J.LACAN                        gaogoa
 < 
  > 
XVI- D'un 
  Autre à l'autre     note
11 DECEMBRE 1968 
 
     (p119->) 
  Je note quelquefois , à part moi, des petites adresses à votre intention. 
  Alors là, au moment de brasser ces papiers, j’en retrouve une qui va me fournir 
  mon entrée :
     « Qu’il 
  est regrettable , » écrivais-je je ne sais plus quand, « que 
  Dieu serve à écarter » par ce que nous appellerons la proscription de son 
  Nom. Ca a pris forme d’un interdit précisément sans doute là où on pourrait 
  savoir le mieux ce qu’il en est de la fonction de ce terme, Dieu, à savoir chez 
  les juifs.
    Vous 
  savez que chez eux il a un nom imprononçable. Eh bien, cette proscription, justement, 
  sert à écarter, commençai-je à dire, un certain nombre de références absolument 
  essentielles au maintien du Je dans une lumière suffisante. Suffisante pour 
  qu’on ne puisse pas le jeter - il y a « je » là-dedans - le jeter 
  aux chiens, c’est-à-dire aux professeurs.
      Ce 
  dont je suis parti pour, en somme, la dernière fois – vous l’avez entendu, sinon 
  vu – presque malgré moi, pousser d’abord et en avant cette référence « Je », 
  par l’intermédiaire du Dieu en question. J’ai traduit ce qui fut proféré un 
  jour sous le forme « Eyé …eyé » 
 par 
  « je suis ce que je est ». Je vous ai dit alors avoir (p120->) 
  été moi-même un peu débordé par l’avance de cette énonciation que j’ai justifiée 
  comme traduction, ou crois avoir justifiée. Puis j’ai dit qu’après tout, là, 
  le Sinaï m’avait émergé, malgré moi, du sol entre les jambes.  
  Cette fois-ci je n’ai pas reçu de petit papier – je l’attendais pourtant 
  – et que quelqu’un me fasse remarquer  
  que ces paroles sont sorties du buisson ardent. Vous voyez ce que ça 
  aurait fait, si je vous avait dit que le buisson ardent m’était sorti entre 
  les jambes ? C’est bien en cela que la phrase se donne des ordres à elle 
  même, rétroactivement. C’est bien parce que je voulais la finir entre les jambes 
  que j’ai mis le Sinaï à la place du buisson ardent.
     D’autant
     plus qu’après tout, sur le Sinaï, c’est des suites de la chose qu’il s’agit.
      C’est-à-dire que, comme je l’ai déjà fait remarquer au Séminaire sur l’Ethique,
       celui qui s’est énoncé – à mon dire tout au  
  moins - comme « je suis ce que je est », celui-là, sous la
   forme de ce qui, depuis, se transmet dans l’impératif de la liste des Dix
   Commandements,  dits de Dieu, n’a fait, je l’ai expliqué il y a bien longtemps,
   qu’énoncer les 
  lois du « Je parle ».
     Il 
  est vrai, comme je l’énonce, que la vérité parle « Je ». Il paraît 
  bien aller de soi  que : « Tu 
  n’adoreras que celui qui a dit « je suis ce que je est et que tu n’adoreras 
  que lui seul. »
     Dans 
  la même conséquence, « Tu aimeras, » comme il se dit aussi, « ton 
  prochain comme toi-même », toi-même (p121->) 
  n’étant rien d’autre que ce à quoi il est dit, dans ces commandements mêmes, 
  ce à quoi on s’adresse comme à un  « tu » 
  même à un « Tu es », dont j’ai souligné depuis longtemps l’ambiguïté 
  vraiment magique dans la langue française.
     Ce 
  commandement, dont le prélude sous-jacent est ce « Tu es », qui vous institue 
  comme « Je ». C’est aussi la même pente offerte à ce « tuant » 
  qu’il y dans toute invocation. Et l’on sait qu’il n’y a pas loin de l’ordre 
  à ce qu’on y réponde . Tout Hegel est construit pour montrer ce qui s’édifie 
  là-dessus.
     On 
  pourrait les prendre un par un, en passant, bien sûr par celui sur le mensonge 
  , puis ensuite sur cet interdit de « convoiter la femme, le bœuf ni l’âne 
  de ton voisin » qui est toujours celui qui tue. On voit mal ce qu’on pourrait 
  convoiter d’autre, la cause du désir étant précisément bien là.
     Il 
  est à remarquer qu’assurément, par une solidarité qui participe de l’évidence, 
  il n’y a de parole, à proprement parler, que là où la clôture de tel commandement 
  la préserve. Ce qui explique bien pourquoi ces commandements, depuis que le 
  monde est monde, personne très exactement ne les observe, et que c’est pour 
  cela que la parole, au sens où la vérité parle « je », reste profondément 
  cachée et n’émerge qu’à monter un petit bout de pointe de (p122->) 
  nez, de temps en temps, dans les interstices du discours.
     Il 
  convient donc, il convient pour autant qu’il existe une technique qui fait confiance 
  à ce discours pour y retrouver quelque chose, un chemin, une voie comme on dit 
  qui se présume n’être pas sans rapport avec comme on s’exprime (mais méfions 
  nous toujours des envers du discours) la vérité et la vie, il convient peut-être 
  d’interroger de plus près ce qui, dans ce discours, se fonde comme pouvant amorcer, 
  nous donner un pont vers ce terme radical, inaccessible, qu’avec qu’elle audace 
  le dernier des philosophes, Hégel, crut pouvoir à sa dialectique réduire.
     Pour 
  nous, dans un abord qui est celui que j’ai commencé de frayer, c’est devant 
  l’Autre, comme permettant de cerner une défaillance logique, comme lieu d’un 
  défaut  d’origine porté dans la 
  parole, en tant qu’elle pourrait répondre, c’est là qu’apparaît le « Je » 
  comme, premièrement asujetti, comme assujet, et j’ai écrit quelque part, pour 
  désigner ce sujet, en tant que dans le discours il ne se produit jamais que 
  divisé. Que l’animal qui parle ne puisse s’étreindre au partenaire qu’assujetti 
  d’abord, c’est parce qu’il a été toujours, déjà parlant, qu’en l’approche même 
  de cette étreinte qu’il n’y peut formuler le « tu es » qu’à s’y tuer, 
  qu’il autrifie le partenaire, qu’il en fait le lieu du signifiant.
    (p123->)
     Ici on me permettra de revenir un instant sur ce « Je hais » de
     la  dernière fois, puisqu’aussi bien, et d’une tête pas mal faite, j’ai
     vu revenir  l’objection qu’à le traduire ainsi je réouvrais la porte, disons
     au moins à 
  une référence d’être. Que cet « est » fut « au moins » ,
   par une oreille entendu, comme un appel à l’être, si selon la terminologie
   de  la tradition « il est » suspendu. Est-ce que j’énoncerai de
   par quel  ordre de nature, au sens le plus originel, subsistant en cette nature,
   la tradition 
  édifie cet être suprême pour y répondre de tous les états. Tout change, tout
   tourne autour de lui qui prend la place du pivot de l’univers, ce grâce à quoi
    il y a un univers.
     Rien 
  n’est plus éloigné de l’intention de cette traduction que ce que j’ai formulé 
  que, pour le faire entendre je peux reprendre dans « Je suis ce qu’est 
  le Je ». Disons qu’ici le « est » 
  (est) se lit mieux et que nous devenons à proprement  
  énoncer dans le Je ce qui donne le fond proprement de la vérité en tant 
  qu’elle parle seulement. Ces commandements qui la soutiennent, l’ai-je assez 
  dit tout à l’heure, sont proprement l’anti-physique, et pourtant pas moyen, 
  sans s’y référer, de ce qu’on appelle « dire la vérité ». Essayer 
  donc ! En aucun cas !  C’est 
  un point idéal, c’est bien le cas de le dire. Personne ne sait même ce que ça 
  veut dire. Dès qu’on (p124->) tient un discours, 
  ce qui surgit ce sont les lois de la logique, à savoir une cohérence fine, liée 
  à la nature de ce qui s’appelle « articulation signifiante ». C’est 
  ce qui fait qu’un discours est soutenable ou non, de par la structure de cette 
  chose qui s’appelle « le signe ». Et qui a à faire avec ce qui s’appelle 
  communément « la lettre » pour l’opposer à  « l’esprit ».
    Les 
  lois de cette articulation, voilà qui d’abord domine le discours.
    Ce 
  que j’ai commencé d’énoncer dans mon exposé cette année c’est ce « champ 
  de l’Autre » pour l’éprouver comme concevable au titre  
  de champ d’inscription de ce qui s’articule ainsi dans le discours. Ce 
  champ de l’Autre ce n’est pas, d’abord, lui donner aucune incarnation ; 
  c’est à partir de sa structure que pourra se définir la possibilité du « Tu » 
  qui va nous atteindre et faire appel à quelque chose - troisième temps - qui 
  aura à se dire « Je ». Il est clair que ce qui va se montrer c’est 
  ce que nous attendons, c’est  ce  
  que nous attendons c’est ce que nous savons bien : que ce « Je » 
  est imprononçable en toute vérité.  C’est 
  bien pour cela que tout le monde sait à quel point il est encombrant et que, 
  comme le rappellent les lois de la parole elle-même auxquelles je me référais 
  tout à l’heure, il est préférable de ne jamais dire « Je jure ».
     Alors,
     avant de préjuger ce qu’il en est de (p125->)
      l’Autre, laissons ouverte la question. Que se soit simplement la page blanche,
       même à cet état. Il nous fera assez de difficultés, puisque c’est ça que
       j’ai 
  démontré au tableau la dernière fois, c’est qu’à supposer que vous ayez inscrit
   sur cette page blanche – à condition qu’elle soit page, c’est-à-dire finie
   -  
  la totalité des signifiants, ce qui est, après tout, concevable puisque
   vous pouvez choisir un niveau ou il se réduit au phonème. Il est démontrable
    qu’à la seule condition de croire que vous pouvez y rassembler quoi que ce
    soit  dont vous pourriez énoncer ce jugement, c’est le sujet, le terme nécessité par
     ce rassemblement ; ce choix sera forcément à situer hors de cette totalité.
      Que c’est hors de la page blanche que le 
,
      celui  qui intervient quand j’énonce  « le
       signifiant  c’est ce qui représente  
  un sujet pour un autre signifiant ». . Cet autre signifiant, le
  sera hors page.
      Il 
  faut partir de ce phénomène démontrable comme interne à toute énonciation comme 
  telle, pour savoir tout ce que nous pourrons avoir a dire par la suite de quoi 
  que ce soit qui  s’énonce. C’est 
  pourquoi il vaut encore s’y attarder un instant.
    Prenons 
  l’énonciation la plus simple. Dire que quelqu’un annonce qu’il pleut, ne se 
  juge, ne peut se juger pleinement qu’à s’attarder à ce qu’il y a d’émergences 
  dans le fait qu’il soit dit qu’il y a du « pleut ». C’est 
(p126->) 
  

(p127->)
ça l’avènement du discours par lequel celui même qui le dit se pose comme
secondaire. L’événement consiste en un dit. Celui, sans doute, dont le
« il » marque la place. Alors il faut se méfier. Le sujet
grammatical qui, d’ailleurs, peut présenter selon les langues des
morphologies distinctes, qui n’est pas forcément isolé, le sujet grammatical
ici a un rapport avec ce que j’ai appelé tout à l’heure le « hors
champ », plus ou moins individualisé comme je viens de le rappeler,
c’est-à-dire aussi bien, par exemple, réduit à une désignence « pluit ».
Le t, ce petit t, d’ailleurs, que vous retrouverez baladeur dans toute sorte
de coins du français lui-même, pourquoi nous revient-il se loger là ou il
n’a que faire ? dans un « orne-t-il » par exemple ?
c’est-à-dire là où il n’était pas du tout dans la conjugaison.
    Le 
  sujet grammatical, donc, si difficile à bien cerner, n’est que la place où quelque 
  chose vient à se représenter.
    Revenons 
  sur ce 
  
  en tant que c’est lui qui représente ce quelque chose, et rappelons que 
  quand la dernière fois nous avons voulu extraire du champ de l’Autre, comme 
  il s’imposait, ce 
, puisqu’il n’y pouvait 
  tenir, pour rassembler les S alpha, S beta, S gamma où nous prétendions 
  saisir le sujet. C’est en tant, justement, que dans le champ de l’Autre  nous 
  avions défini ces trois S par (p128->)  
  une certaine fonction – appelons-la R - définie par ailleurs, à savoir 
  que x n’était pas membre de x et que ce R (x) c’est ce qui transformait tous 
  ces éléments signifiants dans l’occasion en quelque chose qui restait ouvert, 
  indéterminé, qui prenait pour tout dire fonction de variable.
    C’est 
  en tant que nous avons spécifié ce à quoi doit répondre cette variable, à savoir 
  une proposition qui n’est pas n’importe laquelle, qui n’est pas, par exemple, 
  que la variable doit être bonne, ou n’importe  
  quoi d’autre  - ou rouge, 
  ou bleue, mais qu’elle doit être sujet, que surgit la nécessité de ce signifiant 
  comme Autre, qu’il ne saurait d’aucune façon s’inscrire dans le champ de l’Autre.
    Ce 
  signifiant est proprement sous sa forme la plus originelle, ce qui définit la 
  fonction dite au savoir. J’aurai, bien sûr, à y revenir, car cette place est, 
  même par rapport à ce qui a été jusqu’ici énoncé quand aux fonctions logiques, 
  peut-être encore pas assez accentuée : qu’essayer 
  de qualifier le sujet comme tel nous met hors l’Autre. Ce « nous met » 
  est peut-être une forme de « nou mèn » qui nous mènera plus loin que 
  nous le pensons.
    Qu’il 
  me suffise ici d’interroger. S’il n’est pas vrai que les difficultés que nous 
  apporte, dans une réduction logique, les énoncés classiques, je veux dire (p129->) 
  aristotélicien, de l’universel et de la particulière proposition, ne tiennent 
  pas, est-ce qu’on ne s’aperçoit pas que c’est là, hors du champ, du champ de 
  l’Autre, que doivent être placés le « tous » et le « quelque », 
  et que nous aurions moins d’embarras à nous apercevoir que les difficultés qu’engendre 
  la réduction de ces propositions classiques au champ des quantificateurs, tiennent 
  à ceci, c’est que plutôt que dire que tous les hommes sont bons, ou mauvais, 
  peu importe, la juste formule serait d’énoncer « Les hommes, » (ou 
  quoi que ce soit d’autre, quoi que ce soit que vous pouvez habiller d’une lettre, 
  en logique) « sont tous bons », ou « sont quelques bons » 
  . Bref, qu’à mettre hors du champ la fonction syntaxique de l’universel et du 
  particulier, vous verriez moins de difficultés à les réduire ensuite au champ 
  mathématique, car le champ mathématique consiste justement à opérer désespérément 
  pour que le « champ de l’Autre » tienne comme tel. C’est la meilleure 
  façon d’éprouver qu’il ne tient pas. Mais de l’éprouver en  
  voyant s’articuler tous les étages, car c’est à des niveaux bien divers 
  qu’il ne tient pas.
    L’important 
  est de voir ceci, c’est en tant que ce champ de l’Autre n’est, comme on dit 
  techniquement, « pas consistant », que l’énonciation prend la tournure 
  de la demande. Ceci avant quoi que ce soit (p130->)  
  qui charnellement puisse répondre soit même venu s’y loger.
    L’intérêt
     d’aller aussi loin qu’il est possible dans l’interrogation de ce champ de
     l’Autre 
  comme tel, c’est d’y noter que c’est à une série de niveaux différents que
  sa  faille se perçoit. Ce n’est pas la même chose, et pour en faire l’épreuve
  c’est 
  là que les mathématiques nous apportent un champ d’expérience exemplaire ,
  c’est 
  qu’elles peuvent se permettre de limiter ce champ à des fonctions bien définies.
     L’Arithmétique,
     par exemple, peu importe encore, pour l’instant, ce qu’en fait elle manifeste,
      cette recherche arithmétique. Vous en avez entendu assez pour savoir que
      dans  ces champs, et choisis parmi les plus simples, la surprise est grande
      quand nous  découvrons qu’il manque, par exemple la complétude. A savoir
      que l’on ne puisse 
  dire que quoi que ce soit qui s’y énonce doive être ou bien démontré ou bien
   démontré que non. Mais plus encore que dans tel champ, et parmi les plus simples,
    il peut être mis en question que quelque chose, quelque énoncé y soit démontrable.
     Qu’un autre niveau se dessine d’une démonstration possible. Qu’un énoncé n’y
      soit pas démontrable, mais qu’il devient très singulier et très étrange
      qu’en 
  certains cas, ce « pas démontrable » (p131->)
   lui même échappe pour quelque chose qui s’énonce dans le même champ . C’est 
  à savoir que, ne pouvant même pas être affirmé, qu’il n’est pas démontrable,
   une dimension distinctive s’ouvre, qui s’appelle le « non décidable ».
    Ces 
  échelles n’ont pas d’incertitude, mais de 
  défaut dans la texture logique sont-ce elles-même qui peuvent 
  nous permettre d’appréhender que le sujet comme tel pourrait, 
  en quelque sorte, y trouver son appui, son statut. La 
  référence, pour tout dire, qui, au niveau de l’énonciation, 
  ne satisfasse comme adhésion  à 
  cette faille même. Est-ce que qu’il ne vous semble pas que comme, peut-être, 
  à condition qu’un auditoire aussi  nombreux 
  y mette quelque complaisance, comme peut-être nous pourrons le faire sentir 
  dans quelque construction, quitte, comme je l’ai déjà fait, à propos de ce champ 
  de l’Autre, à l’abréger, il puisse être, en quelque sorte, rendu nécessaire 
  dans un énoncé de discours qu’il ne saurait même y avoir de signifiant, 
  comme, semble-t-il, on peut le faire, car à aborder ce champ de l’extérieur, 
  de la logique, rien ne nous empêche, semble-t-il de forger 
  le Signifiant dont se connote ce qui, dans l’articulation signifiante même, 
  fait défaut, s’il pouvait ce qu’ici je laisse encore en marge, s’articuler 
  ce quelque chose et c’est ce qui a été fait, qui démontre que ne peut 
  pas se situer ce signifiant dont un sujet, au dernier terme (p132->) 
  se satisfait, pour s’y identifier comme identique au 
  défaut même du discours – si vous me permettez ici cette formule abrégée 
  – est-ce que tous ceux qui sont ici et qui sont analystes ne se rendent pas 
  compte que c’est faute de toute exploration de cet ordre – 
  que la notion de la castration qui est bien ce que j’espère 
  vous avez senti au passage être l’analogue de ce que j’énonce, que la notion 
  de la castration reste si floue, si incertaine 
  et se trouve maniée avec l’épaisseur et la brutalité que l’on sait.
    A 
  vrai dire, dans la pratique, elle n’est pas maniée du tout. On lui substitue 
  tout simplement ce que l’autre ne peut pas donner. On parle de frustration là 
  où il s’agit de bien autre chose. A l’occasion, c’est par la voie de la privation 
  qu’on approche, mais vous le voyez cette privation est justement ce qui participe 
  de ce défaut inhérent au sujet qu’il s’agit d’approcher.
    Bref, 
  je ne ferai, pour quitter ce dont aujourd’hui je ne fais que tracer le pourtour 
  sans pouvoir même  prévoir ce que 
  d’ici la fin de l’année j’arriverai à vous faire supporter, que simplement, 
  en passant, j’indique que si quelque chose a pu être énoncé dans le champ de 
  la logique, vous pouvez - tous ceux, tout au moins, qui ici ont quelque notion 
  des derniers théorèmes avancés dans le développement de la logique, ceux-là 
  savent que c’est très précisément en tant que ce 
 , 
  à propos de tel système, système, (p133->) 
  arithmétique, par exemple, joue  proprement 
  sa fonction en tant que c’est du dehors qu’il compte, tout ce qui peut se théorématiser 
  à l’intérieur d’un grand A bien défini. Que c’est en tant, en d’autres termes, 
  que cet « il compte » , un homme de génie qui s’appelle Gödel a eu 
  l’idée de s’apercevoir que c’était à prendre à la lettre, qu’à condition 
  de donner à chacun des énoncés des théorèmes comme situables dans un certain 
  champ, leur nombre, dit « nombre de Gödel » , que quelque chose pouvait 
  être approché de plus sûr qui n’avait jamais été formulé concernant ces fonctions 
  auquelles je n’ai pu faire qu’allusion dans ce que je viens   
  préalablement d’énoncer,  quand 
  elle s’appelle la complétude ou la décidabilité.
    Il 
  est clair que tout diffère d’un temps passé où pouvait s’énoncer qu’après tout 
  les mathématiques n’étaient que tautologie, que le discours humain peut rester 
  car c’est un champ qui dans ce dire aurait tenu celui de la tautologie. Qu’il 
  y a quelque part un A qui reste un grand A identique à lui-même, que tout diffère 
  à partir du temps où ceci est réfuté. Réfuté de la façon la plus sûre. Que c’est 
  un pas, que c’est un acquis et qu’à quiconque se trouve confronté dans l’expérience, 
  dans une expérience qui nous paraît comme d’une aporie transcendante au regard 
  d’une histoire naturelle comme est l’expérience analytique, nous ne voyons pas 
  l’intérêt à aller prendre appui dans le champ de
(p134->) 
  

(p135->) 
ces structures. De ces structures, comme je l’ai dit, en tant
qu’elles sont structures logiques pour situer, pour mettre à leur place ce A
à quoi nous avons à faire dans le champ d’une tout autre énonciation, celle
que l’expérience freudienne permet et qu’aussi bien elle dirige.
    C’est
     donc d’abord en tant que l’Autre n’est pas consistant que l’énonciation
     prend  la tournure de la demande et c’est ce qui donne sa portée à ce qui,
     dans le  graphe complet, celui  que
     j’ai 
  dessiné ici, ici s’inscrit sous la formule 
 poinçon
  de D. Il ne s’agit que de ceci, qui s’énonce d’une façon 
  qui n’est pas énoncée en ceci, qui distingue tout énoncé. C’est qu’il y est
   soustrait ce « je dis » qui est la forme ou le « je » limite.
    Le « je » de la grammaire peut s’isoler hors de tout risque essentiel,
     peut se soustraire de l’énonciation et, de ce fait, la réduit à l’énoncé.
     Ce 
  « je dis que », de n’être pas soustrait, laisse intégral que, du
  seul  fait de la structure de l’Autre, toute énonciation, quelle qu’elle soit
  se fait  demande : demande de ce qui lui manque à cet autre ; qu’au
  niveau  de ce  
poinçon
   de D, la question double, c’est « je me demande ce que tu désires »,
    et son double qui est précisément la question que nous pointons aujourd’hui, 
  à savoir : «  je te demande non qui je suis, mais, plus loin encore,
   ce qu’est je .»
 
    (p136->) 
  

 
    (p137->)  
  Ici s’installe le nœud même, qui est celui que j’ai formulé en proférant 
  que le désir de l’homme c’est le désir de l’Autre, c’est-à-dire, que si je puis 
  dire, si vous prenez les vecteurs tels qu’ils se définissent sur ce graphe, 
  à savoir venant du départ de la chaîne signifiante pour ici, du carrefour désigné 
  par S poinçon de D, avoir ce retour qui complète la rétroaction ici marquée, 
  c’est bel et bien en ce point d (A) (désir de l’Autre) que convergent ces deux 
  éléments que j’ai articulés sous la forme « je me demande ce que tu désires ». 
  C’est la question qui se branche au niveau même de l’institution du A, ce que 
  tu désires, c’est-à-dire ce qui te manque, lié à ce que je te suis assujetti. 
  Et d’autre part, je te demande ce qu’est je, le statut du Tu comme tel, en tant 
  que c’est ici qu’il s’installe, je le marque de rouge ; ce statut est constitué 
  d’une convergence, une convergence qui se fait de toute énonciation en tant 
  que telle ; l’énonciation indifférente de l’analyse, puisque c’est ainsi 
  que la règle se pose en principe. Si elle tourne à la demande, c’est qu’il est 
  radicalement, de sa fonction même d’énonciation d’être demande, concernant le 
  Tu et le Je. Quant au Tu, c’est demandes convergentes, interrogation suscitée 
  par le manque lui-même, en tant qu’il est au cœur du champ de l’Autre, structuré 
  de pure logique, c’est précisément ce qui va donner valeur et portée à ce qui 
  se dessine, tout autant vectorisé de l’autre côté du graphe, c’est à savoir 
  que le division du sujet (p138->) (y) est 
  rendue sensible comme essentielle. C’est ce qui se pose comme Je. A la demande 
  de « qui est Je », la structure même répond par ce refus signifiant 
  de 
, tel que je 
  l’ai inscrit dans le fonctionnement de ce graphe, de même  
  que ce qui est ici le Tu, l’institue d’une  
  convergence entre la demande la plus radicale, celle qui nous est faite 
  à nous analystes, la seule qui soutienne, au dernier terme, le discours du sujet : 
  (je viens ici pour te demander… au premier temps c’est bien de « qui je 
  suis » qu’il s’agit. Si c’est au niveau du « qui est je » qu’il 
  est répondu, c’est bien sûr, que c’est la nécessité logique qui donne là ce 
  recul.
     Convergence,
     donc, de cette demande et, ici, quoi ? d’une promesse ; ce quelque
      chose qui, en 
,
      est l’espoir du rassemblement 
  de ce Je. C’est bien ce que, dans le transfert j’ai appelé du terme « le
   sujet supposé savoir », c’est-à-dire de cette prime conjonction, 
 
  lié à 
,
  en tant, comme je l’ai rappelé la dernière
   fois dans « la paire ordonnée », c’est lui, c’est cette conjonction,
    ce nœud qui fonde ce qui est savoir.
    Qu’est-ce 
  donc à dire ? Si le Je n’est sensible que dans ces deux pôles, eux, divergents, 
  qui l’un s’appelle ce que ici j’articule comme le non, le refus, qui  
  donne fo(rme) au  manque 
  de la réponse et quelque chose qui est articulé comme s (A), cette signification 
  quelle est-elle ? Car n’est-il pas sensible que tout ce discours que je 
  file (p139->) pour donner l’armature au Je, de l’interrogation dont s’institue 
  cette expérience, n’est-il pas sensible que je la poursuis en laissant en dehors, 
  au moins jusqu’à ce point où nous arrivons ici, aucune signification ? 
  Qu’est-ce à dire ? Qu’après vous avoir de longues années formés à fonder 
  sur la différenciation d’origine linguistique du signifiant comme matériel du 
  signifié ; comme son effet, je laisse ici soupçonner, apparaître que quelque 
  mirage repose au principe de ce champ défini comme linguistique la sorte d’étonnante 
  passion avec laquelle le linguiste articule que ce qu’il tend à saisir dans 
  la langue c’est pure forme, non contenu ?
     Je 
  vais ici vous ramener à ce point, qu’en ma première conférence, disons, 
  j’ai produit d’abord devant vous, et non sans intention, sous la forme du pot 
  – rien ( que ceux qui prennent des notes le sachant) n’est sans préméditation 
  dans ce qu’on pourrait, d’un premier champ, appeler mes digressions – et si 
  je suis revenu digressivement auparavant sur le pot de moutarde, ce n’est certes 
  pas sans raison. Et vous pourrez vous souvenirs que j’ai fait place à ce qui, 
  dans la forme première de son apparition, à ce pot, est hautement à signaler : 
  c’est qu’i n’y manque jamais, à sa surface, les marques du signifiant lui-même 
  –est-ce qu’ici ne s’y introduit pas ceci où le Je se formule ? – c’est 
  que ce qui soutien toute création humaine, celle (p140->) 
  dont nulle image n’a jamais paru meilleurs que l’opération du potier, c’est 
  très précisément de faire ce quelque chose ustensile qui nous figure par ses 
  propriétés, qui nous figure cette image que le langage dont il est fait – car 
  ou il n’y a pas de langage il n’y a pas non plus d’ouvrier :  
  que ce langage est un contenu. Il suffit un instant de penser que la 
  référence même de cette opposition philosophiquement traditionnelle de forme 
  et contenu c’est cette fabrication même qui est là pour l’introduire. Ce n’est 
  pas pour rien que j’ai, dans ma première introduction de ce pot, signalé que 
  là ou on le livre à l’accompagnement du mort dans la sépulture on y met cette 
  addition qui proprement le troue.  C’est 
  bien, en effet, que ce qui est son principe spirituel, son origine de langage, 
  c’est qu’il y a quelque part un trou par où tout s’enfuit. Quand il rejoint 
  à leur place ceux qui sont passés au-delà, le pot, lui aussi, retrouve sa  
  véritable origine, à savoir  le 
  trou qu’il était fait pour masquer dans le langage.  Aucune signification qui ne fuit au regard de ce que contient 
  une coupe. Et il est bien singulier que j’ai fait cette trouvaille qui n’était 
  certes pas faite au moment où je vous ai énoncé cette fonction du pot. Allant 
  chercher, mon Dieu, là où  je me 
  réfère d’habitude, à savoir dans le Bloch et Von Hurburg , ce qui peut en être 
  du pot, j’ai eu, si je puis dire, la bonne surprise de voir que ce terme, comme 
  en témoignent paraît-il le Bas-Allemand et le 
  (p141->) Néerlandais avec lesquels nous 
  l’avons en commun pré-celtique. Donc il nous vient de  
  loin ; du néolithique, pas moins.  
  C’est que pour avoir cette idée, au  
  moins lui donner une petite base, nous nous fondons sur ces pots qu’on 
  trouve d’avant l’invasion romaine, ou plus  
  exactement comme représentant ce qui était institué avant elle, à savoir 
  les pots qu’on déterre paraît-il dans la région de Trêves. Bloch Von  
  Warberg s’exprime ainsi : «  Nous voyons inscrit le mot Potus ». 
  C’en est assez, pour désigner l’origine très antique, puisqu’il s’agit d’un 
  usage, qu’ils indiquent que « Potus »  
  à titre hypochoristique, comme on s’exprime, peut désigner les fabricants. 
  Qu’importe ! La seule chose qui, pour moi importe, c’est que quand le pot 
  apparaît, il est toujours marqué, d’un signifiant qui le supporte. Le pot ici 
  nous donne  cette fonction distincte 
  de celle du sujet, pour autant que dans la relation au signifiant le sujet n’est 
  pas un préalable mais une anticipation ; il est supposé Ypokeimenôn, c’est 
  son essence, c’est sa définition logique. Supposé, presque induit, certainement 
  même il n’est pas le support. Par contre, c’est légitimement que nous pouvons  
  au signifiant donner un support fabriqué et même, dirais-je, ustensile. 
  L’origine de l’ustensile en tant qu’il distingue le champ, la fabrication « humaine » 
  est même proprement là.
     La
     signification comme produite, voilà ce qui (p142->)
      sert comme leurre, à nous voiler ce qu’il en est de l’essence du langage,
      en  tant que, par son essence, proprement il ne signifie rien. Ce qui le
      prouve  c’est que le dire dans sa fonction essentielle n’est pas opération
      de signification  et c’est bien ainsi que nous même analystes l’entendons.
      Ce que nous cherchons  c’est ceux qui n’ont pas d’Autre, mais hors de l’Autre
      comme tel, suspend ce  qui de l’autre s’articule, le
 ,
      comme hors du champ. Là  
  est la question de savoir quel en est le sujet. Et si ce sujet ne peut
   d’aucune façon être saisi par le discours, là aussi est la juste articulation
    de ce qui peut s’y substituer.
     Le 
  sens de ce qu’il en est de la castration s’équilibre avec celui de la jouissance, 
  mais il ne suffit pas d’apercevoir cette relation comme assurément dans ce qui 
  est manifesté dans un temps qui nous est proche, ou quelque chose en même temps 
  se crie besoin de vérité, appel à la jouissance. Il ne suffit assurément pas  
  d’aspirer à la jouissance sans entraves s’il est patent que la jouissance  
  ne peut s’articuler pour tout être, lui même inclus dans le langage et 
  l’ustensile, ne peut s’articuler que dans ce registre de reste inhérent à l’un 
  et à l’autre que j’ai défini comme le plus de jouir.
     C’est 
  ici que le 8 janvier nous reprendrons notre discours.
 
 note:
bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire, ou
si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par avance
de m'adresser un émail. Haut
de Page 
commentaire