                          que quelque chose qui est un rythme, enfin manifestement,
                          puisque ça existe chez bien d'autres êtres que
                          les êtres parlants, l'être parlant arrive à en faire
                          un désir. Il lui arrive
                          de poursuivre son rêve comme tel, et pour  ça
                          , de désirer ne pas se réveiller.
                          Naturellement, il y a un moment où ça lâche. Mais que
                          Freud ait pu aller jusque là, c'est
    Ben
      revenons à 
  nos noeuds métaphoriques. Est-ce que vous ne sentez pas que ce que
                            j'essaie de faire, à y recourir, c'est à faire quelque
                            chose qui ne comporterait aucune supposition. Parce
                            que on a passé son temps à poser,
                            mais à ne jamais pouvoir poser qu'à supposer. C'est-à-dire
                            qu'on posait le corps - ça s'imposait - et on y supposait
                            l'âme. Il faudrait quand même ça c'est un
                            machin, là comme ça, que j'ai brassé,
                            parce qu'au niveau où j'étais dans cette Télévision,
                            hein , de parler de l'âme
                            et de l'inconscient . . . - l'inconscient, ça pourrait être
                            tout à
  fait autre chose qu'un supposé, parce que le savoir (si c'est vrai ce que
                            j'en ai avancé la dernière fois), c'est pas du tout
                            forcé de, c'est pas du
                            tout forcé de le supposer c'est
                            un savoir en cours de construction.
    S'il
      arrivait, s'il arrivait que l'amour devienne un jeu dont . . . dont on
      saurait les règles,
  ça aurait peut-être, au regard de la jouissance, beaucoup d'inconvénients.
                              Mais ça la rejetterait, si je puis dire, vers son
                              terme conjoint. Et si ce terme conjoint est bien
                              ce que j'avance du Réel dont, vous le voyez, je
                              me contente de ce mince petit support du nombre
                              (j'ai pas dit le chiffre), du nombre trois. Si
                              l'amour, devenant un jeu dont on sait les règles,
                              se trouvait un jour - puisque c'est sa fonction
                              - au terme de ceci qu'il est un des Uns de ces
                              trois - s'il fonctionnait à conjoindre la
                              jouissance du Réel avec le Réel de la jouissance,
                              est-ce que ce ne serait pas là quelque chose qui
                              vaudrait le jeu ?
    La
      jouissance du Réel,
  ça a un sens, hein. S'il y a quelque part jouissance du Réel comme tel, et
                                si le Réel est ce que je dis, à savoir pour commencer
                                le nombre trois - et vous savez, c'est au trois
                                que je tiens, hein : vous pourriez le . . . y
                                ajouter 1416 que ce serait toujours le même nombre,
                                hein pour ce qu'il me sert, et vous pourriez
                                aussi l'écrire 2 ,7l8 , c'est un certain logarithme
                                népérien,
  ça joue le même rôle - les seuls gens qui jouissent de
  ce Réel,
                                c'est les mathématiciens. Alors. il
                                faudrait que les mathématiciens
                                passent sous le joug du jeu de l'amour, qu'ils
                                nous en énoncent un bout,
                                qu'ils fassent un peu plus de travail sur le
                                noeud borroméen - car je
                                dois vous l'avouer. enfin, j'en suis vraiment
                                embarrassé, plus que vous ne
    (p115->)
  Seulement voilà, la jouissance
                                du Réel ne va pas sans le Réel de la jouissance.
                                Parce que pour que un soit noué à l'autre, il
                                faut que l'autre soit noué à l'un. Et le Réel
                                de la jouissance, ça s'énonce, comme ça. Mais
                                quel sens donner à ce terme :
" le Réel de la jouissance "
    C'est là que je vous
                                laisse pour aujourd'hui avec un point d'interrogation.
note:
bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire, ou
si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par avance
de m'adresser un émail. Haut
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