IX-L'IDENTIFICATION
Séminaire du 15 novembre 1961
(->p1) ( I )
Tel est cette année mon titre et mon sujet. C'est
un bon titre mais pas un sujet commode. Je ne pense pas que vous ayez l'idée
que ce soit une opération ou un processus très facile à concevoir. S'il est
facile à constater, il serait peut-être néanmoins préférable, pour le
bien constater, que nous fassions un petit effort pour le concevoir. Il est sûr
que nous en avons rencontré assez d'effets pour nous en tenir au sommaire, je
veux dire à des choses qui sont sensibles, même à notre expérience interne,
pour que vous ayez un certain sentiment de ce que c'est. Cet effort de concevoir
vous paraîtra, du moins cette année, c'est-à-dire une année qui n'est pas la première de notre enseignement, sans aucun doute par les lieux, les
problèmes auxquels cet effort nous conduira, après coup justifié.
Nous allons faire
aujourd'hui un tout premier
petit pas dans ce sens. Je vous demande pardon, cela va peut-être nous
mener à faire ces efforts que l'on appelle à proprement parler de pensée :
cela ne nous arrivera pas souvent, à nous pas plus qu'aux autres.
L'identification, si nous la prenons pour titre,
pour thème de notre propos, il convient que nous en parlions autrement que sous
la forme, on peut dire mythique sous laquelle je l'ai quittée l'année dernière.
Il y avait quelque chose de cet ordre,
Ce
n'est pas sans intention que j'évoque cette référence à propos de cette façon dont
l'année dernière
mon discours sur le transfert se terminait sur cette image de l'identification.
J'ai eu beau faire je ne pouvais faire du beau pour marquer la barrière où le
transfert trouve sa limite et son pivot. Sans aucun doute, ce n'était pas là
la beauté dont je vous ai appris qu'elle est la limite du tragique, qu'elle est
le point où la chose insaisissable nous verse son euthanasie. Je n'embellis
rien, quoiqu'on imagine à entendre quelquefois sur ce que j'enseigne quelques
rumeurs : je ne vous fais pas la partie trop belle. Ils le savent ceux qui ont
autrefois écouté mon séminaire sur l'Éthique, celui où j'ai exactement
abordé la fonction de cette barrière de la beauté sous la forme de l'agonie
qu'exige de nous la chose pour qu'on la joigne.
(->p3) (I/3)
Voilà donc où se terminait le transfert l'année dernière. Je vous l'ai indiqué,
tous ceux qui assistaient aux journées provinciales d'octobre, je vous ai
pointé,
sans pouvoir vous dire plus, que c'était là une référence cachée dans un comique
qui est le point au-delà duquel je ne pouvais pousser plus loin ce que
je visais dans une certaine expérience, indication si je puis dire qui est à
retrouver dans le sens caché de ce qu'on pourrait appeler les cryptogrammes
de ce séminaire, et dont après tout je ne désespère pas qu'un commentaire
un jour le dégage et le mette en évidence, puisqu'aussi bien il
m'est arrivé d'avoir ce témoignage qui, en cet endroit, est bon espoir :
c'est que le séminaire de l'année avant dernière, celui sur l'Éthique, a été effectivement
repris - et aux dires de ceux qui ont pu en lire le travail - avec un plein
succès par quelqu'un qui s'est donné la peine de le relire pour en résumer
les
éléments, nommément M. SAFOUAN, et j'espère que peut-être ces choses pourront
être mises assez vite à votre portée pour que puisse s'y enchaîner ce que je
vais vous apporter cette année. D'une année sautant sur la deuxième après
elle, ceci peut vous sembler poser une question, voire regrettable comme
un retard ; cela n'est pas tout à fait fondé pourtant, et vous verrez que
si vous reprenez la suite de mes séminaires depuis l'année 1953 : le premier
sur les Écrits Techniques,
celui qui a suivi sur le moi : la Technique et la Théorie freudiennes et psychanalytiques,
le troisième, sur les structures Freudiennes de la psychose, le quatrième
sur la Relation d'Objet, le cinquième sur les formations de l'Inconscient,
le sixième
sur le Désir et son Interprétation, puis l'Éthique, le Transfert, l'Identification
auquel nous arrivons en voici neuf, vous pourrez facilement y retrouver une
alternan-(->p4) (I/4)ce,
une pulsation. Vous verrez que de deux en deux domine la thématique
du sujet et celle du signifiant, ce qui, étant donné que c'est
par le signifiant, par l'élaboration de la fonction du symbolique que nous
avons commencé, fait retomber à cette année aussi sur le signifiant
puisque nous sommes en chiffre impair, encore que ce dont il s'agit doive être
proprement dans l'identification le rapport du sujet au signifiant.
Cette identification donc, dont nous
proposons de tenter de donner cette année une notion adéquate, sans doute
l'analyse l'a rendue pour nous assez triviale ; comme quelqu'un qui m'est assez
proche et m'entend fort bien, m'a dit "voici donc cette année ce que tu
prends : l'identification", et ceci avec une moue : "l'explication
à tout faire", laissant percer du même coup quelque déception concernant en
somme le fait que de moi, on s'attendait plutôt à autre chose. Que cette
personne se détrompe ! Son attente, en effet, de me voir échapper au thème,
si. je puis dire, sera déçue, car j'espère bien le traiter et j'espère aussi
que sera dissoute la fatigue que ce thème lui suggère à l'avance. Je parlerai
bien de l'identification même. Pour tout de suite préciser ce que j'entends
par là, je dirai que, quand on parle d'identification, ce à quoi on pense
d'abord, c'est à l'autre, à qui on s'identifie, et que la porte m'est
facilement ouverte pour mettre l'accent, pour insister sur cette différence de
1'autre à l'Autre, du petit autre au grand Autre, qui est un thème auquel je
puis bien dire que vous êtes d'ores et déjà familiarisés.
Ce n'est pas pourtant par ce biais que j'entends commencer. Je vais plutôt mettre
l'accent sur ce qui, dans l'identi
Vous n'êtes pas sans savoir,
même sans
pouvoir assez vite repérer quelles difficultés, depuis toujours pour la pensée
nous offre ceci : A = A. Pourquoi le séparer de lui-même pour si vite
l'y replacer ? Ce n'est pas là pur et simple jeu d' esprit. Dites-vous
bien, par exemple, que, dans la ligne d'un mouvement d'élaboration conceptuel,
qui s'appelle le logicopositivisme, où tel ou tel peut s'efforcer de viser un
certain but qui serait, par exemple, celui de ne poser de problème logique à
moins qu'il n'ait un sens repérable comme tel dans quelque expérience
cruciale, il serait décidé à rejeter quoi que ce soit du problème logique
qui ne puisse en quelque sorte offrir ce garant dernier en disant que c'est un problème
dépourvu de sens comme tel.
Il n'en reste pas moins que si Russell peut donner à ces principes mathématiques une valeur, à l'équation, à la mise à égalité de A = A, tel autre, Wittgenstein, s'y opposera en raison proprement d'impasses qui lui semblent en résulter au nom des principes de départ et ce refus sera même apposé algébriquement, une telle égalité s'obligeant donc à un détour de notation pour trouver ce qui peut servir d'équivalent à la reconnaissance de l'identité A est A.
Pour nous, nous allons, ceci étant posé
que ce n'est pas du tout la voie du logico-positivisme qui nous paraît,
en matière de logique, être d'aucune façon celle qui est justifiée,
Vous
n'êtes pas sans savoir qu'on
observe, dans l'ensemble des langues certains virages historiques assez généraux,
voire universels pour qu'on puisse parler de syntaxes modernes en les opposant
globalement aux syntaxes non pas archaïques, mais simplement anciennes,
entendons des langues de ce qu'on appelle l'Antiquité. Ces sortes de virages généraux,
je vous l'ai dit, sont de syntaxe. Il n'en est pas de même du lexique où les
choses sont beaucoup plus mouvantes ; en quelque sorte, chaque langue apporte,
par rapport à l'histoire générale du langage, des vacillations propres à
son génie et qui les rendent, telle ou telle, plus propice à mettre en évidence
l'histoire d' un sens. C'est ainsi que nous pourrons nous arrêter à ce qui est
le terme, ou substantifique notion du terme, de l'identité (dans identité,
identification, il y a le terme latin idem), et ce sera pour vous montrer que
quelque expérience significative est supportée dans le terme français
vulgaire, support de la même fonction signifiante celui du même. Il semble, en
effet, que ce soit le em, suffixe du i dans idem, ce en quoi nous trouvons opérer
la fonction, je dirai de radical dans l'évolution de l'indoeuropéen au niveau
d'un certain nombre de langues italiques ; cet em est ici redoublé, consonne
antique qui se retrouve donc comme le résidu, le reliquat, le retour à une thématique
primitive, mais non sans avoir recueilli au passage la phrase intermédiaire de
l'étymologie, positivement de la naissance de ce thème qui est un met ipsum
familier latin, et
C'est alors dans un metipsissimum
que s'engouffrent après, le moi, le toi, le lui, le elle, le eux, le nous, le vous, et jusqu'au
soi, qui se trouve donc en français être un soi-même. Aussi nous voyons
là, en somme dans notre langue, une sorte d'identification d'un travail d'une
tendance significative spéciale, que vous me permettrez de qualifier de
"nihilisme" pour autant qu'à cet acte, cette expérience du moi se
réfère.
Bien sûr, la chose n'aura d'intérêt
qu'incidemment si nous ne devions pas en retrouver d'autre trait où se révèle
ce fait, cette différence nette et facile à repérer si nous pensons qu'en
grec, le du soi est celui qui sert à désigner aussi le
même, de même
qu'en allemand et en anglais le selbst ou le self qui viendront à fonctionner
pour désigner l'identité. Donc cette espèce de métaphore permanente dans la
locution française, c'est je crois pas pour rien que nous la relevons ici et
que nous nous interrogeons. Nous laisserons entrevoir qu'elle n'est peut-être
pas sans rapport avec le fait d'un bien autre niveau : que ce soit en français,
je veux dire dans Descartes, qu'ait pu se penser l'être comme inhérent au
sujet, sous un mode en somme que nous dirons assez captivant, pour que, depuis
que la formule a été proposée à la pensée, on
Je crois que ce n'est pas une mauvaise porte
C'est donc, non
sans quelqu'arbitraire,
et cependant avec suffisamment de raisons, ce fait que cette formule qui pour
vous fait sens et est d'un poids qui dépasse sûrement l' attention que vous
avez pu lui accorder jusqu'ici, je vais aujourd'hui m'y arrêter pour montrer
une espèce d'introduction que nous pouvons y retrouver. I1 s'agit pour nous, au
point de l'élaboration où nous sommes parvenus, d'essayer d'articuler
Une telle thèse qui, vous le verrez,
sera essentielle pour toute incarnation que nous pourrons donner par la suite
des effets de l'identification, exige que nous essayons d'articuler d'une façon
plus précise comment nous concevons effectivement cette dépendance de la
formation du sujet par rapport à l'existence d'effets du signifiant comme tel.
Nous irons même plus loin à dire que si nous donnons au mot pensée un sens
technique : la pensée de ceux dont c'est le métier de penser, on peut, à y
regarder de près, et en quelque sorte après coup, s'apercevoir que rien de ce
qui s'appelle pensée n'a jamais rien fait d'autre que de se loger quelque part
à l'intérieur de ce problème.
A ce signe, nous constaterons que nous
ne pouvons pas dire que, à tout le moins, nous ne projetions de penser que, d'
une certaine façon, que nous le voulions ou non, que vous l'ayez su ou non,
toute recherche, toute expérience de l'inconscient, qui est la notre ici sur ce
qu'est cette expérience, est quelque chose qui se place à ce niveau de pensée
où, pour autant que nous y allons sans doute ensemble, mais non pas sans que je
vous y conduise, le rapport sensible le plus présent, le plus immédiat, le
plus incarné de cet effort, est la question que vous pouvez vous poser dans cet
effort sur ce "qui suis-je ?"
Ce n'est pas là un jeu abstrait de philosophe ; car, sur ce sujet du "qui
suis-je ?" ce à quoi j'essaie de vous initier, vous n'êtes pas sans
savoir - au moins certains d'entre vous - (p10->)
(I/10) que j'en entends de toutes les couleurs.
Ceux qui le savent peuvent être, bien entendu, ceux de qui je
l'entends, et je ne mettrai personne dans la gêne à publier là-dessus
ce que j'en entends.
D'ailleurs, pourquoi le ferais-je
puisque je vais vous accorder
C'était de moi qu'il s'agissait dans ce
rêve. Ce rêve n' en débouchait pas moins, chez mon sujet, tout éveillé à
me faire grief de ce discours où, à l'entendre, il manquerait toujours le
dernier mot. Cela n'est pas résoudre la question que de dire: les enfants que
vous êtes attendent toujours, pour croire, que je dise la vraie vérité ; car
ce terme, la vraie vérité, a un sens, et je dirai plus : c'est sur ce sens
qu'est édifié tout le crédit de la psychanalyse. La psychanalyse s'est
d'abord présentée au monde comme étant celle qui apportait la vraie vérité.
Bien sûr, on retombe vite dans toutes sortes de métaphores qui font fuir la
chose. Cette vraie vérité, c'est le dessous des cartes. Il y en aura toujours
un, même dans le discours philosophique plus rigoureux : c'est là-dessus
qu'est fondé notre crédit dans le monde et le stupéfiant c'est que ce
crédit dure toujours , depuis un bon bout de temps, on n'ait pas fait le moindre
effort pour donner un petit bout de commencement de quelque
(p11->) (I/11) Dès
lors ; je me sens pas mal honoré qu'on m'interroge sur ce thème : "
où est la vraie vérité de votre discours ?" Et
je peux même, après tout, trouver que c'est bien justement en tant qu'on ne
me prend pas pour un philosophe, mais pour un psychanalyste, qu'on me pose cette
question . Car une des choses les plus remarquables dans la littérature philosophique,
c'est à quel point entre philosophes, j'entends en tant que philosophant,
on ne pose en fin de compte jamais la même question aux philosophes, sauf pour
admettre avec une facilité déconcertante que les plus grands d'entre eux n'ont
pas pensé un mot de ce dont ils nous ont fait part noir sur blanc et se permettent
de penser à propos de Descartes, par exemple qu'il n'avait en Dieu que la foi
la plus incertaine parce que ceci convient à tel ou tel de ses com
Il y a une chose, en tout cas, qui n'a jamais semblé auprès de personne ébranler
le crédit des philosophes, c'est qu' on ait pu parler, à propos de chacun d'eux,
et des plus grands, d'une double vérité. Que donc, pour moi qui, entrant dans
la psychanalyse, mets en somme les pieds dans le plat en posant cette question
sur la vérité, je sente soudain ledit plat s'échauffer sous la plante de mes
pieds, ce n'est là après tout qu'une chose dont je puis me réjouir, puisque,
si vous y réfléchissez, c'est quand même moi qui ai rouvert le gaz . Mais, laissons
cela maintenant, entrons dans ces rapports de l'identité du sujet, et entrons-y
par la formule cartésienne dont vous allez voir comment j'entends aujourd'hui
l'aborder.
Il est bien clair qu'il n'est absolument pas question de prétendre dépasser
Descartes, mais bien plutôt de tirer le ma-(->p12)
(I/12)ximum d'effets de
l'utilisation des impasses dont il nous connote le fond.
Si l'on me suit donc dans une critique pas du tout commentaire de texte, qu'on
veuille bien se rappeler ce que j'entends en tirer pour le bien de mon propre
discours. "Je pense donc je suis" me paraît sous cette forme contrer
les usages communs au point de devenir cette monnaie usée sans figure à laquelle
Mallarmé fait allusion quelque part. Si nous le retenons un instant, et essayons
d'en polir la fonction de signe, si nous essayons d'en réanimer la fonction
à notre usage, je voudrais remarquer ceci : c'est que cette formule, dont je
vous répète que sous sa forme concentrée nous ne la trouvons dans Descartes
qu' en certains points du "Discours de la Méthode", ce n'est point
ainsi sous cette forme densifiée qu'elle est exprimée. Ce "je pense, donc
je suis", se heurte à cette objection - et je crois qu'elle n'a jamais
été faite - c'est que "je pense" n'est pas une pensée. Bien entendu,
Descartes nous propose ces formules
Pour nous particulièrement, la pensée
commence à l'inconscient. On ne peut que s'étonner de la timidité qui nous
fait recourir à la formule des psychologues quand nous essayons de dire quelque
chose sur la pensée, la formule de dire que c'est action à l'état d'ébauche,
à l'état réduit, le petit modèle économique de l'action. Vous me direz qu'on
trouve çà dans Freud quelque part, mais bien sûr, on trouve tout dans
Freud ;
C'est justement ce que je prétends. Pour éclairer mon propos, je pointerai ceci que "je pense" pris tout court sous cette forme, n'est logiquement pas plus sustentable, pas plus : supportable que le "je mens", qui a déjà fait problème pour un certain nombre de logiciens, ce "je mens" qui ne se soutient que de la vacillation logique, vide sans doute mais soutenable, déploie ce semblant de sens, très suffisant d'ailleurs pour trouver sa place en logique formelle. "Je mens," si je le dis, c'est vrai, donc je ne mens pas, mais je mens bien pourtant puisqu'en disant "je mens", j'affirme le contraire.
(p14->)
(I/14) I1 est très facile de démonter cette
prétendue difficulté logique et de montrer que la prétendue difficulté où
repose ce jugement tient en ceci : le jugement qu'il comporte ne peut porter sur
son propre énoncé, c'est un collapse: c'est sur l'
Ces petits paradoxes, dont les logiciens
font grands cas, d'ailleurs pour les ramener immédiatement à leur juste
mesure, peuvent passer pour de simples amusements ; ils ont quand même leur intérêt
: ils doivent être retenus pour épingler en somme la vraie position de toute
logique formelle, jusque et y compris ce fameux logicopositivisme dont je
parlais tout à l'heure. J'entends par là qu'à notre avis on n'a justement pas
assez usé de la fameuse aporie d'Epiménide - qui n'est qu' une forme
plus développée de ce que je viens de vous présenter à propos du "je
mens" -que "tous les Crétois sont des menteurs". Ainsi,
parle Epiménide le Crétois, et vous voyez aussitôt le petit tourniquet qui
s'engendre. On n'en a pas assez usé pour démontrer la vanité de la fameuse
proposition dite affirmative universelle A. Car en effet, on le remarque à ce
propos, c'est bien là, nous le verrons, la forme la plus intéressante de résoudre
la difficulté. Car, observez bien ce qui se passe, si l'on pose ceci qui est
possible, qui a été posé dans la critique de la fameuse affirmative
universelle A dont certains ont prétendu, non sans fondement, que sa substance
n'a jamais été autre que celle d'une proposition universelle négative
"il n'
1) il s'en glorifie
2)
il veut par là vous dérouter en vous prévenant véridiquement
de sa méthode ; mais cela n'a pas d'autre volonté, cela a
le même succès que cet autre procédé qui consiste à annoncer que soi on n'est pas poli, qu'on est
d'une franchise absolue.
Cela c'est le type qui vous suggère d'avaliser tous ses bluffs.
I1 y a donc là, chez
Aristote, quelque
chose que nous pouvons interpréter comme quelque tentative justement
d'exorciser un transfert qu'il croyait un obstacle au développement du savoir.
C'était d'ailleurs de sa part une erreur puisque l' échec en est patent. I1
fallait aller sûrement un peu plus loin que Platon dans la dénaturation du désir
pour que les choses débouchent autrement. La science moderne est née dans un
hyperplatonisme et non pas dans le retour aristotélicien sur, en somme, la
fonction du savoir selon le statut du concept . I1 a fallu, en fait, quelque
chose que nous pouvons appeler la seconde mort des Dieux, à savoir leur
ressortie fantomatique au moment de la Renaissance, pour que le verbe nous montrât
sa vraie vérité, celle qui dissipe, non pas les illusions, mais les ténèbres
du sens d'où surgit la science moderne.
(p17->)
(I/17) Donc nous l'avons dit
- cette phrase de : "je pense" a l'intérêt de nous montrer
- c'est le minimum que nous puissions en déduire - la dimension
volontaire du jugement. Nous n'
Si je dis : il dit que je mens, cela va
tout seul, cela ne fait
Il y a tout de même quelque chose ici qui doit nous retenir, c'est que si je dis "je sais que je mens" cela a encore quelque chose de tout à fait convaincant qui doit nous retenir comme analystes puisque, comme analystes justement, nous savons que l'original, le vif et le passionnant de notre intervention est ceci que nous pouvons dire que nous sommes faits pour dire, pour nous déplacer dans la dimension exactement opposée, mais strictement corrélative, qui est de dire : "mais non, tu ne sais pas que tu dis la vérité", ce qui va tout de suite plus loin. Bien plus : "tu ne la dis si bien que dans la mesure où tu crois mentir et quand tu ne veux pas mentir, c'est pour te garder de cette vérité".
(->p18)
(I/18) Cette vérité, il semble qu'on ne puisse
l'atteindre qu'à travers ces lueurs, 1a vérité fille en ceci - vous vous rappelez
nos termes - qu'elle ne serait par essence comme tout autre fille qu'une égarée,
eh bien, il en est de même pour le "je pense". I1 semble bien que
s'il a le cours si facile pour ceux qui l'épellent ou en rediffusent le message,
les professeurs, çà ne peut être qu'à ne pas trop s'y arrêter. Si nous avons
pour le "je pense" les mêmes exigences que pour le "je mens",
ou bien ceci voudra dire: "je pense que je pense", ce qui n'est alors
absolument parler de rien d'autre que le "je pense" d'opinion ou d'imagination,
le "je pense" comme vous dites quand vous dites "je pense qu'elle
m'aime" qui veut dire que les embêtements vont commencer.
A suivre Descartes, même dans le texte des Méditations, on est surpris du nombre
d'incidences sous lesquelles ce "je pense" n'est rien d'autre que
cette dimension proprement imaginaire sur laquelle aucune évidence, soi-disant
radicale, ne peut même être fondée s'arrêter. Ou bien alors ceci veut dire :
"je suis un être pensant" - ce qui est, bien entendu, alors bousculer
à l'avance tout le procès de ce qui vise justement à faire sortir du "je
pense" un statut sans préjugés, comme sans infatuation à mon existence.
Si je commence à dire : "je suis un être", cela veut dire : je suis
un être essentiel à l'être, sans doute, il n'y a pas besoin d'en jeter plus,
on peut garder sa pensée pour son usage personnel.
Ceci pointé, nous nous trouvons rencontrer ceci qui est important : nous nous
trouvons rencontrer ce niveau, ce troisième terme que nous avons soulevé à propos
du "je mens", c'est à savoir qu'on puisse dire : "je sais que
je mens", et ceci
C'est
qu'il n'a jamais été, dans la lignée philosophique qui s'est développée à partir des
investigations cartésiennes dites du cogito qu'il n'a jamais été qu'un seul sujet
que j'épinglerai, pour terminer, sous cette forme : le sujet supposé savoir. Il
faut ici que vous pourvoyiez cette formule du retentissement spécial qui, en quelque
sorte, porte avec lui ironie , sa question, et remarquiez qu'à la reporter
sur la phénoménologie et nommément sur la phénoménologie hégélienne,
la fonction de ce sujet supposé savoir prend sa valeur d'être appréciée quant
à la fonction synchronique qui se déploie en ce propos : sa présence
toujours là, depuis le début de l'interrogation phénoménologique, à un
certain point, un certain noeud de la structure, nous permettra de nous déprendre
du déploiement diachronique censé nous mener au savoir absolu.
Ce savoir absolu lui-même- nous le verrons à la lumière de cette question -
prend une valeur singulièrement réfutable. Mais seulement en ceci aujourd'hui
: arrêtons-nous à poser cette
Bien sûr, de ces efforts, il reste ce
que Hegel a déployé comme l'histoire du sujet ; mais cela ne veut absolument
pas dire que le sujet en sache un pépin de plus sur ce de quoi il retourne. Il
n'a, si je puis dire, d'émoi qu'en fonction d'une supposition indue, à savoir
que l'Autre sache qu'il y ait un savoir absolu, mais l'Autre en sait encore
moins que lui, pour la bonne raison, justement qu'il n'est pas un sujet. L'Autre
est le dépotoir des représentants représentatifs de cette supposition de
savoir, et c'est ceci que nous appelons l'inconscient pour autant que le sujet
s'est perdu lui-même dans cette supposition de savoir. I1 entraîne çà
à son insu, çà, ce sont les débris qui lui reviennent de ce que pâtit sa réalité
dans cette chose, débris plus ou moins méconnaissables. Il les voit revenir,
il peut dire ou non dire : c'est bien cela ou bien ce n'est pas cela du tout :
c'est tout à fait ça tout de même.
La fonction du sujet dans Descartes,
c'est ici que nous reprendrons la prochaine fois notre discours, avec les résonnances
que nous lui trouvons dans l'analyse. Nous essaierons, la prochaine fois, de repérer
les références à la phénoménologie du
note: bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire,
ou si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par
avance de m'adresser un émail.
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commentaire Ce séminaire a
été relu et corrigé par Eric MOCHER le 23.08.2004