J.LACAN                                gaogoa

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XIX- ...Ou Pire    1971-1972
      
version rue CB                                       note

12 janvier 1972

 

AU TABLEAU:

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      nade            0 1                   monade
       monade         0 1 2 0                  dyade  
       dyade         0 1 3 3 1 0                triade  
                   0 1                       tétrade
                           

    (p29->) Si nous trouvions dans la logique moyen d’articuler ce que l’inconscient démontre de valeurs sexuelles, nous n’en serions pas surpris, je veux dire ici même à mon séminaire, c’est-à-dire au ras de cette expérience, l’analyse, instituée par Freud et dont s’instaure une structure de discours que j’ai définie.

    Je reprends ce que j’ai dit. Dans la densité de ma première phrase, j’ai parlé de " valeurs sexuelles ". Je ferai remarquer que ces valeurs sont des valeurs reçues, reçues dans tout langage : l’homme, la femme, c’est ça qu’on appelle valeurs sexuelles. Au départ, qu’il y ait l’homme et la femme – c’est la thèse dont aujourd’hui je pars – c’est d’abord affaire de langage. Le langage est tel que, pour tout sujet parlant, ou bien c’est " lui " ou bien c’est « elle ». Ça existe dans toutes les langues du monde. C’est le principe du fonctionnement du genre, féminin ou masculin. Qu'il y ait l’hermaphrodite, ce sera seulement une occasion de jouer avec plus ou moins d’esprit à faire passer dans la même phrase le lui et l’elle. On ne l’appellera de « ça » en aucun cas, sauf à manifester par là quelque horreur du type sacré, on ne le mettra pas au neutre.

    Ceci dit l’homme et la femme, nous ne savons pas ce que c’est. Pendant un temps, cette bipolarité de valeurs a été prise pour suffisamment supporter, suturer ce qu’il en est du sexe. C’est de là même qu’est résultée cette sourde métaphore qui, pendant des siècles, a sous-tendu la théorie de la connaissance. Comme je l’ai fait remarquer ailleurs, le monde était ce qui était perçu, voire aperçu, comme à la place de l’autre valeur sexuelle, ce qu’il en était du du pouvoir de connaître, étant placé du côté positif, du côté actif de ce que j’interrogerai aujourd’hui en demandant quel est son rapport avec l’UN. J’ai dit que, si le pas que nous a fait faire l’analyse nous montre, nous révèle, en tout abord serré de l’approche sexuelle, le détour, la barrière, le cheminement, la chicane, le défilé de la castration, c’est là, et proprement, ce qui ne peut se faire qu’à partir de l’articulation telle que je l’ai donnée du discours analytique, c’est là ce qui nous conduit à penser que la castration ne saurait en aucun cas être réduite à l’anecdote, à l’accident, à l’intervention maladroite d’un propos de menace, ni même de censure.

La structure est logique. Quel est l’objet de la logique ? Vous savez, vous savez d’expérience d’avoir ouvert seulement un livre qui s’intitule (p30->) « Traité de logique », combien fragile, incertain, éludé peut être le premier temps de tout traité qui s’intitule de cet ordre ; l’art de bien conduire sa pensée – la conduire où et en la tenant par quel bout ? ou bien encore tel recours à une normalité dont se définirait le rationnel indépendamment du réel. Il est clair que ce qui, après une telle tentative de définir comme objet de la logique, se présente est d’un autre ordre, et autrement consistant. Je proposerais, - s’il fallait, si je ne pouvais tout simplement laisser là un blanc – mais je ne le laisse pas – je propose " ce qui se produit de la nécessité d’un discours ". C’est ambigu sans doute, mais ce n’est pas idiot, puisque cela comporte l’implication que la logique peut complètement changer de sens selon d’où prend son sens tout discours... Alors puisque c’est là ce dont prend son sens tout discours, à savoir à partir d’un autre, je propose assez clairement depuis longtemps pour qu’il suffise de le rappeler ici : le Réel – la catégorie que dans la triade dont est parti mon enseignement, le Symbolique, l’Imaginaire et le Réel – le Réel s’affirme par un effet qui n’est pas le moindre de s’affirmer sans les impasses de la logique. Je m’explique : ce qu’au départ, dans son ambition conquérante, la logique se proposait, ce n’était rien de moins que le réseau du discours en tant qu’il s’articule et qu’à s’articuler, ce réseau devait se fermer en un univers supposé enserrer et recouvrir, comme d’un filet, ce qu’il pouvait en être de ce qui était à la connaissance offert.

    L’expérience, l’expérience logicienne a montré qu’il en était différemment et sans avoir ici, aujourd’hui ou par accident je dois m’époumoner, à entrer dans le détail, ce public est tout de même suffisamment averti d’où en notre temps a pu reprendre l’effort logique pour savoir qu’à aborder quelque chose en principe d’aussi simplifié comme réel que l’arithmétique, il a pu être démontré que dans l’arithmétique, quelque chose peut toujours s’énoncer, offert ou non offert à la déduction logique, qui s’articule comme en avance sur ce dont les prémices, les axiomes, les termes fondateurs, dont peut s’asseoir la dite arithmétique, permet de présumer comme démontrable ou réfutable. Nous touchons là du doigt, en un domaine en apparence le plus sûr, ce qui s’oppose à l’entière prise du discours, à l’exhaustion logique, ce qui y introduit une béance irréductible. C’est là que nous désignons le Réel.

    Bien sûr, avant d’en venir à ce terrain d’épreuve qui peut paraître à l’horizon, voire incertain, à ceux qui n’ont pas serré de près ces dernières épreuves, il suffira de rappeler ce qu’est le « discours naïf ». Le " discours " naïf propose d’emblée, s’inscrit comme tel comme vérité. Il est depuis toujours apparu facile de lui démontrer, à ce discours, le " discours naïf ", qu’il ne sait pas ce qu’il dit – je ne parle pas du sujet, je parle du discours. C’est l’orée – pourquoi ne pas le dire ? – de la critique que le sophiste, à quiconque énonce ce qui est toujours posé comme vérité, que le sophiste lui démontre qu’il ne sait pas ce qu’il dit. C’est même là l’origine de toute dialectique. Et puis, c’est toujours prêt à renaître : que quelqu’un vienne témoigner à la barre d’un tribunal, c’est l’enfance de l’art de l’avocat que de lui montrer qu’il ne sait pas ce qu’il dit. Mais là nous tombons au niveau du sujet, du témoin qu’il s’agit d’embrouiller. Ce que j’ai dit au niveau de l’action sophistique, c’est au discours lui-même que le sophiste s’en prend. Nous aurons peut-être cette année – puisque j’ai annoncé que j’aurai à faire état du Parménide – (p31->) à montrer ce qu’il en est de l’action sophistique. Le remarquable, dans le développement auquel tout à l’heure je me suis référé de l’énonciation logicienne, où peut-être d’aucuns se seront aperçus qu’il ne s’agit de rien d’autre que du théorème de GOEDEL concernant l’arithmétique, c’est que ce n’est pas à partir des valeurs de vérité que GOEDEL procède à sa démonstration qu’il y aura toujours dans le champ de l’arithmétique quelque chose d’énonçable dans les termes propres qu’elle comporte, qui ne sera pas à la portée de ce qu’elle se pose à elle-même comme mode à tenir pour reçu de la démonstration. Ce n’est pas à partir de la vérité, c’est à partir de la notion de dérivation, c’est en laissant en suspens la valeur " vrai ou faux " comme telle, que le théorème est démontrable. Ce qui accentue ce que je dis de la béance logicienne sur ce point-là, point vif, point vif en ce qui illustre ce que j’entends avancer, c’est que, si le Réel assurément d’un accès facile peut se définir comme l’impossible, cet impossible en tant qu’il s’avère de la prise même du discours, du discours logicien, cet impossible-là, ce Réel-là doit être par nous privilégié. Par nous, par qui ? Par les analystes. Car il donne d’une façon exemplaire, il est le paradigme de ce qui met en question ce qui peut sortir du langage. Il en sort certain type, que j’ai défini, ce discours comme étant ce qui instaure un type de lien social défini. Mais le langage s’interroge sur ce qu’il fonde comme discours. Il est frappant qu’il ne puisse le faire qu’à fomenter l’ombre d’un langage qui se dépasserait, qui serait métalangage. J’ai souvent fait remarquer qu’il ne peut le faire qu’à se réduire dans sa fonction, c’est-à-dire déjà à engendrer un discours particularisé. Je propose, en nous intéressant à ce Réel, en tant qu’il s’affirme de l’interrogation logicienne du langage, je propose d’y trouver le modèle de ce qui nous importe, à savoir de ce que livre l’exploration de l’inconscient qui, loin d’être – comme a pensé pouvoir le reprendre un Jung, à revenir à la plus vieille ornière –, loin d’être un symbolisme sexuel universel, est très précisément ce que j’ai tout à l’heure rappelé de la castration, à souligner seulement qu’il est exigible qu’elle ne se réduise pas à l’anecdote d’une parole entendue. Sans quoi, pourquoi l’isoler, lui donner ce privilège de je ne sais quel traumatisme, voire efficace de béance, alors qu’il est trop clair qu’elle n’a rien d’anecdotique, qu’elle est rigoureusement fondamentale dans ce qui, non pas instaure, mais rend impossible l’énoncé de la bipolarité sexuelle comme telle, à savoir - comme, chose curieuse, nous continuons de l’imaginez au niveau animal comme si chaque illustration de ce qui, dans chaque espèce, constitue le tropisme d’un sexe pour l’autre, n’était pas aussi variable pour chaque espèce qu’est leur constitution corporelle, comme si de plus nous n’avions pas appris déjà depuis un bout de temps que le sexe, au niveau, non pas de ce que je viens de définir comme le Réel, mais au niveau de ce qui s’articule à l’intérieur de chaque science, son objet étant une fois défini, que le sexe, il y a au moins deux ou trois étages de ce qui le constitue du génotype au phénotype et qu’après tout après les derniers pas de la biologie – est-ce que j’ai besoin d’évoquer lesquels ? – il est sûr que le sexe ne fait que prendre place comme un mode particulier dans ce qui permet la reproduction de ce qu’on appelle un corps vivant. Loin que le sexe en soit l’instrument-type, il n’en est qu’une des formes. Et ce qu’on confond trop – encore que Freud là-dessus ait donné l’indication, mais approximative –, ce qu’on confond trop, c’est très précisément la fonction du sexe et celle de la reproduction. Loin que les choses soient telles qu’il y ait la filière de la gonade d’un côté – ce que Weismann appelait (p32->) le "germen" – et le branchement du corps, il est clair que le corps, de son génotype, véhicule quelque chose qui détermine le sexe et que ça ne suffit pas : de sa production de corps, de sa statique corporelle, il détache des hormones qui dans cette détermination peuvent interférer. Il n’y a donc pas d’un coté le sexe irrésistiblement associé, parce qu’il est dans le corps, à la vie, le sexe imaginé comme l’image de ce qui dans la reproduction de la vie serait l’amour, il n’y a pas cela d’un côté et, de l’autre côté, le corps, le corps en tant qu’il a à se défendre contre la mort. La reproduction de la vie, telle que nous arrivons à l’interroger au niveau de l’apparition de ses premières formes, émerge de quelque chose qui n’est ni vie ni mort, qui est ceci que très indépendamment du sexe et même à l’occasion de quelque chose de déjà vivant, quelque chose intervient que nous appellerons le programme ou le codon encore, comme ils disent à propos de tel ou tel point repéré des chromosomes. Et puis le dialogue vie et mort, ça se produit au niveau de ce qui est reproduit, et ça ne prend à notre connaissance un caractère de drame qu’à partir du moment où, dans l’équilibre vie et mort, la jouissance intervient. Le point vif, le point d’émergence de quelque chose qui est ce dont tous ici nous croyons plus ou moins faire partie, de 1'être parlant pour le dire, c’est ce rapport dérangé à son propre corps qui s’appelle jouissance et cela, ça a pour sens, ça a pour point de départ – c’est ce que nous démontre le discours analytique –, ça a pour point de départ un rapport privilégié à la jouissance sexuelle. C’est en quoi la valeur du partenaire autre, celle que j’ai commencé de désigner effectivement par l’homme et par la femme, est inapprochable au langage, très précisément en ceci que le langage fonctionne d’origine en suppléance de la jouissance sexuelle, que c’est par là qu’elle ordonne cette intrusion, dans là répétition corporelle, de la jouissance. C’est en quoi je vais aujourd’hui commencer de vous montrer comment, à user de fonction logique, il est possible de donner, de ce qu’il en est de la castration, une autre articulation qu’anecdotique.

    Dans la ligne de l’exploration logique du Réel, le logicien a commencé par les propositions. La logique n’a commencé qu’à avoir su dans le langage isoler la fonction de ce qu’on appelle les prosdiorismes qui ne sont rien d’autre que le « un », le < quelque », le tous » et la négation de ces propositions. Vous le savez, Aristote défiait, pour les opposer, les universelles et les particulières, à l’intérieur de chacunes, affirmatives et négatives. Ce que je veux marquer, c’est la différence qu’il y a de cet usage des prosdiorismes, à ce qui pour des besoins logiques, à savoir pour un abord qui n’était autre que de ce réel qui s’appelle le nombre, ce qui s’est passé de complètement différent. L’analyse logique de ce qu’on appelle fonction prositionnelle s’articule de l’isolement dans la proposition, ou plus exactement du manque, du vide, du trou, du creux, qui est fait de ce qui doit fonctionner comme argument. Nommément il sera dit que tout argument d’un domaine que nous appellerons comme vous le voulez X ou un A gothique, tout argument de ce domaine mis à la place laissée vide dans une proposition y satisfera, c’est-à-dire lui donnera valeur de vérité. C’est ce qui s’inscrit de ce qui est là en bas à gauche : peu importe quelle est la proposition, la fonction prend une valeur vraie pour tout X du domaine. Qu’est-ce que cet x ? J’ai dit qu’il se définit comme d’un domaine. Est-ce à dire pour autant qu’on sache ce que c’est ? Savons-nous ce que c’est qu’un homme, à dire que tout homme est mortel ? Nous en apprenons quelque chose du fait de dire (p33->) qu’il est mortel et justement de savoir que pour tout homme c’est vrai. Mais avant d’introduire le « tout homme », nous n’en savons que les traits les plus approximatifs et qui peuvent se définir de la façon la plus variable – ça, je suppose que vous le savez depuis longtemps, c’est l’histoire, que Platon rapporte, du poulet plumé. Alors c’est bien dire qu’il faut que l’on s’interroge sur les temps de l’articulation logique, à savoir ceci que ce que détient le prosdiorisme n’a, avant de fonctionner comme argument, aucun sens, qu’il n’en prend un que de son entrée dans la fonction : il prend le sens de vrai ou de faux. Il me semble que ceci est fait pour nous faire toucher la béance qu’il y a du signifiant à sa dénotation, puisque le sens, s’il est quelque part, il est dans la fonction, mais que la dénotation ne commence qu’à partir du moment où l’argument vient s’y inscrire. C’est du même coup mettre en question ceci qui est différent, qui est l’usage de la lettre E, également inversée,« il existe », il existe quelque chose qui peut servir dans la fonction comme argument et en prendre ou n’en pas prendre valeur de vérité.

    Je voudrais vous faire sentir la différence qu’il y a de cette introduction de l’ « il existe » comme problématique, à savoir mettant en question la fonction même de l’existence, par rapport à ce qu’impliquait l’usage des particulières dans Aristote, à savoir que l’usage du " quelque " semblait avec soi entraîner l’existence. De sorte que comme le « tous » était censé comprendre ce « quelque », le « tous » lui-même prenait valeur de ce qu’il n’est pas, à savoir d’une affirmation d’existence.

    Nous ne pourrons, vu l’heure, le voir que la prochaine fois : il n’y a de statut du  " tous " , à savoir de l’Universel, qu’au niveau du possible. Il est possible de dire, entre autre, que « tous les humains sont mortels » , et bien loin de trancher la question de l’être humain, il faut d’abord – chose curieuse – qu’il soit assuré qu’il existe. Ce que je veux indiquer, c’est la voie ou nous allons entrer la prochaine fois – et je m’excuse de n’avoir pas aujourd’hui plus avancé en raison sans doute de l’effort vocal qui m’a été demandé, exceptionnellement je l’espère – je voudrais dire que de l’articulation de ces quatre conjonctions, arguments, fonctions, sous le signe des quanteurs, c’est de là, et de là seulement, que peut se définir le domaine dont chacun de ces x prend valeur. Il est possible de proposer la fonction de vérité qui est celle-ci, à savoir que tout homme se définit de la fonction phallique, et la fonction phallique est proprement ce qui obture le rapport sexuel.

    C’est autrement que va se définir cette lettre  dite quanteur universel, munie comme je le fais de la barre qui la nie . J’ai avancé le trait essentiel du « pas-tous » comme étant ce dont peut s’articuler un énoncé fondamental quant à la possibilité de dénotation que prend une variable en fonction d’argument : la femme se situe de ceci que ce n’est " pas-toutes " qui peuvent êtres dites avec vérité en fonction d’argument dans ce qui s’énonce de la fonction phallique. Qu’est-ce que ce « pas-toutes » ? C’est très précisément ce qui mérite d’être interrogé comme structure. Car contrairement – c’est là le point très important – à !a fonction de la particulière négative, à savoir qu’ « il y en a quelques qui ne sont pas », il est impossible d’extraire du « pas-toutes » cette affirmation. C’est le « pas-toutes » à quoi il est réservé d’indiquer que quelque part, et rien de plus, elle a rapport à la fonction phallique. Or c’est de (p34->) là que partent les valeurs à donner à mes autres symboles, c’est à savoir que rien ne peut approprier ce « tous » à ce « pas-toutes », qu’il reste entre ce qui fonde symboliquement la fonction argumentaire des termes, l’homme et la femme, qu’il reste cette béance d’une indé+ermination de leur rapport commun à la jouissance. Ce n’est pas du même ordre qu’ils se définissent par rapport à elle. Ce qu’il faut, comme je l’ai déjà dit d’un terme qui jouera un grand rôle dans ce que nous avons à dire par la suite, ce qu’il faut c’est que malgré ce « tous » de la fonction phallique en quoi tient la dénotation de l’homme, malgré ce " tous ", " il existe " – et " il existe " ça veut dire " il existe " exactement comme la solution d’une équation mathématique : il existe au moins un – il existe " au- moins-un " pour qui la vérité de sa dénotation ne tient pas dans la fonction phallique. Est-ce qu’il est besoin de vous mettre les points sur les i et de dire que le mythe d’OEdipe, c’est ce qu’on a pu faire pour donner l’idée de cette condition logique qui est celle de l’approche indirecte que la femme peut faire de l’homme. Si le mythe était nécessaire, ce mythe dont on peut dire qu’il est déjà à soi tout seul extraordinaire que l’énoncé ne paraisse pas bouffon. à savoir celle de l’homme originel qui jouirait précisément de ce qui n’existe pas, à savoir toutes les femmes, ce qui n’est pas possible, pas simplement parce qu’il est clair qu’on a ses limites, mais parce que IL N'Y A PAS  de « tout » des femmes.

    Alors ce dont il s’agit, c’est, bien sûr, autre chose, à savoir c’est qu’au niveau d’au-moins-un, il soit possible que soit subvertie, que ne soit plus vraie la prévalence de la fonction phallique. Et ce n’est pas parce que j’ai dit que la jouissance sexuelle est le pivot de toute jouissance que j’ai pour autant suffisamment défini ce qu’il en est de la fonction phallique. Provisoirement admettons que ce soit la même chose. Ce qui s’introduit au niveau de l’ « au-moins-un » du père, c’est cet " au-moins " qui veut dire que ça peut marcher sans, ça veut dire comme le mythe le démontre – car il est uniquement fait pour assurer ça – c’est à savoir que la jouissance sexuelle sera possible, mais qu’elle sera limitée, ce qui suppose, pour chaque homme dans son rapport avec la femme, quelque maîtrise, pour le moins, de cette jouissance. Il faut à la femme " au moins ça ", que ça soit possible, la castration. C’est son abord de l’homme. Pour de ce qui est de la faire passer à l’acte, la dite castration, elle s’en charge !

    Et pour ne pas nous quitter avant d’avoir articulé ce qu’il en est du quatrième terme, nous dirons ce que connaissent bien tous les analystes et ce que veut dire le . Il faudra que j’y revienne, bien sûr, puisqu’aujourd’hui nous avons été retardés, je comptais couvrir, comme chaque fois d’ailleurs, un champ beaucoup plus vaste ; mais comme vous êtes patients, vous reviendrez la prochaine fois. 
Ça veut dire quoi ? Le « il existe », nous l’avons dit, est problématique. Ca sera une occasion, cette année, d’interroger ce qu’il en est de l’existence. Qu’est-ce qui existe après tout ? Est-ce qu’on s’est même jamais aperçu qu’a côté du fragile, du futile, de l’inessentiel que constitue l’ " il existe ", l’ « il n’existe pas », lui, veut dire quelque chose ?

     Qu’est-ce que veut dire d’affirmer qu’il n’existe pas d’x qui qui soit tel qu’il puisse satisfaire à la fonction pourvue de la barre qui l’institue comme n’étant pas vraie ? Car c’est très précisément ce que j’ai mis en question tout à l’heure : si « pas toutes les femmes » n’ont (p35->) affaire avec la fonction phallique, est-ce que ça implique qu’il y en a qui ont à faire avec la castration ? C’est très précisément le point par où l’homme a accès à la femme, je veux dire, je le dis pour tous les analystes, ceux qui traînent, ceux qui tournent, empêtrés dans les rapports oedipiens du côté du père : quand ils n’en sortent pas de ce qui se passe du côté du père, ça a une cause très précise, c’est qu’il faudrait que le sujet admette que l’essence de la femme ce ne soit pas la castration et pour tout dire que ce soit à partir du Réel, à savoir que, mis à part un petit rien insignifiant – je ne dis pas ça au hasard – elles ne sont pas castrables, parce que le phallus, dont je souligne que je n’ai point encore dit ce que c’est, eh bien, e11es ne l’ont pas.

    C’est à partir du moment où c’est de l’impossible comme cause que la femme n’est pas liée essentiellement à la castration que l’accès à la femme est possible dans son indétermination. Est-ce que ceci ne vous suggère pas – je le sème pour que ça puisse avoir d’ici la prochaine fois sa résonance – que ce qui est en haut et à gauche le , " l’au-moins-un " en question résulte d’une nécessité – et c’est en quoi c’est une affaire de discours : il n’y a pas de nécessité que dite – et cette nécessité est ce qui rend possible l’existence de l’homme comme valeur sexuelle.

    Le possible, contrairement à ce qu’avance Aristote, c’est le contraire du nécessaire. C’est en ce que s’oppose à qu’est le ressort du possible. Je vous l’ai dit, le « il n’existe pas » affirme d’un dire, d’un dire de l’homme, l’impossible, c’est à savoir que c’est du Réel que la femme prend son rapport à la castration. Et c’est ce qui nous livre le sens du , c’est-à-dire du « pas-toutes ». Le « pas-toutes » veut dire, comme il en était tout à l’heure dans la colonne da gauche, veut dire le " pas impossible " : il n’est pas impossible que la femme connaisse la fonction phallique. Le " pas impossible ", qu’est-ce que c’est ? Ça a un nom que nous suggère la tétrade aristotélicienne, mais disposée autrement ici : de même que c’est au nécessaire que s’opposait le possible, à l’impossible, c’est le contingent. C’est en tant que la femme à la fonction phallique se présente en manière d’argument, dans la contingence que peut s’articuler ce qu’il en est de la valeur sexuelle FEMME.

    Il est 2 h 16, je ne pousserai pas plus loin aujourd’hui. La coupure est faite à un endroit où je ne la trouve pas tout à fait spécialement souhaitable. Je pense avoir assez amorcé avec cette introduction du fonctionnement de mes termes pour vous avoir fait sentir que l’usage de la logique n’est pas sans rapport avec le contenu de l’Inconscient. Car ça n’est pas parce que Freud a dit que l’inconscient ne connaissait pas la contradiction pour qu’il ne soit pas terre promise à la conquête de la logique. Est-ce que nous sommes arrivés en notre siècle sans savoir qu’une logique peut parfaitement se passer du principe de contradiction ? Quant à dire que dans tout ce qu’a écrit Freud sur l’Inconscient, la logique n’existe pas, il faudrait n’avoir jamais lu l’usage qu’il a fait de tel ou tel terme : " Je l’aime, elle, je ne l'aime pas, lui ", toutes les façons qu’il y a de nier le " je l’aime, lui ", par exemple, c’est-à-dire par des voies grammaticales, pour se dire que l’Inconscient n’est pas explorable par les voies d’une logique.

note : bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire, ou si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par avance de m'adresser un email. Haut de Page relu ce 15 juillet 2005