XIII- l'Objet
de la psychanalyse
version rue CB note
Séminaire du 1 Décembre 1965
la science et la vérité
http://www.ecole-lacanienne.net/seminaireXIII.php3
le séminaire "en image" (parfois peu lisible) / aucun de ces liens ne fonctionne au 27 juillet 2022, à reprendre
http://www.fortunecity.fr/bouillon/emploi/9/index.htm
Alain COCHET
http://www.jp-petit.com/
Jean Pierre PETIT
Écrits J LACAN Éditions du Seuil, page 855.... La science
et la vérité, sauf celui-ci,
http://gaogoa.free.fr/oppositions.htm
des positions polémiques, sauf celui-ci,
Consulter TopoNodo sur gaogoa, Sciences vs Psychanalyse,
texte de 23
pages
version rue CB
(->p1) Mesdames et
Messieurs, Monsieur le Directeur de l'École Normale Supérieure qui avez bien
voulu, dans cette enceinte de l'École où je ne suis qu'un hôte, me faire
l'honneur de votre présence aujourd'hui.
La structure du sujet dans la
psychanalyse, dirons-nous que
l'année dernière nous l'ayons fondée, nous avons abouti à établir une
structure qui rende compte de l'état de la refente, de Spaltung où la
psychanalyse le repère dans sa praxis.
La psychanalyse repère cette refente de façon en quelque
sorte quotidienne qui est admise à la base, puisque la seule reconnaissance de
l'inconscient suffit à la motiver, et aussi bien qui le submerge, si je puis
dire, de sa constante manifestation, mais pour savoir ce qu'il en est de sa
praxis ou seulement pouvoir la diriger de façon conforme à ce qui lui est
accessible, il ne suffit pas que cette division soit pour lui un fait empirique,
ni même que le fait empirique ait pris forme de paradoxe, il faut une certaine
réduction, parfois longue à accomplir, mais toujours décisive à la naissance
d'une science, réduction qui constitue proprement son objet et où
l'épistémologie qui s'efforce à la définir en chaque cas, ou en tous, est
loin d'avoir, à nos yeux au moins, rempli sa tâche ; car je ne sache pas
qu'elle ait pleinement rendu compte, par ce moyen, de la définition de l'objet,
de cette mutation décisive qui, par la voie de la physique, a fondé la
Science, au sens moderne, dès lors pris pour sens absolu : position que justifie
un changement de style radical dans le temps de son progrès, la forme galopante
de son immixtion dans notre monde, les réactions en chaîne qui caractérisent
ce qu'on peut appeler les expansions de son énergétique.
A tout cela, nous paraît être radicale une modification
dans notre (->p2) position de sujet au double
sens : qu'elle y est inaugurale et que la science la renforce toujours plus ; Koyré
ici est notre guide et l'on sait qu'il est encore méconnu.
Donc, je n'ai pas franchi à l'instant le pas concernant la
création comme science de la psychanalyse, mais on a pu remarquer que j'ai pris
pour fil conducteur, l'année dernière, un certain moment du sujet que je tiens
pour être le corrélât essentiel de la Science ; un moment historiquement
défini dont peut-être nous avons à savoir qu'il est strictement répétable
dans l'expérience, celui que Descartes
inaugure et qui s'appelle le
cogito.
Ce corrélat qui, comme moment, est le défilé d'un rejet de
tout savoir, prétend laisser au sujet un certain amarrage dans l'être, dont
nous tenons qu'il constitue le sujet de la science dans sa définition, ce terme
à prendre au sens de porte étroite. Ce fil ne nous a pas guidé en vain,
puisqu'il nous a mené, à formuler en fin d'année notre division
expérimentée du sujet comme division entre le savoir et la vérité,
l'accompagnant d'un modèle topologique, la
bande de Moebius, qui fait entendre que ce n'est pas d'une distinction
d'origine que doit provenir la division ou ces deux termes viennent se
conjoindre; qui relira, aux lumières que peut apporter la technique à la
technique de la lecture, son enseignement sur Freud, ( cet article où Freud
nous lègue le terme de Spaltung sur quoi la mort lui fait lâcher la plume), et
remontera aux articles sur le fétichisme de 1927 et sur la perte de la
réalité de 1924, celui-là appréciera s'il n'appert pas que ce qui
motive chez Freud un remaniement doctrinal qu'il accentue dans le sens d'une
topique, c'est un souci d'élaborer une dimension que l'on peut dire
proprement structurale puisque c'est la relation entre ces termes et
sa reprise dialectique dans l'expérience qui seule donne appui à son progrès.
Loin de supposer aucune antification d'appareil, pour tout
dire que l'Ich Spaltung, refente du moi, sur quoi s'abat sa main c'est bien le
sujet qu'elle nous pointe comme terme à élaborer.
Le principe de réalité, dès lors, perd toute l'ambiguïté
dont il reste marqué si l'ont y inclut la réalité psychique. Ce
principe n'a pas (->p3) d'autre fonction
définissable que de conduire au sujet de la science et il suffit d'y penser
pour qu'aussitôt prennent leur champ ces réflexions qu'on s'interdit comme
trop évidentes, par exemple qu'il est impensable que la psychanalyse comme
pratique, que l'inconscient, celui de Freud, comme découverte, aient pris leur
place avant la naissance du siècle, qu'on a appelé le siècle du génie, le 17
ème, de la science à prendre au sens absolu, au sens à l'instant indiqué,
sans qui n'efface pas sans doute ce qui s'est institué sous ce même nom
auparavant mais qui, plutôt qu'il n'y trouve son archaïsme, en tire le fil à
lui d'une façon qui montre mieux sa différence de tout autre.
Une chose est autre, si le sujet est bien là au niveau de
cette différence, toute référence humaniste y devient superflue, car c'est à
elle qu'il coupe court. Ne visons pas, ce disant, de la psychanalyse et la
découverte de Freud, cet accident, que ce soit parce que ces patients sont
venus à lui au nom de la science et du prestige qu'elle confère à la fin du
19 ème siècle à ces sergantes, même de grade inférieur, que Freud a réussi
à fonder la psychanalyse en découvrant l'inconscient, nous disons que
contrairement à ce qui se brode d'une prétendue rupture de Freud avec le
scientisme de son temps que c'est ce scientisme même, si on veut bien le
désigner dans son allégeance aux idéaux d'un Breucher ? (Brücke
dans Ecrits), eux-même transcris du pacte où un Helmholtz et un Du
Bois Raymond c'était voué à faire rentrer la physiologie et les
fonctions de la pensée considérées comme y incluse dans les termes
mathématiquement déterminés de la termo-dynamique parvenue à son
presqu'achèvement de leur temps, qui a conduit Freud, comme ses écrits nous le
démontrent, à ouvrir la voie qui porte à jamais son nom. Nous disons que
cette voie ne s'est jamais détachée des idéaux de ce scientismes,
puisqu'on l'appelle ainsi, et que la marque qu'elle porte n'est pas contingente
mais lui reste essentielle, que c'est de cette marque qu'elle conserve son
crédit, malgré les déviations auxquelles elle a prêté, et ceci en tant que
Freud s'est opposé à ces déviations et toujours avec une sûreté sans
retard et une rigueur inflexible, témoin sa rupture avec son adepte le plus
prestigieux Jung nommément dès qu'il a glissé dans quelque chose (->p4)
dont la fonction ne peut être définie autrement que de tenter d'y restaurer un
sujet doué de profondeurs, ce dernier terme au pluriel, ce qui veut dire un
sujet composé d'un rapport au savoir, rapport dit archétype qui ne fût pas
réduit à celui que lui permet la science moderne à l'exclusion de tout
autre, lequel n'est rien que le rapport que nous avons défini l'année
dernière comme ponctuel et évanouissant, ce rapport au savoir qui de son
moment historiquement inaugural garde le nom de cogito. C'est à cette origine
indubitable, patente dans tout le travail freudien, à la leçon que Freud nous
laisse comme chef d'école que l'on doit que le marxisme soit sans
portée, et je ne sache pas qu'aucun marxiste y ait montré quelque insistance
à mettre en cause sa pensée, la pensée de Freud, au nom d'appartenance
historique de freud.
Nous voulons dire nommément à la société de la double monarchie pour les
bornes judaïsante où Freud reste confiné dans ses aversions politiques, qui
d'entre vous nous écrira un essai digne de Lamennais sur l'indifférence
en matière de politique, j'ajouterai à l'éthique bourgeoise pour laquelle la
dignité de sa vie vient à nous inspirer un respect qui fait fonction
d'inhibition à ce que son oeuvre ait, autrement que dans le malentendu et la
confusion, réalisé le point de concours des seuls hommes de la vérité qui
nous restent, l'agitateur révolutionnaire, l'écrivain qui de son style marque
la langue, je sais à qui je pense, et cette pensée rénovant l'être dont nous
avons le précurseur.
Ca sent ma hâte d'émerger de tant de précautions prises à
reporter les psychanalystes à leur certitudes les moins discutables. Il
me faut pourtant y repasser encore fut-ce au prix de quelques lourdeurs.
Dire que le sujet sur quoi nous opérons en psychanalyse ne
peut être que le sujet de la science peut passer pour paradoxe, c'est pourtant
là que doit être prise une démarcation faute de quoi tout se mêle et
commence une malhonnêteté qu'on appelle ailleurs pour
objective, mais c'est manque d'audace et manque d'avoir repéré l'objet qui
foire, de notre position de sujet nous sommes toujours responsables qu'on
appelle cela où l'on veut du terrorisme ; j'ai le droit de sourire car ce n'est
pas dans un milieu où la doctrine est ouvertement matière à tractations que
je (->p5) craindrais d'offusquer personne
en formulant ce que je pense que l'erreur de bonne foi est de toute la plus
impardonnable. La position du psychanalyste ne laisse pas d'échappatoire
puisqu'elle exclue la tendresse de la belle âme, c'est encore un paradoxe
que de le dire, c'est peut-être aussi bien le même, quoiqu'il en soit je pose
que toute tentative, voir tentation où la théorie courante ne cesse d'être
relaxe d'incarner plus avant le sujet est d'errance toujours plus féconde en
erreurs et comme telle fautive, ainsi de l'incarner dans l'homme lequel y
revient à l'enfant, sur cet homme y sera le primitif, ce qui faussera tout du
processus primaire, de même que l'enfant y jouera le sous-développé ce qui
masquera la vérité de ce qui se passe lors de l'enfance d'originel, bref ce
que Claude Lévi-Strauss
a dénoncé comme l'illusion archaïque est inévitable dans la psychanalyse si
on n'y tient pas ferme en théorie sur le principe que nous avons à l'instant
énoncé qu'un seul sujet y est reçu comme tel, celui qui peut la faire
scientifique. C'est dire assez que nous tenons que la psychanalyse ne démontre
ici nul privilège, il n'y a pas de science de l'homme, ce qu'il faut
entendre du même qu'il n'y a pas de petites économies. Il n'y a pas
de science de l'homme parce que l'homme de science n'existe pas, mais seulement
son sujet. On sait ma répugnance de toujours pour l'appellation de
sciences humaines qui me semble être l'appelle même de la servitude, c'est
aussi bien que le terme est faux, la psychologie mise à part qui a
découvert les moyens de se survivre dans les offices qu'elle offre à la
technocratie, voire comme conclut d'un humour vraiment swiftien un article
sensationnel de Monsieur
le Professeur Canguilhem, dont je ne sais pas s'il est ici, voir dans
une glissade de toboggan du panthéon à la préfecture de police, aussi bien
est-ce au niveau de la sélection du créateur de la science, de la
recherche et de son entretien que la psychologie rencontrera l'écueil de son
emploi, pour toute les sciences de cette classe on verra facilement qu'elles ne
font pas une anthropologie, qu'on examine Lévy-Bruhl ou Piaget,
leurs concepts, mentalité dite prélogique, pensée ou discours prétendument
égocentrique n'ont de références qu'à la mentalité supposée, à la pensée
présumée, au discours effectif du sujet de la science, nous ne disons pas de
l'homme de la science, de sorte que trop peuvent s'apercevoir que les (->p6)
bornes mentales, certainement la faiblesse de pensée présumable, le discours
effectif un peu coton de l'homme de science, ce qui n'est pas du tout la même
chose, viennent à lester leurs constructions non dépourvues sans doute
d'objectivité mais qui n'intéressent la science que pour autant qu'elle
n'apporte rien sur le magicien, par exemple, et peu sur la magie, si quelque
chose sur leurs traces, encore ces traces sont-elles de l'un ou de l'autre
puisque ce n'est pas Lévy-Bruhl qui les a tracées, alors que le bilan dans
l'autre cas est plus sévère, il ne nous apporte rien sur l'enfant, peu sur son
développement, puisqu'il lui manque l'essentiel et de la logique qu'il
démontre, j'entends l'enfant de Piaget, dans sa réponse à des énoncés dont
la série constitue l'épreuve, rien d'autre que celle qui a présidé à leur
énonciation au fin d'épreuve, c'est-à-dire, celle de l'homme de science ou le
logicien, je ne le nie pas garde son prix.
Dans les sciences autrement valables, même si leurs titres
est à revoir nous constatons que de s'interdire l'illusion archaïque, que nous
pouvons généraliser dans la terme de psychologisation du sujet, n'en entrave
nullement la fécondité. La théorie des jeux, mieux dite
stratégie, en est l'exemple où l'on profite du caractère entièrement
calculable d'un sujet strictement réduit à la formule d'une matrice de
combinaison signifiantes. Le cas de la linguistique est plus subtile,
puisqu'elle doit intégrer la différence de l'énoncé à l'énonciation, ce
qui est bien l'évidence cette fois du sujet qui parle en tant que tel et
non pas du sujet de la science, c'est pourquoi elle va se centrer sur autre
chose, à savoir la batterie du signifiant dont il s'agit d'assurer la
prévalence sur ses effets de signification, c'est bien aussi de ce côté
qu'apparaissent les antinomies, à doser selon l'extrémisme de la position
adoptée dans la constitution de cet objet; ce qu'on peut dire c'est qu'on va
très loin dans l'élaboration des effets de langages puisqu'on peut y
construire une poétique qui ne doit rien à la référence, à l'esprit
du poète, non plus qu'à son incarnation. C'est du côté de la logique
qu'apparaissent les indices de réfraction divers de la théorie
linguistique par rapport au sujet de la science, ils sont différents pour le
lexique, (->p7) pour le morphème syntaxique et
pour la syntaxe de la phrase ; d'où les différences théoriques entre un Jakobson
, ; ....
.... ., Chomsky.
C'est la logique qui fait ici office d'ombilic du sujet, et la logique en tant
qu'elle n'est nullement logique liée au contingence d'une grammaire, il faut
littéralement que la formalisation de la grammaire contourne cette logique pour
s'établir avec succès ; mais le mouvement de ce contour est inscrit dans
cet établissement ; nous indiquerons plus tard comment se situe la logique
moderne. Troisième exemple, elle est incontestablement la conséquence
strictement déterminée d'une tentative, comme on l'a vu l'année dernière, de
suturer le sujet de la science et le dernier théorème de Gödel montre qu'elle
y échoue ; ce qui veut dire que le sujet au quotidien reste le corrélat de la
science ; mais un corrélat antinomique puisque la science s'avère
définie par la non-issue de l'effort pour le suturer. Qu'on saisisse là la
marque à ne pas manquer du structuralisme. Il introduit dans "toute
science humaine" qu'il conquiert, un mode très spécial du sujet, celui
pour lequel nous ne trouvons pas d'indices autre que topologiques, mettons le
signe générateur de la bande de Moebius que nous appelons le 8 intérieur.
Le
sujet est, si'l'on peut dire, en exclusion interne à son objet. L'allégeance
que l'oeuvre de Claude Lévi-Strauss manifeste à un tel structuralisme ne sera
ici porté au compte de notre thèse qu'à nous contenter pour l'instant
de la périphérie ; néanmoins il est clair que l'auteur met d'autant mieux en
valeur la portée de la classification naturelle que le sauvage introduit dans
le monde, spécialement pour une connaissance de la faune et de la flore dont il
souligne qu'elle nous dépasse, qu'il peut arguer, Claude Lévi-Strauss
l'auteur, d'une certaine récupération qui s'annonce dans la chimie d'une
physique des qualités sapides et odorantes, autrement dit, d'une corrélation
des valeurs perceptives à une architecture de molécule à laquelle nous sommes
parvenus par l'analyse combinatoire, autrement dit par la mathématique du
signifiant, comme en toute science jusqu'ici.
Le savoir et donc bien, ici, séparé du sujet selon la ligne
correcte qui ne fait nul hypothèse sur l'insuffisance de son développement,
laquelle au reste serait bien en peine de démontrer. Il y a plus , Claude (->p8)
Lévi-Strauss, quand après avoir extrait la combinatoire latente dans les
structures élémentaires de la parenté, il nous témoigne que tel
informateur, pour emprunter les termes des ethnologues, ce terme des ethnologues
est tout à fait capable d'en tracer lui-même le graphe levistraussien ;
que nous dit-il sinon qu'il extrait là aussi, aussi bien le sujet de la
combinatoire en question celui qui sur son graphe n'a pas d'autre existence que
la dénotation égo, à démontrer la puissance de l'appareil qui
constitue le mythème pour analyser les transformations mythogènes qui à cette
étape paraissent s'instituer dans une synchronie qui se simplifie de leurs
réversibilités, Claude Lévi-Strauss ne prétend pas nous livrer la nature du
mythant ; il sait seulement ici que son informateur, s'il est capable d'écrire
le cru et le cuit, au génie près, qui y met sa marque, ne peut aussi le faire
sans laisser au vestiaire, c'est-à-dire au Musée de
l'Homme, à la fois un
certain nombre d'instruments opératoires, autrement dit rituels, qui
assurerons son existence de sujet en tant que mythant et qu'avec ce dépôt
soit rejeté hors du champ de la structure ce que dans une autre grammaire on
appellerait non assentiment - la grammaire de l'assentiment du Cardinal Herman
? (- Newman -dans Écrits) - ça n'est pas sans force cet écrit, quoique forgé à d'exécrables fins et
j'aurai peut-être à en faire à nouveau mention. L'objet de la mythogénie
n'est donc pas lié à nul développement non plus qu'arrêt du sujet
responsable. Ce n'est pas à ce sujet là qu'il se relate mais au sujet de la
science et le relevé s'en fera d'autant plus correctement que l'informateur
lui-même sera plus proche d'y réduire sa présence à celle du sujet de la
science. Je crois seulement que Claude Lévi-Strauss fera des réserves sur
l'introduction dans le recueil des documents d'un questionnement inspiré de la
psychanalyse, d'une collecte suivie des rêves par exemple avec tout ce qu'elle
va entretenir de relations transférentielles. Pourquoi, si je lui affirme que
notre praxis, loin d'altérer le sujet de la science, duquel seulement il peut
et veut connaître, n'apporte en droit nulle intervention qui ne tende à ce que
le sujet se réalise de façon satisfaisante et précisément dans le champ qui
l'intéresse. Est-ce donc à dire (->p9) qu'un
sujet non saturé, mais calculable, ferait l'objet subsumant , selon les formes
de l'épistémologie classique, le corps des sciences qu'on appellerait
conjoncturales ; ce que moi-même j'ai opposé au terme de science humaine ? Je
le crois d'autant moins indiqué que ce sujet fait partie de conjoncture qui
fait la science dans son ensemble. L'opposition des sciences exactes aux
sciences conjecturales ne peut plus se soutenir à partir du moment où la
conjecture est susceptible d'un calcul exact, probabilité par exemple, et où
l'exactitude ne ce fonde que dans un formalisme séparant axiome et loi de
groupement de symboles. Nous ne saurions pourtant nous contenter de
constater qu'un formalisme réussit plus où moins quand il s'agit au dernier
terme d'en motiver l'après qui n'a pas surgit par miracle et qui se
renouvelle suivant des crimes si efficaces depuis qu'un certain droit fil
me semble y avoir été pris. Répétons qu'il y a quelque chose dans le statut
de l'objet de la science qui ne nous paraît pas élucidé depuis que la science
est née et rappelons que si certes, poser maintenant la question de l'objet de
la psychanalyse s'est reprendre la question que nous avons introduite à partir
de notre venue à cette tribune de la position de la psychanalyse dans ce
hors de la science, nous avons indiqué aussi que cette question ne
saurait être résolue sans que sans doute s'y modifie la question de l'objet
dans la science comme telle ; l'objet de la psychanalyse , j'annonce la couleur
et vous le voyez voyez venir avec lui puisqu'il n'est autre que ce que j'ai
déjà avancé de la fonction qui joue l'objet "a". Le savoir sur
l'objet "a" serait-il alors la science de la psychanalyse ? C'est
très précisément la formule qu'il s'agit d'éviter, puisque cet objet
"a" est à insérer, nous le savons déjà, dans la division du sujet
par où se structure très spécialement, c'est de là qu'aujourd'hui nous
sommes repartis, le champ psychanalytique, et c'est pourquoi il était
important de promouvoir d'abord, et comme un fait à distinguer de la
question de savoir si la psychanalyse est une science, si son champ est
scientifique, ce fait précisément que sa praxis n'implique d'autre sujet que
celui de la science, il faut réduire à ce degré, ce que (->p10)
vous me permettrez d'induire par une image comme l'ouverture du sujet dans la
psychanalyse, pour saisir ce qu'il y reçoit de la vérité.
Cette démarche, on le sent, comporte cette sinuosité que
vous me voyez devoir suivre, et qui tient à l'apprivoisement. Cet objet
"a" n'est pas tranquille, ou plutôt, faut-il dire, se pourrait-il
qu'il ne nous laisse pas tranquille et le moins, ceux qui avec lui ont le
plus à faire, les psychanalystes qui seraient alors ceux que d'une façon
élective j'essaierai de fixer par mon discours.
C'est vrai, le point où je vous ai donné aujourd'hui
rendez-vous pour être celui où je vous ai laissés l'an passé,
celui de la division du sujet entre vérité et savoir est pour eux un point
familier, c'est celui où Freud les convie sous l'appel : "wo es war soll
Ich werden" que je retraduis une fois de plus à l'accentuer encore ici
"là où c'était, là comme sujet dois-je advenir". Hors
ce point, je leur en montre l'étrangeté à le prendre à revers, ce qui
consiste ici plutôt à les ramener à son front . Comment ce qui était
à m'attendre depuis toujours d'un être obscur viendrait-il à se
totaliser d'un trait qui ne se tire qu'à le diviser plus nettement de ce que
j'en peux savoir, ce n'est pas seulement dans la théorie que se pose la
question de la double inscription pour avoir provoqué la perplexité où
mes élèves Laplanche et Leclerc, auraient pu lire dans leur propre scission
donc l'abord du problème sa solution, elle n'est pas en tout cas du type
gestaltiste ni à chercher dans l'assiette où la tête de Napoléon s'inscrit
dans l'arbre, elle est tout simplement dans le fait que l'inscription ne sert
pas de même côté du parchemin venant de la planche à imprimer de la vérité
ou du savoir. Que ces inscriptions se mêlent était simplement à
résoudre dans la topologie, une surface où l'endroit et l'envers sont en état
de se rejoindre partout était à porté de main, c'est bien plus loin pourtant,
qu'en un schème intuitif, c'est si je puis dire, d'enserrer l'analyse dans son
être, que cette topologie peut le saisir ; c'est pourquoi s'il la déplace
ailleurs ce qui ne peut être qu'en un morcellement de puzzle qui nécessite en
tout cas d'être ramené à cette passe ; pourquoi il n'est pas vain de redire
qu'à (->p11) qu'à l'épreuve d'écrire
"je pense donc je suis" cela se lit que la pensée ne fonde l'être
qu'à se nouer dans la parole où toute opération touche à l'essence du
langage. Si "cogito sum" nous est quelque part par Heidegger
fournit à ces fins, il faut en remarquer qu'il algébrise la phrase et nous
sommes en droit d'en faire relief à son reste : "cogito ergo",
où apparaît que rien ne se parle qu'à s'appuyer sur la cause. Hors cette
cause c'est ce que recouvre le "Soll Ich, le dois-je de la formule
freudienne qui d'en renverser le sens fait jaillir le paradoxe d'un impératif
qui me presse d'assumer ma propre causalité.
Je ne suis pourtant cause de moi et ce non pas d'être la
créature du Créateur, il en est tout autant, je vous renvoie là-dessus à Augustin
et à son "De
Trinite" en prologue. La cause de soi spinozienne peut emprunter le
nom de Dieu, elle autre chose et laissera cela à ces deux mots ; nous ne ferons
jouer qu'à épingler qu'elle est aussi chose autre que le tout et que ce Dieu
d'être autre ainsi, n'est pas pour autant le Dieu du panthéisme.
Il faut saisir dans cet ego que Descartes accentue de
la superfluité de sa fonction dans certains de ses textes latins (sujet
d'exégèse que je laisse à ceux qui ici peuvent s'y consacrer en
spécialistes). Le point dans cet ego est à trouver où il reste être ce qu'il
se donne pour être, dépendant du Dieu de la religion. Curieuse chute de
l'ergo, l'égo est solidaire de ce Dieu, singulièrement Descartes suit
la démarche de le préserver du Dieu trompeur, en quoi c'est son partenaire qui
gagne puisqu'il le préserve au point de la pousser au privilège exorbitant de
ne garantir les vérités éternelles qu'à en être le créateur. Cette
communauté de sort entre l'ego et Dieu, ici masquée, est la même que dévoile
de façon déchirante le contemporain de Descartes, Angelus Silesius en ses
adjurations mystiques et qui leur impose à ces adjurations la forme ??stique
("du distique" dans
Écrits). On se
souviendrait avec avantage parmi ceux qui me suivent de l'appui que j'ai pris
sur ces jaculations, celle du pèlerin chérubinique, à les rependre dans la
trace même de l'introduction au narcissisme que je poursuivais alors selon son
mode, l'année de mon commentaire sur le (->p12)
Président Schreber.
Ce qu'on peut boîter en ce point, c'est le pas de la
beauté, mais il faut y boiter juste, et d'abord de dire que les deux
côtés ne s'y emboîtent pas, c'est pourquoi je me permettrai de délaisser un
moment ce point, pour repartir d'une audace qui fut la mienne et que je ne
répéterai qu'à la rappeler, car ce serait la répéter deux fois, bis
repetita, pourrait-elle être dite au sens juste ou ce terme ne veut pas dire la
simple répétition, il s'agit de la chose freudienne, discours dont le texte
est celui d'un discours second , d'être de la fois où je l'avais répété,
prononcé pour la première fois (puisse cette insistance vous faire sentir en
sa trivialité le contre-pied temporel qu'engendre la répétition), prononcé
la première fois, il le fût pour une Vienne où mon biographe repèrera sa
première rencontre avec ce qu'il faut bien appeler le fond le plus bas du monde
psychanalytique, spécialement avec un personnage dont le niveau de culture et
de responsabilité répondait à celui qu'on exige d'un garde du corps, mais peu
m'importait, je parlais dans l'air ; ayant voulu que ce fût pour le centenaire
de la naissance de Freud que ma voix se fît entendre en hommage, ceci non pour
en marquer la place d'un lieu déserté ; mais cet autre que cerne maintenant
mon discours que la voie ouverte par Freud n'ait pas d'autre sens que celui que
je reprends, l'inconscient est langage ce qui en est maintenant acquis l'était
déjà pour moi ont le sait ; ainsi dans un mouvement peut-être joueur à se
faire écho du défi de Saint Just haussant
au ciel de l'en chasser d'un public d'assemblée l'aveu de n'être rien de plus
que ce qui va à la poussière, dit-il et qui vous parle, ne vint-il
d'inspiration qu'à voir dans la voix de Freud s'animer étrangement une figure
allégorique et frissonner d'une peau neuve la nudité dont s'habille celle qui
sort du puit, j'allais lui prêter voix, c'est une prosopopée, je vous
l'épargne, elle culmine dans ces mots : " Moi, le Vérité, je parle
" et la prosopopée reprend "Penses à la chose innommable qui
de pouvoir prononcer ces mots dirait à l'être du langage, pour les entendre
comme ils doivent être prononcé dans l'horreur", mais ce dévoilement
chacun y met (->p13) ce qu'il y peut mettre
mettant à son crédit le dramatique secourdi
? raccourci ? (- assourdi - dans Écrits) quoique pas moins
dérisoire pour autant du temps sur quoi se termine ce texte que vous trouverez
dans le numéro ad hoc, premier de l'année 1956 de l'Évolution Psychiatrique,
sous le titre " La chose freudienne".
Je ne crois pas que ce soit à cette horreur éprouvée que
j'ai dû l'accueil plutôt frais que fit mon auditoire à l'émission répétée
de ce discours, laquelle ce texte reproduit.
S'il veulent bien en réaliser la valeur à son gré oblative
sa surdité s'y avéra particulière. Ce n'est pas que la chose, la chose qui
est dans le titre l'ai choqué cet auditoire, pas autant que tels de nos
compagnons de barre à l'époque, j'entends de barre sur un radeau, où par leur
truchement j'ai patiemment concubiner 10 ans durant pour la pitance narcissique
de mes compagnons de naufrage avec la compréhension jaspérienne et le
personnalisme à la manque, avec toute les peines du monde à nous épargner à
tous d'être pointé au couleur ? (- coaltar- dans Écrits) de l'âme à âme libérale.
La chose, ce mot n'est pas joli, m'a-t-on dit textuellement
! Est-ce qu'il ne nous la gâche pas tout simplement cette aventure des fins du
fin de l'unité de la psychologie où bien entendu on ne songe pas à
chosifier, fi, à qui se fier, nous vous croyons à l'avant garde du progrès,
camarade ? Ca ne se voit pas comme on est , et encore moins à s'aborder
sous les masques philosophiques, mais laissons, pour mesurer le malentendu là
ou il importe, au niveau de son auditoire d'alors je prendrai un propos qui s'y
fit jour à peu près à ce moment où qu'on pourrait trouver touchant à
l'enthousiasme qu'il suppose : Pourquoi colporta quelqu'un, et ce terme court
encore, pourquoi ne dit-il pas le vrai sur le vrai ? Cela prouve combien vains
étaient tout ensemble mon apologue et sa prosopopée. Prêter sa voix à
supporter des mots intolérables, moi la vérité je parle passe l'allégorie.
Cela veut dire tout simplement, tout ce qu'il y a à dire de la vérité, de la
seule, à savoir, ce que je répète pourtant depuis longtemps, qu'il n'y a pas
de méta-langage, affirmation faite pour situer tout le logico-positivisme, que
nul langage ne saurait dire le vrai sur le vrai puisque la vérité se fonde de
ce qu'elle parle et qu'elle n'a pas d'autre moyen pour ce faire ; c'est même
pourquoi, (->p14) l'inconscient qui le dit, le
vrai sur le vrai, est structuré comme un langage ; c'est pourquoi moi, qu'en
j'enseigne cela, je dis le vrai sur Freud qui a su laisser sous le nom
d'inconscient la vérité parler.
Ce manque du vrai sur le vrai qui nécessite toutes les chutes
que constitue le méta-langage dans ce qu'il a de faux semblant et de
logique, c'est la proprement la place de l'Urverdrängung (v),
du refoulement originaire attirant à lui tous les autres, sans compter d'autres
effets de rhétorique pour lesquels, pour lesquels reconnaître nous ne
disposons que du sujet de la science, c'est bien pour ça que pour en venir à
bout nous employons d'autres moyens, mais il y est crucial que ces moyens ne
sachant pas élargir ce sujet, leurs bénéfices touchent sans doute à ce qu'il
est caché, mais il n'y a pas d'autre vrai sur le vrai à couvrir ce point
vif que des noms propres, celui de Freud ou bien le mien, ou alors ces
berquinades de nourrice dont on ravale un témoignage désormais ineffaçable,
si pas plutôt de l'exercer quand il est irréfutable, c'est-à-dire quand on
est psychanalyste, sous cette meule de moulin dont j'ai pris à l'occasion la
métaphore pour rappeler d'une autre bouche que les pierres quand il faut savent
crier aussi : peut-être m'y verrait-on justifier de n'avoir pas trouver
touchante la question me concernant : "Pourquoi ne réussit-il pas.."
venant de quelqu'un dont son emploi à faire les bureaux d'une agence de
vérité, rendait la naïveté douteuse et dès lors d'avoir renoncé aux
offices qu'il remplissait dans la mienne d'agence laquelle n'a pas besoin de
chantres à y rêver de sacristie, faut-il dire que nous avons à connaître
d'autres savoir que celui de la science ? que nous avons à traiter de la
pulsion épistémologique ou revenir encore sur ce dont il s'agit ; c'est
d'admettre qu'il nous faille renoncer dans la psychanalyse à ce qu'à chaque
vérité réponde son savoir . Cela est le point de rupture par où nous
dépendons de l'avènement de la science. Nous n'avons plus pour les conjoindre
que ce sujet de la science.
Encore nous permet-il, et j'entre plus avant dans son
comment, laissant ma chose s'expliquer toute seule avec le noumen, ce qui me
semble être bientôt fait, puisqu'une vérité qui parle a peu de chose en
commun (->p15) avec un noumen qui, de
mémoire, de raison pure, la forme.
Ce rappel n'est pas sans pertinence puisque le médium qui va
nous servir sur ce point, vous m'avez vu l'amener tout à l'heure, c'est la
cause ; la cause non pas catégorique de la logique, mais en causant tout
l'effet. La vérité comme cause, allez-vous psychanalystes refuser d'en
assumer la question, quand c'est de là que s'est levée votre carrière. S'il
est des praticiens pour qui la vérité comme telle est supposée agir, n'est-ce
pas vous ? N'en doutez pas en tout cas, c'est parce que ce point s'est
voilé dans la science, que vous gardez cette place étonnement préservée dans
ce qui fait office d'espoir en cette conscience vagabonde accompagnée en
collectif des révolutions de la pensée. Que Lénine ait écrit :
"La théorie de Marx est toute puissante parce qu'elle est
vraie" y laisse vide l'énormité de la question qu'ouvre sa parole.
Pourquoi a supposer muette la vérité du matérialisme sous ses deux faces qui
n'en sont qu'une - dialectique et histoire - pourquoi d'en faire la théorie accroîtrait-il
sa puissance ? Répondre par la conscience prolétarienne et par l'action
politique marxiste ne nous paraît pas suffisant. Du moins la séparation
de pouvoir s'y annonce-t-elle de la vérité comme cause au savoir pris en
exercice. Une science économique inspirée du "Capital" ne conduit
pas nécessairement à en user comme pouvoir de révolution. Et l'histoire
semble exiger d'autre recours encore qu'une dialectique prédicative. Outre ce
point singulier que je ne développerai pas aujourd'hui c'est que la science
s'y l'on y regarde de près, n'a pas de mémoire. Elle oublie les
péripéties dont elle est née quand elle est constituée ; autrement dit une
dimension de la vérité que la psychanalyse met là hautement en
exercice. Il me faut préciser : on sait que la théorie physique ou
mathématique après chaque crise qui se résout dans la forme ou le terme
employé de théorie généralisée ne saurait nullement être pris pour vouloir
dire simplement un passage au général ; on sait qu'elle conserve souvent à
son rang ce qu'elle généralise de sa structure précédente. Ce n'est donc pas
cela que nous disons, ni visons, c'est le drame, le drame subjectif que coûte
chacune de ses crises. Ce drame est le drame du savant , il a ses victimes
dont rien ne dit que leur destin s'inscrit dans le mythe de (->p16)
de l'Oedipe.
En tout cas c'est une question pas très étudiée . Karl Julius Mayer Canter,
je ne vais pas dresser un palmarès de ces drames allant parfois à la folie,
où des noms de vivants viendraient bientôt s'y inscrire ; où je
considère que le drame de ce qui se passe dans la psychanalyse est exemplaire,
je pense qu'il ne saurait ici s'inclure lui-même, ce drame, dans l'Oedipe sauf
à le mettre en cause. Vous voyez le programme qui, ici, se dessine, il n'est
pas prêt d'être couvert ; je le vois même plutôt bloqué, je m'y engage avec
prudence ; et, pour aujourd'hui, vous prie de vous reconnaître dans les
lumières réfléchies d'un tel abord. C'est-à-dire que nous allons les porter
sur d'autres champ que le psychanalytique à se réclamer de la vérité. Magie
et religion les deux positions de cet ordre qui se distinguent de la science au
point qu'on a pu les situer par rapport à la science comme fausse ou moindre
science pour la magie, comme outre-passant ses limites, voire en conflit de
vérité avec la science pour la seconde. Il faut le dire pour le sujet de la
Science l'une et l'autre ne sont qu'ombres, mais non pour le sujet souffrant
auquel nous avons à faire. Ah, va-t-on dire ici, il y vient, qu'est-ce ce que
c'est ce sujet souffrant sinon celui dont nous tirons nos privilèges et quels
droits vous donnent ici vos intellectualisations ? Je partirai pour répondre de
ce que je rencontre d'un philosophe, couronné récemment de tous les honneurs
facultaires, il écrit : "La vérité de la douleur est la douleur
elle-même". Ce propos que je laisse aujourd'hui au domaine qu'il
explore, j'y reviendrai pour dire comment la phénoménologie est prétexte à
la contre-vérité. Et le statut de celle-ci je ne m'en empare que pour vous
poser la question à vous, analystes, oui ou non, ce que vous faites
a-t-il le sens d'affirmer que la vérité de la souffrance névrotique c'est
d'avoir la vérité comme cause.
Je propose maintenant sur la magie je pars de cette vue qui
ne laisse pas de flous sur mon obédience scientifique mais qui s'y contente
d'une orientation structuraliste. Elle suppose le signifiant répondant comme
tel au signifiant ; le signifiant dans la nature est appelé par le signifiant
de l'incantation, il est mobilisé métaphoriquement ; la chose en tant qu'elle
parle répond à mes objurgations ; c'est pourquoi (->p17)
cet ordre de classification naturelle que j'ai invoqué des études de Claude
Lévi-Strauss laisse dans sa définition structurale entrevoir le pont
de correspondance par lequel l'opération efficace est concevable sous le même
mode où elle a été conçue. C'est pourtant là une réduction qui y néglige
le sujet ; chacun sait que la mise en état du sujet, du sujet chamanicant, y
est essentielle. Observons que le chaman
disons en chair ou en os, fait partie de la nature et que le sujet corrélatif
de l'opération a à se recouper dans ce rapport corporel. C'est ce mode de
recoupement qui est exclu du sujet de la science, seuls ses corrélatifs
structuraux dans l'opération lui sont repérables mais exactement . C'est bien
sous le mode de signifiant qu'apparaît ce qui est à mobiliser dans la nature :
tonnerre et pluie, météores et spirales, tout est ici à ordonner selon les
relations antinomique où se structure le langage . L'effort de la demande, dès
lors, y est à interroger par nous, dans l'idée d'éprouver si l'on y retrouve
la relation définit par notre propre graphe avec le désir. Par cette voie
seulement à plus loin décrire d'un abord qui ne soit pas d'un recours grossier
à l'analogie le psychanalyste peut se qualifier d'une compétence à dire son
mot sur la magie. La remarque qu'elle soit toujours magie sexuelle a, ici, son
prix, mais ne suffit pas à l'y autoriser. Je conclus sur deux points à retenir
dans votre écoute : La magie c'est la vérité comme cause sous son aspect
de cause efficiente. Le savoir s'y caractérise non pas seulement de rester
voilé pour le sujet de la science mais de se dissimuler comme tel tant dans la
tradition opératoire que dans son acte. C'est une condition de la
magie.
Il ne s'agit sur ce que je vais dire maintenant de la
religion que d'indiquer le même abord structural ; et aussi sommairement
c'est dans l'opposition de traits de structure que cette esquisse prendra
fondement. Peut-on espérer que la religion prenne dans la science un statut un
peu plus franc ? Car depuis quelque temps, il est d'étrange philosophes de la
science à y donner de leur rapport la définition, la plus molle foncièrement
à les tenir pour se déployant dans le même monde où la religion, dès lors,
a la position enveloppante. Pour nous sur ce point délicat où certains
entendraient nous prémunir de la neutralité analytique (->p18)
nous faisons prévaloir ce principe : que d'être ami de tout le monde ne suffit
pas à préserver la place d'où l'on a à opérer. Dans la religion la mise
en jeu précédente celle de la vérité comme cause par le sujet, le sujet
religieux s'entend, est prise dans une opération complètement différente.
L'analyse à partir du sujet de la science conduit nécessairement à y faire
apparaître les mécanismes que nous connaissons de la névrose obsessionnelle,
Freud les a aperçus dans une fulgurance qui leur donne une portée dépassant
toute critique traditionnelle. Prétendre y calibrer la religion ne serait
être inadéquat, si l'on ne peut partir de remarque comme celle-ci : la
fonction que joue la révélation se traduit comme une dénégation de la
vérité comme cause : à savoir qu'elle dénie ce qui fonde le sujet à s'y
tenir pour partie prenante, alors il y a peu de chance à donner à ce qu'on
appelle l'histoire des religions des limites quelconques : c'est-à-dire quelque
rigueur. Disons que le religieux laisse à Dieu la charge de la cause mais qu'il
coupe là son propre accès à la vérité ; aussi est-il amené à remettre à
Dieu la cause de son désir ce qui est proprement l'objet du sacrifice ; sa
demande est soumise au désir supposé d'un Dieu qu'il faut dès lors séduire ;
le jeu de l'amour entre par là. Le religieux installe ainsi la vérité en un
statut de culpabilité ; il en résulte une méfiance à l'endroit du savoir
d'autant plus sensible chez les pères de l'Église dès qu'ils se
démontrent plus dominants en matière de raison. La vérité y est renvoyée à
des fins qu'on appelle eschatologiques,
c'est-à-dire qu'elle n'apparaît que comme cause finale, au sens où elle est
rapportée à un jugement de fin du monde ; d'où le relent obscurantiste qui
s'en reporte sur tout usage scientifique de la finalité.
J'ai marqué au passage combien nous avons à apprendre sur
la structure de la relation du sujet à la vérité comme cause dans la
littérature des Pères, voir dans les premières décisions concilaires le
rationalisme qui organise là pensée théologique n'est nullement comme la
platitude se l'imagine affaire de fantaisie. S'il y a phantasme c'est au sens le
plus rigoureux d'institution d'un réel qui couvre la vérité. Il ne nous
semble pas du tout inaccessible à un traitement scientifique que le vérité (->p19)
chrétienne ait dû en passer, ait dû en passer, par l'intenable de la
formulation d'un Dieu : trois en un. La puissance ecclésiale s'accommode ici
fort bien d'un certain découragement de la pensée. Avant d'accentuer les
impasses d'un tel mystère, c'est la nécessité de ces articulations qui pour
la pensée est salubre et à laquelle elle doit se mesurer. Les questions
doivent être prises au niveau où le dogme échappe en hérésie : et la
question du " Filioque
" ne peut me paraître du tout étrangère pour pouvoir être traitée en
termes topologiques. L'appréhension structurale doit y être première et
permet seule une appréciation exacte de la fonction des images. Le "
De
Trinitate " ici, a tous les caractères d'un ouvrage de théorie
où il peut être pris par nous comme un modèle. S'il en était pas ainsi je
conseillerais à mes élèves d'aller s'exposer - distrayons-nous -à la
rencontre d'une tapisserie du XVI ème siècle qu'ils verront s'imposer
à leur regard dès leur entrée au Mobilier National où elle les attend
déployée pour encore un mois où deux. Les trois personnes représentées dans
une identité de forme absolue à s'entretenir entre elles avec une aisance
parfaite au rire frais de la Création sont tout simplement angoissantes. Et ce
que recèle une machine aussi bien faite quand elle se trouve affrontée le
couple d'Adam et d'Ève en la fleur de son pêché est bien de nature à
être proposée en exercice à une imagination de la relation humaine qui ne
dépasse pas en pratique la dualité. Mais que mes auditeurs s'arment d'abord d'Augustin.
Ainsi semblai-je n'avoir défini que les caractéristiques des religions de la
tradition juive. Sans doute sont-elles faites pour nous en démontrer
l'intérêt ? Je ne me console pas d'avoir du renoncer à rapporter à
l'étude de la
Bible la fonction du nom du père. Il reste que la clé est d'une
définition de la relation du sujet à la vérité ; je crois pouvoir dire que
c'est dans la mesure où Claude
Lévi-Strauss conçoit le
bouddhisme comme une religion du sujet généralisé, c'est-à-dire
comme comportant une diaphragmatisation de la vérité comme cause indéfiniment
variable qu'il l'a cette utopie de la voir s'accorder avec le règne universel
du marxisme. Peut-être est-ce là faire trop peu de cas des exigences du
sujet de la science et trop confiance à l'émergence dans la théorie d'une
doctrine de la transcendance (->p20) de la
matière. Pour ce qui est de la science ce n'est pas aujourd'hui que je puis
dire ce qui me paraît de la structure de ses relations à la vérité, comme
cause, puisque notre progrès cette année doit y contribuer.
Je l'aborderai par la remarque étrange que la fécondité
prodigieuse de notre science est à interroger dans sa relation à cet aspect
dont la science se soutiendrait que la vérité comme cause elle ne voudrait
rien en savoir. Ca reconnaît la formule de la Verwerfung ou
forclusion laquelle viendrait ici s'adjoindre en une série fermée à la Verdrängung
: refoulement, à la Verneinung : dénégation, dont vous avez reconnu,
je pense, au passage la fonction dans la magie et la religion. Sans doute ce que
nous avons dit des relations de la Verwerfung avec la psychose, spécialement
comme Verwerfung du nom du père vient-il là, en apparence, s'oppose à cette
tentative du repérage structural. Pourtant si l'on s'aperçoit qu'une
paranoïa réussie apparaîtrait aussi bien être la clôture de la science si
c'était la psychanalyse qui était appelée à représenter cette fonction, si
d'autre part on reconnaît que la psychanalyse est essentiellement en ce qui
introduit ce qui réintroduit dans la considération scientifique le nom du
père, - là on n'est pas plus avancé en apparence puisqu'on retrouve la même
impasse semble-t-il, mais on a le sentiment que de cette impasse même on
progresse et qu'on peut voir se dénouer quelque part le chiasme qui semble y
faire obstacle. Peut-être le point actuel ou en est le drame de la naissance de
la psychanalyse est la ruse qui s'y cache à se jouer de la ruse consciente
sont-ils ici à prendre en considération car ce n'est pas moi qui ait introduit
la forme de la paranoïa réussie. Certes, me faudra-t-il indiquer que
l'incidence de la vérité comme cause dans la science est à reconnaître
sous l'aspect de la cause formelle, mais ce sera pour éclairer que la
psychanalyse par contre en accentue l'aspect de causes matérielles ; telle est
proprement son originalité dans la science. Cette cause matérielle est
proprement la forme d'incidence du signifiant que j'y définis. Par la
psychanalyse, le signifiant se définit comme agissant d'abord comme séparé de
sa signification ; c'est la figure, le caractère littéral que (->p21)
dessine la configuration copulatoire quand, surgissant hors des limites de la
maturation biologique, du sujet, elle s'imprime sans pouvoir être le signe à
s'articuler effectivement de la présence du partenaire sexuel, c'est-à-dire
son signe biologique.
Qu'on se souvienne de nos formules différenciant le
signifiant et le signe. C'est assez dire au passage que dans la psychanalyse
l'histoire est une autre dimension que celle du développement, et que c'est une
aberration que d'essayer de l'y résoudre ; l'histoire ne se poursuit qu'en
contre-temps du développement. Peindre l'histoire comme science a peut-être à
faire son profit si elle veut échapper à l'emprise toujours présente d'une
conception providentielle de son cours, bref nous retrouvons ici le sujet du
signifiant dans son rapport à d'autres signifiants ; il est à distinguer
sévèrement tant de l'individu biologique que de toute évolution psychologique
subsumable comme sujet de la compréhension. C'est dit en terme minimaux, la
fonction que j'accorde au langage dans la théorie, elle me semble compatible
avec un matérialisme historique qui laisse là un vide. Peut-être la théorie
de l'objet "a" y trouvera-t-elle sa place aussi bien. Cette théorie
de l'objet "a" est nécessaire, nous le verrons, à une intégration
correcte de la fonction de la cause, au regard du sujet du savoir et de la
vérité. Vous avez pu reconnaître au passage dans les quatre modes de sa
reproduction qui viennent ici d'être recensés le même nombre et une analogie
d'épinglage nominale qui sont à retrouver dans la Physique d'Aristote
. Ce n'est pas par hasard puisque cette physique ne manque pas d'être marquée
d'un logicisme qui garde encore la saveur et la sapience d'un grammaticon
? (grammatisme originel - dans Écrits)
original.
(espace vide - dans Écrits présence d'une phrase en grec
)
s'interroge-t-il
Nous restera-t-il valable que la
cause soit pour nous exactement autant à se polymériser ? . Cette
exploration n'a pas pour seul but de vous donner l'avantage d'une prise
élégante sur les cadres qui échappent en eux-même à votre juridiction ;
entendez : magie, religion, voir science ; (->p22)
mais plutôt pour vous rappeler qu'en tant que sujet de la science
psychanalytique c'est à la sollicitation que chacun de ces modes de la relation
à la vérité comme cause, que vous avez à résister. Mais ce n'est pas dans
le sens ou vous l'entendez d'abord, la magie n'est pour nous tentation qu'à ce
que vous fassiez de ces caractères la projection sur le sujet à quoi vous avez
affaire pour le psychologiser, c'est-à-dire le méconnaître ; la prétendue
pensée magique qui est toujours celle de l'autre n'est pas un stigmate dont
vous puissiez épingler l'autre ; elle est aussi valable chez votre prochain
qu'en vous-même dans les limites les plus communes ; elle est au principe de la
moindre transmission d'ordre. Pour tout dire le recours à la pensée magique
n'explique rien. Ce qu'il s'agit d'expliquer c'est son efficience. Pour la
religion elle doit bien plutôt nous servir de modèle à ne pas suivre dans
l'institution d'une hiérarchie sociale où se conserve la tradition d'un
certain rapport à la vérité comme cause.
La simulation de l'Église catholique qui se reproduit
chaque fois que la relation à la vérité comme cause vient au social, est
particulièrement grotesque dans une certaine Internationale psychanalytique à
la condition qu'elle s'impose à la communication.
Ai-je besoin en effet de dire dans la science, à l'opposé
de la magie et de la religion, le savoir se communique, mais il faut insister
que ce n'est pas seulement parce que c'est l'usage, mais que la formule
logique donnée à ce savoir inclut le mode de la communication comme suturant
le sujet qu'il implique.
Tel est le problème premier que soulève la communication en
psychanalyse, le premier obstacle à sa valeur scientifique et que la relation
à la vérité comme cause sous ses aspects matériels est resté négligée
dans le cercle de son travail.
Concluerai-je à rejoindre le point d'où je suis parti
aujourd'hui : Division du sujet - ce point est un noeud . Rappelons où
Freud l'ouvre sur ce manque du pénis de la mère où se révèle au sujet la
nature du phallus.
Le sujet se divise ici, nous dit Freud à l'endroit de la
réalité ; (->p23) voyant à la fois s'y ouvrir
le gouffre contre lequel il se rembardera d'une phobie, et d'autre part le
recouvrant de cette surface où il érigera le fétiche, c'est-à-dire
l'existence du pénis comme maintenu quoique déplacé ;
D'un côté extrayant le "pas de" du "pas de
pénis", à mettre entre parenthèse, pour le transférer au pas de savoir
qui est le pas hésitation de la névrose ; de l'autre reconnaissant l'efficace
du sujet dans ce "gneson" ? (-gnomon- dans
Écrits ) , qu'il érige à lui désigner à toute heure le point de
vérité, révélant du phallus lui-même qu'il n'est rien d'autre que ce point
de manque qu'il indique dans le sujet.
Cet index est aussi celui qui nous pointe le chemin où nous
voulons aller cette année. C'est-à-dire, là où vous-même reculez d'être
en ce manque comme psychanalystes suscités.
note:
bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire, ou
si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par avance
de m'adresser un émail. Haut
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