J.LACAN                        gaogoa
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XVI- D'un 
  Autre à l'autre     note
15 JANVIER 1969 
     (p168->) 
  Il est certain que je ne peux pas me mettre ici 
  à vous rapporter, à faire un discours exhaustif sur tout ce qui est énoncé autour 
  du pari de Pascal. Je suis forcé donc de supposer chez vous une certaine connaissance 
  massive de ce dont il s’agit dans le pari de Pascal. Je ne peux pas à proprement 
  parler le réénoncer parce que, comme je vous l’ai dit déjà la dernière fois, 
  ce n’est pas à proprement parler un énoncé qui se tienne ; c’est même ce 
  qui a étonné les gens, c’est que quelqu’un dont on a l’assurance qu’il était 
  capable de quelque rigueur ait proposé quelque chose d’aussi intenable.
    Je 
  pense avoir introduit assez, très juste assez, la dernière fois ce qui motive 
  en gros l’usage que nous allons faire. Mais enfin ne perdons pas notre temps 
  à rappeler, cet usage, vous allez bien le voir.
    Ce
     n’est pas la première fois, d’ailleurs, que j’en parle. Un certain jour
     de février 
  1966, je crois, (p169->) j’ai déjà amené ce
   pari, et très précisément à propos de l’objet a ; vous verrez que nous
    allons aujourd’hui rester autour de cet objet. Déjà ceux qui se souviennent 
  – peut-être y en-a-il quelques-uns, j’en suis sûr même - de ce que j’en ai
  dit alors voient bien ce dont il s’agit. Il s’est trouvé qu’on m’avait demandé d’aller
    en reparler en Octobre à Yale, et j’ai eu si fort à faire avec des gens qui
     motivent cet effort d’enseignement, à savoir les psychanalystes, que j’ai
     manqué 
  de parole à ces gens de Yale ; je n’ai su que bien après que cela avait
   fait une manière de petit scandale ; c’est vrai, ce n’était pas très
   poli.
     Nous 
  allons tâcher aujourd’hui de dire ce que j’aurais pu énoncer là-bas, sans qu’il 
  y ait d’ailleurs plus de préparation que rien pour l’entendre.
     Voyons, 
  commençons tout à fait au ras du sol, comme si nous étions à Yale. Il s’agit 
  de quoi ? En gros, vous avez dû entendre parler de quelque chose qui s ‘énonce 
  et qui plusieurs fois s’écrit dans le texte de ce qu’on a réuni sous le titre 
  de Pensées (Pensées de Pascal) et qui au départ a quelque chose déjà d’aussi 
  scabreux que l’usage qu’on fait de ce qui s’appelle le pari lui-même.
     Vous 
  le savez, ces Pensées, c’étaient des notes prises pour un grand ouvrage.      Seulement 
  l’ouvrage n’était pas fait, alors on l’a fait à sa place . On 
  a (p170->) d’abord fait un ouvrage – c’est 
  l’édition des Messieurs de Port Royal- ce n’est pas du tout un ouvrage mal fait ; 
  c’était des copains et comme, nous en témoigne un nommé Fillot de la Chaise 
  ( ?)  qui n’est pas à proprement 
  parler une lumière mais qui est très lisible, je vous l’avoue, comme l’a énoncé 
  Fillot de la chaise, Pascal leur avait très bien expliqué qu’il voulait faire 
  et ils ont fait ce que Pascal avait indiqué.
    Il 
  n’en reste pas moins que ça laissait tomber pas mal de choses dans les énoncés 
  écrits en note aux fins de la construction de cet ouvrage. Alors d’autres se 
  sont risqués à le reconstruire autrement ; et puis d’autres se sont dit : 
  « puisqu’en somme à mesure qu’avance notre culture, nous nous apercevons 
  que le discours c’est pas une chose si simple que ça et qu’à le rassembler et 
  Dieu il y a de la perte , alors on s’est mis à faire des éditions qu’on 
  appelle critiques, mais qui prennent une portée tout à fait différente quand 
  il s’agit d’un recueil de notes. Là encore, ça a été un peu coton. Nous avons 
  plusieurs éditions, plusieurs façons de grouper ces liasses comme on dit ; 
  celle de Tourneur, celle de Lafuma, celle de X, celle de Z. Cela ne simplifie 
  pas les choses, mais ça les éclaires assurément. Rassurez-vous.
    Pour 
  le pari, c’est tout à fait à part.  C’est 
  un petit morceau de papier plié en quatre ; (p171->) 
  c’était l’intérêt de ce que je vous recommandais, c’était de vous en apercevoir 
  puisque, dans ce livre, il y a la reproduction du petit papier plié en quatre 
  et puis un certain nombre de transcriptions, car ceci aussi pose un problème 
  étant donné que ce sont  des notes 
  prises cursives, avec des recoupages divers, une multitude de ratures, des paragraphes 
  entiers écrits entre les lignes d’autres paragraphes ; et puis une utilisation 
  des marges avec des renvois ; tout cela d’ailleurs assez précis et donnant 
  ample matière à examen et à discours.
    Mais 
  il y a une chose que nous pouvons tenir pour assurée, c’est que jamais Pascal 
  n’a prétendu faire tenir le pari debout. Ce petit papier devait pourtant lui 
  tenir à cœur puisque tout indique qu’il l’avait dans sa poche, à la même place 
  où j’ai pour l’instant le machin là de cette chose qui ne sert à rien !
    En
     gros, vous avez entendu parler de quelque chose qui a cette sonorité « Renoncer
      aux plaisirs » . Cette chose dite pluriel s’est aussi répétée au pluriel.
       Et d’ailleurs   chacun
       sait  que cet acte serait au principe de quelque chose qu’on appellerait
       la vie chrétienne. 
  C’est le bruit de fond, ça. A travers tout ce que nous énonce Pascal, et d’autres
   autour de lui, au titre d’une éthique, d’une éthique, ceci donne au loin comme
    le bruit d’une cloche. Il s’agit de savoir si c’est un glas. En fait, ce
    n’est 
  pas tellement  un glas que ça (p172->)
   Ca a de temps en temps une petite tournure plus gaie. Je voudrais vous faire
   sentir que c’est le principe même sur lequel s’installe une certaine morale
    qu’on peut qualifier de morale moderne.
    Pour
     faire entendre ce que je suis entrain d’avancer, je vais faire quelques
     rappels  de ce qu’il en est effectivement ; le réinvestissement , comme
     on dit,  des bénéfices, qui est fondamental, c’est  
  ce qu’on appelle encore l’entreprise capitaliste, pour la désigner
   en propres termes, ne met pas le moyen de production au service du plaisir,
   c’est même au point que tout enjeu toute une face de quelque chose qui se
   manifeste  dans les marges est par exemple un effort, un effort tout à fait
   timide et qui  ne s’imagine pas du tout voguer vers le succès mais plutôt
   jeter un doute sur  ce qu’on peut appeler notre style de vie ; cet effort,
   nous l’appellerons 
  un effort de réhabilitation de la dépense, et un nommé Georges Bataille, penseur
   en marge de ce qu’il en est de nos affaires, et a cogité et produit la-dessus
    quelques ouvrages tout à fait  lisibles
     mais qui ne ont pas pour autant voués à l’efficacité.
    Quand 
  je dis que c’est la morale moderne, je veux dire par là (c’est un premier abord 
  de la question) qu’à voir les choses historiquement, ceci répond à une cassure. 
  De toute façon, il n’y a pas lieu (p173->) 
  de le minimiser. Cela ne veut pas dire non plus que, comme toute cassure  
  historique, il faille s’y tenir pour saisir de quoi il s’agit ; 
  et ce n’est pas plus mal d’en marquer le temps.
    La 
  recherche d’un bien-être. –je ne peux pas énormément insister, parce que le 
  temps nous est compté, bien sûr, comme toujours, sur ce qui justifie l’emploi 
  de ce terme. Mais enfin tous ceux qui suivent ça, même de temps en temps, superficiellement, 
  ce que je dis doivent tout de même se souvenir de ce que j’ai appelé à cet endroit 
  de la distinction du Whol, das Wohl, là où on se sent bien, et de das Gute, 
  du bien en tant que Kant les distingues. Il est tout ç fait clair que c’est 
  là un des point vifs  de ce que 
  j’ai appelé tout à l’heure la cassure. Quelle que soit la justification des 
  énoncés de Kant, qu’il faille y trouver l’âme même de l’éthique ou bien, comme 
  je l’ai fait, l’éclairer de son rapport avec Sade, c’est un fait de la pensée 
  que ça se soit produit.
    Nous 
  avons depuis quelque temps la notion que les faits de la pensée ont un arrière-plan, 
  peut-être quelque chose déjà qui est de l’ordre de ce que j’ai rappelé, à savoir 
  la structure qui résulte d’un certain usage des moyens de production qui est 
  là-derrière, mais comme s’y avance ce que j’articule de cette année, il y a 
  peut-être bien d’autres façons de la prendre. En tous les cas, par ce bien-être, 
  je vise ce qui, dans la (p174->)  
  tradition philosophique, s’est appelé  
  , le plaisir. 
  Cette hêdonê, telle qu’on s’en est servi, suppose que répond au plaisir un certain 
  rapport que nous appellerons rapport de juste ton, avec la nature dont nous, 
  les hommes –ou les présumés tels- serions dans cette visée  
  moins les maîtres que les célébrants. C’est bien là ce qui guide ceux 
  qui discours de toute antiquité quand ils commencent, pour fonder la parole, 
  à prendre ce repère, que le plaisir doit tout de même nous guider dans cette 
  voie, que c’est le maillon originel en tout cas, que ce dont il va s’agir, c’est 
  plutôt de poser comme une question pourquoi certains de ces plaisirs sortent 
  de ce juste ton ; il s’agit alors de plaisirer, si je puis dire, le plaisir 
  lui-même, de trouver le module du juste ton au cœur de ce qu’il en est du plaisir, 
  et de s’apercevoir de ce qui est en marge et qui paraît fonctionner d’une façon 
  pervertie  est néanmoins justifiable 
  au regard de ce que le plaisir donne la mesure.
    Il 
  est  à remarquer quelque chose, 
  c’est que c’est à juste titre qu’on peut dire que cette visée entraîne un ascétisme 
  auquel on peut donner son panonceau qui est celui-ci : pas trop de travail. 
  Et bien jusqu’à un certain moment, ça n’a pas semblé faire un pli. Mais je pense 
  tout de même, tous tant que vous êtes ici, que vous vous apercevez que nous 
  ne sommes plus dans ce bain là parce que nous, pour (175/176->)  
  obtenir « pas trop de travail » il faut que  
  nous en foutions un sacré coup ! La grève, par exemple, qui ne consiste 
  pas seulement à se croiser les bras mais aussi à crever de faim pendant ce temps 
  là.
    Jusqu’à 
  un certain moment, on n’avait jamais eu besoin de recourir à des moyens comme 
  ça. C’est ce qui  montre bien qu’il 
  y a quelque chose de changé pour qu’il faille faire tant d’efforts pour avoir 
  « pas trop de travail ». Ca ne veut pas dire que nous sommes dans 
  un  contexte qui suit une pente 
  naturelle. En d’autres termes, l’ascétisme du plaisir, c’était quelque chose 
  qui avait à peine besoin d’être accentué pour autant que la morale fût fondée 
  sur l’idée qu’il y avait quelque part un bien et que c’est dans ce bien que 
  résidait la loi. Les choses semblaient être d’un seul tenant dans cette suite 
  que je désigne.
    Lotium 
  cum dignitate, vous le savez, règne dans Horace (ou vous ne le savez pas ; 
  tout le monde le savait au siècle dernier parce que tout le monde s’occupait 
  d’Horace, mais grâce à la solide éducation que vous avez reçue au Lycée, vous 
  ne savez même pas ce que c’est qu’Horace !) Dans la notre, nous en sommes 
  au point où bientôt Lotium, c’est-à-dire la vie de loisirs, naturellement pas 
  nos loisirs qui sont des loisirs forcés, on vous donne des loisirs pour que 
  vous alliez chercher un billet à la gare de Lyon, et puis dare-dare (p177->) 
  et puis il s’agit de se transporter aux sports d’hiver ; là, pendant quinze 
  jours, vous allez vous appliquer à un solide pensum, celui qui consiste à faire 
  la queue au bas des téléskis, on n’est pas là pour rigoler ! Le type qui 
  ne fait pas ça, qui ne va pas travailler au loisir, il est indigne, Lotium, 
  pour l’instant, est cum indignitate . Et plus ça ira, plus ça sera comme 
  ça, sauf accident. Le refus du travail, de nos jours, autrement dit, ça relève 
  d’un défi. Il se pose et ne peut se poser que comme défi.
    Pardon 
  d’insister encore. Saint Thomas, pour autant qu’il réinjecte une pensée aristotélicienne 
  formellement – je dis seulement formellement- dans le christianisme ne peut 
  ordonner – encore lui, Saint Thomas qui peut vous sembler, comme ça, être de 
  mine assez grise, il peut ordonner le bien comme le  
  Souverain Bien qu’en termes en fin de compte hédonistes. Bien sûr, il 
  ne faut pas voir ça d’une façon monolithique, ne serait-ce que pour la raison 
  que toutes sortes de maldonnes s’introduisent dans ces sortes de propositions 
  qui étaient, d’ores et déjà, pendant qu’elles régnaient, patentes et il est 
  certain  que d’en suivre la trace 
  et de voir comment les différents directeurs d’âmes s’en sont tirés impliquerait 
  beaucoup d’effort de discernement.
     Ce
     que j’ai voulu faire, c’est simplement ici rappeler où nous sommes axés
     du fait  qu’assurément, il (178->)  
  y a eu à cet égard un déplacement radical et que pour nous les départs
   ne peuvent être bien évidemment que d’interroger l’idéologie du plaisir par
    ce qui pour nous rend quelque peu périmé tout ce qui l’a soutenue, ceci en
    nous  plaçant au niveau des moyens de production pour autant que , pour nous
    ce sont  eux qui en conditionnent réellement, de ce plaisir la pratique.
    Il 
  me semble que j’ai suffisamment indiqué déjà tout à l’heure comment on peut 
  mettre sur une page d’un côté la publicité pour le bon usage des vacances , 
  à savoir l’hymne au soleil, et de l’autre côté l’astreinte aux conditions du 
  téléski.
    Il 
  suffirait d’y ajouter que tout ceci se passe tout à fait aux dépens du simple 
  arrangement de la vie ordinaire et de ces chancres de sordidité au milieu desquels 
  nous vivons, dans les grandes villes tout spécialement.
 
    C’est 
  très important à rappeler pour s’apercevoir qu’en somme, l’usage que nous faisons 
  dans la psychanalyse du principe du plaisir à partir du point où il se situe, 
  où il règne, à savoir dans l’inconscient, ceci veut dire que le plaisir, que 
  dis-je, sa notion même, sont aux catacombes et que la découverte de Freud là-dessus 
  fait office du visiteur du soir, de celui qui revient de loin pour trouver les 
  étranges glissement (p179->) qui se sont opérés 
  pendant son absence. « Savez-vous où je l’ai retrouvée, semble-t-il nous 
  dire, cette fleur de notre age, cette légèreté, le plaisir ? Maintenant 
  il s’essouffle dans les souterrains , Acheronta dit Freud  
  seulement,  occupé à empêcher 
  que tout ne saute, à imposer une mesure à tous ces enragés, en y glissant quelques 
  lapsus, parce que si ça tournant rond, où irions-nous ! »
    Il 
  y a là donc, dans ce principe du plaisir de Freud, quelque chose comme ça, un 
  pouvoir de rectification, de tempérament, de moindre tension comme il s’exprime. 
  C’est comme une sorte de tisseuse invisible qui resterait veiller à ce qu’il 
  n’y ait pas trop de chauffe au niveau des rouages.
    Quel
     rapport entre cela et ce plaisir souverain du farniente contemplatif que
    nous  recueillons dans les énoncés d’Aristote par exemple ?  
  Ceci peut-être de nature – si j’y reviens, ce n’est pas pour toujours
   tourner  en rond – à nous donner
    un soupçon qu’il y a  peut-être
     tout de même là quelque ambiguïté ,  je veux dire un fantasme qu’il faut peut-être aussi nous garder
      de prendre trop au pied de la lettre, quoique bien sûr le fait qu’il nous
      arrive  après tant de dérive rende sans doute précaire d’apprécier ce qu’il
      en était 
  en son temps, ceci pour corriger ce qui, dans mon discours, jusqu’au point
  où 
  j’en suis parvenu (p180->)  
  pourrait sembler être  référence
   au bon vieux temps ; on sait qu’on y échappe difficilement, mais ce n’est
    pas une raison non plus pour ne pas marquer que nous ne lui donnons pas trop
    de créance.
    Quoi 
  qu’il en soit, la figure du plaisir, même celle qui est chez Freud, est frappée 
  d’une ambiguïté avouée, celle justement de l’au-delà, comme il l’a dit, du principe 
  du plaisir. Nous n’allons pas ici nous étendre, pour nous en acquitter, nous 
  dirons : Freud écrit «  La jouissance est masochiste dans 
  son fond », il est bien clair qu’il n’y a là que métaphore, puisqu’aussi 
  bien le masochisme  est quelque 
  chose d’un niveau autrement organisé que cette tendance radicale.  
  La jouissance se porterait, nous dit Freud  
  quand il essaie d’élaborer ce qui d’abord n’est articulé que métaphoriquement, 
  il se porterait à rabaisser le seuil  nécessaire 
  au maintien de la vie, ce seuil  que 
  le principe du plaisir  lui-même 
  définit comme infimum , c’est-à-dire  le 
  plus bas des hauts, la plus basse tension nécessaire à ce maintien ; mais 
  on peut tomber au-dessous encore, et c’est là que commence et ne peut s’exalter 
  la douleur, si vraiment ce mouvement, comme il nous le dit, tend vers la mort ; 
  autrement dit, derrière le constat d’un phénomène dont nous pouvons le tenir 
  pour lié  à un certain contexte de pratique, à savoir l’inconscient, c’est 
  un phylum d’une nature toute différente que Freud ouvre avec cet au-delà.
    (p181->) 
  Sans doute est-il certain qu’ici l’ambiguïté  
  comme ce que je viens d’énoncer n’a pas manqué d’en préserver l’instance, 
  qu’une certaine ambiguïté ne profile entre cette pulsion de mort d’une part, 
  théori(que) et un masochisme qui n’est que pratique beaucoup plus astucieuse, 
  mais de quoi ? tout de même de cette jouissance en tant qu’elle n’est point 
  identifiable à la règle du plaisir.
    Autrement 
  dit, avec notre expérience, l’expérience psychanalytique, la jouissance, si 
  vous me permettez  ceci  
  pour abréger, se colore. Il y a tout un arrière-fond, bien sûr à cette 
  référence. Il faudrait dire qu’au regard de l’espace avec ses trois dimensions, 
  la couleur, si nous savions y faire, pourrait en ajouter sans doute une ou deux, 
  peut-être trois, car dès que cette note, apercevez-vous à cette occasion que 
  les Stoïciens, les Epicuriens, les doctrinaires du règne du plaisir au regard 
  de ce qui s’ouvre à nous comme interrogation, ça reste encore du noir et blanc ?
    J’ai
    essayé,
     depuis que j’ai introduit dans notre maniement la fonction de la jouissance,
      d’indiquer  qu’elle est  
  rapport au corps essentiellement  
  mais non  mais n’importe
   lequel ; ce rapport qui se fonde sur cette exclusion en même temps inclusion
    qui fait tout notre effort vers une topologie qui corrige les énoncés jusqu’ici
     reçus dans la psychanalyse (p182->) car
     il  est clair qu’on ne parle que de ça à tous les stades – rejet, formation
     du non-Moi,  je ne vais pas tous les  rappeler 
  – mais fonction de ce qu’on appelle incorporation et qu’on traduit « introjection » 
  comme s’il s’agissait d’un rapport d’intérieur à extérieur et non pas d’une
   topologie beaucoup plus complexe.
    L’idéologie 
  analytique en somme telle qu’elle s’est exprimée jusqu’ici est d’une maladresse 
  remarquable qui s’explique par ceci : la non construction d’une topologie 
  adéquate.
    Ce 
  qu’il faut saisir, c’est que cette topologie, je veux dire celle de la jouissance, 
  elle est  la topologie du sujet ; 
  c’est elle , à notre existence de sujet, poursoit. C’est un mot nouveau, qui 
  m’est sorti comme ça, le  verbe 
  poursoir. Je ne vois pas pourquoi, depuis le temps qu’on parle de l’en-soi et 
  du pour-soi, on ne pourrait pas faire des variations. C’est extraordinairement  
  amusant. Par exemple vous pourriez écrire l’en-soi comme ça : « anse-oie » 
  ou bien « ensoie ». Je vous en passe. Quand je suis tout seul, je 
  m’amuse beaucoup !
    L’intérêt 
  du verbe poursoir, c’est que tout de suite il trouve des petits amis : 
  pourvoir par exemple, ou bien surseoir. Il faut modifier l’orthographe s’il 
  est du côté de « surseoir » il faut l’écrire : « pourseoit ».
    (p183->) 
  L’intérêt, c’est si ça aide à penser des  
  choses et en particulier une dichotomie : le sujet est-il, contre 
  la jouissance, poursu ? en d’autres termes s’y éprouve-t-il ? mène-t-il 
  son petit jeu dans l’affaire ? est-il maître à la fin du compte ? 
  Ou est-il à la jouissance poursis (poursis c’est la formule surseoir) est-il 
  en quelque sorte dans sa dépendance, esclave ?
    C’est
     une question qui a son intérêt, mais pour s’y avancer, il faut partir bien
     de  ceci qu’en tout cas tout notre accès  à 
  la jouissance est commandé par la topologie du sujet, et ça, je vous assure
  que 
  ça fait quelques difficultés au niveau des énoncés concernant la jouissance.
    Il
     m’arrive de parler avec des personnes pas forcément en vue mais très intelligentes.
      Il y a une certaine façon de penser que la jouissance pourrait s’assurer
      de  cette conjonction impossible qui est celle que j’ai énoncée la dernière
      fois  
  entre le discours et le langage formel qui est évidemment liée au mirage
   de ceci que tous les problèmes de la jouissance sont essentiellement liés à 
  cette division du sujet ; mais ce n’est pas parce que le sujet  
  serait plus divisé qu’on retrouverait la jouissance. Il faut à ça faire
   très attention. En d’autres termes, le sujet fait la structure de la jouissance,
    mais jusqu’à nouvel ordre, (p184->)  
  tout ce qu’on peut en espérer ce sont des pratiques de récupération.
   Ceci veut dire que ce qu’il récupère, n’a rien à faire avec la jouissance,
   mais  avec sa perte . Il y a un nommé Hegel qui s’est déjà posé, et fort
   bien  
  ces problèmes.  Il n’écrivait
   pas « pour-soi »- comme moi, et ceci n’est pas sans conséquences.
    La façon dont il construit l’aventure de la jouissance est certes, comme
    il  convient, entièrement dominée par la phénoménologie de l’esprit, c’est-à-dire
     du sujet . Mais l’erreur est, si je puis dire, initiale, et comme telle
      elle ne peut porter jusqu’à la fin de  
  son énonciation ses conséquences.  
  Il est très singulier qu’à partir de cette dialectique, comme on s’exprime,
   du rapport du maître et de l’esclave, il ne soit pas manifeste , et d’une  façon tout à fait claire du fait même dont il part, à savoir
    la lutte à mort – de pur prestige insiste-t-il – qu’assurément ceci veut
    dire  que le maître a renoncé à la jouissance ; et comme ce n’est pas
    pour autre  chose que pour le salut de son corps que l’esclave accepte d’être
    dominé, on 
  ne voit pourquoi, dans une telle perspective explicative, la jouissance ne
    lui  reste pas sur les bras. On ne peut  tout
     de même pas à la fois manger son gâteau et le garder. Si le maître s’est
     engagé 
  dans le risque au départ, c’est bien parce qu’il laisse à l’autre la jouissance.
    (->p185) 
  Est-ce qu’il faut que j’indique, que je rappelle, que j’évoque à cette occasion 
  ce dont toute la littérature  antique 
  nous témoigne, à savoir que d’être esclave, ce n’était pas si embêtant que cela, 
  ça vous dispensait en tout cas de beaucoup d’ennuis politiques. Pas de malentendu 
  n’est-ce pas, je parle d’un esclave mythique, celui du départ de la phénoménologie 
  de Hegel. Et cet esclave mythique, il a ses répondants. Ce n’est pas pour rien 
  que dans la comédie – ouvrez Terence !  
  - la jeune fille destinée au triomphe final du mariage avec l’aimable 
  fils-à-papa est toujours une esclave. Pour que tout soit bien et pour se foutre 
  de nous, car c’est la fonction de la comédie, il se trouve qu’elle est esclave 
  mais tout de même de très bonne famille ; c’est arrivé par accident ! 
  Et à la fin, tout se révèle. A ce moment là, le fils-à-papa en a assez mis pour 
  que décemment il ne puisse pas dire « je ne joue plus ; si j’avais 
  su que c’était la fille du meilleur copain de papa, jamais je ne m’en serais 
  occupé ! «  mais le sens de la comédie antique, c’est ça justement, 
  c’est de nous désigner, quand il s’agit de la jouissance, que la fille du maître 
  du lopin à coté, ce n’est pas elle la plus indiquée, elle a quelque chose comme 
  ça d’un petit peu raide, elle est un peu trop liée à ce qui lui attient  
  de patrimoine.
  (p186->) 
  Je vous demande pardon d’où ces petites fables nous entraînent, mais c’est pour 
  dire que c’est d’un autre ordre, ce que l’évolution historique récupère en « libérant » 
  les esclaves. Elle les libère on ne sait pas de quoi, mais il y a une chose 
  certaine, c’est qu’à toute les étapes, elle les enchaîne, elle les enchaîne 
  au plus-de-jouir qui est, comme je pense depuis le début de cette année l’avoir 
  assez énoncé, autre chose, c’est-à-dire ce qui répond non pas à la jouissance 
  mais à la perte  de la jouissance 
  en tant que d’elle surgit ce qui devient la cause conjuguée du désir de savoir 
  et cette animation que j’ai récemment qualifiée de féroce qui procède du plus 
  de jouir .
    Tel 
  est l’authentique mécanisme, et il importe de le rappeler au moment où tout 
  de même nous allons parler de Pascal, parce que Pascal comme nous tous est un 
  homme de son temps.
    Bien
     sur que le pari, a à faire avec le fait que, dans les mêmes années – sur
     ces  points de petite histoire, faites-moi confiance, j’ai fait le tour
     de ce qui  peut se lire, je vous signale simplement que mon ami Guibaud
     ( ?)  
  a fait la-dessus dans des revues, là je ne vous les dis pas (je n’en
   ai que le tirage à part, mais j’essaierai tout de même de savoir où vous pourriez  (p187->)  
  les retrouver) quelques courts, très courts petits articles qui sont
   tout à fait décisifs quant aux rapports de ce pari ; il n’est pas le
   seul  d’ailleurs ; dans le livre de Brunet, la chose est également traitée.
     La
      règle des parties ; c’est quelque chose sur lequel il faudrait en lire 
  long pour vous en montrer l’importance dans les progrès de la théorie mathématique. 
  Sachez simplement qu’il n’est rien de plus en pointe au regard de ce dont il 
  s’agit pour nous quand il s’agit du sujet. S’intéresser à ce qu’il en est de 
  ce qu’on appelle le jeu, en tant que c’est une pratique foncièrement définie  
  par ceci qu’elle comporte un certain nombre de coups qui ont lieu à l’intérieur 
  de certaines règles ; rien n’isole d’une façon plus pure ce qu’il en est  
  de nos rapports au signifiant. Ici en apparence, rien d’autre qui nous 
  intéresse que la manipulation la plus gratuite dans l’ordre de la combinaison.
    Poser
     pourtant la question de ce qu’il en est des décisions à prendre dans ce
     champ  (pas du tout gratuit ?) c’est fait pour  
  souligner que nulle part elle ne prend plus de force et de nécessité.
   C’est à ce regard que le pari qui en est fait, si nous nous apercevons que
   tout  y manque des conditions recevables en un jeu, prend sa portée. Les efforts
   des  auteurs pour en quelque sorte le rationaliser au regard de ce qui (p188->) 
  était en effet pour Pascal – mais il devait bien être le premier à le savoir 
  – la référence, et démontrer que ça ne colle pas, c’est cela qui fait le prix
   de la façon dont le pari de Pascal est manié. Et là dans le texte de Pascal  
  et repris par les auteurs avec un mode à courte vue qui est bien la
  chose  la plus exemplaire et dont on peut dire qu’après tout les auteurs nous
  rendent  
  le service de montrer comment s’installe l’impasse ou ils s’obstinent,
   cette façon de mettre en valeur, au regard de cette décision, les rapports
   d’extention 
  de l’enjeu, à savoir d’un côté une vie à la jouissance de laquelle on renonce
   pour en faire tout à fait  de
   la  même façon que Pascal le signale dans l’étude de ce qu’on appelle règle
   des  parties, c’est quand c’est dans le jeu, c’est perdu, c’est le principe
   de la  mise, la mise de l’autre côté, de celui du partenaire, et ce que Pascal
   articule  une infinité de vies infiniment heureuses.
    Je 
  vous signale qu’ici un point s’ouvre de savoir si cette infinité de vies est 
  à penser au singulier où au pluriel. Une infinité de vie au singulier, cela 
  ne veut pas dire grand chose si ce n’est de changer le sens qu’à, dans ce contexte, 
  le contexte de la règle des parties, le mot « infinité ». Néanmoins 
  nous sommes là livrés à l’ambiguïté du petit papier. Le mot « heureuse » 
  n’est pas terminé ; pourquoi le mot « vie » serait-il (p189->) 
  complet ? De l’ « s » qui pourrait bien lui attenir, la 
  face numérale d’une comparaison qui est celle ici promue, à savoir du rapport 
  numéral entre les enjeux, avec quelque chose qui n’a pas d’autre nom que l’incertitude 
  et qui est prise elle-même telle, numériquement, que Pascal écrit qu’au regard 
  même d’un hasards de gain, écrit-il, on peut supposer une infinité de hasards 
  de perte, introduire donc comme numérique l’élément de hasard, alors qu’il a 
  été proprement exclu dans ce qu’il énonce de la règle des parties, qui comporte 
  pour être énoncée l’égalité des hasards, montre bien qu’en tout cas, c’est sur 
  le plan numérique que doit même être mesuré l’enjeu.
    J’insiste
     car, dans ce petit papier qui n’est nullement une rédaction ni un état définitif,
      qui est une succession de signes d’écriture qui sont faits, il est aussi
      bien  en d’autres points énoncé  qu’à 
  parier ce dont il s’agit, c’est-à-dire l’incertitude fondamentale, à savoir
   y-a-t-il  un partenaire, en d’autres
    points Pascal énonce « il   y
     a une chance sur deux », à savoir Dieu existe ou n’existe pas, procédé 
  dont, bien sûr, nous voyons assez l’intenable et qui n’a pas besoin d’être
  réfuté. 
  Mais est-ce qu’on ne voit pas qu’en ceci tout réside précisément à ce niveau
   de l’incertitude ? Car il est bien clair que rien ne s’impose de ce calcul
    et qu’on peut toujours opposer à la proposition du pari « ce que je
    l’ai, 
  je le tiens, et (p190->) avec cette vie,
  j’ai 
  déjà bien assez à faire » Pascal en rajoute et il nous dit qu’elle n’est
   rien, mais qu’est-ce à dire  ? non pas zéro, car il n’y aurait ni jeu,
    il n’y avait pas de jeu parce qu’il n’y aurait pas de mise ; il dit
    qu’elle 
  est un rien, ce qui est une toute autre affaire, car c’est très précisément
   de cela qu’il s’agit du plus-de-jouir ; et d’ailleurs s’il y a là quelque
    chose qui porte au plus vif, au plus radical notre passion de ce discours,
   c’est 
  bien parce que c’est de cela qu’il s’agit. L’opposition sans doute tient toujours.
   Est-ce qu’à miser dans un tel jeu, je ne gage point trop ?
    Et
     c’est bien pour cela que Pascal le laisse inscrit dans l’argumentation de
     son  supposé contradicteur, contradicteur qui n’est pas ailleurs qu’en lui-même
     puisqu’il 
  est le seul à connaître le contenu de ce petit bout de papier. Mais il lui
  répond : 
  « Vous ne pouvez pas ne pas parier parce que vous êtes engagé » En
   quoi ? Vous êtes pas engagé du tout sauf si domine ceci que vous avez à 
  prendre une décision, c’est-à-dire ce qui dans le jeu, dans la théorie du jeu
   comme on dit de nos jours, qui n’est que la suite absolument directe de ce
   que  Pascal inaugure dans la règle des parties où la décision est une structure,
    et c’est parce qu’elle est réduite à une structure que nous pouvons la (p191->)
     manipuler d’une façon entièrement scientifique. Seulement là, à ce niveau,
     si  vous devez prendre une décision, quelle qu’elle soit, des deux, si vous êtes
      engagé de toute façon, c’est à partir du moment où vous êtes interrogé de
      cette  façon, et par Pascal, c’est-à-dire au moment où vous vous autorisez
      d’être je 
  dans ce discours. La véritable  ambiguïté,
   la dichotomie n’est pas entre Dieu existe ou il n’existe pas, que Pascal le
    veuille ou non ; ce problème devient d’une toute autre nature à partir
     du moment où il a affirmé : nous ne savons non pas si Dieu existe,
     mais  ni ce que Dieu est, ni ce qu’il est ( ?-hait ?) et donc
     l’affaire 
  concernant Dieu sera – les contemporains l’ont parfaitement senti et l’ont articulé -
   une affaire de fait, ce qui, si vous vous rapportez à la définition que j’ai
    donnée du fait, est une affaire de discours ; il n’y a de fait qu‘énoncé.
     Et c’est pourquoi nous sommes entièrement livrés à la tradition du livre.
     Ce  qui est en jeu dans le pari de pascal est ceci : est-ce que Je
     existe ou  si Je n’existe pas, comme je vous l’ai déjà , au terme de mon
     précédent discours, 
  énoncé. J’ai mis, un temps qui fut comme il  
  arrive et peut-être comme j’en suis un peu trop coutumier, trop de temps 
  à introduire le vif de ce dont il s’agit mais je crois que ces prémisses étaient
   indispensables. Ceci m’amène donc à faire ici – pas spécialement opportunément
   - notre coupure (p192->) d’aujourd’hui.
   Sachez seulement que si, contrairement à ce qu’on croit, le pari n’est pas
   sur la promesse mais sur l’existence de Je, quelque chose peut-être déduit
     au delà du pari de 
  Pascal , à savoir si nous mettons à sa place la fonction de la cause telle
  qu’elle 
  se place au niveau du sujet, à savoir l’objet a, ce n’est pas la première fois
   que je l’aurai écrit ainsi l’a-cause ;  
  c’est précisément en tant  que
   tout le pari a cette essence de réduire cette chose qui n’est tout de même
   pas  quelque chose que nous puissions comme ça, tenir dans  
  le creux d’une main, à savoir notre vie dont après tout, nous pourrions
   avoir une toute autre appréhension, une toute autre perspective, à savoir
   qu’elle 
  nous comprend et sans limite, et que nous sommes là lieu de passage, phénomène.
   Pourquoi la chose ne serait-elle pas soutenue ? Elle l’a été après tout.
    Que 
  cette vie se réduise à ce quelque chose qui peut-être ainsi mis en jeu, n’est-ce 
  pas le signe que ce qui dénote, domine dans une certaine montée des rapports 
  du savoir, c’est cette a-cause. Et c’est là que nous aurons  
  dans nos pas suivants à mesurer ce qu’il résulte, au delà de cette a-cause, 
  d’un choix ; dire Je existe a, au regard de ce rapport avec l’a-cause, 
  toute une suite de conséquences parfaitement et immédiatement formalisables.  
  Je vous en fera la prochaine fois le (p193->) 
  calcul. Et inversement, le fait même de pouvoir ainsi le calculer, l’autre position, 
  celle qui parle pour la recherche de ce qu’il en est d’un Je qui peut-être n’existe 
  pas, va dans le sens de l’a-cause , dans le sens de ce à quoi Pascal procède 
  quand il invoque son interlocuteur à y renoncer, là est peut être là  
  pour nous prend son sens la direction d’une recherche qui est expressément, 
  pour ce qui est de la psychanalyse, la nôtre.
   note: 
  bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire, ou 
  si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par avance 
  de m'adresser un émail. 
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 relu ce 01.02.05