Bonjour 
Safouan. Venez, venez près de moi tout de suite, la dernière fois il s'est passé 
ce que vous avez vu, je me suis laissé encore entraîner, j'étais sur... mon 
élan, j'avais un certain nombre de points en somme à préciser dans ce qui avait 
été ma dernière leçon de ce qu'on appelle séminaire ouvert. Il y avait là un 
hôte inattendu, que nous avons invité à venir me voir parce qu'il dirige en 
Italie une revue ma foi fort intéressante. Il faudra que je parle avec Milner; 
Milner où est-il ? Milner. Il est sorti. Ah oui, parce que je l'ai vu rentrer 
tout à l'heure. Et alors j'ai voulu quand même qu'il ait un petit échantillon du 
style. Ceci dit, il n'en reste pas moins que l'appel que j'avais fait au début 
de la séance, espérant avoir des interventions, disons non prévues, donc se 
renouvelle aujourd'hui et si quelqu'un voulait bien après Melman, qui a quelque 
chose à nous dire, qu'il avait d'ailleurs déjà prêt la dernière fois et pour 
lequel je tiens beaucoup à ce qu'il parle tout de suite, et le premier. Si 
pendant ce temps quelqu'un mijotait une petite question, quelqu'un ou plusieurs, 
eh bien je n'en serais pas mécontent. Voulez-vous bien venir me parler mon 
cher Safouan ?
Mettez-vous 
là, je vais me mettre là. Cela ne vous gène pas ? Vous ne préférez pas. Si 
vous avez une préférence, dites le. Qui est-ce qui me donne du papier ? Il se 
trouve que je n'en ai pas.
Ch. 
Melman 
- ... Des 
structures comme celles qui ont été abordées au cours du séminaire, abordées et 
mises en place au cours du séminaire de cette année, en particulier celles 
concernant la relation de l'objet a avec le champ du scopique, la fonction 
de l'écran. De telles structures peuvent difficilement ne pas être rencontrées 
en cours du travail psychanalytique et ceci, par exemple, chez Freud lui-même et 
dans un moment tout à fait culminant justement de son travail 
psychanalytique, puisqu'il s'agissait de sa propre analyse. C'est ainsi que 
j'offre à votre attention trois petits textes de Freud choisis pour leur 
rencontre -391-
L'objet 
de la psychanalyse
qui 
m'a semblée particulièrement heureuse avec les structures donc qui ont été mises 
en place cette année au cours du séminaire. Le texte central sur lequel 
j'attire votre attention est celui qui porte le nom tout à fait 
sympathiquement prénommé de: Deckerinnerungen, 
autrement 
dit de souvenirs-écrans. 
Deck en 
allemand, ayant bien entendu tout à fait le sens analogue à écran chez 
nous, c'est-à-dire non plus ce sens de couvercle, de ce qui obstrue, de ce 
qui peut cacher et en même temps le sens de ce plan, de ce plafond, sur lequel 
l'image peut venir s'inscrire. Deckerinnerungen 
: 
souvenirs-écrans, 
je 
me permets de vous le rappeler, c'est un texte qui date de 1899, 
donc 
du moment de ce foisonnement, de ce jaillissement, pour Freud de son travail 
psychanalytique. Il est en plein dans la 
Science des rêves, il est 
encore manifestement dans son auto-analyse, sa correspondance avec 
Fliess 
est 
encore tout à fait active. C'est l'époque où il s'intéresse aux troubles de 
la mémoire et c'est ainsi qu'un peu plus tôt que Deckerinnerungen, 
en 
1898, 
il 
a publié cet article tout à fait inaugural et tout à fait stupéfiant 
c'est-à-dire cet article sur le «Mécanisme psychique de l'oubli», où, je vous le 
rappelle, il aborde cet oubli pour lui, Freud, du nom Signorelli, épinglant à ce 
propos les processus inconscients de la mémoire, du fonctionnement mental 
dans une organisation qui est bien exclusivement dans ce texte, sur l'oubli 
psychique, sur le mécanisme psychique de l'oubli, dans une organisation qui est 
bien exclusivement celle du signifiant dont vous vous souvenez de ce schéma où 
l'on voit des phonèmes en train de se balader entre Signorelli, Botticelli, 
Boltraffio, 
Trafoï, Bosnie, Herzégovine, etc. et ce mouvement de ce processus dans un bain 
en quelque sorte naturel qui est nommément situé dans le texte comme étant celui 
de la sexualité et de la mort. Le terme y étant tout à fait 
nommé.
Dans 
«Souvenirs-écrans» les deux pôles seront bien davantage, également nommés par 
Freud, ceux de la faim et de l'amour. Dans ce texte «Souvenirs-écrans» qui 
date donc de 1899, 
d'un 
an plus tard, il s'agit pour Freud de montrer que les premiers souvenirs de 
l'enfance, les tous premiers, même banals ou indifférents en apparence, 
constituent en fait un écran à la fois dissimulateur et révélateur de souvenirs 
ou d'événements qui sont tout à fait fondateurs du sujet et qui sont 
retrouvables par l'analyse. Un autre point discuté par Freud dans ce texte est 
de savoir si ces souvenirs mettent en scène une histoire réelle, soit au moment 
où elle est vécue, soit qu'elle a été ultérieurement rencontrée ou bien s'il 
s'agit d'un fantasme. Et c'est ainsi que Freud va nous raconter ce 
souvenir-écran qu'un patient âgé, dit-il, de trente huit ans, plutôt 
sympathique et plutôt intelligent, lui aurait à lui Freud raconté et les 
commentateurs ont très facilement reconnu ce patient de trente huit ans, 
Freud lui-même, il s'agit donc d'un souvenir appartenant à Freud.               
- 392-
Leçon 
du 22 juin 1966
Et 
voici donc ce qui est dit, je l'ai traduit à votre attention puisque, je crois, 
il me semble que ce texte n'est pas en français. Donc voici ce que dit ce 
patient Freud
« Je 
dispose d'un assez grand nombre de souvenirs de ma première enfance qui peuvent 
être datés avec la plus grande sûreté. En effet, à l'âge de trois ans, j'ai 
quitté le modeste lieu de ma naissance pour aller à la ville et comme mes 
souvenirs concernent seulement ce lieu où je suis né, ils se rapportent ainsi à 
mes deuxième et troisième années. Ce sont surtout de courtes scènes, mais 
parfaitement conservées et très vives dans tous leurs détails, dans tous les 
détails de leur perception, en opposition complète avec mes souvenirs de l'âge 
adulte qui manquent totalement de cet élément visuel. A partir de ma troisième 
année, mes souvenirs deviennent plus rares et plus obscurs; il y a des lacunes 
qui peuvent dépasser plus d'un an et ce n'est pas avant six ou sept ans que le 
courant de mes souvenirs devient continu. Je divise mes souvenirs d'enfance 
jusqu'au départ de cette première résidence en trois groupes; un premier 
groupe est constitué de scènes que mes parents m'ont racontées et répétées 
et dont je ne sais si ces tableaux souvenirs, - Erinnerungsbild 
- sont 
originels ou reconstruits d'après le récit mais je remarque qu'il y a aussi des 
cas où malgré les nombreuses descriptions de mes parents ne se forme aucun 
souvenir tableau. J'attache plus d'importance au second groupe. Ce sont des 
scènes dont on n'a pas pu me parler puisque je n'en ai pas revu les participants 
: nurse ou camarades de jeux. Du troisième groupe, je parlerai plus loin. Pour 
ce qui est du contenu de ces scènes et de leur habilitation au souvenir, je dois 
dire que sur ce point je ne suis pas sans orientations. Je ne peux certes pas 
dire que ces souvenirs concernent les événements les plus importants de 
cette époque que je jugerais tels aujourd'hui. Je ne sais rien par exemple de la 
naissance d'une sœur, ma cadette de deux ans et demi, mon départ, la vue du 
train, le long parcours en voiture qui y conduisait ne m'ont laissé aucune trace 
dans ma mémoire. J'ai noté par contre deux incidents mineurs de voyage dont vous 
vous souvenez qu'ils sont intervenus dans l'analyse de ma phobie mais ce qui dût 
me faire la plus vive impression fut une blessure au visage où je perdis 
beaucoup de sang et qu'un chirurgien dut me recoudre. Je peux encore en toucher 
la cicatrice mais je n'ai pas d'autres souvenirs directs ou indirects concernant 
cet incident. Il est vrai peut-être que je n'avais seulement que deux 
ans. 
- A titre de curiosité, comme ça, on 
pourrait signaler que les souvenirs de Casanova débutent sur une scène qui se 
trouve très voisine, je veux dire sur un 
épanche-393-
L'objet 
de la psychanalyse
ment 
de sang intarissable et qui dut être traité, un épanchement de substance, 
un épanchement de substance vitale. -Aussi je 
ne m'étonne pas des tableaux et des scènes de ces deux premiers groupes. Ce sont 
certainement des souvenirs marqués par le déplacement où l'essentiel a été 
omis. Mais dans certains, ce qui a été omis est repérable, et dans d'autres, il 
m'est facile d'après certains indices de le retrouver, rétablissant ainsi la 
continuité dans ce puzzle de souvenirs et je vois clairement quels intérêts 
infantiles ont favorisé la conservation de ces souvenirs dans ma mémoire. Mais 
ceci pourtant, ne s'applique pas au troisième groupe de souvenirs, ici il s'agit 
d'un matériel, une longue scène et plusieurs petits tableaux que je ne sais pas 
par quel bout prendre. La scène me paraît plutôt indifférente et sa fixation 
incompréhensible. Permettez-moi de vous la raconter. Je vois un pré à quatre 
coins, un peu en pente, vert et d'une verdure bien fournie, dans ce vert de très 
nombreuses fleurs jaunes, manifestement le vulgaire pissenlit. 
- En allemand Löwenzahn, 
autrement 
dit, "dents de lion" qui en est d'ailleurs la traduction anglaise. - 
En 
haut du pré, une maison de paysan et devant sa porte se tiennent deux 
femmes papotant avec animation, la paysanne couverte d'une coiffe et une 
nurse, 
- Kinderfrau 
- 
sur 
le pré jouent trois enfants, je suis l'un d'eux, j'ai entre deux et trois ans, 
les deux autres sont mon cousin, mon aîné d'un an, et ma cousine, sa sœur, 
du même âge que moi, nous arrachons les fleurs jaunes et déjà en tenons chacun 
un bouquet dans les mains, la petite fille a la plus jolie gerbe, nous les gars 
nous lui tombons dessus comme d'un 
commun accord et lui arrachons ses fleurs. Elle remonte le pré en courant 
et obtient de la paysanne pour se consoler un gros morceau de pain 
noir. A peine voyons-nous cela que 
nous jetons les fleurs, nous nous hâtons vers la maison et exigeons également du 
pain. Nous en obtenons aussi, la paysanne coupant son pain avec un grand 
couteau, ce pain me paraît dans le souvenir d'un goût si 
délicieux 
- köstlich 
- 
et 
la scène s'arrête là. 
»
Un 
peu plus loin, Freud ajoute
« J'ai 
l'impression générale qu'il y a dans cette scène quelque chose qui ne va pas. Le 
jaune des fleurs ressort avec une vividité particulière dans cet ensemble et le 
goût délicieux du pain, me semble également exagéré presque hallucinatoire, et 
je me souviens à ce propos, dit-il, 
de tableaux vus dans une exposition humoristique où certaines parties et 
naturellement les moins convenables, comme les rondeurs des dames, au lieu 
d'être peintes se trouvaient en relief. »            
- 394-
Leçon 
du 22 juin 1966
Voilà, 
donc, le passage crucial, enfin que j'ai détaché dans ce texte de Freud sur deux 
souvenirs écrans. Dans l'analyse à laquelle Freud va se livrer, il construit 
quelque chose qui pourrait paraître de l'ordre du roman familial. Pauvreté du 
père qui l'a obligé à quitter le vert paradis de son enfance. Ce qui s'est passé 
pour lui à seize ans quand étudiant il est revenu sur ce lieu de sa 
naissance et qu'il a rencontré là vêtue d'une robe jaune, la fille de 
voisins qui s'appelait Gisela 
[Flower?] 
et le coup de foudre immédiat qu'il en eut, coup de foudre bien entendu sans 
aucun lendemain, évocation du bonheur et de la fortune pour lui Freud s'il 
était resté dans ce nid de sa province, il l'appelle ainsi, (Provinznest) 
mais 
aussi et tout une autre série de pensées qu'il oriente vers ce que..., vers les 
conseils que son père lui a donnés, c'est-à-dire il aurait du écouter 
l'appel de son père, épouser sa petite cousine qui figure dans le rêve: Pauline, 
abandonner ses abstraites études pour de solides affaires économiques, 
financières; en conclusion dit Freud : faim et amour, Hunger 
und 
Liebe, 
voilà 
les courants pulsionnels qui sont alors, dit-il, dans ce souvenir 
écran.
Bien sûr, nous ne pourrons 
pas nous engager ici, maintenant, dans l'analyse tout à fait détaillée 
qu'exigerait ce texte mais je me contenterai d'en fixer certains repères, en 
premier lieu la présence, aussi manifeste, aussi saillante, aussi éclatante 
de l'écran. Présence de l'écran, si clairement figurée dans cette surface, dans 
ce pré, ainsi comme une surface à quatre coins, légèrement inclinée en pente. 
Cet écran sur lequel va se construire toute la scène. Je pense qu'on peut 
également y situer, d'une manière qui ne me paraît nullement abusive, 
l'évocation à propos de ce souvenir d'une dimension particulière, celle de 
la perspective. Je ne veux pas dire seulement le fait qu'il s'agit par 
exemple d'un parallélogramme, je veux dire enfin d'une surface donc 
inclinée, le fait de cette distribution, de cette maison qui est là située 
en haut, au loin des enfants qui sont là en bas et ensuite du mouvement qui va 
porter les enfants vers cette maison de paysan, mais également le fait par 
exemple, si saillant lui-même, si surprenant lui-même que dans ces associations, 
eh bien, ces associations vont conduire Freud à évoquer cette exposition de 
tableaux humoristiques du Pop'Art déjà à cette époque, où certaines parties, au 
lieu d'être peintes, se trouvaient là rapportées en relief, en trois 
dimensions.
Je 
pense également qu'il est nécessaire dans ce texte si suggestif d'évoquer la 
place de l'objet a. Freud nous y conduit quasiment, je dirais par la main, en 
situant lui-même, cet aspect anormal de cette représentation, il y a quelques 
chose qui ne va pas, il y a là quelque chose qui cloche, c'est quand même 
bizarre et à ce propos là qu'est-ce qu'il situe ? Eh bien, il situe les 
fleurs, les pissenlits et le goût, köstlich, 
délicieux 
de ce pain, à la saveur presque hallucinatoire. Pour ma part, j'aurais tendance 
à voir dans la vividité de ces fleurs jaunes se détachant 
-395-
L'objet 
de la psychanalyse
sur 
ce pré vert, trou lumineux, rassemblées en ce bouquet que porte, nous en 
revenons toujours à des gerbes de fleurs, ou à des bouquets de fleurs, mais que 
porte cette petite fille, bouquet qui va s'évanouir d'ailleurs, dont la valeur 
va disparaître, va s'évanouir, au moment même où les enfants, où les 
garçons l'atteignent puisqu'à ce moment-là, la petite fille s'intéresse à 
autre chose, en tout cas, c'est le moment même où l'objet, au moment où il est 
saisi, vient à voir sa valeur sollicitée. Il faut bien sûr remarquer que les 
Löwenzahn 
ne 
peuvent pas être quelque chose de tout à fait indifférent dans l'analyse de ce 
texte. je veux dire que l'évocation ici du lion denté, pour Freud, en tant que 
ce texte concerne, tourne autour de problèmes concernant la terre natale, le 
lieu, ce qui serait le lieu de la naissance ne peuvent manquer de nous paraître 
ici, en tout cas hautement significatifs et revenir en tout cas en quelque 
sorte appuyer notre supposition, notre proposition, quant à leur fonction, 
quant à leur place éventuelle d'objet a.
Le 
pain que coupe la paysanne avec son grand couteau s'appelle en allemand 
Laib, 
c'est 
une miche de pain, un terme qui, je ne sais pas, ne m'a pas paru tellement 
usuel. Laib 
ça 
s'écrit 1-a-i-b alors que Leib 
le 
corps s'écrit 1-e-i-b, c'est donc en tout cas dans du Laib 
qu'avec 
un grand couteau cette paysanne tranche ce pain au goût si köstlich, 
köstlich - 
cela 
veut dire, cela vient de kosten, 
coûter, 
payer, ça a un goût coûteux. Et ce pain, un peu plus loin portera également le 
nom de Landbrot, 
autrement 
dit, ce que je crois nous pouvons très bien traduire, ici, par pain de 
pays, par exemple. En tout cas, dans cet écran, ce que nous pouvons voir 
figurer, c'est bien une sorte de terre natale, représentant de sa 
représentation, à lui Freud, figurée dans le tableau comme il le souligne 
expressément. Et à la fin du texte Freud va faire cette remarque qui m'a 
parue tout aussi stupéfiante, c'est que pour qu'on puisse vraiment parler de 
souvenir-écran, comme ça, il faut que le sujet figure dans le tableau, ainsi, il 
en fait la condition tout à fait expresse, tout à fait nécessaire pour que cela 
puisse être envisagé comme tel. Freud y voit le témoignage d'une Überarbeitung, 
une 
sorte de reélaboration, re-travail où pour notre part nous serions tenté de 
lire celui-là même du fantasme. je crois en tout cas que ce qu'on ne peut 
manquer d'évoquer, presque [...] qui se trouve tellement conduire à évoquer 
à propos de ce texte, c'est bien le problème de ce que peut être pour un sujet, 
le lieu de sa naissance, lieu de sa naissance en tant bien sûr qu'à la fois 
et irrémédiablement perdu, chu et en même temps constitué, figuré mais lui-même 
avec cet écran représentant de sa représentation où il va venir, ainsi lui petit 
Freud, se trouver livré à ses pulsions qui sont la faim et 
l'amour.
Dans 
l'article que j'avais signalé précédemment sur le «Mécanisme psychique de 
l'oubli» et concernant donc l'oubli du nom de Signorelli, cet article 
-396-
LeÇon 
du 22 juin 1966
orienté, 
lui, sur la sexualité et la mort, quand ce phénomène se produit pour Freud, il 
voyage avec cet avocat berlinois, un compagnon, comme cela, de rencontre, 
de voyage. Et puis il veut évoquer ce nom, l'auteur des fresques d'Orvieto, 
des 
choses dernières. Cela ne vient pas, mais il se produit à ce moment-là quelque 
chose de très curieux et quelque chose qui d'ailleurs assez bizarrement a été 
laissé tomber dans la Psychopathologie 
de la vie quotidienne, 
lorsque 
Freud y reprend ce même souvenir, il se produit pour Freud quelque chose de très 
curieux, c'est qu'il ne se souvient pas du nom de Signorelli, mais il voit des 
fresques et avec une vivacité particulière, de manière tout à fait über... 
Il voit 
le peintre tel qu'il s'est figuré lui-même dans un coin du tableau avec des 
détails, avec son visage particulièrement sérieux, ses mains croisées, et à côté 
du peintre, à côté de Signorelli, il voit là également, la représentation de 
celui qui était son prédécesseur dans la réalisation de ces fresques, 
c'est-à-dire Fra 
Angelico 
de 
Fiesole 
dont 
le nom ne semble en rien à ce moment-là lui échapper.
C'est 
là un phénomène qui, je crois, mérite d'être signalé et que je voudrais, pour 
terminer, rapprocher d'un court texte qui, lui, date de quarante années plus 
tard. C'est en 1936, lorsque Freud écrit pour le soixante dixième anniversaire 
de Romain Rolland 
ce 
texte, qui s'appelle «Un trouble de mémoire sur l'Acropole», il en a alors 
lui-même quatre-vingt et il raconte à Romain Rolland 
dans 
ce texte, enfin sa contribution à l'anniversaire de Romain Rolland, 
et 
donc de lui raconter combien au cours d'un voyage sur l'Acropole avec son frère, 
il a eu un sentiment très curieux, Entfremdungsgefühl, 
sentiment 
d'étrangeté que tout cela ce n'était pas réel, que ce qu'il voyait n'était pas 
réel, que c'était bizarre, c'était curieux, qu'il n'en croyait pas ses 
yeux, qu'il en arrivait même à se poser la question de l'existence de l'Acropole 
et tout ceci l'engage sur l'évocation du problème de la fausse 
reconnaissance, du déjà vu, du déjà raconté, c'est-à-dire mêlant tout à 
fait directement le sentiment de la reconnaissance la plus immédiate et la plus 
intime et la plus sûre. Bref, on pourrait dire, lui et son frère, au sommet de 
l'Acropole, Freud ne se voit pas dans le tableau et ce qui peut nous paraître 
éventuellement tout aussi significatif c'est que tout aussitôt, tout aussi 
directement se trouve invoqué la présence et le regard du père, ceci sous la 
forme d'un sentiment de piété filiale, sentiment de culpabilité, sentiment de 
faute chez Freud et puis enfin cette évocation mi-humoristique, mais peut-être 
aussi mi-tragique qui est celle de cette parole de Napoléon qui dit à son frère 
joseph, bien sûr au moment de son couronnement, à son frère joseph: « 
Qu'est-ce qu'aurait dit Monsieur notre père, s'il avait pu être là 
aujourd'hui ? »
Voilà. 
je m'arrêterai là-dessus.
-397-
L'objet 
de la psychanalyse
Docteur 
J. Lacan 
-J'ai 
trouvé que ceci, pour n'être pas de l'inédit, illustrait assez bien comme ça 
rétroactivement - parce que ce sont des choses dont j'ai parlé il y a longtemps, 
nommément sur le texte concernant Signorelli, j'ai fait une communication à la 
Société de philosophie, - au temps où je l'ai faite,) e ne pouvais pas mettre en 
valeur évidemment ces éléments structuraux à ce moment-là, puisque la théorie 
n'en était point encore faite. Le fait que Melman ait bien voulu se donner la 
peine de s'apercevoir que cela y est et de la façon la plus articulée est tout à 
fait de nature à confirmer ce que j'ai pu, soit la dernière, soit l'avant 
dernière fois, faire remarquer de ce que veut dire ma reprise de Freud dans un 
cercle redoublé, enfin dans une espèce de deuxième tour qui a ses raisons 
structurales et vous voyez à chaque point du texte de Freud, nous y trouvons la 
possibilité, une espèce de commentaire second qui reprend les mêmes éléments 
dans un autre ordre, dans un autre ordre qui n'est en réalité que la 
reproduction du premier mis à l'envers. Ce que je vous ai dit par exemple la 
dernière fois de la correspondance au drame de l'Œdipe, de ce drame de 
l'aveuglement d'Œdipe et de l'aveuglement pourquoi? Pour avoir voulu trop 
voir, en est une autre illustration.
Enfin, je ne peux 
ré-indiquer ou plutôt ré-évoquer ces choses que d'une façon allusive, je ne vais 
pas aujourd'hui reprendre une fois de plus ces mêmes thèmes. Il m'a semblé que 
ce que Melman a là repris d'une façon très sensible, parce que cela lui était 
très actuel et qu'il n'a eu aucune peine à en retrouver les repères principaux, 
valait de vous être présenté à cette occasion. Est-ce que quelqu'un peut avoir 
justement une remarque complémentaire sur...
J. 
P. Valabrega 
-je 
vais faire deux petites remarques à propos de ce que vient de nous rappeler 
Charles Melman. La première, je prends les choses par la fin. La première est à 
propos de l'article... qu'il nous rappelle du souvenir sur l'Acropole, c'est une 
remarque terminologique, le mot Entfremdung 
ne 
peut pas être traduit, enfin n'a pas intérêt à être traduit par étrangeté parce 
qu'il s'agit là de quelque chose de très intéressant dans ce texte; c'est 
unheimlich, 
qui 
correspond plutôt à l'étrangeté.
Docteur 
J. Lacan 
- C'est 
incontestable que c'est unheimlich 
qui 
correspond à étrangeté.
J. 
P. Valabrega 
- Mais 
ce qui est intéressant, c'est que Entfremdung 
c'est... 
Docteur 
J. Lacan 
- Commentez, 
commentez, cela vaut la peine, commentez, comment dans ce texte vous l'entendez 
comme traduisible par aliénation.
J. 
P. Valabrega 
- C'est-à-dire 
que dans ce texte cela introduit quelque chose qui est tout à fait autre que ce 
qui a été apporté par Melman, et on pourrait dire que du point de vue 
diagnostic, on a l'impression que c'est tout à fait autre chose, dans le 
souvenir de l'Acropole que...                 
-398-
Leçon 
du 22 juin 1966
Docteur 
J. Lacan 
- Parlez 
plus fort Bon Dieu, parce que c'est tout de même... c'est très intéressant ce 
que vous dites et tout le monde... personne n'entend.
J. 
P. Valabrega- 
Ce 
qui n'est pas le cas dans le texte de 1886/1889, c'est encore quelque chose 
d'autre, ça c'est une chose à discuter...
Docteur 
J. Lacan 
- Mais 
discutez-le, comment pouvez-vous soutenir que le terme d'aliénation est présent 
à propos de ce souvenir de l'Acropole et nommément pour traduire 
Entfremdung. 
Je 
veux bien que vous le souteniez mais expliquez pourquoi 
?
J. 
P. Valabrega 
- C'est 
un concept hégélien, l'aliénation.
Docteur 
J. Lacan 
- Un 
instant, je vous en prie, comment concevez-vous le concept hégélien dans quelque 
chose qui connote un trait vécu, que cet Entfremdung.
J. 
P. Valabrega 
-je 
ne sais comment, il faudrait même...
Docteur 
J. Lacan 
- Que 
Entfremdung 
puisse 
correspondre à quelque chose comme la dépersonnalisation, passe encore, ou le 
sentiment du sosie ou quelque chose, que nous... c'est noté dans le texte comme 
une impression, enfin c'est une notation phénoménologique, l'aliénation n'est 
pas... n'a rien à faire avec ça dans Hegel 
puisque 
vous invoquez, vous, pas moi, Hegel.
J. 
P. Valabrega 
- Je 
trouve quand même qu'il n'utilise pas là un autre mot qui pourrait, je ne sais 
pas quel mot allemand pourrait être là pour désigner la dépersonnalisation, 
quelque chose comme ça, il se trouve tout de même que ce n'est pas 
ça.
Docteur 
J. Lacan 
- Comment 
pouvez-vous soutenir que l'aliénation qui est vraiment la structure, enfin la 
plus immanente et en même temps la plus cachée, à tout ce qui est du vécu du 
sujet soit là tout d'un coup mise saillante dans l'apparence ou bien alors 
montrant sa pointe d'une façon quelconque qui puisse permettre de l'épingler 
avec ce terme d'Entfremdung 
et 
justement à propos de 
ce que Freud 
ressent sur l'Acropole ?
J. 
P. Valabrega 
- Oui, attendez, 
ce n'est pas une raison. Je me demande pourquoi 
il 
emploie ce mot simplement, ce n'est pas un mot, pas un mot du vocabulaire 
psychiatrique, absolument pas.
Docteur 
J. Lacan 
- Mais 
pourquoi le traduisez-vous par aliénation alors ? 
Castoriadis.
Castoriadis 
- Du 
point de vue étymologique, je crois que Valabrega a raison par rapport à 
Hegel; 
je 
ne crois pas que dans le texte de Freud il s'agit de l'aliénation dans ce 
sens. On dira en allemand sich 
fremden 
de 
quelqu'un qui serait plutôt en zizanie, que la vie a éloigné du ménage. C'est le 
Fremd 
dans 
ce texte, alors il ne faut pas le rapprocher du groupe qui a un autre caractère; 
je crois que -399-
L'objet 
de la psychanalyse
ce 
que Freud veut dire dans le texte c'est qu'il se sent étranger à ce pays, et 
étranger radicalement. Il ne faut pas lui donner, je crois, la charge 
philosophique hégélienne de l'aliénation qui est autre 
chose.
Docteur 
J. Lacan 
- Écoutez, 
cela a une note extraordinairement nette, n'estce pas, il s'agit d'un 
sentiment que nous appelons dans la clinique psychiatrique : la 
déréalisation.
J. 
P. Valabrega 
- Pourquoi 
l'utilise-t-il? C'est ça le problème, c'est un problème terminologique, moi 
je ne sais pas, je n'ai pas recherché...
Docteur 
J. Lacan 
- Ce 
n'est pas parce que nous nous trouvons devant un emploi d'Entfremdung 
qu'on 
trouve également dans Hegel 
que 
nous allons nous mettre, comme ça, à sauter à pieds joints et à dire que la 
signification que Freud implique dans ce terme d'Entfremdung 
est 
une signification hégélienne justement là. Et puis écoutez, dès qu'on parle 
d'aliénation, tout de même, on sait où on en est, on sait ce qu'on évoque, on 
sait ce que ça intéresse. Alors si c'est là simplement pour ouvrir une question 
sans le moindre centimètre qui aille plus loin, je ne demande pas mieux que cela 
rebondisse mais je veux que vous vous en expliquiez.
C. 
Stein 
- Alors, 
je pense quand même que le point soulevé par Valabrega mérite d'être 
fouillé.
Docteur 
J. Lacan 
- Tout 
à fait d'accord.
C 
Stein 
- je 
n'ai pas le texte sous les yeux, mais on peut remarquer qu'en français à propos 
du terme d'aliénation il y a cette même difficulté, c'est que l'aliénation 
n'évoque pas seulement Hegel 
et 
Marx. Elle évoque aussi la folie. Or ce sentiment étrange, appelons-le, si vous 
le voulez, d'étrangeté, trouvé sur l'Acropole, a quand même quelque chose à voir 
avec le sentiment d'être fou.
Docteur 
J. Lacan 
-je 
vais vous donner la parole, je vous demande pardon de...
A. 
Green 
- Deux 
choses. Une concernant la remarque de Valabrega, l'autre l'exposé de Melman. La 
première, je pense que sans introduire le contexte d'aliénation, on est quand 
même obligé ici à partir de ce terme, de penser que Freud veut dire et en dehors 
du mot dont il est question par rapport au contexte qu'il vit : « ce n'est 
pas moi qui suis ici, c'est un autre, ce n'est pas moi »; ça, c'est dit en 
toutes lettres dans le texte. Alors voici concernant le point soulevé par 
Valabrega. Par rapport à ce qu'a dit Melman, je voudrais apporter une 
petite précision lorsque tu as dit que le sujet a bien... et est constitué 
par le fait qu'il va se trouver là devant ce que tu appelais ses pulsions, la 
faim et l'amour; eh bien, je crois que toute l'ambiguïté de ce texte c'est de 
montrer que Freud a choisi dans cette alternative et que justement tout le texte 
parle de la faim en tant qu'il va s'agir du désir et non plus de la faim et que 
ceci se rattache directement -400-
Leçon 
du 22 juin 1966
à 
la parole du père, en tant, que le père lui a dit : cessons avec ces 
billevesées, il faut manger. Voilà la voie des affaires. C'est pourquoi, j'y 
verrai donc quelque chose de beaucoup plus nettement marqué par rapport au désir 
et par rapport justement à ce qui est en jeu dans ce personnage nourricier avec 
son grand couteau qui n'intéresse plus du tout la faim et qu'il exclut 
complètement du champ du problème.
Docteur 
J. Lacan 
- Comment 
s'appelle-t-il?
Monsieur 
Caben 
- La 
traduction des textes... le mot Entfremdung 
est 
un mot plus simple en allemand, il se traduit très bien par le mot dépaysement, 
tout le reste n'est que folle interprétation.
Docteur 
J. Lacan 
- Bien 
sûr, dépaysement ou déréalisation, c'est exactement de quoi il s'agit, ce n'est 
pas du réel.
Monsieur 
Caben 
- Vous avez 
déjà employé la semaine dernière et le mot Entfremdung, 
c'est 
être dépaysé et étymologiquement aussi.
Docteur 
J. Lacan 
- Qu'est-ce 
que j'ai employé la semaine dernière? 
Monsieur 
Caben 
- Entfremden.
Docteur 
J. Lacan 
- Sûrement 
pas.
Monsieur 
Caben 
- Dans 
le sens où vous l'avez traduit par aliénation. 
Docteur 
J. Lacan 
- C'est 
une traduction classique.
Monsieur 
Caben 
- Oui, mais 
à mon avis, c'est déjà une interprétation. 
Docteur 
J. Lacan 
- N'exagérons 
pas, là non plus, c'est comme si vous disiez que Aufhebung 
est 
déjà une interprétation parce que, dans Hegel, 
cela 
a le sens de plus qualitativement élevé et que cela peut aussi bien vouloir 
dire, je ne sais pas quoi... abonnement. Le caractère simplet et cru d'un usage 
d'un terme n'a pour autant aucune préséance sur les autres usages, n'est-ce pas. 
J'ai souvent fait remarquer qu'il n'y a pas de préséance de l'usage propre sur 
l'usage figuré, pour une simple raison d'abord que cela ne veut rien dire, cette 
différence, mais le côté usuel, disons, de Entfremdung 
ne 
suffit pas à donner une prévalence à dépaysement sur son usage philosophique. 
Bon, à vous. Oui, à vous, bien sûr, naturellement, si vous voulez reprendre la 
parole.
J. 
P. Valabrega 
- Autre 
chose, moi je ne suis pas d'accord avec ce que vient de dire M. 
Caben.
Docteur 
J. Lacan 
- Moi 
non plus.
J. 
P. Valabrega 
- On 
peut toujours ramener le sens de n'importe quel mot à un sens non habituel, et 
qu'il faut prendre dans le sens-là, surtout pas dans Freud. Ce qui ne veut pas 
dire qu'il y a une signification indirecte, je n'en sais rien. Je pose la 
question à propos de l'Unheimlich 
d'une 
part, dont on a beaucoup glosé, et de l'Entfremdung.
Docteur 
J. Lacan 
- Ecoutez, 
ne cherchons pas, nous n'allons pas nous éter- 401 
-
L'objet 
de la psychanalyse
niser 
là-dessus. Il est tout à fait clair qu'une référence structurale comme 
l'aliénation est..., jamais personne n'a prétendu voir l'aliénation 
affleurant sur le plan phénoménologique. Le sentiment d'aliénation, si cela 
concerne justement l'aliénation, il n'y a pas de sentiment d'aliénation, 
sans cela ça ne serait pas l'aliénation. Vous êtes d'accord? Allons 
Leclaire, que vouliez-vous dire?
J. 
P. Valabrega 
- Au sujet du mécanisme de l'oubli et de la substitution, puisque tout cela 
tourne autour du mot substitutif et plus généralement de la substitution, alors 
là le rapprochement avec le souvenir-écran est très important. Parce que 
l'analyse, - j'ai pu faire une analyse poussée une fois que quelque chose du 
mécanisme de l'oubli qui pouvait, qui jouait un rôle très important dans une 
analyse et qui en particulier englobait et se situait précisément aussi là sur 
les fleurs, parmi toutes ces choses - alors cette analyse a montré qu'en dehors 
de la substitution définie par Freud, en 98-99, il existe, ceci renvoie à des 
substitutions qu'on pourrait dire formelles et il apparaît nettement que cela 
renvoie à des substitutions intrinsèques, c'est-à-dire qu'il y a d'autres 
mots derrière les mots ou les noms particulièrement oubliés et retrouvés, 
ou non, par les mécanismes de substitution. Il y a une substitution intrinsèque 
qui a substitué ces mots-là, par exemple les noms des fleurs à d'autres. Par 
conséquent, la substitution ici est vraiment un 
écran.
Docteur 
J. Lacan 
- Est vraiment?
J. 
P. Valabrega 
- Un écran; le rapprochement est ici tout à fait à creuser... le souvenir-écran 
est le mécanisme de l'oubli. C'est simplement une remarque que j'émettrais dans 
le sens de ce que nous avons dit. Voilà.
Docteur 
J. Lacan 
- Ce sont néanmoins des choses différentes, n'est-ce pas, nous sommes bien 
d'accord.
J. 
P. Valabrega 
- Certes, mais ça joue le rôle d'écran, c'est fonctionnellement un écran dans 
l'exemple auquel je pense. Cela veut dire que les noms de substitution 
renvoient à d'autres noms c'est-à-dire qu'en substitution au niveau même du nom, 
derrière les noms substitués.
Docteur 
J. Lacan 
- Répondez Melman, ce que vous pensez à cela.
Ch. 
Melman 
- Non, ce serait s'engager là également dans une grande chose. je pense qu'en 
tout cas, c'est radicalement différent de ce qui se passe au moment où il oublie 
le nom de Signorelli, où se présente à lui dans le tableau la figure même du 
peintre, de façon si précise, avec cette vividité particulière, je crois que 
c'est tout à fait autre chose.
Docteur 
J. Lacan 
- Mais oui bien sûr. Leclaire, non Leclaire, je l'avais dit, il y a un moment 
qu'il doit parler.
S. 
Leclaire 
- C'est un complément à l'analyse du souvenir-écran, un élément pour compléter 
l'analyse dans la même ligne, à propos de pissenlits, qui jouent 
-402-
Leçon 
du 22 juin 1966
un 
rôle central dans ce souvenir-écran. Vers la même époque, il s'occupe de 
l'analyse du rêve du [...] et par erreur il évoque le pissenlit, à propos d'une 
autre fleur qui est un mucilage ordinaire. Il ne se trompe pas, le pissenlit 
désigne bien là pour lui le problème de son énurésie car si ce mot lui est venu, 
de pissenlit, pour désigner une autre fleur qui était le mucilage, c'est en 
français qu'elle évoque tous les problèmes de ces incontinences et 
principalement de ces incontinences d'urine. Sur le jaune et sur la tache 
jaune qui est au centre et que tu as bien située comme étant au centre du 
souvenir-écran, je voudrais faire encore cette remarque qui se rapportait aussi 
à l'auto-analyse de Freud ou à l'analyse de Freud.
C'est 
un autre passage de la 
Science des rêves, j'ai 
déjà eu l'occasion de le signaler, nous trouvons quelque chose de plus 
singulier, qui fait qu'à la fois le nom allemand de « 
Löwenzahn 
» 
pour 
le pissenlit et la couleur jaune se trouvent rassemblés en un seul terme. 
C'est comme l'histoire d'un patient d'un collègue qui a longtemps été 
occupé dans ses rêves par la figure d'un petit lion jaune; or, ce lion jaune, il 
ne voit absolument pas ce qu'il vient faire dans ses rêves. Ce collègue en parle 
à Freud et ce n'est qu'au moment où il retrouve, ditil, ce lion jaune comme 
ayant été un de ses jouets favoris, un bibelot de sa mère, qui avait été depuis 
rangé, que le souvenir du lion jaune ou la présence du lion jaune inexplicable 
dans les rêves disparaît. je pense pour une autre raison que ce collègue, au 
lion jaune, il en est comme de ce sympathique collègue, ou de ce sympathique 
patient dont parle Freud, je pense que c'est lui-même, c'est une hypothèse qui 
n'a pas encore été vraiment soutenue, simplement que j'avance pour l'instant 
pour la raison suivante. C'est là-dessus que je m'arrêterai. C'est 
qu'immédiatement après avoir parlé de ce collègue au lion jaune et de cette 
petite histoire du lion jaune, il évoque une autre aventure du même collègue, 
qui est un souvenir d'enfance, ce collègue qui avait été très impressionné du 
récit qu'on lui faisait de l'exploration de... au pôle et qu'il avait eu cette 
question curieuse qui avait fait rire son entourage et ses frères parce 
qu'il est normal à savoir que cette exploration, ce voyage, Reise, 
était 
douloureux, ça faisait mal. Car ce collègue avait confondu, étant enfant, avait 
confondu Reise 
et 
reissen, 
déchirer. 
C'est à partir de là, et c'est sur ce point que je me fonde pour avancer 
l'hypothèse que le collègue au lion jaune, c'est Freud lui-même. Car il semble 
que si nous nous interrogeons là aussi sur la phobie des voyages, quelque chose 
peut nous apparaître concernant la confusion des voyages et de reissen, 
déchirer, 
d'autant que dans l'œuvre freudienne nous trouverons constamment à l'arrière 
plan ce fantasme fondamental d'avoir à déchirer un voile, d'avoir à dévoiler 
quelque chose et c'est là-dessus que je veux terminer, car il me semble que 
cette considération n'est pas étrangère à l'analyse possible 
-403-
L'objet 
de la psychanalyse
de 
ce souvenir-écran. Car là encore il montre au pied de la lettre cette 
dimension de l'écran, comme surface, nous avons aussi à prendre en 
considération ce que tu as fait, ce qui peut être de l'ordre de la déchirure, ou 
de la traversée de l'écran.
Docteur 
J. Lacan 
-je voudrais que vous précisiez votre pensée. Vous pensez que ce que vous venez 
de dire, Freud le savait, que le sachant il donne tout le texte concernant le 
rêve où est situé ce lion jaune? Est-ce que lui-même en quelque sorte s'était 
repéré, si je puis dire, dans cette fonction du lion 
jaune?
S. 
Leclaire 
- Non.
Docteur 
J. Lacan 
- Vous ne le pensez pas. C'est important.
S. 
Leclaire 
- Je pense qu'il s'est repéré explicitement dans la fonction du déchiré 
lorsqu'il a soutenu son fantasme de l'inauguration de la plaque commémorant 
la découverte inaugurale de la Science des rêves où il imagine le jour où cette 
plaque sera inaugurée et où sur cette plaque est écrit que se dévoila à Freud le 
secret des rêves. Nous pensons que le terme de dévoilement, de déchirement, 
d'ouverture est fondamental chez Freud. Mais ce que je veux dire, c'est que dans 
ce souvenir-écran, du fait même que l'on voit comme transperçant la surface, la 
couleur jaune et liant cette couleur jaune exactement à ce qui vient après dans 
l'analyse du souvenir du lion jaune, c'est-à-dire le problème du Reisen- 
reissen. Je 
pense qu'est lié à l'évocation de la couleur jaune et à cette prégnance de la 
couleur jaune, pour Freud disons très consciemment le problème de..., enfin 
au moment où il décrit ce souvenir étrange, je ne pense pas du tout que la 
dimension de la déchirure en tant que telle ou de la rupture chez Freud soit 
explicite, et je pense qu'au jaune est nécessairement liée cette dimension 
de passage à travers ou de transgression, bref ce qui évoque à propos de la 
transparence de...
Docteur 
J. Lacan 
- Je souhaiterais simplement que ceci fut écrit par vous, cher Serge. Déjà ? ça 
veut dire quoi ?
S. 
Leclaire 
- Dans les 
Cahiers n° 
1 ou 2.
Docteur 
J. Lacan 
- Parfait, oui parce que j'aurais eu certainement l'occasion d'y revenir, je ne 
peux pas aujourd'hui, étant donné le temps qui nous reste, nous engager plus 
loin dans ce débat. Allez.
C. 
Stein 
- Mais, je voudrais faire une petite remarque à Leclaire sur le problème de 
Reisen 
et 
reissen. 
C'est 
que le dévoilement est de l'autre [?] et que la déchirure reissen, 
Riss, 
soit 
équivalente pour Freud, c'est une chose qu'il faudrait que tu établisses 
quand même, je ne dis pas qu'il n'en est pas ainsi. Cela demande à être établi; 
le dévoilement n'évoque pas forcément la déchirure, peut-être aussi pour Freud 
des éléments pour abonder dans ton sens à moins qu'il...            
-404-
Leçon 
du 22 juin 1966
Il 
y a une autre détermination de reissen 
qui 
est intéressante et qui est impliquée dans ce que tu as dit, c'est de se 
rappeler que Freud avait demandé si ce voyage « 
Reise 
» 
faisait mal; or « reissen 
» 
pas seulement la déchirure, 
reissen 
est 
au sens figuré et employé en allemand, non d'une manière très courante. Et la 
manière de désigner une certaine douleur qu'on éprouve, donc « reissen 
» 
est quelque chose dont il a pu entendre parler autour de lui à propos des 
douleurs rhumatismales éprouvées par l'un de ses parents ou dans une 
circonstance analogue et ceci nous donnerait le lien entre le voyage et le 
danger pour la santé impliqué dans le voyage, la phobie des voyages et 
l'association avec une déchirure dans le corps.
Docteur 
J. Lacan 
- Eh bien! écoutez mes bons amis, ces choses 
ne seront pas résolues, j'ai vu un vif intérêt à la remarque de Serge parce que 
nous aurons probablement l'occasion de la réutiliser plus tard, concernant 
en effet la position de Freud en tant qu'analyste. Voilà il nous reste une 
demi-heure, je n'aurais pas voulu, c'était du moins mon intention, terminer 
l'année sans faire quelque chose qui participe de deux registres : d'une part de 
faire un sort à ce qui a occupé une part importante des séminaires fermés, à 
savoir la discussion des articles de Stein.
Je 
ne prétends pas la reprendre. Elle a été faite sur le pied très légitime d'une 
critique de ce qui pour chacun de ces interlocuteurs leur semblait discordant, 
quant à leurs sentiments de ce qui se faisait dans la séance, de ce qui se 
passait, de ce qui venait en premier plan et de ce que Stein, lui, entendait y 
mettre, à ce même premier plan. Je ne reprendrai pas ces choses qui ont une 
valeur de dialogue toujours utile entre psychanalystes. Néanmoins, il me 
paraît qu'il y a quelque chose que je suis le seul, en somme, autorisé tout au 
moins, à pouvoir faire dans les formes qui ne soient pas de censure. Je ne 
voudrais pas qu'il y ait là d'erreur assurément. Ceux de mes élèves qui sont 
intervenus, ont justement évité ce point de vue, à savoir: c'est pas conforme à 
ce que dit Lacan. Et ce n'est également pas dans ce sens, au sens d'une certaine 
légalité de la démarche que) e me placerai pour intervenir de nouveau auprès de 
Stein. Je voudrais à ce sujet toucher à quelque chose qui paraît important parce 
qu'évident, parce que très, très gros, et en quelque sorte ouvrant un problème 
devant tout le monde et auquel est suspendue toute la portée de mon 
enseignement.
D'abord 
le fait de ce qu'on pourrait appeler l'influence de mes formulations, autrement 
dit ce qu'on pourrait appeler encore à proprement parler le langage de Lacan. Il 
est bien évident que par exemple on ne se sert de l'Autre, et surtout quand 
on y met pour plus de sûreté un grand A, que depuis que je lui ai fait jouer un 
certain rôle. Cela date un texte. Avant que j'en parle, il n'y avait jamais de 
ce grand Autre nulle part, et même en dehors de la psychanalyse. 
-405-
L'objet 
de la psychanalyse
Maintenant, 
il y en a un peu beaucoup. Et Dieu sait le rôle qu'on lui fait jouer. C'est 
là-dessus certainement que j'ai les remarques, de ce qui est arrivé à Sartre, 
les remarques les plus importantes à faire à Stein; et puis il y a autre chose, 
le problème des rapports entre ce que je dis et ce que je ne dis pas. Là c'est 
plus complexe. Il est certain que je ne peux pas, quand j'ai commencé à faire 
mon enseignement, quelles que soient les raisons pour lesquelles j'ai été amené 
à cette position difficile, il y avait un fort travail à faire pour obtenir un 
changement radical de tout: de point de vue, de langage, de point de vue 
sur le langage, de langage sur le point de vue, ce n'était pas très, très 
commode. J'ai pris les choses comme elles me semblaient devoir être prises bille 
en tête, si je puis dire, en abordant la fonction du langage, ou plus exactement 
le champ du langage et la fonction de la parole. Il a fallu que je martèle cela 
un certain temps, pour pouvoir donner à mes auditeurs enfin le temps de changer 
les portants de place, de se repérer par rapport à ça. En d'autres termes, il y 
a un ordre et il y a des temps.
Je 
ne suis pas entrain de faire le recueil de mes écrits, comme on le dit. J'écris 
peu, j'écris peu, il n'en paraîtra pas, environ, je ne sais pas, probablement, 
le quart restera de côté, alors on a fait comme ça le calibrage chez l'éditeur 
avec le peu qui reste. Il y en aura dans les six cent cinquante pages. Ce qui 
nous pose un petit problème de librairie. A cette occasion, je me relis, ce que 
je ne fais pas souvent, et à la vérité, il m'est apparu que même dans mes 
premiers textes, il ne peut y avoir aucune ambiguïté concernant l'usage des 
notions que j'ai introduites au moment où je les ai introduites. C'est ce 
que les gens qui sont, il y en a quelques uns parmi mes élèves qui me disent 
quelquefois, c'est ce que les gens désignent en disant : cela y était déjà à 
telle époque. Ah! comme c'est admirable! Eh bien non, cela n'y était pas, 
ça n'y était pas. Mais ça prouve simplement une certaine rigueur dans 
l'énonciation et dans l'énoncé qui fait qu'on ne pouvait guère trouver quelque 
chose dans le passé sur lesquels, dans la suite, j'ai été obligé de carrément 
revenir. Les termes ne sont pas toujours les meilleurs. Je veux dire que par 
exemple, l'usage dans les premiers textes que je fais du mot intersubjectivité 
est bien celui qui, le seul que je pouvais mettre en usage à l'époque pour la 
simple raison que je n'avais pas encore établi le jeu à quatre termes qui sont 
comme je pense que vous vous en êtes aperçus, le grand A, le petit a et les deux 
S d'une part, chacun la moitié d'un S, des deux S barrés. Parler à ce moment-là 
de l'intersubjectivité en... ne pas faire fonctionner ça avant que ça ne 
fonctionne. Il n'en reste pas moins que dès un article qui est à peu près de la 
même date, puisqu'il a été écrit huit mois après le discours de Rome: l'article 
sur «Les variantes de la cure-type» que j'ai donné à la demande de H. Ey et 
d'une équipe de psychanalystes à une Encyclopédie médico-chirurgicale, - il y 
-406-
Leçon 
du 22 juin 1966
a 
un certain nombre d'énoncés, tout à fait clairs, qui font intervenir cette 
fonction, cette fonction complexe d'une façon suffisante pour rendre tout à 
fait impossible... je prierai notre cher ami Stein de s'y reporter, c'est dans 
le début du second chapitre : «de la voie du psychanalyste à son maintien : 
considéré dans sa déviation».
Je 
n'aurai pas le temps aujourd'hui de faire la lecture de ce passage, mais je veux 
simplement le prier de s'y reporter lui-même pour me permettre aujourd'hui 
de lui dire, à lui, - pendant qu'il est là et d'une façon dont je ne pense pas 
qu'il puisse un seul instant prendre ombrage - que dans son texte sur la 
situation analytique, ce langage, ce discours concernant l'Autre avec un 
grand A est à proprement parler ce qu'il utilise de la façon la plus 
méconnaissable avec le grand A et l'autre. Eh bien, l'Autre dont je vous parle, 
l'Autre au sens où c'est le lieu de l'Autre, c'est là où vient s'inscrire la 
fonction de vérité de la parole et que la relation de « ça parle » au « ça 
écoute » dont il fait état dans son premier écrit sur la situation analytique 
mais directement enfin extraite, articulée, n'est-ce pas, de ce qu'il peut sous 
un certain angle entendre de mon discours. D'ailleurs, en plus, il y a une note 
qui le reconnaît, il y a une note qui est intercalée entre deux autres, 
l'une où il fait état de l'impulsion qu'il a reçue de spéculations de 
Grünberger sur le narcissisme, n'est-ce pas, et l'autre où il cite très 
abondamment Nacht 
à 
propos de la présence psychanalytique. Il n'est pas question que je vienne 
ici prendre un poids prévalant. Ce que tout le monde peut bien penser et sait 
que je pense c'est que les positions de Grünberger sur le narcissisme sont 
partiales et erronées. Ce dont d'ailleurs vous prenez vos distances, et que ce 
qu'a écrit Nacht 
sur 
la présence psychanalytique est simplement impudent. J'en ai fait état assez 
abondamment dans mon rapport sur «La direction de la cure», pour qu'il ne 
soit pas nécessaire d'y revenir. L'important n'est pas là.
L'important 
est ceci, comment peut-il se faire que ce qui, en somme, est extrait des 
formules qui peuvent être épinglées, mises entre guillemets dans mon discours 
sur le « ça parle » sur le « ça écoute », comment peut-il venir 
s'adjoindre, fonctionner, servir à peindre d'une certaine façon de couleurs 
qui peuvent de ce seul fait faire passer pour être les miennes, quel usage 
peut-on faire de ce discours pour en somme le faire rentrer dans une certaine 
façon de concevoir la situation analytique qui est absolument étrangère à 
ce discours ? Je ne suis pas entrain de débattre, si elle est fondée, si elle 
est légitime, ce qui la justifie ou ce qui l'infirme. 
Je 
mets simplement en question ce problème de l'utilisation possible de mon 
langage pour servir à la conception de la situation analytique qui lui est 
radicalement contraire. En effet, cela va loin, n'est-ce pas, et vous y allez 
vite, partir du « ça parle » qui est le sujet du « ça écoute » qui est 
-407-
L'objet 
de la psychanalyse
représenté 
ici par l'analyste : « ça parle et ça écoute, écriviez-vous page 239, en la 
séance » et puis ça a l'air de tenir comme ça. Sous prétexte qu'on dit en 
séance, le « en la séance » à l'air d'être un lieu suffisant. Il est bien 
clair d'ailleurs que vous ne vous en tenez pas là et que vous expliquez pourquoi 
à ce moment-là la séance est quelque chose qui se gonfle aux limites du monde, à 
proprement parler, comme vous ne manquez pas de l'écrire en y mettant les 
points sur les i. La page 240, par exemple, je lis ceci, après un bref rappel de 
certaines similarités que ferait Freud de la séance allant vers... ce qui, entre 
nous, ne permet pas du tout pour autant d'aller jusqu'au point où vos collègues 
Fain et David vont de faire du discours du sujet dans la séance quelque chose 
d'analogue au rêve. Car le rêve, l'endormissement et le sommeil ne sont pas des 
états analogues. Mais passons ce n'est pas sur le fond que je place la 
chose.
Je 
veux simplement vous faire remarquer que cet appareil psychique qui abolit 
les limites entre le monde intérieur et le monde extérieur, aussi bien du côté 
du patient que du côté de l'analyste, qui de ce fait, tendent à être fondus tous 
deux en un. En terme plus précis, écrivez-vous toujours, leurs images tendent à 
l'association par contiguïté qui caractérise le processus primaire. Donc vous 
posez d'abord que les deux sujets tendent à être fondus tous deux en un, et à 
partir de là, la contiguïté qui est en effet une relation essentielle de 
signifiant à signifiant devient la contiguïté entre les signifiants de l'un et 
les signifiants chez l'autre. N'est-ce pas de même que dans le rêve, le monde 
entier est à l'intérieur du rêveur, en c'est un?
Le 
monde entier est contenu et voici votre raison
« 
Car on ne saurait concevoir la fusion de deux êtres finis en un seul être 
fini ».
                                                                                                     
Je 
répète cette phrase
« 
On ne saurait concevoir la fusion de deux êtres finis en un seul être 
fini ».
D'une 
certaine façon, une phrase comme celle-ci est bien de nature à nous faire dire 
cette chose qui est aussi importante à souligner de l'usage du « ça parle » que 
je n'ai jamais employé en ce sens. Je veux dire que « ça parle », c'est un 
moment d'interrogation chez moi « ça parle », c'est comme ça que ça à l'air de 
se présenter, mais c'est tout de même la question, non pas « ça parle à qui ? » 
qui est la question qui vous importe, mais la question « qui parle? » pour moi 
est toujours la question que j'ai accentuée. En fait, dans l'analyse, 
c'est-à-dire, dans la théorie analytique, la formule qui viendrait très 
heureusement se substituer au « ça parle » c'est le « ça dit n'importe 
quoi ». Je parle dans ce qui est écrit, 
-408-
Leçon 
du 22 juin 1966
et 
ça dit n'importe quoi pour une simple raison, c'est que ça se lit en diagonale. 
Si ça ne se lisait pas en diagonale, enfin je crois que quelqu'un serait arrêté, 
à ce 
« 
Car on ne saurait concevoir la fusion de deux êtres finis en un seul être 
fini».
                                                                                             
Car 
rien n'est plus concevable. Je vais vous dire pourquoi, vous, vous ne le 
concevez pas à ce moment-là, c'est parce c'est très légitime pour vous. En 
effet, vous avez commencé par poser ce processus, cet appareil psychique, qui 
abolit les limites entre le monde intérieur et le monde extérieur, aussi bien du 
côté du patient que du côté de l'analyste. Qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut 
dire que ce problème de l'intérieur et de l'extérieur est en effet quelque chose 
qui est tout à fait au premier plan de votre 
préoccupation.
Et tout ce que j'ai fait 
cette année comme effort pour vous apporter une topologie, c'est pour vous 
rendre compte disons d'une « forme » qui permet de concevoir justement ces 
sortes, si on peut dire, d'anomalies appréhensibles qui sont les nôtres à propos 
de ces problèmes de l'intérieur et de l'extérieur. Seulement, comme c'est la 
seule chose qui justifie votre texte à cette date, disons comme pour vous, 
remarquez qu'il y a à un moment quelconque que vous supposez n'être pas 
basalement celui de la situation analytique, il y a quelque façon équivalente 
entre cet intérieur et cet extérieur, il en résulte que vous pensez et là, au 
nom même de cette espèce d'usage propédeutique, on demande de faire des 
choses..., vous pensez sphère et c'est vrai qu'en un certain sens, comme je 
vous l'ai fait remarquer, simplement à propos du cercle, on peut penser 
topologiquement la sphère comme enveloppant ce qui est à l'extérieur de 
même qu'on peut dire, puisqu'il suffit simplement de placer cette sphère quelque 
part, dans un quatrième plan, même si vous placez un cercle sur la sphère, en 
fait vous délimitez deux zones de la sphère qui sont également à l'intérieur du 
cercle. Prenez le globe terrestre, faites une large X [?], si vous la faites à 
l'équateur où est l'extérieur, où est l'intérieur? Ils sont équivalents, vous 
avez compris.
C. 
Stein 
- ...
Docteur 
J. Lacan 
-Justement, 
mon cher, c'est de ça qu'il s'agit. A partir du moment où vous pensez les choses 
ainsi, il n'y a pas du tout passage, mais équivalence. Vous posez 
l'équivalence de ce qui est à l'intérieur et de ce qui est à l'extérieur, 
et c'est pourquoi à partir de là s'il y en a un autre qui est ici, la même 
équivalence étant posée, ces deux êtres finis, en effet, eux ne peuvent se 
fondre, premièrement que dans une indifférenciation totale et deuxièmement qui 
implique la finitude, c'est-à-dire l'extension au monde de leur confusion entre 
eux. 
C'est 
tout au moins ce que vous écrivez.       
-409-
L'objet 
de la psychanalyse
C 
Stein 
-je vous en supplie, non, je pense que ce dont il est question là dans mon 
esprit ce n'est pas de l'équivalence entre l'intérieur et l'extérieur mais 
l'unité qui résulte de l'abolition de la limite, par conséquent, si on 
voulait faire une figuration de sphère...
Docteur 
J. Lacan 
- En d'autres termes ce que nous avons dit, c'est qu'il ne subsiste aucune 
limite. je ne vais pas..., c'est à vous en effet d'en décider. Cette absence de 
toute référence par conséquent, je ne vois pas comment vous pouvez la faire 
subsister avec quoi que ce soit, enfin, qui soit compatible par exemple avec la 
poursuite d'un discours. A l'intérieur d'un tout, cette absence totale de 
référence, n'est-ce pas, c'est un crédit que je vous fais, de penser qu'il reste 
encore quelque part une structure, un appareil.
C. 
Stein 
- je le vois bien comme une situation limite qui ne saurait être accomplie 
autrement que dans la mort.
Docteur 
J. Lacan 
- Mais, écoutez, la science de la situation analytique telle que vous 
l'établissez, n'est-ce pas une situation que je ne dirais même pas 
préagonique - car préagonique elle signifierait quelque chose - 
postagonique, postagonique, enfin, une situation d'après le trépas ? Vous ne 
pouvez pas soutenir une chose pareille. Nous ne sommes pas entrain ici de 
chercher à faire railler. Ce que je voudrais, c'est simplement faire remarquer 
que l'accent que j'ai mis dès les premiers temps de mes énoncés sur le caractère 
absolument déterminant de l'écoute de l'analyste - que je n'ai d'ailleurs pour 
autant nullement identifié à l'autre dans cette occasion - ça devrait quand même 
vous inspirer une certaine prudence pour utiliser ce registre des rapports 
du « ça parle » au « ça écoute » dans une voie qui est très particulière et que 
je veux essayer de définir.
De 
quelque façon que vous défendiez ce que vous venez de dire, je vais voir si vous 
admettez ou non ce que je vais vous donner comme ce qui me semble être le repère 
où se différencie essentiellement une certaine façon de théoriser la situation 
analytique qui est la mienne. Il s'agit en fait d'une question très importante 
puisque c'est toute la question du narcissisme primaire. Qu'est-ce que le 
narcissisme primaire? je n'irai pas par quatre chemins; le narcissisme primaire 
au sens où il est usité chez presque tous les auteurs dans l'analyse est quelque 
chose devant quoi je m'arrête et que je ne peux aucunement admettre sous la 
forme où c'est articulé. Et maintenant, nous allons essayer de bien 
préciser de quoi il s'agit. L'idée que sous un biais quelconque, à quelque 
moment que ce soit, le sujet, comme vous venez de le dire, vous m'en donnez plus 
alors que je n'en avais même sous la main, n'est-ce pas perdre ses limites ? Et 
que vous le souteniez ou non avec la terminologie empruntée à mon abord de ce 
qui se passe dans le discours, le langage, dans l'intervention de la parole, 
ceci n'y change rien. -410-
Leçon 
du 22 juin 1966
Le 
seul fait que vous admettiez que c'est concevable, que c'est possible, je veux 
dire que c'est possible d'une façon qui nous intéresse, c'est-à-dire dans ce qui 
est accessible, il ne s'agit pas de savoir si c'est possible théoriquement, si 
ça nous intéresse en tant qu'analystes, à savoir, si en tant qu'analystes nous 
avons à tenir compte de ça, en d'autres termes, si l'action, si le champ 
analytique, si la situation analytique, comme vous dites, est dans une dimension 
compatible avec ça. je dis elle est incompatible car la situation analytique 
comme telle entre le sujet parlant et écoutant fait intervenir et maintient une 
structure qui est tout à fait étrangère à la possibilité de quelque façon que 
vous vouliez la concevoir de cette perte de toute limite.
La 
situation analytique est une situation extrêmement structurée, tout ce que vous 
pouvez amener comme témoignages de ce qui ressemble chez le sujet, à ce que vous 
appelez expansion narcissique, ce sont des notations phénoménologiques et 
qui ne sont nullement fondées dans quelque rapport que ce soit, 
articulables dans le réel, dans ce qui est là dans la situation. Je vais 
bien appuyer les choses pour bien voir les choses, que vous conceviez ce dont il 
s'agit parce qu'en fin de compte, c'est du sens même de mon enseignement là 
qu'il s'agit. Il faut tout de même (dans quel registre?) cet espèce de retour (à 
quoi ?) non pas bien sûr à ce stade antérieur au sujet, nous ne voyons jamais 
personne régresser comme ça à l'état petit enfant même d'une façon métaphorique. 
Ce qui permet de s'exprimer ainsi, c'est qu'il existe des techniques, des 
ascèses dans lesquelles le sujet essaie. Et effectivement de repérer une 
remontée qui n'est pas une remontée dans le champ temporel du monde qu'il a 
parcouru de son passé, mais une remontée, si l'on peut dire, à ce que 
j'appellerai un état indifférencié de l'être, et qu'il y a pour ça des 
techniques, il y a une sorte, une façon d'articuler, de manipuler le rapport du 
sujet à sa propre conscience pour qu'il ait le sentiment d'arriver ainsi à 
dépasser quelque chose des limites du monde. C'est une régression qui est, - je 
ne veux pas bien sûr, je ne prétends pas en faire dans ces quelques mots la 
théorie - c'est une régression qui est une régression de l'ordre de l'être et 
qui peut espérer ainsi, si tant est que c'est visé, [être un mouvement] pour [?] 
arriver à une position dans l'être qui soit plus radicale. C'est la seule chose 
qui justifie les énormités que nous trouvons dans nos textes sur ce sujet c'est 
cette espèce d'existence en écho, de cette technique de remonter vers, c'est ce 
qu'on appelle les états multiples ou les états radicaux de 
l'être.
Mais 
ce que nous cherchons, mon cher, quand même, il ne faut tout de même pas oublier 
que cela n'a absolument rien à foutre avec ça. je l'ai souligné [c'est 
caractérisé par] des traits tout à fait manifestes, nécessitant premièrement 
d'abord des choses pour se lancer dans cette sorte d'ascèse. Le premier pas 
exigé en quelque sorte au seuil, c'est une purification du désir et qu'ensuite 
ça procè- 411 -
L'objet 
de la psychanalyse
de 
par quoi ? Par la voie d'une recherche que j'ai après tout articulée en son 
temps, même si vous n'avez jamais eu à rapprocher ces deux registres. Je l'ai 
fait quelque part dans cette «causalité psychique» sur laquelle j'ai jaspiné 
devant un auditoire, en ce moment-là, autrement opaque, qui peut l'être resté 
depuis.
« 
Quand l'homme cherchant le vide de la pensée s'avance dans la lueur sans 
ombres de l'espace imaginaire en s'abstenant même d'attendre ce qui va en 
surgir, un miroir sans éclat lui montre une surface où ne se reflète rien 
».
C'est 
moi qui ait écrit cela. Comme illustration de quelque chose qui concernait 
à proprement parler la limite du stade du miroir. Certainement pas comme un 
chemin, comme un sentier qui fut celui qui appartient à notre expérience de 
psychanalyste. Il n'a rien à faire avec la situation analytique, c'est 
l'indication par ici la sortie vers d'autres techniques. Et il y a beaucoup de 
choses dans cette phrase. C'est une de celle, quand je me relis, dont je me 
félicite de la rigueur que j'ai su y mettre, car il n'y a pas un seul de ces 
mots qui ne soit utilisable, y compris ce que je n'aurai pas le temps de 
faire aujourd'hui : l'idée que vous vous faites de ce qu'il y a derrière le mot 
« attendre »... Mais laissons!
Nous, 
ce qui nous intéresse c'est très précisément le désir et nous restons attachés à 
ce point où ce qui est mis en question, c'est ce qui résulte du 
fonctionnement de la présence de l'enracinement du sujet dans le désir et 
de ce qui en résulte. Nous pouvons le faire car articuler une structure qui en 
rend compte et dont toute difficulté quant à sa recherche consiste 
précisément en ceci, que cette structure qu'on peut articuler théoriquement 
n'est à proprement parler pas articulable en tant que cela serait le désir qui 
s'avouerait, qui se dirait. S'il n'y avait que cette différence, il y aurait 
aucune espèce de problème analytique. Il y a donc une confusion tout à fait 
radicale à faire intervenir comme élément constituant cette situation qui est 
toujours et de plus en plus armaturée de la découverte que vous alliez faire de 
façon dont l'incidence chez un sujet qui est en proie à ces conséquences de sa 
position de désir que sont pour nous les symptômes des différentes formes de 
structures subjectives auxquelles nous avons affaire et qui sont des structures 
que nous objectivons.
Ce 
qui nous différencie de n'importe quelle autre objectivation scientifique, c'est 
que pour l'objectiver, nous sommes forcés, nous et notre désir, de nous mettre 
dedans. Cela n'en est pas pour autant une visée inatteignable de pouvoir 
objectiver ce qu'il en est du désir humain en tant que psychanalyste, 
c'est-à-dire en tant que quelqu'un ayant lui-même cette expérience du désir la 
fait intervenir dans le jeu même de l'investigation. Vous voyez à quel 
point nous sommes loin de quoique ce soit qui se place dans ce champ, que vous 
l'appeliez de -412-
Leçon 
du 22 juin 1966
régression 
ou de n'importe quoi d'autre, d'expansion, qui noie toutes les 
articulations, qui à proprement parler nous fait passer dans une visée, 
dans un champ ouvert qui est absolument étranger à celui que nous avons à 
parcourir.
C'est 
cette manipulation, c'est dans la mise en jeu de ces ressorts du désir, en tant 
que nous les connaissons, que nous obtenons les résultats thérapeutiques et pour 
ce faire nous n'avons pas absolument besoin de savoir ce que j'en dis. En 
d'autres termes, on peut faire des cures valables d'ailleurs avec les idées les 
plus aberrantes sur ce dont il s'agit dans l'analyse. Mais il y a un autre temps 
qui est celui-ci: c'est que pour être psychanalyste, c'est une autre question, 
être un psychanalyste c'est faire une psychanalyse en sachant ce qu'on 
fait. Il y a en tout cas un temps où il devient absolument alors indispensable 
que ce repérage soit strict, c'est pour faire un psychanalyste. Vous voyez les 
temps : faire une psychanalyse, être un psychanalyste ou faire un 
psychanalyste ce n'est pas la même chose. Ça a des exigences théoriques qui sont 
de niveaux différents. Il n'en reste pas moins que cela ne veut pas dire que les 
théories sont plus ou moins vraies, selon le niveau; il y a un niveau où la 
référence théorique est valable et un autre où elle n'a aucune importance. Mais 
faire état par exemple de ces sentiments d'expansion narcissique comme de 
quelque chose qui aurait un statut quelconque de référence possible, c'est 
aller tout à fait à l'encontre de ce qui doit pour nous, dans l'opération 
pratico-théorique, être notre visée. Ces sentiments de fusion, d'union et de 
deux en un, avec pour conséquence que c'est l'espace entier qui s'y englobe et 
que dieu sait pourquoi devient à ce moment-là, ou reste encore être la séance, 
c'est quelque chose dont nous connaissons bien sous la plume de Freud la 
connotation dans la lettre à Romain Rolland, 
il 
parle du sentiment océanique. Dieu sait que s'il y a quelque chose qui 
répugne à la pensée de Freud, c'est bien toutes références qui donneraient un 
accent de valeur quelconque à quoique ce soit qui soit éprouvé dans cet 
ordre.
Vous 
me direz, il se réfère à une certaine expérience organique, c'est 
précisément là toute la question, c'est que cette référence organique, elle 
est hypothétique, elle n'a nullement à rentrer en ligne de compte dans ce 
qui est à proprement parler la structure de l'expérience. Elle est un 
pense-bête, elle est quelque chose qui est là, on peut s'imaginer qu'il doit y 
avoir une... ancestralité de ce quelque chose dont nous nous servons maintenant. 
Cela n'a strictement du point de vue qui est le nôtre, à savoir de ce qui 
fonctionne, aucun intérêt. Les sentiments d'expansion narcissique et ce qui s'en 
suit et tout ce que vous citez comme étant quelquefois, très souvent d'ailleurs, 
le mouvement, va, ceci est très remarquable mais rare, ajoutez-vous, n'est-ce 
pas, ou bien c'est rare mais exemplaire, vous sentez combien les références 
que vous donnez pour donner cette subsistance à la situation analytique comme 
étant cette place, cette situation, - 413-
L'objet 
de la psychanalyse
indifférenciation, 
qui vous le dites bien n'est qu'un des pôles de la situation analytique. 
C'est vrai, c'est vrai, mais même à la placer comme pôle, vous faussez tout ce 
que vous pouvez ensuite en déduire. Je veux dire que vous ne pouvez rien en 
tirer qui soit valable, considérant, concernant la fin et le progrès de la 
situation analytique.
Je 
regrette d'avoir aujourd'hui trop peu de temps de parler, puisque cela s'est 
étendu selon mon vœu d'ailleurs. Je reviendrai dans la suite sur ce que, par 
exemple, peut consister votre usage absolument abusif du terme de 
masochisme, abusif après ce que j'en ai articulé après le Kant avec 
Sade. 
Vous 
devez tout de même savoir que le masochiste ne peut aucunement être défini, ni 
souffrir, à avoir du plaisir dans la souffrance, ni souffrir pour le plaisir. On 
ne peut articuler le masochiste qu'à faire entrer en jeu les quatre termes 
que j'ai apportés et que la fonction de l'objet a en particulier y est 
absolument essentielle. Je crois que l'important de ce que je vous ai apporté 
cette année concernant l'objet a, permet parfaitement de vous faire concevoir ce 
qu'il peut être repéré à la place anciennement réservée au narcissisme primaire. 
C'est de voir ce qu'il y a sous le narcissisme, le narcissisme du stade du 
miroir, voilà le seul narcissisme primaire; le narcissisme secondaire dans 
mon vocabulaire, pour repérer les choses, c'est celui qui survient autour de la 
crise du surmoi. Quant à ce narcissisme primaire il a en effet quelque 
chose que nous pouvons trouver dessous, c'est ce que j'appellerai, si vous 
voulez, juste pour aujourd'hui, ça m'est venu comme ça, en prenant mes notes ce 
matin, le narcissisme dévoilé. Je peux dire en effet que sous le narcissisme 
primaire, il y a à dévoiler la fonction de l'objet a. Mais rien d'autre qui 
permette de conjuguer d'aucune façon le narcissisme primaire au sens où s'est 
usité couramment dans la théorie analytique l'autoérotisme du narcissisme 
primaire. De même que ce sentiment océanique auquel je me référais tout à 
l'heure, tel qu'il est en usage chez la plupart des auteurs, n'est rien que ce 
quelque chose qui reste confus parce qu'il n'y a rien à en tirer et qu'il ne 
peut s'articuler que de la façon dont j'ai posé la question à la fin de mon 
discours de cette année.
A 
savoir, ce que je vous ai situé du rapport du sujet à la jouissance en tant que 
c'est nécessairement le rapport à une question posée au lieu de l'Autre qu'elle 
peut par lui être abordée. Qu'il construise, qu'il fantasme à proprement 
parler quelque chose à la place de cette jouissance qui sur le schéma que je 
vous ai donné est à proprement parler à situer en arrière du sujet par 
rapport à ce qu'il vise, c'est-à-dire sa réalisation en ce lieu de l'Autre 
en tant qu'elle passe par la chute de cet objet a, de ce point de jonction qui 
est le sien avec l'Autre. Cette année tous les éléments ont été préparés pour 
donner topologiquement le sens le plus précis à ce rapport de $, de petit a et 
de grand -414-
Leçon 
du 22 juin 1966
A. 
Que tout ceci soit en quelque sorte commandé par ce rapport d'aversion du sujet 
par rapport à la jouissance qu'il a littéralement à conquérir par 
l'exploitation de tout ce qui l'en défend, de tout ce qui l'en sépare. 
C'est ce que vous faites surgir, en effet, à un moment quand vous parlez de 
cette angoisse tout d'un coup intolérable qui l'agite devant l'imminence de ce 
qui pourrait, dans ce que vous dites, être à la place de ce que j'exprime 
concernant la jouissance. Mais vous ne justifiez en rien, pourquoi le 
surgissement de cette angoisse, s'il l'a comme ça déjà, baignant dans 
l'union universelle, pourquoi l'angoisse surgirait-elle, Bon Dieu ? 
L'angoisse surgit précisément de ceci, c'est que la question sur la jouissance 
ne lui vient que du désir de l'Autre et que ce désir de l'Autre dans certains 
tournants est absolument énigmatique parce qu'il laisse transparaître toute 
l'énigme de la jouissance dont il s'agit. J'ai assez articulé de choses 
là-dessus pour ne même pas pouvoir aujourd'hui en faire, si brièvement que ce 
soit, état.
Vous 
devez concevoir qu'il y a quelque chose, si nous voulons arriver à un parler 
efficace, à un discours rigoureux qui doit absolument mettre entre 
parenthèse ce mythe de la fusion primitive qui était le véritable point 
d'attraction, centre de polarisation pour tout ce qui dans la pratique 
analytique se présente comme ayant une valeur réductive, une valeur de la 
régression. La cristallisation de l'analyse dans le rapport seulement 
enfant-mère, dans la thématique de la frustration, dans le registre de la 
demande à son origine, dans cette espèce de rêve de paradis premier à retrouver 
n'a absolument rien à faire avec quoique ce soit ni dans les visées, ni dans 
l'origine, ni dans la pratique de l'analyse. Là-dessus, il y a vraiment une 
limite à trancher [d'avec ce] qui pourrait conserver encore quoique ce soit 
du mirage, tel qu'il fut à ce titre d'utilisation dans la psychanalyse et 
qui n'a absolument rien à faire avec ce que j'enseigne et ce que j'essaie pour 
vous de construire. Bon, il est très tard, je regrette que tout ceci puisse 
prendre une parole, un air si bâclé, mais au moins, vous aurez eu là-dessus 
quelques affirmations tranchantes dont vous ferez ce que vous pourrez. L'année 
prochaine donc, avec la logique du fantasme, nous aborderons des choses qui nous 
permettront aussi bien de justifier comment un certain nombre de constructions 
peuvent se perpétuer dans l'analyse et les lier une par une, à tel ou tel type 
d'erreur dans la conduite analytique.
C. 
Stein 
-J'aurais 
bien voulu vous répondre.
Docteur 
J. Lacan - Répondez, 
répondez, répondez, il a droit de réponse. Oui, oui, oui, qu'il réponde, parce 
qu'on a toujours le droit de répondre.
C 
Stein - Partiellement 
mais de manière très simple. Or, je dirai premièrement que quand vous me 
faites en somme le procès que je fais moi-même à Grünberger. Je vois bien dans 
la régression..., je crois que vous n'en tenez pas 
-415-
L'objet 
de la psychanalyse
compte, 
vous m'opposez ce que j'oppose à Grünberger récemment que le narcissisme 
est une instance autonome et le moteur de la cure. Or comme vous le savez en ce 
n'est pas mon point de vue.
Docteur 
J. Lacan 
- Ça 
c'est vrai. je n'ai pas dit que ce fut le moteur.
C. 
Stein 
- Alors 
pour moi les coordonnées de la situation analytique sont celles des deux 
mouvements du refoulement et de la régression, disons plutôt de la régression 
que du refoulement, la régression vient en premier. Qu'est-ce que ça veut dire? 
je m'en réfère au premier schéma de l'appareil de l'âme ou de l'appareil 
psychique de Freud, n'est-ce pas. je n'entre pas dans le détail, nous avons ici 
des perspectives venues du monde extérieur, et nous avons ici des 
perceptions endopsychiques, de... ou de conscience. Or dans une note, Freud 
nous dit, qu'on comprend où se déroule et où se situe cet autre schéma qui est 
celui du rêve, il faut comprendre que cet appareil peut s'enrouler sur lui-même, 
il donne donc quelque chose comme ceci.
Docteur 
j. Lacan 
- Il a 
fait la bande de Moebius, déjà?
C 
Stein 
- Si ont 
fait donc ce mouvement, il est bien entendu que ces deux flèches viennent ici se 
superposer, donc il y a abolition de ces distinctions qui sont tout à fait 
centrales à travers toute la métapsychologie freudienne de la distinction 
entre les représentations endopsychiques et les représentations venues du monde 
extérieur. Régression topique, pour moi, le mouvement de la régression 
topique est celui qui fait l'abolition de la distinction entre les 
représentations endopsychiques et les représentations extérieures par 
l'enroulement de l'appareil. Le mouvement inverse, l'ouverture de cet appareil 
est donc correspondant au mouvement du refoulement pour des raisons que je 
ne peux rappeler maintenant. Ça a été le premier 
point.
Alors 
deuxième point, j'en viens maintenant à votre système topologique. Cette 
topologie est faite pour rendre compatible ce que vous... Quand vous avez fait 
ça cela n'a aucunement la conséquence que le sujet devienne infini ou fondu avec 
qui que ce soit. Il reste ce qu'il est, un... Alors je vous prie quand même de 
bien vouloir noter une chose, c'est que je n'ai jamais dit qu'aucun des deux 
mouvement ne pouvaient s'accomplir complètement et que tout le jeu était dans 
l'oscillation entre ces deux tendances. Vous m'attribuez l'idée que cette 
fermeture, cette régression vers le narcissisme primaire puisse 
s'accomplir, or je précise bien qu'il ne saurait être question qu'elle 
s'accomplisse.
Docteur 
J. Lacan 
- Vous dites 
qu'elle est constituée par la situation analytique.
C 
Stein 
- Non.
Docteur 
J. Lacan 
- Que 
la séance part de là, à savoir... écoutez, je vais vous
dire 
un mot qui nous différencie, je vois bien ce que vous pouvez me dire pour 
-416-
Leçon 
du 22 juin 1966
vous 
défendre, que vous avez installé par rapport à ça, forcément, un autre pôle. Si 
vous n'avez pas mis d'autre pôle, mais il n'y aurait jamais aucune raison qu'ils 
sortent de leur ciel bleu. Moi, ce que je vous dis et qui nous différencie, 
c'est quelque chose qui peut s'exprimer de la façon suivante : l'Autre n'est en 
aucun cas un lieu de félicité.
C 
Stein 
- Je 
ne crois pas qu'il s'agit de me défendre mais pour répondre, donc vous me prêtez 
malgré tout l'idée, vous en convenez aussi que je n'ai pas précisé que cette 
régression pourrait s'accomplir mais ce que l'ordonnance même de la situation 
analytique, telle qu'elle est proposée par le psychanalyste induit chez le 
patient, c'est justement le mythe du paradis perdu en tant que mythe justement, 
tout tourne autour de là. Moi je ne dis pas qu'on atteint le paradis pendant la 
séance d'analyse, mais qu'on se sent, qu'on se sent appelé à l'atteindre et que 
le mouvement d'angoisse vient justement marquer l'arrêt dans cette affaire. 
L'avantage...
Docteur 
J. Lacan 
-je 
prends là-dessus position. Je suis radicalement opposé à ce que nous puissions 
considérer comme sain de faire fonctionner d'aucune façon dans notre théorie a 
fortiori dans notre pratique, un mythe quelconque de cet ordre. Ce n'est pas le 
paradis qui est perdu. C'est un certain objet.
C 
Stein 
- Il est 
possible que le paradis perdu soit incarné par ce certain objet. Le paradis 
perdu, il en est tout de même question tout au long de l'auto-analyse de 
Freud, elle tourne autour de cela d'un bout à l'autre. Je continue: 
l'inconvénient de cet enroulement, c'est qu'il aboutit à quelque chose qui 
est informe, qui n'existe pas.
Docteur 
J. Lacan 
- Ce 
n'est pas vrai du tout, c'est tout ce que je vous enseigne, ma topologie est 
tellement précise que vous ne pouvez pas y faire une coupure sans que cela ait 
des conséquences absolument mathématiques. Vous ne pouvez 
pas!
C 
Stein 
- N'empêche 
que pour le montrer mathématiquement, il faut ce que vous avez introduit, il 
faut cette mitre, ce cross-cap. Ceci est d'une manière plus rationnelle au point 
de vue mathématique de représenter les conséquences de cela, je crois; non, vous 
êtes d'accord?
Docteur 
J. Lacan 
- C'est 
une manière tout à fait rigoureuse. C 
Stein - Alors 
que celle-là n'est pas rigoureuse!
Docteur 
J. Lacan 
- Ce 
n'est pas une raison pour que vous disiez que c'est la confusion. La confusion 
dans le schéma, peut être et encore, il est très clair ce schéma. C'est une 
fente.
C. 
Stein 
- Attendez, 
maintenant je vais vous poser une question.
Voilà 
donc... ces deux sphères. Je crois qu'il n'existe en mathématique aucun système 
de transformation qui permette de faire coïncider leur surface. 
-417-
L'objet 
de la psychanalyse
Docteur 
J. Lacan 
- A ces sphères? Oh! mon cher ami... Ne vous avancez pas là-dessus, parce que 
là-dessus vous n'en savez pas lourd. A la seule condition d'avoir une quatrième 
dimension, vous pouvez retourner la sphère comme un gant sauf si elle 
est...
C. 
Stein 
- Si nous avons deux êtres comme ceci, n'est-ce pas, là je vous pose la 
question, mais je suppose que sans passer par aucune quatrième dimension on peut 
superposer leurs deux surfaces.
Docteur 
J. Lacan 
- Si je vous ai appris la bouteille de Klein 
cette 
année, c'est parce qu'une bouteille de Klein 
est 
exactement faite, vous pourriez aussi la représenter comme ça... Si vous voulez 
une sphère avec... Une bouteille de Klein 
équivaut 
à ça. Je n'ai pas eu le temps de vous l'expliquer encore parce que c'était 
évidemment un peu difficile, déjà de vous faire comprendre que c'était la 
bouteille de Klein-, 
si 
tant est que j'y suis arrivé!
C. 
Stein 
- En somme la particularité de cette représentation dont je vous parlais, 
c'est qu'elle n'a pas un intérieur et un extérieur et qu'il n'y a pas de 
représentations endopsychiques et de représentations externes. Or vous avez 
dit une fois et je pense que vous continuez à le dire, que nous devons 
considérer, nous représenter l'inconscient comme une surface infiniment plate. 
Cette surface, c'est celle-ci, or je crois c'est que, moi, j'aurais tendance à 
dire que cette surface est la surface sur laquelle vient s'inscrire tout ce dont 
nous pourrons rendre compte concernant les processus qui se déroulent au cours 
de l'analyse et que vous ne tenez aucun compte effectivement des..., vous basant 
sur le point de vue mathématique. Ces mathématiciens ne s'intéressent pas au 
volume. Or si vous voulez, ce que je pense et que sur votre surface, pour moi, 
ce que vous dites être l'inconscient, c'est la surface sur laquelle j'inscris ce 
que nous pouvons en dire de l'inconscient mais je crois que là où nous nous 
séparons peut-être ou provisoirement c'est que, moi, je fais un sort au volume 
que ces deux êtres délimitent, or ces deux êtres finis délimitent deux 
volumes intérieurs et l'espace extérieur.
Docteur 
J. Lacan 
- Oui c'est comme ça, c'est bien ce que je disais.
C. 
Stein 
- Bon! Cet être n'est pas fini, au sens où il ne délimite pas un volume 
intérieur et un volume extérieur. Or, ces deux êtres finis, il faut d'abord les 
transformer, en ceci, pour pouvoir ensuite les faire 
coïncider.
Docteur 
J. Lacan  - C'est tout à fait impossible. 
C. 
Stein 
- C'est impossible ?
Docteur 
J. Lacan 
- C'est impossible, il faut transformer l'un à l'autre. Il faut choisir son 
modèle.
C 
Stein 
- C'est ce que je dis.
Docteur 
J. Lacan 
- Il faut choisir son modèle et ce que vous exprimez là... 
-418-
Leçon 
du 22 juin 1966
C 
Stein 
- Quand 
je dis transformation, ce n'est pas une transformation mathématique, il s'agit 
de changer de système de référence.
Docteur 
J. Lacan 
- Tout 
à fait.
C 
Stein 
- Or 
le système de référence qui est celui de l'aboutissement du refoulement est 
celui-ci et le système de référence de l'aboutissement de la régression topique 
est celui-là. C'est seulement dans ce système de référence que nous pouvons 
faire coïncider deux êtres et nous voyons bien quand dans leur coïncidence ils 
ne sont pas finis. Et dans le système de référence où ils sont fixés, ils ne 
peuvent pas coïncider et j'opère avec ces deux systèmes de référence comme 
étant les deux pôles. Les deux pôles de représentation entre lesquels se déroule 
l'opposition entre le mouvement de la régression et le mouvement de refoulement 
qui est...
Docteur 
J. Lacan 
-je 
ne sais pas si on a bien entendu ce que vous venez de dire comme je l'ai entendu 
moi-même et nous ne pouvons pas indéfiniment prolonger, vous ne pouvez pas 
articuler plus clairement que vous conservez simultanément deux systèmes de 
références complètement incompatibles l'un avec l'autre.
C. 
Stein 
- Absolument.
Docteur 
J. Lacan 
- Bon. 
C'est ce que voulais vous faire dire.
C 
Stein 
- Et 
je crois que c'est cette double conservation qui nous a introduit dans le 
registre de l'imaginaire.
-419-