séminaire XIV- 
La logique du fantasme. 1966-1967
version rue CB
18 janvier 1967 note
 
 
 
          
  Nous 
  parlerons d’une pensée qui n’est pas “ je ” . Tel est d’un premier 
  abord flou, ce comme quoi se présente l’inconscient- La formule est certainement 
  insuffisante, elle a ce prix qu’elle met au pivot de ce que Freud produit pour 
  nous de décisif ; ce terme du je. Bien sûr, ce n’est pas là pour autant nous 
  permettre de nous contenter de cette formule vague encore que poétique qui, 
  d’ailleurs, n’est extraite de son contexte poétique toujours qu’avec un peu 
  d’abus, ce n’est pas tout dire que d’avancer que je est un autre. 
         
C’est pour ce1a qu’il est nécessaire d’en donner une articulation
logique plus précise : vous savez, la fonction de l’Autre, telle que je l’écris
avec A en est la fonction déterminante, il n’est pas seulement impossible,
d’articuler justement la logique de la pensée telle que l’expérience
Freudienne l’établit, il est impossible également, de comprendre quoi que ce
soit à ce qui est représenté dans la tradition philosophique telle qu’elle
est venue à nous, jusqu’à Freud, il est impossible de situer justement ce
qu’a représenté ce pas de la mise au centre de la réflexion de la fonction
du sujet comme tel si nous ne faisons pas entrer en jeu cette fonction de l’Autre
tel que je veux la définir quand je la marque de ce A, si nous ne nous
rappelons pas que j’appelle l’Autre ainsi marqué ce qui prend
fonction d’être le lieu de la parole. 
   
(p84->)
Qu’est-ce
que cela veut dire ? Nous n’y reviendrons jamais assez, encore que je crois
l’avoir déjà quelque peu martelé. 
          
  Freud quand il nous parle de cette pensée qui n’est pas “ je “, au niveau 
  par exemple de ce qu’il appelle les pensées du rêve, (Traumgedanken) 
  semble nous dire que ces pensées restant singulièrement indépendantes de toute 
  logique. Il souligne d’abord, aussi bien que leur système ne s’embarrasse pas 
  de la contradiction, plus d’un trait encore y est articu1é. Ceux qui disent 
  d’un premier abord, que la négation comme telle, ne saurait s’y représenter, 
  aussi bien l’articulation causale, de la subordination, le conditionnement semble 
  fuir ce qui de ces pensées en apparence sans chaîne, ne peut être retrouvé dans 
  son fil que par les voies de la plus libre association. 
         
Il y a là quelque chose que je ne rappelle que parce que pour beaucoup,
c’est encore là l’idée qui est reçue, c’est ce dont il s’agit dans
l’ordre de l’inconscient. 
         
En fait, parler du lien dénoué que représenteraient les pensées que
nous repérons au niveau de l’inconscient qui sont bien celles d’un sujet.
Dire que ces pensées ne suivent pas de lois logiques n’est qu’un abord
premier, lequel suppose quelque chose qui est plutôt une antinomie avec un réel
préconçu, ou plutôt une préconception de ce que doivent être les rapports
de toute pensée avec le réel. Ce réel, pensons-nous, c’est le juste et bon
ordre de tout efficace de la pensée qui devrait s’imposer à elle. A 1a vérité,
ceci ressortit trop au présupposé d’une logique pédagogique qui se
fonde sur un schéma de l’adaptation, pour ne pas à la fois justifier ce que
Freud, parlant à des esprits pas autrement formés, aussi bien pour toute réflexion
qui fait état de ce qu’il en est de différent, de ce qui est des rapports
d’un quelconque sujet avec le réel. Lui, sujet, ne se fonde, ne s’établit
que pour autant qu’il y a déjà dans ce réel, et s’exerçant comme tel, le
pouvoir du langage, nous oblige à porter plus loin notre interrogation. 
          
  Le pas que nous fait faire Freud, ne reste certes pas moins étonnant, 
  à vrai dire, prend la valeur qui fonde l’étonnement qu’il convient que soit 
  le nôtre à l’entendre, à ce que nous articulions plus précisément 
  ce qu’il renouvelle des rapports de la pensée à l’être. 
Assurément, ce thème venu à l’ordre du jour de par le discours de tel des philosophes contemporains, au premier plan Heidegger, mais quand le bruit qui se fait autour de ce qu’il articule, ce serait bien la force la plus naïve de traduire ce qu’il appelle, comme ce je ne sais quel rappel qui devrait, à ce tournant où nous sommes, venir de l’être lui-même à la pensée pour qu’elle soit renouvelée, qu’elle rompe avec ce qui du fil qu’elle a suivi depuis quelques 3.000 ans, l’a menée à je ne sais quelle impasse où elle ne se saisirait plus elle-même dans son essence et où l’on pourrait s’interroger comme le fait Heidegger . “ Que veut dire pensée ” ?
 
    
  (p85->) 
            
Ce
n’est pas là le sens du test de Heidegger, pour ceux qui s’y arrêteraient
on pourrait évoquer l’humoristique ou dérisoire métaphore de celle de la
fille qui ne sait pas autrement s’offrir qu’à s’étaler sur un lit les
membres à hue et à dia, attendant que l’initiative vienne de celui auquel
elle pense ainsi s’offrir, ce n’est pas une aventure si rare en un temps de
médiocre civilisation. Chacun sait que le personnage qui s’y trouve confronté
n’y est pas pour autant stimulé à intervenir comme il conviendrait. Que la
pensée, n’est pas une image du même ordre, qu’i1s consentent à se
rappeler que ce n’est pas toujours sans un petit peu de peine que se fait la
vraie conjugaison. C’est bien, en fait, quelque chose qui a à contribuer à
ce problème de l’être que nous apporte le chemin qu’a tracé Freud. 
          
  La jonction, les conséquences de ce qui résulte pour la pensée, de ce 
  pas décisif, de ce pas tranché qui est celui que nous avons appelé par une sorte 
  de convention historiquement fondée : le pas cartésien, à savoir ce qui limite 
  l’instauration de l’être comme tel à celui du : “ je suis “ du 
  cogito, autrement dit, le “ je suis ” qui implique le pur fondement 
  du sujet du “ je pense “, comme tel, pour autant qu’il donne cette 
  apparence, car ce n’est qu’une apparence, d’être transparent à lui-même d’être 
  ce que nous pourrons appeler : une “ je suis pensée ” 
          
  Permettez-moi, avec ce néologisme, de traduire ou de supporter ce qui 
  est caricaturalement appelé : “ conscience de soi ”, terme qui résonne 
  mal et insuffisamment auprès de l’usage qu’en permet la composition germanique. 
  Mais aussi bien au niveau de Descartes et du Cogito, c’est d’une 
  “ suis-pensée “ qu’il s’agit, ce “ je pense “ c’est au moment 
  où il ne se supporte plus que d’articuler le “ je pense “. 
         
C’est de la suite de la conséquence de ceci, en tant que c’est de la
démarche décisive qu’il s’agit. Je veux dire que c’est dans une pensée
déterminée par ce pas premier que s’inscrit la découverte de Freud. 
          
  J’ai parlé de l’Autre. Il es clair qu’au niveau du cogito 
  cartésien, il y a remise à la charge de l’Autre, des conséquences de ce pas. 
  Si du cogito ergo sum n’implique pas ce que Descartes inscrit en toutes 
  lettres dans ces “ regulas ” où se lisent si bien les conditions qui 
  l’on déterminé comme pensée, si le cogito ne se complète pas d’un “ 
  sum ergo deus est”, ce qui, assurément, rend les choses bien plus aisées, 
  il n’est pas tenable, et pourtant s’il n’est pas tenable comme articulation, 
  j’entends philosophique, il n’en reste pas moins que le bénéfice est acquis, 
  que la démarche qui réduit a cette mince marge de l’être pensant en tant qu’il 
  pense pouvoir se fonder de cette seule pensée comme “je suis “. Il reste que 
  quelque chose est acquis dont les conséquences se lisent très vite d’ailleurs 
  dans une série de contradictions, car c’est bien le lieu de marquer par exemple 
  que le fondement prétendu de (p86->) la simple 
  intuition qui enverrait se distinguer radicalement la chose étendue de la chose 
  pensante, la première comme étant fondée d’une extériorité l’une à l’autre de 
  ses parties, du fondement partès extra-partès comme caractéristique de l’étendue 
  est à très bref délai annihilé par la découverte newtonnienne dont on ne souligne 
  pas assez que la caractéristique qu’elle donne à l’étendue, c’est précisément 
  qu’en chacun de ses points nulle masse n’en ignore ce qui se passe à l’instant 
  même dans tous les autres points. 
          
  Paradoxe évident, qui a donné aux contemporains et plus spécialement 
  aux cartésiens beaucoup de mal à l’admettre, une réticence qui n’a 
  pas tari et où se démontre quelque chose qui pour nous, se complète certainement 
  de ceci : que la chose pensante s’impose à nous, de l’expérience freudienne, 
  comme étant elle, cette chose toujours pointée d’un(e) unification 
  indéfectible, mais bien au contraire comme marquée, caractérisée d’être morcelée, 
  voire morcelante, porter en elle cette même marque qui se développe, se démontre 
  dans tout le développement de la logique moderne, à savoir que ce que nous appelons 
  la machine dans son fonctionnement essentiel est ce qu’il y a de plus proche 
  d’une combinatoire de notation, et que cette combinatoire de notation est pour 
  nous le fruit le p1us précieux, le plus indicatif du développement de la pensée. 
  
          
  Freud 
  ici apporte sa contribution à démonter ce qui résulte du fonctionnement effectif 
  de cette face de la pensée, je veux dire, de ses rapports qui n’ont 
  point avec le sujet de la démonstration mathématique donc nous allons rappeler 
  quelle est l’essence, mais avec un sujet qui est celui que Kant appellerait 
  sujet pathologique, c’est-à-dire avec le sujet en tant que de cette sorte de 
  pensée il peut pâtir.
         
Le
sujet souffre de la pensée en tant, dit Freud, qu’il la refoule. Le caractère
morcelé, morcelant de cette pensée refoulée est ce que nous enseigne l’expérience
de chaque jour dans 1a psychanalyse. 
C’est pourquoi c’est une mythologie grossière et malhonnête de présentifier comme fond de notre expérience, je ne sais quelle nostalgie d’une unité primitive, d’une pure et simple pulsation de la satisfaction, dans un rapport à l’autre qui est ici le seul qui compte et qu’on image, qu’on représente comme l’autre d’un rapport nourricier, le pas suivant, plus scandaleux si je puis dire, encore que le premier devenant nécessairement ce qui se passe, ce qui s’articule dans la théorie psychanalytique moderne en long et en large, la confusion de cet autre nourricier avec cet autre sexuel.
         
Il n’y a vraiment de salut de la
pensée, de préservation possible de la vérité introduite par Freud mais
aussi bien d’honnêteté technique qui ne doivent se fonder sur les cannes de
ce leurre grossier, de cet abus scandaleux qu’il représente d’une sorte de
pédagogie à rebours, dont l’usage délibéré d’une capture par une sorte
d’illusion spécialement intenable devant quiconque jette un regard droit sur
(p87->) ce qu’est l’expérience
psychanalytique. Rétablir
l’autre dans ce seul statut qui est celui du lieu de la parole est le point de
départ nécessaire où chaque chose dans notre expérience analytique peut
reprendre sa juste place. 
         
Définir
l’Autre comme lieu de la paro1e, c’est dire qu’i1 n’est rien d’autre
que le lieu où l’assertion se pose comme véridique. C’est dire du même
coup qu’il n’a aucune autre espèce d’existence. Mais comme le dire,
c’est encore faire appel à lui pour situer cette vérité, c’est la faire
ressurgir chaque fois que je parle. C’est pourquoi, ce dire, qui n’a aucune
espèce d’existence je ne peux pas le dire, mais je peux l’écrire, c’est
pourquoi j’écris  S ,  signifiant du 
comme constituant un des points nodaux de ce réseau autour duquel s’articule
toute la dialectique du désir en tant qu’elle se creuse de l’intervalle
entre l’énoncé et l’énonciation. 
Il
n’y a nulle insuffisance, nulle réduction à je ne sais quel geste gratuit
dans ce fait affirmé que 1’écriture S, signifiant du   
,
joue ici pour notre pensée, un rôle de pivot essentiel, car
il n’y a aucun autre fondement à ce qu’on appelle vérité mathématique,
sinon que le recours à l’Autre, en tant que ceux à qui je parle sont
priés de s’y référer, j’entends en tant que grand Autre, pour y
voir s’inscrire les signes de nos conventions initiales quant à ce gui en est
de ce que je manipule en mathématique qui est exactement ce que M. Bertrand
Russel, expert en la matière, ira jusqu’à oser désigner de ces termes : que
nous ne savons pas de quoi nous parlons, ni si ce que nous disons a la moindre vérité.
En effet, pourquoi pas ?
         
Simplement,
le recours à l’Autre en tant que dans un certain champ correspondant
à un usage limité de certains signes, i1 est incontestable que, ayant parlé,
je peux écrire et maintenir ce que j’ai dit. 
Si je ne puis, à chaque temps du raisonnement mathématique, faire ce mouvement de va et vient entre ce que j’articule par mon discours et ce que j’y inscris comme étant établi, il n’y a aucune progression possible de ce qui s’appelle vérité mathématique, et c’est là toute l’essence de ce qu’on appelle en mathématique : démonstration.
         C’est 
  précisément du même ordre qu’est ce dont il s’agit; le recours à l’Autre 
  est dans tout effet de la pensée, absolument déterminant. Le “ je suis " 
  du “ je pense “ cartésien, non seulement ne l’évite pas, mais s’y fonde 
  avant 
  même 
  qu’il soit forcé, cet Autre, de le placer à un niveau d’essence divine. 
  Rien que pour obtenir de l’interlocuteur la suite, le “ donc je suis ”, 
  cet Autre directement appelé, c’est à lui, à la référence à ce lieu de la 
  Parole que Descartes s’en remet pour un discours qui appelle le consentement 
  à faire ce que je suis en train de faire devant vous, à m’exercer au doute, 
  vous ne direz pas que “ je suis ”, 1’argument est ontologique dès cette 
  étape, s’il n’a pas le tranchant de l’argument de St Anselme, s’il est plus 
  sobre, il n’est pas pour autant sans comporter des conséquences qui sont celles 
  où nous allons venir maintenant, et qui sont ce1les qui résultent de devoir 
  écrire par un signifiant que cet Autre n’est pas autre chose. 
         
(p88->)
St
Anselme, je vous avais prié pendant ces vacances de vous reporter à un certain
chapitre pour que la chose ne reste pas en l’air, je vous rappellerai de quel
ordre est ce fameux argument qui, est injustement déprécié et qui est bien
fait pour mettre dans tout son relief la fonction de cet Autre. L’argument ne
porte d’aucune façon sur ceci : que l’essence la plus parfaite impliquerait
l’existence (Chapitre II du Fidès Clerens telecum), articule
l’argument de ce qu’il appelle : l’insensé. 
L’insensé, dit l’Écriture, a dit dans son cœur qu’il n’y a point de Dieu. L’argument consiste à dire : insensé, tout dépend de ce que vous appelez Dieu. Comme il est c1air que vous appelez Dieu l’être le plus parfait, vous ne savez pas ce que vous dites, car, dit St Anselme, je sais bien moi, St Anselme, qu’il ne suffit pas que l’idée de l’être le plus parfait existe comme idée, pour que cet être existe, mais si vous, vous considérez que vous êtes en droit d’avoir cette idée, que vous dites que cet être n’existe pas, à quoi ressemblez-vous, si par hasard il existe . Car vous démontrez alors qu’en formant l’idée de l’être le plus parfait vous formez une idée inadéquate puisqu’elle est séparée de ceci : que cet être peut exister et que comme existant il est plus parfait que l’idée qui n’implique pas l’existence.
C’est une démonstration de l’impuissance de la pensée, chez celui qui l’articule, par un certain biais critique concernant l’inopérance de la pensée el1e- même. C’est lui démontrer qu’articulant quelque chose sur la pensée, lui-même ne sait pas ce qu’il dit. Pourquoi ce qui est à revoir est ailleurs, au niveau du statut de cet être où je ne peux pas faire autrement que de m’établir, chaque fois que quelque chose s’articule qui est le champ de la parole.
         
Cet Autre, personne n’y croit. A
notre époque, des plus dévots aux plus libertins, si tant est que ce terme ait
encore un sens ! tout le monde est athée. 
          
  Philosophiquement, 
  tout est intenable qui se fonderait sur une forme d’existence quelconque de 
  cet Autre. C'est pourquoi tout se réduit dans la portée du “ je 
  suis “ qui suit le « je pense », à ceci : que ce “ je pense” 
  fait sens, mais exactement de la même façon que n’importe quel non-sens fait 
  sens, tout ce que vous articulez à cette seule condition, je vous ai déjà enseigné, 
  que soit maintenue une certaine forme grammaticale. Ai-je besoin de revenir 
  sur les : green colorless... Tout ce qui a simple forme grammaticale 
  fait sens, ceci ne veut rien dire d’autre qu’à partir de là on ne veut pas aller 
  plus loin, autrement dit : la stricte considération de la portée logique que 
  comporte toute opération de langage, s’affirme dans ce qui est l’effet fondamental 
  et sûr de ceci qui s’appelle : aliénation, et qui ne veut pas dire du tout que 
  nous nous en remettons à l’Autre, mais au contraire, que nous nous apercevons 
  de la caducité de tout ce qui se porte sur ce secours à l’Autre dont 
  ne peut subsister que ce qui fonde le cours de la démonstration mathématique, 
  le raisonnement par récurrence, et que nous pouvons démontrer que si quelque 
  chose qui est vrai pour “ N “ l’est aussi pour “ N-1 “, il suffit que nous (p89->) 
  sachions ce qu’il en est pour “ 
  N - 1 
  " pour pouvoir affirmer que la même chose est vraie de toute la 
  série des nombres entiers, et après, s’ils ne comportent aucune 
  autre 
  conséquence de la nature d’une vérité qui est celle que j’ai épinglée de l’appréciation 
  de B. Russell, pour nous, nous devons poser, puisque quelque chose vient nous 
  révéler la vérité qui se cache derrière cette conséquence. Nous n’avons nullement 
  lieu de reculer devant ceci qui est essentiel : que le statut de la pensée, 
  en tant que s’y réalise l’aliénation comme chute de l’autre, est composé de 
  ceci : qui dans ce champ blanc, en haut à gauche, qui correspond au statut du 
  Je qui est celui du je tel qu’il s’articule d’un je ne pense pas. 
  Moyennant quoi ce qui le complète et que je désigne du S et que j’ai 
  articulé la dernière fois comme étant complément. 
          
  Lisez M. 
  Wittgenstein. 
          
  Ne croyez pas que parce que toute 
  une école qui s’appelle logico-positiviste nous rabat les oreilles d’une série 
  de considérations anti-philosophiques des plus insipides et des plus médiocres, 
  que le pas de M. Wittgenstein 
  ne soit rien. 
         
Cette
tentative d’articuler ce qui résulte d’une considération logique telle
qu’elle puisse se passer de l’existence du sujet, vaut bien d’être suivis
dans tous ses détails et je vous en recommande la lecture. 
          
  Pour 
  nous, freudiens, par contre ce que cette grammatica1e du langage représente, 
  est la même chose que ce qui fait que quand Freud veut articuler la pulsion, 
  il ne peut faire autrement que de passer par la structure grammaticale qui seule, 
  donne son champ complet et ordonné à ce qui en fait quand Freud à partir de 
  la pulsion vient à dominer, je veux dire : à constituer les deux seuls exemples 
  fonctionnant de pulsion comme telle à savoir : la pulsion scopto-phylique et 
  la pu1sion sado-masochiste. Il n’est que dans un monde de langage que puisse 
  prendre sa fonction dominante (le : “ je veux voir ” laissant ouvert 
  de savoir d’où et pourquoi je suis regardé.) II n’est que dans un monde de langage, 
  comme je l’ai dit 1a dernière fois pour le pointer seulement au passage, qu’un 
  enfant est battu à sa valeur pivot. Il n’est que dans un monde de langage que 
  le sujet de l’action va surgir la question qui le supporte, à savoir : pour 
  qui agit-il ? 
Sans doute rien, rien ne peut se dire sur ce qu’il en est de ces structures. Notre expérience pourtant nous affirme que ce sont elles qui dominent et non pas ce qui rôde dans on ne sait quel couloir de l’assemblée analytique, à savoir : une pulsion génitale, que quiconque serait bien incapable de définir comme telle, que ce sont elles qui donnent leur loi à la fonction du désir.
Mais ceci ne peut être dit, sinon à répéter les articulations grammaticales où elles se constituent, c’est-à-dire à exhiber dans les phrases qui les fondent, ce qui pourra être déduit des diverses façons que le sujet aurait de s’y loger. Rien ne peut en être dit, sinon ce que nous entendons en fait, à savoir : le sujet dans sa plainte, à savoir pour autant qu’il ne s’y retrouve pas, le désir qu’il (p90->) fonde pour lui, a sa valeur ambiguë d’être un désir qu’il n’assume pas, qu’il veut que malgré lui, c’est bien pour revenir sur ce point que nous articulons tout ce que nous avons ici devant vous à dérouler, c’est bien parce qu’il en est ainsi, et parce qu’on a osé le dire, qu’il faut examiner d’où ce discours a pu partir.
         
Il a pu partir de ceci : qu’il est
un point d’expérience d’où nous pouvons voir ce qu’il en est de la vérité
de ce que j’appellerai obscurcissement, étranglement, impasse de la situation
subjective, sous cette incidence étrange dont le ressort dernier est à fonder
dans le statut du langage.
Il est au niveau où la pensée existe comme ce n’est pas “ je ” qui pense, cette pensée telle qu’elle est là supportée par cette petite navette en bas du schéma qui porte le I , cette pensée qui a le statut de pensée de l’inconscient implique ceci ; qu’elle ne peut dire, et c’est là le statut qui lui est propre, ni “ donc je suis ” ni même le donc “ je ne suis pas ” qui pourtant la complète et est son statut virtuel au niveau de l’autre, car c’est là que cet autre est seulement là, qu’il maintient son instance, c’est là où le “ je ” comme tel, ne vient s’inscrire effectivement que d’un “ je ne suis pas ” qui est supporté par ce fait qu’il se supporte d’autant d’autres qu’il y en a pour constituer un rêve. Que le rêve, nous dit Freud, est essentiellement égoïstique, que dans ce que nous présente le rêve, nous avons à reconnaître l’instance du Ich, sous un masque, mais aussi bien que c’est en tant qu’il ne s’y articule pas comme Ich, qu’il s’y masque, qu’il y est présent. C’est pourquoi la place dans toutes les pensées du rêve est marquée dans sa partie droite (cf schéma) par cette aire b1anche où se désigne que le Ich comme tel, il nous est indiqué en chacune des pensées du rêve de le retrouver et que ce qui va constituer ce que Freud appelle Traum inhalt, c’est à savoir : cet ensemble de signifiants dont un rêve est constitué par les divers mécanismes qui sont ceux de l’inconscient : condensation, déplacement. Si le Ich y est présent dans tous, c’est en ceci qu’il y est dans tous, c’est-à-dire qu’il y est absolument dispersé.
          
  Qu’est-ce à dire ? Quel est le statut 
  qui reste aux pensées qui constituent cet inconscient, si ce n’est d’être ce 
  que nous dit Freud : à savoir ces signes par où chacune des choses, au sens 
  où je l’ai dit la dernière fois, choses de rencontres, jouant les unes par rapport 
  aux autres, cette fonction du renvoi qui nous fait dans l’opération 
  psychanalytique perdre un temps dans leur foison, comme dans un monde inordonné. 
  
          
  Quelle 
  va être l’opération que réalise Freud, particulièrement, dans cette partie de 
  la Traumdeuntung qui s’appelle : le travail du rêve, sinon de nous 
  montrer ce qu’il articule, au début de ce chapitre de la façon la plus claire, 
  en toutes lettres quoiqu’en disent les personnes qui me lisent ces temps-ci 
  pour la première fois et qui s’étonnent depuis tant d’années que j’articule 
  que 1’inconscient est structuré comme un langage, 1a Traum inhalt, 
  le contenu du rêve, est donné tout comme dans une écriture 
  faite d’images, ce qui désigne les hiéroglyphes dont les signes sont seulement 
  dans la langue les pensées du rêve, et toute la suite sur la comparaison avec 
  un rébus, sur le fait qu’on ne comprend un rébus qu’à le lire et à l’arti-(p91->)culer, 
  sinon i1 est absurde (de ) voir une image, nous dit-il, composée d’une 
  maison sur laquelle il y a un navire, ou d’une personne en train de courir avec 
  à la place de sa tête une virgule ! Tout ceci n’a de sens que dans une langue, 
  qu’après avoir dit que le monde des pensées du rêve est de nature illogique 
  je vous prie de vous reporter au texte de Freud, pas simplement pour vous témoigner 
  ce qui est patent et grossièrement illustré à chaque page, à savoir : qu’on 
  ne parle jamais de langage, mais à voir que ce qu’il articule, c’est toutes 
  les façons qu’il y a pour que dans ce monde les choses, mais qu’est-ce que cela 
  veut dire ? cela veut dire les : Bedeuntung, de ce à quoi ça se rapporte, 
  ce sens du rébus. Ce à quoi ça se rapporte, c’est-à-dire, !es images qui le 
  constituent, qu’est-ce que Freud fait, sinon de nous montrer comment dans une 
  certaine façon justement de les altérer ces images on peut désigner l’indice 
  grâce à quoi dans leur suite nous retrouvons toutes les fonctions grammaticales, 
  d’abord éliminées et pour montrer comme s’exprime le rapport d’une subordonnée 
  à une principale, (lisez ce chapitre énorme de la Traumdeutung VI) 
  comment une relation cachée peut s’exprimer. Comment aussi bien, fait sa rentrée 
  la forme de la Traum inhalt très précisément vous y trouverez des choses 
  dont la parenté avec les repères que je vous ai donnés, livrés ici vous paraîtront 
  évidents comme la fonction de l’ou bien ou bien, qui sert dit-il à exprimer, 
  parce qu’on en peut pas faire autrement, à regarder de près vous y trouverez 
  ce que je vous ai dit, c’est-à-dire : l’ou bien - ou bien, suspendu entre deux 
  négation. Vous avez justement la mène valeur que dans la négation de cette conjonction. 
  Ces trucs vous paraîtront p1us en avant dans leur résultat que ceux que vous 
  livre Freud, mais Freud vous en dit suffisamment pour vous inciter à aller dans 
  la même voie, c’est-à-dire que quand vous prendrez le rêve Cecerne , ou le rêve 
  où il fait fermer ou bien un oeil, ou bien deux yeux, vous vous apercevrez ce 
  que ça signifie, ça veut dire qu’on 
  en 
  peut pas avoir à la fois un oeil ouvert ou deux yeux ouverts, que ce n’est pas 
  la même chose. 
          
  La légitimité de la logique 
  du fantasme est ce quelque chose à quoi tout le chapitre de Freud nous prépare, 
  une logique de ces pensées, à savoir, ceci qui peut dire : elle exige, se supporte 
  du lieu de l’Autre qui ne peut précisément ici s’articuler que d’un 
  “ donc je ne suis pas”. 
          
  Ainsi nous voici suspendu au niveau 
  de cette fonction, à “tu n’es pas, donc je ne suis pas ”, est-ce que 
  ça ne chatouille pas vos oreilles d’une certaine façon ? Est-ce à dire ? Faut-il 
  en pousser le sens plus loin qui donne sa vérité “ tu n’es que 
  ce que je suis “. Chacun sait et peut reconnaître que si le sens de l’éros 
  c’est bien en effet cette formule qui la donne : l’amour aussi bien dans son 
  émoi, dans son élan naïf, comme dans beaucoup de ses discours, ne se recommande 
  pas comme fonction de la pensée. Je veux dire que si une telle formule “ 
  tu n’es pas, donc je ne suis pas “ sort le monstre dont nous connaissons 
  assez bien les effets dans la vie de chaque jour, c’est pour autant que cette 
  vérité, celle du “tu n’es pas, donc je ne suis pas “  est 
  dans l’amour rejetée. Les manifestations de l’amour dans le réel c’est 
  la caractéristique qui est celle que j’énonce de toute Verwerfung, 
  à savoir les effets les plus incommodes et les plus déprimants, c’en est bien 
  là une illustration de plus, que les lois de l’amour ne sont nulle part à désigner 
  comme si aisément tracées. 
(p92->)
          
  A l’époque de Descartes ces lois 
  n’étaient ignorées de personne, nous étions à l’époque d’Angelus Silesius qui 
  osait dire à Dieu : “ si je n’étais là, toi, Dieu, en tant que Dieu 
  existant tu n’y serais pas non plus”. En cette époque on 
  peut 
  parler du problème de la nôtre. On peut s’y replacer de ce qui nous fait  impasse
          
  Que Freud, nous dit-il, 
  ait porté plus loin l’examen de sa logique, si vous aviez encore gardé le moindre 
  doute concernant la nature de cette subversion, qui fait de la Bedeutung 
  en tant que nous la saisissons au moment de son altération, de sa torsion, de 
  son amputation, de son ablation, le ressort qui peut nous permettre d’y reconnaître 
  la fonction rétablie de la logique. Si vous aviez encore le moindre doute, vous 
  verriez ces doutes s’évanouir à voir comment Freud dans le rêve réintègre ce 
  qui y apparaît comme jugement. Que ces jugements soient internes au vécu de 
  ce rêve, mais plus encore ils se présentent comme jugement en apparence au réveil.
         
Quand,
nous dit-il à propos du rêve, quelque chose dans le récit du rêveur et
s’indique comme étant un moment de flottement, d’interruption, une lacune
comme autrefois je disais au temps où je faisais état de lacune :
luncen, une rupture dans le récit que moi, rêveur, je peux vous en donner,
cela même est à rétablir, nous dit Freud, comme faisant partie du
texte
du rêve. 
         
Qu’est-ce que ceci désigne ? Il
me suffira de vous reporter quelque part dans ce que Freud nous en donne comme
exemple : un de ces rêveurs dit, je dînais avec Fraulein K. dans le restaurant
du Volskgarden, 1à c’est le passage où je n’ai rien à dire, il ne sait
plus, et ça prend. Alors, je me trouve dans le salon d’un bordel, dans lequel
je vois deux – trois femmes, une en chemise, !’autre en petite culotte. 
          
  La 
  Fraulein K, est la fille de son patron d’avant. Ce qui est caractéristique c’est 
  la circonstance où il a eu à 1ui parler, qu’il désigne dans ces termes : on 
  s’est reconnu dans une sor(t)e d’égalité, dans sa qualification de sexe comme 
  si on voulait dire : je suis un homme, et toi une femme, voilà pourquoi j’ai 
  choisi la fraulein K, pour constituer l’entrée du rêve, aussi sans doute, pour 
  déterminer la syncope, car ce qui va suivre dans le rêve se démontre être très 
  précisément ce qui vient perturber ce beau rapport plein de certitude entre 
  l’homme et la femme, à savoir : les trois personnes qui sont liées pour lui 
  au souvenir de ce restaurant et qui représentent aussi celles qu’il rencontre 
  dans le salon du bordel, son respectivement ; sa sœur, la femme de son beau-frère 
  et une amie de celle-ci, ou de celui-ci, qu’importe, en tous cas, trois femmes 
  avec lesquelles on ne peut pas dire que ses rapports soient marqués d’un abord 
  sexuel franc et direct. 
         
Ce
que Freud nous démontre comme étant corrélatif de cette syncope du Traum
inhalt, de la carence des signifiants, c’est dès qu’il est abordé
quoique ce soit qui dans le langage, non pas simplement dans le mirage de se (p93->)
regarder
les yeux dans les yeux qui mettrait en cause ce qu’il en est des rapports du
sexe comme tel. 
         
Le
sens 1ogique, originel de la castration en tant que 1’analyse à découvert sa
dimension repose en ceci : qu’au niveau des Bedeutung des
significations, le langage en tant que c’est lui qui structure le sujet comme
tel, très mathématiquement fait défaut, je veux dire : réduit ce qu’il en
est du rapport entre les sexes à ce que nous désignons comme nous pouvons par
ce quelque chose à quoi le langage réduit la polarité sexuelle, c’est à
savoir : à un avoir ou n’avoir pas, la connotation phallique, c’est ce que
représente seulement l’effet de l’analyse. 
         
Aucun abord de la castration, comme
tel, n’est possible pour un sujet humain, sinon dans un renouvellement à un
autre étage séparé de toute 1a hauteur de ce rectangle dessiné, de cette
fonction que j’ai appelée aliénation, à savoir : où intervient comme telle
la fonction de l’Autre en tant que nous devons la marquer comme barrée.
          
  C’est pour autant que l’analyse 
  par son travail, vient à inverser ce rapport qui faisait que tout 
  ce 
  qui était de l’ordre du statut du sujet dans son “ je ne sais pas ", 
  un champ vide, sujet non identifiable, que pour autant que ce champ là va se 
  remplir (dans le coin du schéma à gauche) que va apparaître le 
, 
  de l’échec de l’articulation de la Bedeutung sexuelle, Gespräch 
  titre de la conférence que j’avais prononcée en allemand, sur la signification 
  du phallus. C’est à partir de là que doit être posée la question de ce qu’il 
  en est de ce qui distancie ces deux opérations également aliénantes, celle de 
  l’aliénation pure et simple, logique, celle que la relecture de la même nécessité 
  aliénante dans la Bedeutung des pensées inconscientes.
          
  Toute 
  la distance entre l’une et l’autre de ces opérations (cf schéma) qui consiste 
  dans leur champ de départ, dont l’un est celui reconstruit à partir duquel je 
  désigne 1e fondement de toute l’opération logique, à savoir : le choix offert 
  du “ou je ne pense pas, ou je ne suis pas” comme étant le sens véridique 
  du cogito cartésien. Celui-là aboutit à un “ je ne pense pas 
  ” 
  et au fondement de tout ce qui du sujet humain, fait un sujet 
  soumis spécialement aux deux pulsions que j’ai désignées comme scoptophylique 
  et sado-masochiste, quelque chose d’autre qui a rapport à la sexualité se manifeste 
  à partir des pensées de l’inconscient, c’est le sens de la découverte de Freud, 
  mais aussi par quoi se désigne la radicale inadéquation de la pensée 
  à la réalité du sexe.
         
La
question n’est pas là de franchir ce qu’il y a là d’impensable, et de
salubre, car c’est là tout le nerf de ce pourquoi Freud tenait si
essentiellement à la théorie sexuelle de la libido. Il faut lire sous la plume
chamanique de Jung, sa stupeur, son indignation à recueillir de la bouche de
Freud, quelque chose qui lui semble constituer je ne sais quel parti pris
anti-scientifique, quand Freud dit, “surtout vous, Jung, ne l’oubliez pas
il faut y tenir à cette théorie » Mais pourquoi ? 
(p94->)" pour 
  empêcher dit Freud, le flot de fange duquel de l’occultisme” dit 
  Freud, sachant très bien tout ce qu’emporte le fait de n’avoir pas 
  touché cette limite précisément désignée, parce qu’e1le constitue sans doute 
  l’essence du langage dans le fait que le langage ne domine pas ce fondement 
  du sexe en tant qu’il est peux-être plus profondément relié à l’essence de la 
  mort, ne domine pas ce qu’il en est de la réalité sexuelle. Tel est l’enseignement 
  de sobriété que nous donne Freud. 
          
  Mais 
  alors, pourquoi y a t-il deux voies, deux accès, c’est sans doute qu’il 
  y a quelque chose qui mérite un nom dans l’opération dont nous n’avons parlé, 
  celle qui fait passer du niveau de la pensée inconsciente à ce statut 
  logique théorique, inversement celle qui nous fait passer à 
  ce statut du sujet, entendez sujet d’une science scoptophylique du 
  masochiste le statut du sujet analysé pour autant que pour lui, a un 
  sens, la fonction de castration. 
          
  Ceci que nous appellerons opération vérité, parce que comme la vérité 
  elle-même, elle se réalise où elle veut, quand elle parle, ceci qui a été lié 
  à la découverte à l’irruption de l’inconscient au retour du refoulé, ceci nous 
  permet de concevoir pourquoi nous pouvons retrouver l’instance de la castration 
  dans l’objet noyau, l’objet  “ core 
  ”, dans l’objet autour de quoi tourne le statut du sujet grammatica1, peut 
  être désigné et traduit à partir de ce point obtenu qui fait que 1e langage 
  est de par son statut même, thématique, si je puis dire, à la réalité sexue11e 
  . Ceci n’est rien d’autre que le lieu d’opération autour de quoi nous allons 
  pouvoir définir dans son statut logique, la fonction de l’objet “ a ”. 
note 
  : 
  bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire, ou 
  si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par avance 
  de m'adresser un 
  émail. 
  
  Haut de Page 
  (relu le 31 Octobre2004)
  commentaire