IX-L'IDENTIFICATION
Séminaire du 20 juin 1962
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Le temps approche du terme de cette année.
Mon discours sur l'identification n'aura bien entendu pas pu épuiser son champ.
Aussi bien ne puis-je éprouver là-dessus aucun sentiment de vous
avoir fait défaut. Ce champ en effet, quelqu'un au départ
s'inquiétait un peu, non sans fondement, que j'y aie choisi une thématique qui
luí semblait permettre être instrument même pour nous du "tout est dans
tout" ; j'ai essayé tout au contraire de vous montrer ce qui s'y attache
de rigueur structurale. Je l'ai fait en partant du deuxième
mode d'identification distingué par Freud, celui que je crois sans fausse
modestie avoir rendu désormais pour vous tous impensable, sinon sous le mode de
la fonction du trait unaire. Le champ sur lequel je suis depuis que j'ai
introduit le signifiant du huit intérieur est celui du troisième mode
d'identification, cette identification où le sujet se constitue comme désir et
dans lequel tout notre discours antérieur nous évitait de méconnaître que le
champ du désir n'est concevable pour l'homme qu'à partir de la fonction du
Grand Autre : le désir de l'homme se situe au lieu |
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de l'Autre et s'y constitue précisément
comme ce mode d'identification original que Freud nous apprend à séparer
empiriquement - ce qui ne veut pas dire que sa pensée en ce point soit
empirique - sous la forme de ce qui nous est donné dans notre expérience
clinique, tout spécialement à propos de cette forme si manifeste de la
constitution du désir qui est celle de l'hystérique. Se contenter de dire : il y a l'identification idéale et puis il y a l'identification du désir au désir, cela peut aller bien sûr pour un premier débroussaillage des affaires, vous devez bien le voir. Le texte de Freud ne laisse pas les choses là, et ne laisse pas les choses là pour autant déjà que dans l'intérieur des ouvrages majeurs de sa troisième topique, il nous montre le rapport de l'objet, qui ne peut être ici que l'objet du désir, |
avec la constitution de l'idéal lui-même. I1
le montre sur le plan de l'identification collective, de ce qui est en somme une
sorte de point de concours de l'expérience, par quoi l'unarité du trait, si je
puis dire, mon trait unaire - c'est ce que je voulais dire - se reflète
dans l'unicité du modèle pris comme celui qui fonctionne dans 1a constitution
de cet ordre de réalité collective qu'est si l'on peut dire, la masse avec une
tête, le leader.
L'identification au père fait entrer en
effet en question quelque chose dont on peut dire que lié à la tradition d'une
aventure proprement historique au point que nous pouvons probablement
l'identifier à l'histoire elle-même, ça ouvre un champ que nous n'avons
même pas songé cette année à faire entrer dans notre intérêt, faute de
devoir y être vraiment absorbé tout entier.
Prendre d'abord pour objet la première
forme d'identification eût été engager tout entier notre discours sur
l'identification dans les problèmes du Totem et tabou, l'oeuvre pour Freud,
qu'on peut bien dire être pour lui ce qu'on peut appeler "die Sache selbst",
la chose elle-même, et dont on peut dire aussi qu'elle restera au sens hégélien,
c'est-à-dire pour autant que pour Hegel die Sache selbst, l'oeuvre,
c'est en somme tout ce qui justifie, tout ce en quoi mérite de subsister ce
sujet qui ne fût, qui ne vécut, qui ne souffrit qu'importe, seule cette extériorisation
essentielle avec une voie par lui tracée d'une oeuvre - c'est bien là,
en effet, ce qu'on regarde et qu'elle veut seule rester, phénomène en
mouvement de la conscience, et sous cet angle, on peut dire en effet que nous
avons raison, que nous aurions tort plutôt de ne pas identifier le legs de
Freud, si c'était à son oeuvre qu'il devait se limiter, au Totem et Tabou.
Car le discours sur l'identification que
j'ai poursuivi cette année, par ce qu'il a constitué comme appareil opératoire-
je
crois que vous ne pouvez qu'en être au point de commencer à les mettre en
usage - vous pouvez encore avant l'épreuve en apprécier l'importance que
ne saurait manquer d'être tout à fait décisive, dans tout ce qui est pour
l'instant appelé à l'actualité d'une formulation urgente, au premier chef le
fantasme.
Je tenais à marquer que c'était là l'étape
préalable essentielle, exigeant absolument une antécédence proprement
didactique pour que puisse s'articuler convenablement la faille, le défaut, la
perte où nous sommes pour pouvoir nous référer avec la moindre convenance à
ce dont il s'agit concernant la fonction paternelle.
Or il est clair que ceci ne saurait se résoudre
sinon d'une façon impénétrable, si nous, analystes, ne sommes pas capables
d'introduire ici quelque chose qui soit du même niveau que ce discours, à
savoir comme ce discours une logique.
C'est cette logique du désir, cette
logique de l'objet de désir dont je vous ai donné cette année l'instrument,
en désignant l'appareil par quoi nous pouvons saisir quelque chose qui, pour être
valable, ne peut qu'avoir été depuis toujours la véritable animation de la
logique, je veux dire là où, dans l'histoire dans l'histoire de son progrès,
elle s'est fait sentir comme quelque chose qui ouvrait à la pensée. Il n'en
reste pas moins que ce ressort secret peut-être restait masqué que
logique elle n'intéressât, elle n'impliquât le mouvement de ce monde qui n'est
pas rien : on l'appelle monde de la pensée, dans une certaine direction qui,
pour être centrifuge, n'en était pas moins tout de même déterminée par
quelque chose qui se rapportait à un certain type d'objet qui est celui auquel
nous nous intéressons pour l'instant.
Et comment l'histoire individuelle - ce sujet discourant, où cet individu n'est que compris
- est
orientée, pivotante, polarisée par ce point secret et peut-être au
dernier terme, jamais accessible, si tant est qu'il faille admettre avec Freud
pour un temps du moins dans l'irréductibilité d'une Urverdrängung l'existence
de cet ombilic du désir dans le rêve dont il parle dans la Traumdeutung, c'est
cela dont nous ne pouvons omettre la fonction dans toute appréciation des
termes dans lesquels nous décomposons les faces de ce phénomène nucléaire.
C'est pourquoi, avant de rejoindre la
clinique, trop facile toujours à nous remettre dans les ornières de vérités
dont nous nous accommodons fort bien à l'état voilé, à savoir :
qu'est-ce que l'objet du désir pour le névrosé, ou encore pour le
pervers, ou encore pour le psychotique ? Ce n'est pas cela, cet échantillonnage,
cette diversité des couleurs qui ne servira jamais qu'à nous faire perdre des
cartes qui sont intéressantes "Deviens ce que tu es", dit la formule
de la tradition classique. C'est possible. Voeu pieux. Ce qui est assuré,
c'est que tu deviens ce que tu méconnais. La façon dont le sujet méconnaît
les termes, les éléments et les fonctions entre lesquelles se joue le sort du
désir, pour autant précisément que quelque part lui en apparaît sous une
forme dévoilée un de ses termes, c'est cela par quoi chacun de ceux que nous
avons nommé névrosé, pervers, et psychotique, est normal. Le psychotique est
normal dans sa psychose, et par ailleurs parce que le psychotique dans le désir
a affaire au corps ; le pervers est normal dans sa perversion parce qu'il a
affaire dans sa variété au phallus et le névrosé, parce qu'il a affaire à
l'Autre, le grand Autre comme tel. C'est en cela qu'ils sont normaux, parce que
ce sont les trois termes normaux de la constitution du désir.
J'ai été très frappé à lire, hier
matin, à l'heure où la grève de l'électricité n'était pas encore commencée,
le travail d'un de mes élèves sur le fantasme. Mon Dieu, pas mauvais, Bien sûr,
ça n'est pas encore la mise en action des appareils dont j'ai parlé, mais
enfin la seule collation des passages de Freud où il parle du fantasme de façon
absolument géniale. Quand on se demande quelle pertinence , en l'absence de
tout ce qu'on peut dire, ces ouvertures ont conditionnée depuis, d'où la
première formulation peut avoir trouvé cette pertinence pour rester en quelque
sorte maintenant marquée du poinçon même qui est celui que j'essaie d'isoler
des choses. Cette pulsion qui se fait sentir de l'intérieur du corps, ces schémas
tout entiers structurés de ces prévalences topologiques, il n'y a que là-dessus
qu'est l'accort.
Comment définir ce qui fonctionne de
l'arrivée de l'extérieur et de l'arrivée de l'intérieur
Quelle incroyable vocation de platitude
a-t-il fallu dans ce qu'on peut appeler la mentalité de la communauté analytique pour croire que c'est la référence à ce qu'on
appelle "l'instance biologique"! Non pas que je sois en train de
dire qu'un corps, un corps vivant, - je ne suis pas en train de badiner - ça ne soit pas une
réalité biologique, seulement le faire
fonctionner dans la topologie freudienne comme topologie et y voir je ne sais
quel biologisme qui serait radical, inaugural, coextensif de la fonction
de la pulsion, c'est ce qui fait là toute l'ampleur, toute la béance de ce
qu'on appelle un contresens, un contresens absolument manifeste dans les faits,
à savoir que comme il n'y a pas besoin de le faire remarquer, jusqu'à
nouvel ordre, c'est-à-dire la révision que nous attendons dans la
biologie, il n'y a pas eu trace d'une découverte biologique, ni même
physiologique, ni même esthésiologique, qui ait été faite par la voie de
l'analyse esthésiologique, cela veut dire une découverte sensorielle, quelque
chose qu'on aurait pu trouver de nouveau dans la façon de sentir les choses - ; ce qui fait le contresens, c'est très clair à définir, c'est
que
le rapport de la pulsion au corps est partout marqué dans Freud ;
topologiquement,
(->p523) (XXV/7)
Il est bien certain que ce
"qu'est-ce qu'un corps", vous le savez, ce n'est même pas une
idée ébauchée dans le consensus du monde philosophant au moment où Freud ébauche
sa première topique ; toute la notion du Dassin postérieure et construite pour
nous donner si je puis dire l'idée primitive qu'on peut avoir de ce que c'est
qu'un corps, comme d'un là constituant de certaines dimensions de présence - et je ne vais pas vous refaire Heidegger, parce que si je vous en parle,
c'est que bientôt vous allez avoir ce texte dont je vous ai dit qu'il est
facile, vous le prendrez au mot. En tout cas la facilité avec laquelle nous 1e
lisons maintenant prouve bien que ce qu'il a lancé dans le courrant des choses
est bel et bien en circulation ; ces dimensions de présence de quelque façon
qu'on les appelle, le Mitsein, ce là-être et tout ce
Oui, tout ceci fait dans Heidegger
d'admirables irruptions dans notre monde mental. Laissez-moi vous dire que,
s'il y a des gens pour devoir n'en être à aucun degré satisfaits, ce sont les
psychanalystes, c'est moi. Cette référence, sans doute suggestive, à ce que
j'appellerai - n'y voyez aucune espèce de tentative de rabaisser ce dont
il s'agit une praxis artisanale fondement de l'objet-ustensile, comme découvrant
assurément au plus haut degré ces premières dimensions de la présence si
subtilement détachées que sont la proximité, l'éloignement comme constituant
les premiers linéaments de ce monde, Heidegger le doit beaucoup - il me
l'a dit, à moi-même -au fait que son père fut tonnelier.
Tout cela nous découvre quelque chose à quoi la présence a
éminemment
(->p524) (XXV/8) Si cela a un sens, ce
que Freud
apporte, à savoir qu'au coeur de la constitution de tout objet il y a la
libido, si cela a un sens, cela veut dire que la libido ne soit pas simplement
le surplus de notre présence praxique dans le monde, ce qui est la thémantique
depuis toujours et ce que Heidegger ramène : car si la Sorge est le souci,
l'occupation, est ce qui caractérise cette présence de l'homme dans le monde,
cela veut dire que quand le souci se relâche on peu on commence à baiser. Ce
qui, comme vous le savez, est l'enseignement par exemple de quelqu'un que je
choisis, là vraiment, sans aucun scrupule, et dans un esprit de polémique, car
c'est un ami : M, Alexander. M. Alexander a d'ailleurs sa place fort honorable
dans ce concert simplement un peu cacophonique qu'on peut appeler la discussion
théorique dans la société psychanalytique américaine, il a sa place de plein droit, parce qu'il est évident que cela serait un peu fort qu'on pût se
permettre, dans une société aussi importante et officiellement constituée que
cette association américaine, de rejeter ce qui coïncide vraiment aussi bien
avec les idéaux, avec la pratique d'une aire qu'on appelle culturelle, déterminée.
Mais il est clair que même d'ébaucher
une théorie de fonctionnement libidinal comme étant constitué avec la part de
surplus d'une certaine énergie de quelque façon que nous la catégorisions :
énergie de survivance ou autre -, c'est absolument nier toute la valeur,
non pas simplement poétique, mais la raison d'être de notre fonction de thérapeutes,
telle que nous en définissons les termes et la visée.
Que dans l'ensemble pratiquement nous
nous accommodions fort bien, nous faisions notre affaire de ramener les gens à
la leur - d'affaire bien sûr - seulement ce qu'il y a de certain,
c'est que même quand nous épinglons ce résultat sous la forme de succès thérapeutiques,
nous savons au moins ceci : de deux choses l'une : ou que nous l'ayons fait en
dehors de toute espèce de voie proprement analytique, et alors ce qui clochait
au coeur de l'affaire - car c'est de cela qu'il s'agit - cloche
toujours, ou bien que si nous sommes là parvenus, c'est justement dans toute la
mesure - qui n'est pas le b-a-ba de ce qu'on nous enseigne - où nous n'avons pas cherché d'aucune façon à régler l'affaire, mais
nous avons été ailleurs, vers ce qui clochait, ce qui tournait au centre, le
noeud libidinal.
En
fait, ce qui est encore bien plus
grave, c'est que nous interdisons de faire mieux, tout en
sachant que cette action qui est la nôtre dont nous pouvons nous vanter de
temps en temps comme d'une réussite, est faite par des voies qui ne concernent
pas le résultat. Grâce à ces voies; nous apportons dans un lieu complémentaire
qu'elles ne concernent pas si ce n'est pas ressentiment, des retouches ; c'est
le maximum de ce qu'on peut dire. Quand est-ce qu'il nous arrive de
replacer un sujet dans son désir ? C'est une question que je pose à ceux qui
ici ont quelque expérience comme analystes, évidemment pas aux autres.
Est-il
concevable qu'une analyste
ait pour résultat de faire entrer un sujet en désir, comme on dit entrer en
transe, en rut ou en religion ? C'est bien pour cela que je me permets de poser
la question en un point local ; le seul en fin de compte qui soit décisif,
parce que nous ne sommes pas des apôtres, c'est si cette question ne mérite
pas d'être préservée quand il s'agit des analystes ; car pour les autres, le
problème posé c'est : qu'est-ce que le désir pour qu'il puisse
subsister, persister dans cette position paradoxale. Car enfin il est bien clair
que d'aucune façon je n'émets de voeu par là que l'effet de l'analyse aille
rejoindre celui rempli depuis toujours par les sections mystiques, dont les
opérations fameuses, sans doute trompeuses, souvent douteuses en tous cas la
plupart du temps, ne sont pas ce à quoi je vous demande spécialement de vous
intéresser, si ce n'est quand même pour les situer comme occupant cette place
globale d'amener le sujet sur un champ qui n'est pas autre chose que le champ de
son désir.
Bref, tout cela n'est pas pour vous diriger sur l'hindouisme, mais quand même, puisque je me trouve, je ne peux pas dire "à
relire", parce que je ne les ai jamais lus, les textes hindous, et comme je
vous le dis, c'est toujours fort décevant dès l'abord, mais je viens de revoir
retranscrites, rapprochées des choses beaucoup plus accessibles de la
technique mystique musulmane, par quelqu'un de merveilleusement intelligent,
quoique présentant toutes les apparences de la folie, qui s'appelle M. Louis
Massignon - je dis "les apparences" - et se référant au
boudhi ; à propos d'élucidation de ces termes, le point qu'il met en valeur de
la fonction terme - je veux dire que c'est l'avant-dernier seuil à
franchir avant la libération cherchée, devant l'ascèse hindoue la fonction
qu'il donne au boudhi, comme l'objet - car c'est cela que cela veut dire ,
qui bien entendu n'est écrit nulle part, sauf dans ce texte de Massignon, où
il en trouve l'équivalence avec le man-sou (?) de la mystique chiite - la fonction de l'objet comme étant le point tournant, indispensable de
cette concentration pour en venir à des termes métaphoriques de la réalisation
subjective dont il s'agit, qui n'est en fin de compte que l'accès à ce champ du
désir que nous pouvons appeler le (->p527)
(XXV/11) désirant tout court. Et quel
est-il ce désirant ?
I1 est bien sûr que ceux qui n'y sont
point allés n'en savent rien et que c'est bien ce qui embête tous ceux qui
sont les officiants du domaine bien déjà constitué que j'ai appelé la dernière
fois celui de Théo, tout naturellement la suspicion, l'exclusion, l'odeur de
soufre dont est environnée, dans toutes les religions, l'ascèse mystique.
Quoi qu'il en soit, le rapport articulé
à ce stade, au stade qu'on peut appeler d'achèvement de l'involution, de 1'assumption du sujet dans un objet choisi d'ailleurs par des techniques
mystiques avec un ordre très arbitraire -ça peut être une femme - ça peut être un bouchon de carafe
- me paraissait coïncider parfaitement
avec la formule
S a
<> coupure de |
telle que je vous la
formule comme donnée, comme formalisation la plus simple qu'il nous soit permis
d'atteindre au contact des diverses formes de la clinique, c'est-à-dire
parce qu'il est nécessaire de présumer que la structure de ce point central
telle que nous pouvons la construire - le terme est de Freud - et
telle que nous devons la construire nécessairement pour rendre compte des ambiguïtés
de ses effets.
Le travail auquel je faisais allusion
tout à l'heure, que j'ai lu hier matin, s'attachait à reprendre - il
faut bien que les choses se digèrent - un champ que j'avais traité
depuis longtemps, à savoir la structure de l'homme aux loups ; à la lumière
spécialement la structure du fantasme ; la chose est tout à fait bien cernée
dans ce travail. Toutefois, par rapport aux premières formulations, celles que
j'ai faites avant de vous avoir apporté les récents appareils, elle marque peu
de gain, mais elle me désigne en quel point après tout vous suivez ce que je
puis ici vous montrer comme lieu à franchir.
Reprenons donc simplement pour le
pointer - ce n'est pas une criti
|
à cet |
|
sence de ce point qui est là, soit dans |
Vous connaissez cet arbre, ce grand
arbre et les loups qui ne sont absolument pas des loups, perchés sur cet arbre
au nombre de cinq, alors qu'ailleurs on parle de 7.
|
Si nous avions besoin d'une image exemplaire de ce que c'est que petit a ici, à la limite du champ (3) quand sa radicalité phallique se manifeste par une sorte de singularité comme accessible là ou seulement elle peut nous apparaître, c'est-à-dire quand elle approche où qu'elle peut s'approcher du champ externe, (4) du champ de ce qui peut se réfléchir, du champ de ce dans quoi une symétrie peut permettre l'erreur spéculaire, nous l'avons là. Car il est clair à la fois que cela n'est |
pas bien sûr l'image spéculaire de l'homme aux loups qui est là devant
lui, et que pourtant-nous l'avons marqué d'ailleurs depuis assez
longtemps pour que cela ne soit pas une nouveauté - pour l'auteur du
travail dont je parle, c'est l'image même de ce moment que vit le sujet comme scène
primitive. Je veux dire que c'est la structure même du sujet devant cette scène.
Je veux dire que devant cette scène, le sujet se fait loup regardant et se fait
cinq loup regardant. Ce qui s'ouvre subitement à lui de cette
(->p529) (XXV/13) nuit, c'est le retour de ce qu'il est,
lui essentiellement dans le fantasme fondamental.
Sans doute la scène elle-même
dont il s'agit est-elle voilée. Nous
Mais telle est la fonction de la raison
dialectique - n'en déplaise à M. Lévi-Strauss qui croit qu'elle
n'est qu'un cas particulier de la raison analytique - c'est que justement
elle ne permet de saisir ses stades sauvages qu'à partir de ses stades élaborés.
Or ce n'est pas pour dire que la logique des classes soit l'état sauvage de la
logique de l'objet du désir. Si l'on a pu établir une logique des classes - je vous demanderai de consacrer notre prochaine rencontre à cet objet
- c'est parce qu'il y avait l'accès qu'on se refusait à une logique de l'objet
du désir ; autrement dit, c'est à la lumière de la castration que peut se
comprendre la fécondité du thème privatif.
Ce que j'ai voulu vous indiquer
seulement aujourd'hui, c'est cette fonction que dès longtemps j'avais repérée
pour vous la montrer comme exemplaire des incidences du signifiant les plus décisives,
voire les plus cruelles dans la vie humaine, quand je vous disais : la jalousie,
la jalousie sexuelle exige que le sujet sache compter. Les lionnes de la petite
troupe léonine que je vous peignais dans je ne sais quel zoo n'étaient
manifestement pas jalouses l'une de l'autre, parce qu'elles ne savaient pas
compter. Nous touchons là du doigt quelque chose : c'est qu'il est assez
probable que l'objet tel qu'il est constitué au niveau du désir, c'est-à-dire
l'objet en fonction non pas de privation, mais de castration, seul cet objet
vraiment peut être numérique. Je ne suis pas sur que cela suffise pour affirmer
qu'il est dénombrable, mais quand
On ne peut pas être sûr duquel : là
ils sont cinq sur le schéma et sept dans le texte ; mais qu'importe, ils ne
sont sûrement pas 12 ! Quand je m'aventure dans des indications semblables, qu'est-ce
qui le permet ?
(->p531) (XXV/15)
Bien sûr, vous pouvez me faire
confiance, j'ai poussé un tout petit peu plus loin le statut de cette relation
de la catégorie de l'objet, l'objet du désir avec la numération.
Mais ce qui fait que je suis ici sur le
velour, c'est que je peux me donner de temps, me contenter de vous dire que nous
reverrons cela par la suite, sans qu'il reste pour autant moins légitime de
vous indiquer là un repère dont la reprise par vous peut éclairer certains
faits. En tous cas sous la plume de Freud ce que nous voyons à ce niveau, c'est
une image, la libido, nous dit-il, du sujet est sortie de l'expérience éclatée,
zersplittert, zerstört.
Mon cher ami Leclaire ne lit pas
l'allemand, il n'a pas mis entre parenthèse, le terme allemand, et je n'ai pas
eu le temps d'aller le revérifier. C'est la même chose que le terme de
splitting, refondu ; l'objet ici manifesté dans le fantasme porte marque de ce
que nous avons appelé à maintes occasions les refentes du sujet.
Ce que nous trouvons, c'est assurément
ici l'espace même topologique qui définit l'objet du désir, il est probable
que ce nombre étant inhérent n'est que la marque de la temporalité inaugurale
qui constitue ce champ.
Ce qui caractérise le double, c'est la
répétition, si l'on peut dire, radicale ; il y a dans sa structure le fait de
deux fois le tour et le noeud ici constitué dans ce deux fois le tour,
c'est à la fois cet élément du temporel, de temporel puisqu'en
somme la question reste ouverte de la façon où le temps développé qui fait
partie de l'usage courant, où notre discours s'y insère ; mais c'est aussi ce
terme essentiel par quoi la logique ici constituée se différencie d'une façon
tout à fait véritable de la logique formelle telle qu'elle a subsisté intacte
dans son prestige jusqu'à Kant. Et c'est là le problème : d'où venait ce
prestige, étant donné son caractère absolument mort apparemment pour nous ?
le prestige de cette logique était tout entier dans ce à quoi nous l'avons réduite
nous-même, à savoir l'usage des lettres.
Vérité
très simple, presque évidente, qui suffit à elle seule à ouvrir la
possibilité logique de la constitution de l'objet à la place de ce splitting,
à la place même de cette différence du signifiant avec lui-même de
cette différence du signifiant avec lui-même, dans son effet, subjectif.
Comment
cet objet constituant du monde humain - car ce qu'il s'agit de vous
montrer, c'est que loin d'avoir la moindre aversion pour ce fait d'évidence
psychologique que l'être humain est susceptible de prendre, comme on dit, ses désirs
pour des réalités, c'est là que nous devons le suivre. Car comme il a raison
au départ, ça n'est nulle part ailleurs que dans le sillon ouvert par son désir
qu'il peut constituer une réalité quelconque qui tombe ou pas dans le champ de
la logique.
note: bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire,
ou si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par
avance de m'adresser un émail.
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