XV- L'acte psychanalytique
                       version 
  rue CB                                                                                            note
6 Décembre 1967
(p65->)
      - « Dis-moi quelle est la première chose dont 
  tu te souviennes ? »
      - « Qu'est-ce que tu veux dire », répond l'autre, « 
  la première qui me vient à l'esprit ? »
      - « Non, le premier souvenir que tu aies eu ». Longue réflexion... 
  - « J'ai dû l'oublier ».
      - « Justement le premier que tu n'aies pas oublié ». Longue 
réflexion... - « J'ai oublié la question ».
      Ces quelques répliques que j'ai extraites pour vous (vous aurez mes sources) 
    d'une petite pièce fort habile et même pénétrante, 
    qui m'avait attirée par son titre qui contient deux personnages pour 
    moi, assez plein de sens: Rosencrantz et Guildenstern, l'un et l'autre, nous 
    dit ce titre, sont morts. 
  Plût au ciel que ce fût vrai! Il n'en 
    est rien, Rosencrantz et Guildenstern seront toujours là. Ces répliques 
    sont bien faites pour évoquer l'écart, la distance qu'il y a entre 
    trois niveaux de mathésis, d'appréhension savante. La première, 
    dont la théorie de la réminiscence que je vous ai représentifiée 
    la dernière fois par l'évocation du Menon, donne l'exemple. Je 
    la centrerai sur un « je lis » à une épreuve révélatrice. 
    La seconde, différente, qui est présentifiée dans le ton 
    - c'est le mot propre - du progrès de notre science, est un « j'écris 
  ». J'écris même quand c'est pour suivre la trace d'un écrit 
    déjà marqué, le dégagement de l'incidence signifiante 
    comme telle signifie notre progrès dans cette appréhension de 
    ce qui est savoir.
  
Ce que j'ai voulu vous rappeler par, non pas cette anecdote, mais ces répliques très bien forgées qui, en quelque sorte, désignant leur place elle-même, (p66->) d'aller se situer dans un nouveau maniement de ces marionnettes essentielles à la tragédie qui est vraiment la nôtre propre, celle d'Hamlet, celle sur laquelle je me suis longuement livré au repérage de la place comme telle du désir, désignant par là ceci qui a pu paraître étrange jusque-là que, très exactement, chacun y ait pu lire le sien.
      Ces trois répliques désignent donc ce mode propre de l'appréhension 
          sachant qu'il est celui de l'analyse et qu'il commence au « je perds ». 
          Je perds le fil. Là commence ce qui nous intéresse, à savoir, 
          - qui s'en étonne, ou ferait à cette occasion de grands yeux, 
          montrerait bien qu'il oublie ce qui a été l'entrée dans 
          le monde des premiers pas de l'analyse - le champ du lapsus, de l'achoppement, 
          de l'acte manqué.
  
Je vous en ai rappelé la présence dès mes premiers mots de cette année. Vous verrez que nous aurons à y revenir et que ce repère est essentiel à maintenir toujours au centre de notre visée si nous voulons ne pas perdre nous, la corde, quand il s'agit dans sa forme la plus essentielle de ce que j'appelle cette année l'acte psychanalytique. Mais aussi m'avez-vous vu presque à chaque reprise, et d'abord, le mode de quelque embarras dont je m'excuse, l'occasion n'était personne d'autre que votre assistance gracieuse. Je me suis posé sous une forme qui aujourd'hui se centre, la problématique de mon enseignement. Que veut dire ce qu'ici je produis, depuis maintenant quatre ans passés ? Il vaut bien d'en poser la question. Est-ce acte psychanalytique ? Cet enseignement se produit devant vous, à savoir public, comme tel il ne saurait être acte psychanalytique.
      Que veut dire dès lors que j'en aborde la thématique ? Est-ce 
  à dire, que je pense ici le soumettre à une instance critique 
              ? C'est une position qui, après tout serait assumable et d'ailleurs qui 
              a été assumée bien des fois, même si à proprement 
              parler ce n'est pas de ce terme d'acte dont on s'est servi. Il est assez frappant 
              que la tentative, chaque fois qu'elle a été faite par quelqu'un 
              de l'extérieur, n'ait donné que des résultats assez pauvres. 
              Or je suis psychanalyste, et dans l'acte psychanalytique je suis moi-même 
              pris. Peut-il y avoir chez moi un autre dessein que de saisir l'acte psychanalytique 
              du dehors ? Oui. Et voici comment ce dessein s'institue. Un enseignement n'est 
              pas un acte, il ne l'a jamais été. Un enseignement est une thèse, 
              comme on l'a toujours très bien formulé au temps où on 
              savait ce que c'était un enseignement dans l'Université, au beau temps 
          où ce mot avait un sens, ça voulait dire thèse. 
(p67->) Thèse suppose anti-thèse. A l'antithèse peut commencer l'acte. Est-ce à dire que je l'attends des psychanalystes ? La chose n'est pas si simple à l'intérieur de l'acte psychanalytique, mes thèses impliquent parfois des conséquences. Il est frappant que ces conséquences y rencontrent, je dis à l'intérieur, des objections qui n'appartiennent ni à la thèse ni à aucune autre antithèse formulable que les us et coutumes régnant parmi ceux qui font profession de l'acte psychanalytique. Il est singulier donc qu'un discours qui n'est point jusqu'ici, à l'intérieur de ceux qui sont dans l'acte psychanalytique aisé à contredire, rencontre dans certains cas obstacle qui n'est pas de contradiction. L'hypothèse qui guide chez moi la poursuite de ce discours est celle-ci, non pas certes qu'il y ait indication de critiquer l'acte psychanalytique, et je vais dire pourquoi, mais au contraire de démontrer, j'entends dans l'instance de cet acte, que ce qu'elle méconnaît c'est qu'à n'en pas sortir on irait beaucoup plus loin. Il faut donc croire qu'il y a quelque chose en cet acte d'assez insupportable, intenable à qui s'y engage, pour qu'il redoute d'approcher, faut-il dire, de ses limites, puisque aussi bien ce que je veux introduire c'est cette particularité de sa structure après tout assez connue pour qu'elle soit à chacun saisissable, mais qu'on ne formule presque jamais.
      Si nous partons de la référence que j'ai donnée tout à 
  l'heure, à savoir que la première forme de l'acte que l'analyse 
                ait pour nous inaugurée, c'est cet acte symptomatique dont on peut dire 
            qu'il n'est jamais si bien réussi que quand il est un acte manqué.
      Quand l'acte manqué est supposé, est contrôlé, il 
                  se révèle ce dont il s'agit, épinglons-le de ce mot dont 
                  j'ai déjà suffisamment insisté pour qu'il en sorte ravivé, 
              la vérité.
      Observez que c'est de cette base que nous partons, nous, analystes pour avancer. 
Il n'y aurait même sans cela aucune analyse possible, en ceci que tout 
                    acte même qui ne porte pas ce petit indice du ratage, autrement dit, qui 
                    se donne à lui-même un bon point quant à l'intention, n'en 
                    tombe pas moins exactement sous le même ressort, à savoir que peut 
  être posée la question d'une autre vérité que celle 
                    de cette intention. D'où il résulte que c'est proprement là 
  dessiner une topologie qui peut s'exprimer ainsi, qu'à seulement dessiner 
                    la voie de sa sortie, on y entre même sans y penser et qu'après tout la meilleure façon (p67->) d'y rentrer d'une façon 
                certaine c'est d'en sortir pour de bon.
      L'acte psychanalytique désigne une forme, une enveloppe, une structure 
                      telle qu'en quelque sorte il suspend tout ce qui s'est institué jusqu'alors, 
                      formulé, produit comme statut de l'acte, à sa propre loi. C'est 
                      aussi bien ce qui, du point où se tient celui qui à un titre quelconque 
                      s'engage dans cet acte, dans une position où il est difficile de glisser 
                      le biais d'aucun coin, ce qui, dès lors suggère que quelque mode 
                      de discernement doit être introduit. Il est facile d'épingler à 
  reprendre les choses au début, que s'il n'y a rien de si réussi 
                      que le ratage quant à l'acte, ce n'est pas dire pour autant qu'une réciprocité 
  s'établisse et que tout ratage en soi soit le signe de quelque réussite, 
                  j'entends réussite d'acte.
      Tous les trébuchements ne sont pas des trébuchements interprétables, 
                        c'est bien évident. Ce qui s'impose au départ d'une simple remarque 
                        qui est d'ailleurs aussi bien la seule objection qui ait jamais été 
  produite dans l'usage. Il suffit de commencer, auprès de quelqu'un de 
  « bon sens » comme l'on dit, à introduire - s'il est neuf, 
                        s'il n'a pas encore été immunisé, s'il a gardé quelque 
                        fraîcheur - la dimension des cogitations analytiques pour que les gens 
                        vous répondent: « Mais qu'est-ce que vous venez me raconter tant 
                        de choses sur ces bêtises que nous connaissons bien et qui simplement 
                        sont vides de tout appui saisissable, qui ne sont que du négatif ! ».
  Il est sûr qu'à ce niveau, le discernement n'a pas de règle 
                        sûre, et c'est bien ainsi qu'on constate qu'à se tenir en effet 
                        au niveau de ces phénomènes exemplaires, le débat reste 
                        en suspens. Il n'est pas inconcevable que, là où l'acte psychanalytique 
                        prend son poids c'est-à-dire où pour la première fois au 
                        monde il y a des sujets dont c'est l'acte que d'être psychanalystes, c'est-à-dire 
                        qui là-dessus organisent, groupent, poursuivent une expérience, 
                        prennent leurs responsabilités en quelque chose qui est d'un autre registre 
                        que celui de l'acte, à savoir un faire. Mais attention : ce faire n'est 
                    pas le leur.
      La fonction de la psychanalyse se caractérise clairement en ceci: qu'instituant 
                          un faire par quoi le psychanalysant obtient une certaine fin, que personne n'a 
                          encore pu clairement fixer, on peut le dire si l'on se fie à l'oscillation 
                          véritablement désordonnée de l'aiguille qui se produit 
                          dès que là-dessus on interroge les auteurs.
  
  
      (p69->) Ce n'est pas le moment de vous donner un éventail de cette oscillation, 
                          vous pouvez m'en croire et contrôler dans la littérature. La loi, 
                          la règle comme on dit, qui cerne l'opération appelée psychanalyse 
                          structure et définit « un faire ». Le patient, comme on s'exprime 
                          encore, le psychanalysant comme j'en ai introduit récemment le mot, épingle 
                          qui s'est diffusée rapidement, ce qui prouve qu'il n'est pas si inopportun 
                          et que d'ailleurs il est évident. Dire  le psychanalysé est laisse sur l'achèvement de la chose toutes les équivoques 
                          pendant qu'on est en psychanalyse. Le mot psychanalyse n'a de sens que d'indiquer 
                          une passivité qui n'est nullement évidente, c'est plutôt 
                          le contraire, puisque celui qui parle tout le temps c'est bien le psychanalysant. 
                      C'est déjà un indice.
      Ce psychanalysant dont l'analyse est menée à un terme dont, je 
                            viens de le dire, personne n'a strictement défini encore la portée 
                            de fin dans toutes les acceptions de ce mot, mais néanmoins il est supposé 
  que peut-être un faire réussit. L'épingler d'un mot comme 
                            : être, pourquoi pas, il reste pour nous assez blanc, ce terme, et assez 
                            plein pourtant pour qu'il puisse ici nous servir de repère. Qu'est-ce 
                            que serait la fin d'une opération qui assurément a à faire 
                            au moins au départ avec la vérité si le mot être 
                        n'était pas évocable à son horizon.
      L'est-il pour l'analyste ? A savoir celui qui est supposé avoir franchi 
                              un tel parcours sur les principes qu'il suppose et qui sont apportés 
                              par l'acte du psychanalyste. Inutile de s'interroger si le psychanalyste a le 
                              droit, au nom de quelque objectivité, d'interpréter le sens d'une 
                              figure donnée dans cette opération poétique par le sujet 
                              faisant. Inutile de se demander s'il est légitime ou non d'interpréter 
                              ce « faire » comme confirmant le fait du transfert. Interprétation 
                              et transfert sont impliqués dans l'acte par quoi l'analyste donne à 
  ce faire support et autorisation. C'est fait pour ça. C'est tout de même 
                              donner quelque poids à la présence de l'acte même si l'analyste 
                              ne fait rien. Donc cette répartition du faire et de l'acte est essentielle 
                              au statut de l'acte lui-même. L'acte psychanalytique, où est-il 
                              saisissable qu'il manifeste quelque achoppement? N'oublions pas que le psychanalyste 
                              est supposé parvenu en ce point où, si réduit soit-il, 
                              s'est pour lui produit cette terminaison que comporte l'évocation de 
                          la vérité.
      De ce point d'être, il est supposé l'Archimède capable de 
                                faire tourner tout ce qui se développe dans cette structure premièrement 
  évoquée dont le cernage d'un « je perds » par quoi 
                            j'ai commencé, donne la clé.
    (p70->) Peut-il être intéressant d'y voir se reproduire cet effet de perte 
                                    au-delà de l'opération que centre l'acte analytique ? Je pense 
                                    qu'à poser la question en ces termes, il vous apparaîtra aussitôt 
                                    qu'il n'est pas douteux que c'est dans les insuffisances de la production dirai-je, 
                                    analytique, que doit se lire quelque chose qui répond à cette 
                                    dimension d'achoppement. Au-delà d'un acte supposé faire fin mais 
                                    dont il faut bien supposer ce point magistral si nous voulons pouvoir parler 
                                    de quoi que ce soit le concernant, et aussi bien n'y a-t-il rien d'abusif à 
  l'évoquer quand les analystes eux-mêmes et qui peuvent tomber le 
                                    plus sous le coup de la désignation de cet achoppement - là où 
  je propose qu'on aille chercher l'incidence qui puisse compléter l'appui, 
                                    voire l'instaurer - de notre critique. Il n'y a rien d'abusif à parler 
                                    de ce point tournant, à parler du passage du psychanalysant au psychanalyste, 
                                    puisque par les psychanalystes eux-mêmes, ceci même que je viens 
                                    d'évoquer, la référence en est constante et donnée 
                                    comme condition de toute compétence analytique.
  
Ce pourrait être un travail infini de mettre à l'épreuve la littérature analytique, aussi bien en ai-je déjà pointé quelques exemples à l'horizon. J'ai cité dans mon premier cours de cette année l'article de Rappaport qui pourrait s'appeler en français (il est paru dans l'International Journal) « statut analytique du penser » : Thinking, participe présent. Il serait dans une assemblée aussi large, fastidieux, inefficace je pense, de prendre un tel article pour y voir manifester une extrême bonne intention, si je puis dire, une sorte de mise à plat de tout ce qui peut, de l'énoncé freudien lui-même, s'organiser d'une énonciation concernant ce qu'il en est de la fonction de la pensée dans l'économie dite analytique. Le frappant en serait que les déchirures qui se marquent à tout instant, l'impossibilité de ne pas faire partir par exemple ce montage ou démontage, comme on voudra, du thinking, du processus primaire lui-même et au niveau de ce que Freud désigne comme l'hallucination primitive, celle qui est liée à la première recherche pathétique, celle supposée par l'existence simplement d'un système moteur qui, dès lors qu'il ne rencontre pas l'objet de sa satisfaction, serait - au principe de l'explication du processus primaire - responsable de ce processus régressif qui fait apparaître l'image fantasmatique de ce qui est à chercher.
      La complète incompatibilité de ce registre 
  qui est pourtant à mettre au tableau de la pensée, avec ce qui, 
  (p71->) au niveau du processus secondaire, est 
  instauré d'une pensée qui est une sorte d'action réduite, 
  d'action au petit pied qui force à passer dans un tout autre registre 
  que celui qui a été évoqué d'abord, à savoir 
  l'introduction de la dimension de l'épreuve de la réalité, 
  ne manque pas d'être noté au passage par l'auteur qui, poursuivant 
  imperturbablement son chemin, en arrivera à s'apercevoir que non seulement 
  il n'y a pas deux modes et deux registres de pensée mais qu'il y en a 
  une infinité qui sont à peu près à échelonner 
  dans ce qu'auparavant les psychologues ont noté des étagements 
  de la conscience et par conséquent de complètement réduire 
  le relief de ce qui a été apporté par Freud à ce 
  qu'on appelle la réduction à la psychologie générale, 
  c'est-à-dire à son abolition. Ce n'est là qu'un exemple 
  léger et vous pouvez chacun, chacun à votre gré, aller 
  le confirmer. Si d'autres voyaient intérêt à ce que se tienne 
  un séminaire où quelque chose comme ceci serait suivi dans ses 
  détails - pourquoi pas - l'important me semble-t-il est qu'il soit complètement 
  éludé dans cette perspective de réduction, avec échec 
  conséquent. Ce qui est frappant, saillant, énorme, impliqué 
  dans la dimension du processus primaire, c'est quelque chose qui peut à 
  peu près s'exprimer ainsi, non pas « au commencement est l'insatisfaction 
  », ce qui n'est rien. Ce n'est pas que l'individu vivant court après 
  sa satisfaction ce qui est important, c'est qu'il y ait un statut de la jouissance 
  qui soit l'insatisfaction.
      A l'éluder comme originelle, comme impliquée dans la théorie 
                                          de celui qui l'a introduite, cette théorie peu importe qu'il l'ait ou 
                                          non exprimée comme ça, mais s'il l'a faite comme ça, c'est-à-dire 
                                          s'il a formulé le principe du plaisir comme jamais on ne l'avait formulé 
  avant lui, car le plaisir servait de toujours à définir le bien, 
                                          il était en lui-même satisfaction. A ceci près que personne 
                                          ne pouvait y croire, parce que tout le monde a su depuis toujours, qu'être 
                                          dans le bien ce n'est pas toujours satisfaisant. Freud introduit cette autre 
                                          chose : il s'agit de voir quelle est la cohérence de cette pointe avec 
                                          celle qui d'abord s'indique dans la dimension de la vérité.
  
J'ai ouvert par hasard une revue, je ne sais pas ce que c'est, un hebdomadaire, un trisannuel, dans lequel j'ai vu des signatures distinguées, l'une d'un côté de l'horizon où la bataille divine bat toujours son plein, celle pour le bien précisément, j'ai vu un article qui commençait par une sorte d'incantation autour du « le symbolique, l'imaginaire et le réel »... A quoi la personne referait l'illumination qu'avait apportée (p72->) dans le monde cette tripartition de quoi je suis responsable et de conclure vaillamment : à nous ça dit ce que ça dit, le Réel, c'est Dieu. Voilà comme on peut dire que je suis un appoint pour la foi théologique.
   Ça m'a quand même incité à quelque chose que j'essaierai 
                                              pour ceux qui sont nombreux à voir que ça se mélange, que 
                                              ce qu'on peut indiquer, si on prend ces termes autrement que dans l'absolu, 
c'est ceci :

 
      Le symbolique, on va le mettre, si vous voulez comme ça.
  
      L'imaginaire, on va le mettre par là et le réel... c'est complètement 
                                            idiot, comme ça.
Il n'y aurait vraiment rien à en faire, surtout pas un triangle rectangle, si, peut-être enfin, pour nous permettre un peu de poser les questions.

  (p73->)

Vous n'allez pas vous promener avec ça sur un papier en se disant : dans quel carré on va être ! Mais enfin quand même .
Si nous nous souvenons de ce que j'enseigne concernant le sujet comme déterminé par deux signifiants ou plus exactement par un signifiant comme le représentant à un autre signifiant, pourquoi ne pas mettre le Sujet barré comme une projection sur l'autre côté ? cela permettra de se demander ce qu'il en est du rapport du Sujet entre l'Imaginaire et le Réel.
 
      D'autre part ce I du trait unaire, celui dont on part pour voir comment effectivement 
  dans le développement du mécanisme, ce mécanisme de l'incidence 
  du signifiant dans le développement, se produit, à savoir : la 
  première Identification. Nous le mettrons aussi comme une projection 
  sur l'autre côté.
      La troisième fonction me sera donnée par ce " a " qui est quelque 
    chose comme une chute du Réel sur le vecteur tendu du Symbolique à 
  l'Imaginaire, à savoir comment le signifiant peut très bien prendre 
    son matériel, qu'est-ce qui y verrait obstacle, dans des fonctions imaginaires, 
    c'est-à-dire dans la chose la plus fragile, la plus difficile à 
  saisir, quant à ce qui est de l'homme, (p74->) non pas qu'il n'y ait pas chez 
    lui des images primitives destinées à nous donner un guide dans 
    la nature, mais justement, comme le signifiant s'en empare, c'est toujours bien 
  difficile à repérer dans son côté cru.
      Vous voyez que la question peut se poser de ce que représentent les vecteurs 
      unissant chacun de ces points repérés. Ça va avoir un intérêt 
      - c'est pour ça bien sûr que je vous prépare à ce 
      petit jeu - c'est que tout de même depuis que nous parlons de l'acte analytique, 
      nous n'avons pu faire que réévoquer les dimensions où se 
      sont déployés nos repérages concernant la fonction du symptôme quand nous l'avons mis comme échec 
      de ce qui est sachable, le savoir, ce qui toujours représente quelque 
      vérité. Nous mettrions ici ce qui constitue le pôle tiers 
  à savoir : la jouissance.
      Ceci introduit plus justement une certaine attache fondamentale de l'esprit 
humain à l'imaginaire, ceci introduit quelque chose qui peut vous aider 
  à la façon des points cardinaux et qui peut-être pourrait 
        servir de support chaque fois que j'évoquerai un de ces pôles, 
        par exemple comme aujourd'hui, je pose la question de ce qu'il en est de l'acte 
  de l'analyste par rapport à la vérité.
      Au départ la question peut et doit se poser, est-ce que l'acte psychanalytique 
          prend en charge la vérité ? Il a bien l'air, mais qui oserait 
          prendre en charge la vérité sans s'attirer la dérision 
          ? Dans certains cas je me prends pour Ponce Pilate, il y a une jolie image de 
          Claudel, Ponce Pilate qui n'a eu que le tort de poser cette question, il tombait 
          mal, c'est le seul qui l'ait posée devant la vérité. Ça 
          l'a foutu un peu de côté. D'où il résulte, (là 
  je reste dans le registre de Claudel, c'est lui qui a inventé ça) 
          que quand il se promenait par la suite, toutes les idoles (c'est toujours Claudel 
          qui parle) voyaient leur ventre s'ouvrir dans une dégringolade avec un 
  grand bruit de machine à sous.
      Je ne pose pas la question, ni dans un tel contexte ni avec une telle vigueur 
pour que j'obtienne ce résultat, mais enfin quelquefois ça approche. 
            Le psychanalyste ne prend pas en charge la vérité. Il ne prend 
            pas en charge la vérité parce qu'aucun des pôles n'est jugeable 
            en fonction de ce qu'il représente de nos trois sommets de départ, 
            c'est à savoir que la vérité, c'est au lieu de l'Autre, 
            l'inscription du signifiant. C'est-à-dire que ce n'est pas là comme ça la vérité, pas plus que la jouissance d'ailleurs, 
            qui a certainement rapport avec le Réel, mais dont justement le principe 
            du plaisir est fait pour nous (p75->) séparer. Quant au Savoir, c'est une fonction 
            imaginaire, une idéalisation incontestablement, c'est ce qui rend délicate 
            la position de l'analyste qui est au milieu, où c'est le vide, le trou, 
  la place du désir.

      Mais cela comporte un certain nombre de points tabous, en quelque sorte, de 
discipline, à savoir que puisqu'on a à répondre à 
  quelque chose, je veux dire ceux qui viennent consulter l'analyste pour trouver 
  plus d'assurance, eh bien mon Dieu, il arrive qu'on fasse une théorie 
                des conditions de l'assurance qui doit arriver à quelqu'un qui se développe 
  normalement. C'est un très beau mythe.
      Il y a un article d'Eric Erikson sur le rêve de l'injection d'Irma qui 
                  n'est pas fait autrement. Il énumère par étape, comment 
                  doit s'édifier l'assu-(p76->)rance du petit bonhomme qui a eu d'abord une mamie 
                  convenable, celle qui a bien entendu bien appris sa leçon dans les livres 
                  des psychanalystes, et il y a un échelonnement qui va tout à fait 
                  au sommet, à nous donner (je l'ai déjà évoqué 
  quelquefois) un QI ( et non un G'I ?? ) parfaitement assuré. C'est constructible. Tout est 
                  constructible en terme de psychologie. Il s'agit de savoir en quoi l'acte psychanalytique 
                  est compatible avec de tels déchets. Faut croire qu'il a quelque chose 
  à faire, et le mot déchet n'est pas à prendre là 
  comme venant au hasard. Peut-être qu'à épingler comme il 
                  convient certaines productions théoriques, on pourrait tout de suite 
                  repérer sur cette carte, puisque carte il y a, si socratique que ce n'est 
                  pas plus que celle que j'évoquais l'autre jour à propos du Menon, 
  ça n'a pas plus de portée, portée d'exercice, mais à 
  voir le rapport que peut avoir une production qui, en aucun cas, n'a fonction 
  par rapport à la pratique, que même les analystes les plus effervescents 
                  dans ces constructions en général optimistes ne respectent pas 
                  moins, nul psychanalyste ne va, sauf excès ou exception, à y croire 
  quand il intervient.
      La relation de ces productions avec le point naturel
  ici du déchet à 
  savoir le " a ", peut peut-être nous servir à progresser
  quant à 
  ce qu'il en est de la relation de la production analytique avec tel autre terme
  ;  par exemple, de l'idéalisation de sa position sociale que nous mettrions
   du côté du I.
      Bref, l'inauguration d'une méthode de discernement quant à ce 
                      qu'il en
  est des productions de l'acte analytique, de la part de perte, peut-être
   nécessaire je ne dis pas, qu'il comporte, ceci peut être de nature
    non point seulement à éclairer d'une vive lumière ce
    qu'il  en est de l'acte analytique, du statut qu'il suppose et qu'il supporte
    dans  son ambiguïté déployée ; et pourquoi s'arrêter
     en un point quelconque, de l'étendue de cette ambiguïté,
      jusqu'à, si je puis dire, ce que nous soyons revenus à notre
      point  de départ, s'il est vrai qu'il n'y a pas moyen d'en sortir,
      autant vaudrait  en faire le tour.
     C'est ce à quoi nous allons essayer de donner cette année une 
                        première image d'épreuve. Pour ceci, par exemple, je n'irai pas 
                        prendre les plus mauvais exemples bien entendu, il y a déchet et déchet, 
                        il y a des déchets ininterprétables, encore faites attention que 
                        cette désignation de l'ininterprétable n'est pas ici prise au 
  sens propre.
      (p77->) Prenons un auteur excellent, M. Winnicott. Il est remarquable que cet auteur 
auquel on doit une découverte des plus fines, je me souviens, et ne manquerai 
                          jamais d'y revenir en hommage dans mon souvenir, de ce que l'objet transitionnel 
                          comme il l'a donné a pu m'apporter de secours au moment où je 
                          m'interrogeais sur la façon de démystifier cette fonction de l'objet 
                          dit partiel, telle que nous la voyons soutenir pour en supporter la théorie 
                          la plus abstruse, la plus mythifiante, la moins clinique sur les prétendues 
                          relations développementales du prégénital par rapport au 
  génital.
      La seule introduction de ce petit objet qu'on appelle chez M. Winnicott l'objet 
transitionnel, ce tout petit bout de chiffon dont le bébé, dès 
                            avant ce drame autour duquel se sont accumulées tant de nuées 
                            confuses, dès avant ce drame de sevrage qui, quand nous l'observons n'est 
                            pas du tout forcément un drame, comme me le faisait remarquer quelqu'un 
                            qui n'est pas sans pénétration, il se peut que le sevrage, la 
                            personne qui le ressente le plus c'est la mère. La présence, la 
                            seule présence dans ce cas qui semble être en quelque sorte l'appui, 
                            l'arche fondamentale grâce à quoi tout ne sera plus jamais ensuite 
                            développé qu'en terme de rapport duel, le rapport de l'enfant 
                            et de la mère, il est tout de suite interféré par ces fonctions 
  de ce menu objet dont Winnicott va nous articuler le statut.
      Je reprendrai l'année prochaine ( le 10 janvier ) ces traits dont on peut 
                              dire que la description est exemplaire. Il suffit de lire M. Winnicott pour 
                              en quelque sorte le traduire. Il est clair que ce petit bout de chiffon ou de 
                              drap, morceau souillé à quoi l'enfant se cramponne, dont en quelque 
                              sorte il n'est pas rien de voir ici, le rapport avec ce premier objet de jouissance qui n'est pas du tout le sein de la mère, n'est jamais là à demeure, mais celui qui est toujours à portée : le pouce 
                              de la main de l'enfant. Comment les analystes peuvent-ils à ce point 
  écarter de leur expérience ce qui leur est apporté au premier 
                              chef de la fonction de la main, au point que pour eux que l'humain devrait s'écrire 
  l'hu-main (avec un trait d'union au milieu).
      Cette lecture que je vous conseille est dans le N° 5 de cette revue qui 
                                est passée longtemps pour la mienne, qui s'appelle : La psychanalyse. 
                                Il y a une traduction de cet objet transitionnel de Winnicott. Lisez ça. 
                                Rien de plus fatigant qu'une lecture et de moins propice à retenir l'attention. 
  
(p78->) Mais si quelqu'un la prochaine fois veut bien la faire, qui n'entendra pas que tout cela pour dire ce qu'est ce petit objet a, il n'est ni à l'intérieur, ni à l'extérieur, ni réel, ni illusoire. Il n'entre dans rien de toute cette construction artificieuse que le commun de l'analyse édifie autour du narcissisme en y voyant tout autre chose que ce pour quoi c'est fait, à savoir non pas pour faire deux versants moraux à savoir: d'un côté l'amour de soi-même et de l'autre celui de l'Objet, comme on dit.
      Il est très clair, je l'ai déjà fait ici, à lire 
                                    ce que Freud a écrit du Real Ich et du lust Ich, que c'était pour 
                                    nous de démontrer que le premier objet était le lust Ich, à 
  savoir moi-même la règle de mon plaisir et que ça le reste.
      Alors toute cette description aussi précieuse
  que fine de l'objet a,  il ne lui manque qu'une chose, c'est qu'on voit que
  tout ce qui s'en dit ne  veut rien dire que le bourgeon, la pointe, la première
  sortie de terre  de quoi? de ce que l'objet a commande à savoir le Sujet.
  Le Sujet comme  tel, qui fonctionne d'abord au niveau de cet objet transitionnel.
  Ce n'est certes  pas là épreuve faite pour diminuer ce qui peut
  se faire de production  autour de l'acte analytique. Mais vous allez voir ce
  qu'il en est quand Winnicott  pousse les choses plus loin, à savoir
  quand il est non pas l'observateur  du petit bébé (il en est
  plus qu'un autre capable), mais en repérant 
                                      sa propre technique concernant ce qu'il
  cherche, lui, à savoir, d'une 
                                      façon patente, je vous l'ai indiqué la
                                      dernière fois à 
  l'orée de la conférence, à savoir : La Vérité.
      Ce self dont il parle comme ce quelque chose qui est là depuis toujours, 
                                        en arrière de tout ce qui se passe, avant même que d'aucune façon 
                                        le sujet se soit repéré, quelque chose est capable de geler, écrit-il 
                                        la situation du manque. Quand l'environnement n'est pas approprié dans 
                                        les premiers jours, dans les premiers mois du bébé, quelque chose 
                                        peut fonctionner, qui fait ce freezing, cette gélation, assurément 
                                        c'est là quelque chose où seule l'expérience peut trancher. 
                                        Et là encore il y a au regard de ces conséquences psychotiques 
                                        quelque chose que Winnicott a fort bien vu. Mais derrière ce freezing, 
                                        il y a, nous dit Winnicott ce self qui attend. Ce self qui, de s'être 
                                        gelé, constitue le faux-self auquel il faut que M. Winnicott ramène 
                                        par un procès de régression dont ce sera l'objet de mon discours 
                                        la prochaine fois, de vous montrer le rapport à l'agir de l'analyste. 
  
(p79->) Derrière ce faux-self attend, quoi ? le vrai pour repartir. Qui ne voit quand déjà nous avons dans la théorie analytique ce Real Ich, ce Lust Ich, cet ego, ce id, toutes ces références déjà assez articulées pour définir notre champ, que l'adjonction de ce Self ne représente rien d'autre que comme c'est avoué dans le texte avec false et true, la vérité ? Mais qui ne voit aussi bien qu'il n'y a d'autre true-self, derrière cette situation que M. Winnicott lui-même, qui là se pose comme présence de la vérité.
      Ce n'est rien dire qui comporte en quoi que ce soit une dépréciation 
                                            de ce à quoi cette position le mène. Comme vous le verrez la prochaine 
                                            fois, extrait de son texte lui-même, c'est à une position qui s'avoue 
                                            devoir en tant que telle et de façon avouée sortir de l'acte analytique, 
                                            prendre la position de faire, par quoi il assume, comme s'exprime un autre analyste, 
  de répondre à tous les besoins du patient.
      Nous ne sommes pas ici pour entrer dans le détail de à quoi ceci 
                                              mène, nous sommes ici pour indiquer comment la moindre méconnaissance, 
                                              - et comment n'existerait-elle pas puisqu'elle n'est pas encore définie 
                                              - la moindre méconnaissance de ce qu'il en est de l'acte analytique, 
                                              entraîne aussitôt qui l'assume et d'autant mieux qu'il est plus 
                                              sûr, plus capable, - je cite cet auteur parce que je considère 
                                              qu'il n'y en a pas qui l'approche en langue anglaise - qu'aussitôt il 
                                              soit porté, noir sur blanc, à la négation de la position 
  analytique.
      Ceci à soi tout seul me paraît confirmer, donner amorce, sinon 
                                                appui encore à ce que j'introduis comme méthode d'une critique 
                                                par les expressions théoriques de ce qu'il en est du statut de l'acte 
                                                psychanalytique.
  
note 
  : 
  bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire, ou 
  si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par avance 
  de m'adresser un 
  émail. 
  
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